Fiche modifié le 3 août 2022.
Charles Horace ELWELL / 31169183
226 Lincoln Street, Waterbury, Connecticut, USA
Né le 26 mai 1920 à Middlebury, Connecticut / † le 23 avril 1988 à Middlebury, Connecticut, USA
T/Sgt USAF 94 Bomber Group 331 Bomber Squadron, opérateur radio.
près de Blandain, Hainaut, Belgique.
Boeing B-17F-105-BO Flying Fortress (Forteresse Volante), 42-30457 «Jimmy Boy II» (QE-N), touché par la Flak et abattu par des chasseurs le 14 octobre 1943 lors d'une mission sur Schweinfurt.
Ecrasé vers 17h30 entre La Vache Noire et Le Tronay, Commune de Peroy-lès-Gombries, Oise, France.
Durée : 11 mois.
Caché dans le Pas-de-Calais jusqu’à la Libération le 2-3 septembre 1944.
Rapport de perte d'équipage MACR 792. Rapport d'évasion E&E 1664 disponible en ligne.
L'appareil décolle de la base de Bury St Edmunds vers 10h35 heure anglaise. En vol vers l’objectif, dès le départ de son escorte de chasseurs P-47, la formation est attaquée par une nuée de chasseurs allemands. Le B-17 est touché au stabilisateur vertical mais poursuit son vol vers la cible, sous les attaques constantes de la chasse allemande. Les bombes sont larguées et, malgré la Flak, relativement légère, mais surtout les assauts des chasseurs, le B-17 échappe miraculeusement à la destruction. Un énorme trou a été percé dans l’aile gauche et sur le vol du retour, le moteur n° 1, d’abord mis en drapeau par le pilote, puis remis en marche, commence à s’emballer, ce qui entraîne une perte de vitesse et la perte du contact avec le reste de la formation. Comme la réserve d’oxygène s’épuise et que l’incendie qui s’était déclaré dans le moteur n°2 ne peut être éteint, le pilote donne l’ordre d’évacuer. Selon les rapports de membres de l’équipage, cela se passe vers 15h00 à hauteur de Compiègne «à 15km au nord de Crépy-en-Valois».
Tout l’équipage sera sain et sauf. Le pilote, 2nd Lt Thomas W. Beal (qui a probablement pu échapper quelques mois à la capture ?) et son copilote le 2nd Lt Hubert J. Moseley seront faits prisonniers et internés au Stalag Luft 3, puis évacués en fin janvier 1945 par marche forcée jusqu’au Stalag 7A à Moosburg. Les huit autres, dont Charles Elwell (la présente fiche) parviendront à s’évader. Seront évacués via les Pyrénées par d’autres lignes : le bombardier 2nd Lt Edward R. Burley Jr (E&E 307), le navigateur 2nd Lt George E. Glatthar Jr (E&E 308), le mitrailleur droit S/Sgt Robert J. Hamrick (E&E 365), le mitrailleur ventral S/Sgt Levoun J. Jamgochian (E&E 363), le mitrailleur arrière S/Sgt Laurence B. Sheck (E&E 364) et le mécanicien/mitrailleur T/Sgt James E. Tracy (touché dans l’avion par un éclat de la Flak-E&E 507). Tout comme Elwell, le mitrailleur gauche S/Sgt Robert L. Dillon (E&E 2240) restera caché en France jusqu’à la Libération.
Charles Elwell, dont c’est la première mission, saute à environ 1500 m d’altitude. On suppose qu’il a atterri du côté de Blandain (entre Tournai, Belgique et Villeneuve-d’Ascq, France). Il se cache dans un bois et dissimule son parachute, son harnais et sa Mae West dans des buissons. Son rapport, très succinct, ne donne aucun autre détail quant à son périple. Nous avons pu le reconstituer en partie, notamment grâce aux éléments repris dans le récit de Charles Carlson.
Charles Carlson se trouve près de la frontière franco-belge vers la mi-février 1944. Comme une recrudescence de l’activité de l’armée allemande le long de la frontière entraîne son déplacement vers Bachy, il se retrouve dans la maison de Maurice BRICOUT, douanier au poste frontière de cette localité. A noter que dans un rapport établi après le conflit par Albert MATTENS (« Jean-Jacques », passeur international de Comète pour la liaison Paris-Bruxelles depuis l’été 1943 jusqu’à son arrestation le 6 janvier 1944), il est indiqué que Raymonde HOËL (voir la photo en bas de la page de Carlson) et sa sœur Nelly, habitant à Rumes dans une petite ferme située dans la zone neutre de la frontière franco-belge, facilitaient le passage de la zone contrôlée. Cette même zone était traversée par des terres appartenant à Augustin ABRAHM, qui laissait le libre passage à travers sa propriété. Plus loin dans son rapport, MATTENS signale que Mr ABRAHM a porté de l’aide à Carlson et Elwell, sans autres précisions.
