Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 7 juin 2017.

Ford Chester COWHERD ("Chuck") / 15068629
3014 Aubert Avenue, Louisville, Jefferson County, Kentucky, USA
Né le 9 mai 1923 à Hopkinsville , Kentucky / † le 20 février 2005 à West Palm Beach, Floride, USA
T/Sgt, USAAF 91 Bomber Group, 323 Bomber Squadron, mécanicien et mitrailleur tourelle dorsale
Atterri près de la Leemstraat, non loin de la ferme quartier "Ter Hoeve", au nord-ouest de Testelt, Brabant, Belgique.
Boeing B-17F-BO Flying Fortress (Forteresse Volante), n° série 42-29559, OR-Q / " STUP'N'TAKE-IT ", abattu le 17 août 1943 lors d'un raid sur Regensburg et Schweinfurt.
Ecrasé près de Testelt (Diest) au nord-est de Langdorp, Brabant, Belgique.
Durée : 7 semaines
Passage des Pyrénées : le 8 octobre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d’équipage MACR 278. Rapport d'évasion E&E 124, disponible en ligne.

Le B-17 décolle de Bassingbourn vers 11h30 heure anglaise. L'appareil est sérieusement endommagé (deux moteurs de gauche mis hors d'usage) lors d'une attaque d'une trentaine de Focke-Wulf au-dessus de l'Allemagne et doit rentrer à sa base. Le Me 110 du II./NJG1 basé à Saint-Trond, piloté par le Lt Walter Barte, est crédité de son abandon par l'équipage au-dessus de Testelt. Charles Bennett indique qu’un obus de 20mm explose dans le poste de pilotage. Il blesse sérieusement son copilote Stanley Dahlman, Bennett étant touché à la jambe par des éclats du projectile. Bennett ajoute qu’il aide Dahlman, sonné, à terminer d’endosser son parachute et qu’il le pousse vers la trappe d’évacuation mais qu’à ce moment-là, le B-17 explose et Bennett est expulsé du cockpit par l’explosion de l’avion en plein vol. Stanley Dahlman n’en réchappera pas. Revenu à lui, Bennett aperçoit six autres parachutes durant sa descente.

Le 2nd Lt Stanley A. Dahlman, 22 ans, ainsi que l’opérateur radio le T/Sgt William J. Barrett et le mitrailleur gauche le S/Sgt Thomas J. Hunt seront d’abord inhumés tous trois au cimetière de la base militaire de Sint-Truiden / Saint-Trond et, immédiatement après la guerre, au cimetière américain de Neuville-en-Condroz. Seul William Barrett repose encore là, les restes de Stanley Dahlman et de Thomas Hunt ayant été rapatriés aux Etats-Unis à la demande de leurs familles.

Quatre autres hommes, gravement blessés, seront arrêtés par les Allemands et soignés à l’Hôpital Bordet à Bruxelles : le bombardier 1st Lt Maurice J. Sullivan, le mitrailleur droit Sgt Robert G. Gaynor, le mitrailleur ventral Sgt John F. Greager (qui avait également été expulsé de l’appareil lors de l’explosion et avait brièvement vu Bennett après leur atterrissage) et le mitrailleur arrière S/Sgt Edward P. Troy. Après leur guérison, ils passeront par le centre d’interrogation Dulag Luft à Oberursel près de Francfort avant d’être internés dans divers Stalags (Edward Troy, qui avait perdu son oeil gauche lors des tirs de Me110 et qui, malgré sa blessure, était resté à son poste en mitraillant les attaquants, a été rapatrié avant la fin de la guerre dans le cadre d’un échange de prisonniers. Il a été décoré de la Distinguished Flying Cross pour son acte de bravoure lors de la mission).

Outre Ford Cowherd, un seul autre membre de l’équipage réussira son évasion : son pilote Charles Bennett, le navigateur Adrian Van Bemmel initialement évadé comme eux se fera arrêter avant la frontière espagnole.

Ford Cowherd saute par la soute à bombes d’une altitude de 3700 m, perd son kit d’évasion dans son saut et compte six parachutes autour de lui. Les bimoteurs Messerschmitt volent autour de lui lors de sa descente mais ne tirent pas et rejoignent leur base à Sint-Truiden / Saint-Trond. Il atterrit dans un arbre derrière l'école de Hoeve à Testelt. Une foule l’entoure et on lui apprend que deux de ses co-équipiers se trouvent non loin de là.

On le mène près de Van Bemmel, inconscient, dont il vérifie l’état et défait le harnais de parachute. Comme le navigateur n’a rien de cassé, Cowherd le quitte pour aller près de Troy, gisant sur le sol, son œil gauche éjecté de son orbite, et le droit entaillé de petits éclats de verre. Van Bemmel les rejoint avant que quelqu’un les avise que les Allemands arriveraient dans quelques minutes sur les lieux. Ils doivent abandonner Troy et, alors que Van Bemmel se dirige vers le sud-est, Cowherd prend la direction du nord-ouest.