C’est donc en arrivant chez BRICOUT, que Carlson y rencontre Charles Elwell, avec lequel il restera pendant pratiquement tout le reste de son évasion. Lors d’une rencontre le 31 mai 2013 chez Monique HANOTTE avec Margaret Fricke, la fille de Charles Carlson, Monique nous a appris qu’elle avait convoyé Elwell également pour le confier à BRICOUT. Le nom de Monique ne figure pas dans l’Appendix C du rapport d’évasion d’Elwell, pas plus que dans celui de Carlson (voir la page de ce dernier).
Peu avant le 1er mars, apprenant que les Allemands préparaient des rafles dans Bachy à la recherche d’aviateurs évadés, BRICOUT fait rapidement déménager Elwell et Carlson vers le grenier de l’école locale où ils passent un weekend. Le dimanche soir, ils retournent chez BRICOUT, les Allemands étant partis sans avoir pu rien trouver mais promettant une forte récompense.
Carlson poursuit son récit en disant que durant les semaines qui suivirent, BRICOUT les mena souvent se promener ouvertement dans Bachy, les présentant à tout le monde, se disant certain que personne ne les dénoncerait, ce qui s’est effectivement vérifié. Carlson indique qu’Elwell et lui participent à des actions de sabotage, mais ne précise pas la nature de ces activités. Au début du mois de mai, on annonce aux deux aviateurs que le temps est venu de poursuivre leur route vers l’Espagne. BRICOUT leur a préparé des faux papiers, Carlson y devenant Charles Henri Le Blanc.
Il était prévu que Carlson et Elwell voyageraient séparément vers Paris où ils seraient à nouveau réunis avant leur départ pour l’Espagne. Un guide vient d’abord chercher Elwell expliquant qu’ils se déplaceraient en trois étapes et qu’il reviendrait plus tard chercher Carlson. Six jours après la date prévue pour le départ de Carlson, le guide revient avec Elwell indiquant que la maison où ils auraient dû loger à Paris avait été investie par les allemands.
Comme le Débarquement approche, la recrudescence des bombardements rend le réseau ferroviaire impraticable et BRICOUT guide Carlson et Elwell à pied jusqu’à Cysoing où le maire les fait se cacher pendant quelques jours dans le beffroi de l’hôtel de ville. Dans son rapport d’évasion, Carlson ne mentionne que le maire de Camphin-en-Pévèle, André DEWAUVRIN, à 4 km au nord-est de Cysoing. Le rapport d’Elwell comporte la même mention. A toutes fins utiles, signalons que le maire de Cysoing de 1937 à 1947 était Jean-Baptiste HENNO…
Dans son récit, Carlson rapporte qu’Elwell et lui ont alors marché et roulé (à vélo ? en voiture ?) pendant plusieurs jours, séjournant rarement plus d’un jour à l’un ou l’autre endroit. Il signale qu’ils ont passé la dernière nuit avant d’arriver à Billy-Montigny (destination qui leur avait été indiquée par BRICOUT) dans une petite maison à la campagne où ils dorment dans une étable. Le rapport d’Albert MATTENS mentionne que les deux hommes ont été hébergés par les familles TETU et VANDENEECKHOUTTE. Il s’agit de Louis TETU, 48 ans, habitant 15 Rue du Marais à Tressin et de Jean VANDENEECKHOUTTE, agent des postes au 45 Route Nationale à Chéreng.
Le lendemain (pas de date), une voiture arrive et on les conduit à Billy-Montigny chez le couple HELLER. Ernst et Joséphine Louise (dite Louise) HELLER, née HOLLESCH, tiennent un magasin-studio de photographie. Dans son récit, Carlson indique qu’Elwell et lui sont parmi les premiers aviateurs aidés par le couple et qu’ils passèrent deux nuits dans une pièce à l’étage du magasin à la fin mars (selon la chronologie du même récit, ce devrait être à la fin mai… et un article du Nord Eclair du 17 septembre 1944 mentionné à la fin du récit de Carlson indique que deux premiers aviateurs aidés par les HELLER étaient anglais et que leur arrivée datait de janvier 1944.) Par ailleurs, selon des éléments figurant dans un dossier officiel de Louise HELLER, reçu le 7 mai 2013 de Margaret, la fille de Carlson, il y a d’autres incohérences de dates. Dans son dossier, soumis aux autorités alliées, Louise HELLER donne les noms des 21 aviateurs aidés par elle, de même que des dates et des noms de personnes de son groupe "Voix du Nord" qui participaient à son action, soit pour l’hébergement, soit pour le ravitaillement ou l’intendance. En regard des noms de Carlson et Elwell, elle indique pour tous les deux : "Chez CAUDRELIER, Fossé 3, à Méricourt (Lens) de mars à juin 1944", "Chez Alfred CARON, cafetier au 2 Rue Emile Zola à Fouquières-lès-Lens, du 8 juillet au 25 août 1944." Note : L’avenue de la Fossé 3 à Méricourt se trouve entre Billy-Montigny et Sallaumines, au sud-est de Lens.
Louise Heller précise que Carlson et Elwell ont été hébergés chez elle pendant 5 semaines (sans précision de date… mais cela semble devoir être de début juin au 7-8 juillet 1944…) Comme tout cela ne correspond pas exactement au découpage dans le temps repris dans le récit de Carlson, nous prions le lecteur de tenir compte des dates ci-dessus pour la suite.
Carlson relate qu’après ce séjour chez les HELLER, Louise conduit Elwell et Carlson en voiture à la maison d’un contremaître des mines à Sallaumines, à 3 km de là (donc vraisemblablement la maison de CAUDRELIER ?…) Le contremaître n’y habite pas, mais bien sa fille et Carlson et Elwell y reçoivent souvent la visite de Louise HELLER. Cette dernière leur rapporte un jour que 15 à 20 wagons de munitions se trouvaient garés sur la voie près de la mine et leur demande leur avis, en informer Londres et risquer la vie des aviateurs et de civils en cas de bombardement allié de la cible, ou ne rien signaler ? Carlson lui dit qu’elle devrait aviser Londres et que c’est aux autorités à décider du risque de victimes civiles. Il s’est avéré que Londres a été informé et Carlson indique dans son rapport que quelques jours plus tard un bombardement de la RAF eut lieu, durant lequel Carlson, Elwell et la jeune fille s’abritèrent un long moment dans la cave. Les archives nous apprennent que ce raid eut lieu le 10 mai, qu’une partie importante de la gare et du matériel ferroviaire furent détruits, mais qu’il entraîna la mort de 70 civils…
Carlson poursuit son récit en indiquant qu’un soir à la fin du mois d’avril, après environ 3 semaines passées dans la maison (ce devrait donc être fin mai…), Louise HELLER arrive, visiblement énervée, disant que les deux aviateurs devaient immédiatement quitter Sallaumines. Ils rassemblent rapidement leurs affaires, montent à bord du véhicule qui les attend dehors, tandis que Louise reste un court instant seule avec la jeune fille à l’intérieur, avant de les rejoindre. Selon ce que Carlson apprend et rapporte, il semblerait que la jeune fille était sortie avec des soldats allemands et avait été vue en leur compagnie… L’obscurité était déjà tombée mais le chauffeur conduisait tous phares éteints. Pendant le trajet, Louise leur explique que le contremaître n’était plus digne de confiance, raison de leur déplacement vers une ville à l’ouest de Billy-Montigny. C’est ainsi qu’ils arrivent à Hénin-Liétard (devenue Hénin-Beaumont en 1971) devant une très grande maison entourée d’un haut mur de briques. Louise descend de voiture, ouvre une lourde porte en métal et le véhicule pénètre dans la cour intérieure. Carlson et Elwell restent dans l’auto pendant que Louise discute avec les propriétaires, pris par surprise, mais qui avaient manifesté auparavant leur accord d’aider des aviateurs. Ils sont introduits dans la maison et présentés à la propriétaire, dont ils ne connaîtront jamais le nom. Bien que huit soldats allemands et un officier occupent le deuxième étage, il est préférable que les deux aviateurs prennent le risque de loger ici avant qu’une autre cachette leur soit trouvée.
La dame leur apprend que plus d’une centaine d’allemands occupent une école de l’autre côté de la rue, et, pour éviter toute rencontre avec les soldats dans l’escalier, elle les fait dormir dans le salon au rez-de-chaussée de sa maison. Ils logent là durant sept jours et Louise HELLER vient les chercher la veille du retour de l’officier devant rentrer de congé le lendemain. Comme elle ne leur a trouvé aucune autre planque, elle les ramène chez elle où ils logent à nouveau à l’étage du studio.
Dans son récit, Carlson indique que durant "les 3 dernières semaines de mai", Elwell et lui rencontrent quelques-uns des aviateurs aidés par les HELLER et placés par eux à différents endroits. Il relate également son expédition "au début mai" chez un dentiste pour un problème de plombage abîmé lors de son atterrissage en octobre et qui lui faisait de plus en plus mal. Malgré sa crainte de voir un dentiste reconnaître la façon (américaine) de pratiquer les plombages – son frère Harold, dentiste ayant plombé une autre dent – Louise le convainc de se faire soigner et elle s’arrange pour le faire conduire chez le dentiste par un jeune garçon de 12 ans. La mauvaise dent est extraite et tout se passe finalement bien, malgré que Carlson ait cru percevoir un intérêt assez grand du dentiste pour ce plombage particulier.
Selon le récit de Carlson, "en début juin" (ce devrait être le 8 juillet…), Elwell et lui sont déplacés et vont loger chez Mr Alfred CARON, cafetier-restaurateur (au 2 Rue Emile Zola) à Fouquières-lès-Lens, un peu au nord de Billy-Montigny. Là, ils sont cachés dans une réserve à légumes derrière la cuisine. Comme le Débarquement a eu lieu entretemps, il est jugé préférable de ne plus les faire voyager et d’attendre l’arrivée des Alliés.
Le récit de Carlson saute alors au 3 septembre 1944, où les HELLER réunirent les 16 derniers aviateurs qu’ils avaient aidés pour un repas chez eux, la réunion étant immortalisée dans une photo, prise par Ernst Heller et que nous reproduisons ci-dessous. Carlson et Elwell assistent chez CARON au départ en désordre des troupes allemandes dans l’après-midi du 4 septembre, quelques heures avant l’arrivée du premier tank d’une Division blindée britannique. Un tankiste frappe à la porte du café vers 21h30 ce soir-là et il est convenu qu’un camion viendra les chercher au matin. Le lendemain le camion arrive, les conduit au QG de l’unité, d’où ils seront menés vers une unité américaine. Après deux jours d’interrogatoire, ils sont conduits à Paris où ils logent à l’Hôtel Meurice. Charles Carlson est interrogé par le 2nd Lt Robert Bacon du IS.9 le 6 septembre 1944 et est à nouveau interviewé le lendemain à son retour en Angleterre.
Le rapport E&E 1664 de Charles ELWELL donne les noms suivants de personnes qui l’ont aidé (quelques détails ont été ajoutés par nos soins) :
En Belgique: "Mr et Mme GATELLE, gare de Blandain» (Il pourrait s’agir de Walter CATOIRE, 30 Hameau des Quenoque, près de la gare de Blandain)"
En France:
Le n° 37 de "Billy-Infos", le bulletin d’informations municipales de Billy-Montigny, du 12 septembre 2008 (http://www.billymontigny.fr/IMG/pdf/BILLYINFOS_37-2.pdf) mentionne l'action des HELLER dans la Résistance. Ernst Heller, né à Budapest, Hongrie, en 1898 et son épouse Joséphine Louise, dite «Louise», née HOLLESCH, en Autriche en 1907, vont cacher des aviateurs à partir du début 1944. Ils seront au nombre de 21 au total, seize évadés se trouvant chez eux lors de la libération du village le 2 septembre 1944 par une unité blindée canadienne.
Une photo à www.awm.gov.au/collection/P03475.001 montre Louise Heller entourée de seize des 21 hommes aidés par le couple :
Margaret, la fille de Charles Carlson, nous a confirmé le 2 mars 2013 que son père se trouve à l’extrême gauche dans la rangée de devant tenant le chien des HELLER dans ses bras. Elle nous a fait parvenir par la suite un fascicule rédigé par Anne Jacobson Robertson au départ des souvenirs que lui a confié Charles Carlson et publié à titre privé par James Carlson (fils de Charles) en 1996 : "The Road Home – The story of bombardier Charles V. Carlson’s 11 months behind enemy lines with the Belgian and French underground during World War II". La photo ci-dessus, prise par Ernest HELLER, y figure et précise que William DuBose est assis à côté de Charles Carlson et que Charles Elwell est à l’extrême droite dans la rangée du haut. Le 2nd Lt William Clifford DuBose Jr (1924-2005) était pilote du P-38J Lightning n° 43-28274 du 55 Fighter Group/38 Fighter Squadron, abattu le 17 Juin 1944 – Rapport d’évasion E&E 1634.
Louise Heller décède en 1988, Ernst la suivra en 1990. Une stèle à leur mémoire a été érigée dans le village à l’initiative du Dr Barry McKeon et de son épouse, des Australiens qui s’occupèrent d’honorer les dernières volontés des Heller, sans succession, et qui avaient vécu les dernières années de leur vie en Australie.