Cowherd entend le son de moteurs de motocyclettes tandis qu’il court à travers un champ pour aller se réfugier dans un bois. Il cherche refuge dans un fossé où il reste caché pendant 6 heures. Les Allemands sont en patrouille tout autour et Cowherd est témoin du crash d'un B-17 du 305 Bomber Group près de Testelt (le 41-24564, XK-W 'Patches') et dont il voit s’échapper des parachutes, certains des hommes atterrissant à peu de kilomètres d’où il se trouve.

Il quitte alors sa cachette et en courant et en rampant, il atteint un autre fossé à environ 1 km plus loin. Il va se réfugier sous un pont et aperçoit un soldat allemand qui l’emprunte à moto, sans le voir. La nuit venue, il approche d’une ferme isolée et voit une fermière assez âgée à laquelle il s’adresse, lui montrant qu'il a faim. La fermière lui donne du pain et du lait, mais, comme elle ne le comprend pas lorsqu’il demande où il se trouve dans le peu de français qu’il connaît, il va dormir dans une meule de foin plutôt que de continuer à marcher dans l’obscurité. Réveillé avant l’aube, il s’aide de sa boussole en marchant, toujours vers le sud-ouest. Il arrive à un petit village et s’y réfugie dans un fossé, caché par des hautes herbes et des broussailles. Il tente de reconnaître l’endroit, proche d’une route et attend une heure avant de bouger à nouveau.

Il voit alors un homme âgé sortir d’une maison, emprunter un sentier tout proche de sa cachette et Cowherd lui fait signe de s’approcher de lui. L’homme (VAN ROMPAEY, Langdorpsesteenweg à Aarschot) lui apprend alors qu’il se trouve près d’Aarschot, le quitte un instant, retourne à sa maison et revient par après avec sa fille qui parle un peu le français. Cowherd lui explique qu’il a besoin d’aide et de nourriture. Plus tard dans la matinée, la jeune femme lui apporte de quoi manger et lui dit qu’elle cherchera entretemps quelqu’un qui puisse l’aider. Il la voit alors rentrer dans une maison voisine de la sienne, puis l’aperçoit à une fenêtre à l’étage, discutant avec une autre femme en pointant un doigt dans sa direction. Peu après, la jeune femme revient accompagnée de deux hommes apportant des vêtements civils qu’il endosse. Il suit les hommes jusqu’à une cabane dans une zone boisée. On lui indique qu’il serait rapatrié par avion vers l’Angleterre. Il dort quelques heures dans cette cachette et à l’obscurité tombée, l’un des hommes revient et l’emmène chez lui, où il rencontre deux hommes venus d’Aarschot.

On lui apprend que deux hommes de son équipage sont en sécurité et qu’il rejoindra son pilote Bennett durant la soirée. Les deux hommes le guident jusqu’à Aarschot et il y rencontre effectivement Bennett. Cowherd loge deux jours chez l’un des deux hommes, Jozef CLAES, chef de police, et son épouse Maria, née STANS, au 148 Leuvensestraat à Aarschot. Selon un rapport d’activités du couple CLAES-STANS que nous a transmis en novembre 2012 leur fille Magda Claes, les deux hommes en question étaient son père Jozef CLAES et Jules ROELANTS, du 15 Jozef Tielemansstraat à Aarschot. [ Jozef CLAES, né le 1er avril 1908 à Mol, a été arrêté chez lui par la Gestapo le 13 octobre 1943 et fusillé à Brasschaat le 30 novembre 1943.]

Selon le récit de Maria CLAES, dans l’après-midi du 19 août, Cowherd, Bennett et Van Bemmel, qui les avait rejoint chez les CLAES dans la soirée du 17, quittent la maison de ces derniers, guidés à vélo par Maria, précédée sur la route par Jos CLAES (fils de Leon CLAES et n’ayant aucun lien de parenté avec Jozef…) Toujours selon Maria, arrivés à l’église d’Aarschot, ils rencontrent Désiré MERTENS, son père George MERTENS et Frans STORMS, tous trois membres du Front de l'Indépendance de Louvain. Elle les quitte alors et les voit prendre à vélo la direction de Betekom, à l’ouest d’Aarschot. Le groupe arrive finalement à Boortmeerbeek où Bennett va loger chez une famille aisée. Van Bemmel et Cowherd vont chez les VANDERHOEVEN (Englebert, Eugene et Maria VANDERHOEVEN, Beringestraat, Boortmeerbeek.)

Le 20 août, Frans STORMS guide Cowherd à Winksele, où il reste chez Jules VERVOORT, sa femme et ses deux filles au 114 Warotstraat. Bennett y déménage par la suite. Dans son rapport, Cowherd mentionne qu’après ce séjour de 15 jours chez les VERVOORT, Frans STORMS l’a guidé vers Liège (vraisemblablement en train), où Cowherd aurait revu Bennett, avec lequel il indique avoir pris un train pour Bruxelles. Ce passage vers Liège n’est pas confirmé par nos autres sources et il n’en est pas fait mention dans le rapport de Bennett…


Quelque part en Belgique en août 1943, photo clandestine. (archives Comète).
Il s'agit du jardin de Jules Vervoort à Winksele.


Cowherd et Frans Storm chez Jules Vervoort à Winksele.

Cowherd, qui se trouvait au 114 Warotstraat à Winksele chez Jules VERVOORT, sa femme et ses deux filles, retrouve Bennett le 3 septembre alors qu’il est en route à vélo vers Malines. Leurs guides sont à nouveau Frans STORMS, George MERTENS et Désiré MERTENS. A Malines, Cowherd et Bennett sont logés chez le prêtre de la paroisse de Hanswijk, Désiré STORMS, sans lien de parenté avec Frans.

Après quelques jours, Aline DUMONT ("Lilly" = "Michou") vient les chercher chez le prêtre à Malines pour les mener en train ("chez elle" à Bruxelles, selon Bennett). Ils sont logés dans un flat de la Rue Royale, chez deux dames parlant anglais. Le rapport de Cowherd dit que c’est chez sa logeuse qu’il a rencontré "Lilly", connectée avec l’organisation...

Les archives de Comète nous apprennent que Cowherd et Bennett ont passé passent 17 jours par le centre de rassemblement chez Hélène CAMUSEL au 160 Rue Marie-Christine à Laeken, du 10 au 27 septembre (selon des archives), jusqu’au 23 septembre selon le rapport de Bennett…

Le 27 (23…) septembre, un guide (Georges ARNOULD, ou "Albert le patissier") conduit Bennett et Cowherd à Tournai en train. De là, il les guide en tram à proximité de la frontière (au passage de Rumes). Une jeune Française (Henriette HANOTTE, "une Belge née en France") les y attend et les conduit au soir chez le douanier Maurice BRICOUT et sa femme Rachel, à Bachy en France.


Le 23 ou le 26 septembre 43 au passage de Rumes :
De gauche à droite : un prisonnier ukrainien évadé, Charles Bennett, Georges Arnould, un second Ukrainien, Ford Cowherd.
Accroupis devant : Henriette Hanotte et Jules Thomé. (photo de Henriette Hanotte)

Bennett rapporte que le lendemain matin, ils ont marché pendant 2 heures jusqu’à Lille, mais cela paraît peu vraisemblable, non seulement vu la distance, mais aussi de par le circuit généralement emprunté depuis Bachy. Il est donc plus que probable qu’ils ont marché jusqu’à la gare de Cysoing, d’où ils ont pris vers 09h00 un train vers Lille. Arrivés là, ils quittent la gare avec un grand guide aux cheveux foncés qui les mène à Paris.

Un dénommé "Georges, le chef de l’organisation" (Jacques le GRELLE) les y prend en charge et les interroge avant de les remettre à une dame de petite taille (1m50), d'environ 50 ans (Germaine FLACHET).

Elle les conduit en Métro de l'autre côté de la ville, où un Albert, environ 30 ans, les prend dans son flat au 3e étage à la Rue Oudinot où il habite avec son épouse Georgette et leur fille de huit ans (près de chez Aimable FOUQUEREL, arrêté en juin). Sa mère et sa sœur leur rendent des visites. Après deux jours, Bennett va ailleurs et Cowherd est rejoint par Roy Claytor, pilote de B17 abattu lors du même raid.

Cowherd et Claytor voyageront ensemble par la suite, Bennett partant dans un groupe antérieur.

Cowherd, Claytor et Clifford Cole logent à Bayonne chez Pierre ARRIEUMERLOU. Leur groupe passe la Bidassoa avec Jean-François NOTHOMB et Marcel ROGER, cinq jours après Charles Bennett lors de ce 61e passage de Comète.

Cowherd, Cole et Claytor arrivent à Gibraltar le 15 octobre 1943. Comme les autres, Cowherd est interrogé à Gibraltar par Donald Darling et le Major Grady Lewis. Il quitte Gibraltar par avion et arrive en Angleterre le 18 octobre 1943.

Ford Cowherd repose au Hillcrest Memorial Park Cemetery à West Palm Beach, Floride, USA.

Le récit du raid et d'autres photos de l'équipage se trouvent à http://www.91stbombgroup.com/91st_info/schweinfurt_raid.pdf.

Le 9 mai 2015, à l’occasion d’une cérémonie d’hommage à Henriette Hanotte ("Monique"), la famille de Ford Cowherd est venue spécialement des Etats-Unis pour rencontrer Henriette à Bachy et échanger avec elle quelques souvenirs de l’époque où leur père et beau-père était aidé par Comète.


A Bachy le 9 mai 2015, Charles Cowherd devant le panneau consacré aux évadés du 42-29559,
dont son père (photo E. Renière)


De gauche à droite, Jeff Smith et son épouse Gale (fille de l’aviateur),
Charles Cowherd et sa compagne Betty Holley (photo E. Renière)

Voir les détails concernant cette cérémonie sur la page d’Henriette Hanotte.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters