Personne passée à une autre ligne d'évasion

Fiche modifiée le 1 mars 2016.

Allen Michael FITZGERALD/ 32310842
115-35, 226th Street, Cambria Heights/Route, Long Island, New York, USA
Né le 30 juillet 1918 dans le Nebraska/ † le 18 novembre 2000 à Rumson, New Jersey, USA
Sergent USAAF, 305 Bomber Group / 364 Bomber Squadron, mitrailleur droit
dans la région de Rouen, Seine-Maritime, France.
Boeing B-17F-BO Flying Fortress, 42-5232, WF-E / "Available Jones", abattu le 04 avril 1943 par la chasse allemande lors d'une mission sur les usines Renault à Paris-Billancourt.
Ecrasé entre le Val et Le Vaudreuil, Eure, Haute Normandie, France.
Durée : environ 4 mois.
Passage des Pyrénées : le 25 juillet 1943.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 15592. Rapport d'évasion E&E 60 disponible en ligne.

L'appareil décolle de Chelveston vers 10h30 et peu après le largage de ses bombes, il est attaqué à 60km au Sud de Rouen par une nuée de chasseurs allemands. Les moteurs 2 et 3 sont touchés et fument, le système électrique est rendu inutilisable, empêchant toute communication entre les membres de l'équipage. Le bout de l'aile gauche est détruit, le stabilisateur vertical est troué, le système d'alimentation en oxygène est détruit et l'avion perd de l'altitude et le contact avec la formation. Comme son coéquipier Jack Luehrs, Allen Fitzgerald réussit à abattre un des chasseurs. Un obus de 20 mm éclate dans la soute et le projette sur la tôle de blindage et blesse le mécanicien/mitrailleur latéral Sgt Miles L. Cooley. Fitzgerald comprend qu'il faut abandonner l'appareil. Il fait sauter la porte de la trappe d'évacuation, retourne à son poste pour tirer une dernière salve avant de sauter, voit cinq parachutes ouverts en-dessous, et, tandis que le S/Sgt Cooley tente d'extirper le mitrailleur ventral S/Sgt Edward C. Mescher de sa tourelle, il saute à 4300 m d'altitude, suivi du T/Sgt Luehrs et du mitrailleur arrière, Sgt John G. Hollenbeck.

Ed Mescher sera le seul à perdre la vie. Sept autres membres de l'équipage seront fait prisonniers : le pilote Lt Morris M. Jones (d'abord évadé, il rencontrera son mitrailleur Fitzgerald à Paris), le copilote Lt Edward T. Logan, le navigateur Lt Homer H. Mohr (d'abord évadé et renseigné comme prisonnier en date du 8 décembre 1943), le bombardier Lt Robert Fabec, le mitrailleur dorsal Sgt William H. Johnson et le S/Sgt Miles Cooley. Le Sgt Hollenbeck parvient d'abord à s'évader mais sera arrêté par la suite et interné lui aussi.

Le parachute d'Allen Fitzgerald refuse d'abord de fonctionner et ne s'ouvre finalement qu'à environ 3000 m et plusieurs chasseurs allemands tournent autour de lui pendant sa chute. Il atterrit dans un champ où plusieurs français s'étaient déjà attroupés pour l'accueillir. On lui enlève son parachute, on lui montre un bois où se cacher et, arrivé là, il s'approche d'un jeune fermier. Fitzgerald, qui parle un peu le français, lui déclare qu'il est Américain et le fermier lui dit de le suivre. Arrivés à la ferme, il se cache dans une étable où on lui apporte des vêtements civils. Ses pièces d'uniforme sont emportées et cachées et, à l'intérieur de la maison de ferme, la fermière lui prépare de quoi manger.

La sœur de la fermière arrive, donne son vélo à Fitzgerald qui roule derrière le fermier jusqu'à une maison à environ 8 km de là, croisant plusieurs véhicules allemands en route. Arrivés à la maison (qu'il décrit ailleurs dans son rapport comme un "château"...), le riche propriétaire, peu amical, insiste pour qu'il parte immédiatement et qu'il se rende, conseillant au fermier de le dénoncer aux Allemands. Fitzgerald et le fermier repartent alors à vélo, roulent 5 à 6 km pour arriver au sud de Rouen à un autre château, très grand, celui de M Roger RAOUL-DUVAL, où l'accueil est tout à fait différent. [Dans l'Appendix "C" de son rapport E&E 60, page 22/30, Fitzgerald écrit "Raul Duval (Rouen)". Il doit donc s'agir du domaine de la Motte qui appartenait à la famille Raoul-Duval et se situait à la limite sud-est du village de Vaudreuil, non loin du lieu du crash de l'appareil. Le fils d'Edgar Raoul-Duval, propriétaire du château, Claude RAOUL-DUVAL, avait rejoint l'Angleterre et, devenu pilote dans la RAF, il sera abattu quelques jours plus tard, le 17 avril 1943, près de Rouen, à bord de son Spitfire BS548 du 341 Squadron. Actif dans le réseau Oaktree, il a par la suite aidé des aviateurs alliés à s'évader, en liaison avec Élisabeth BARBIER à Paris et Comète... - voir ci-dessous - Son propre rapport d'évasion porte le n° SPG 3315/1471.]

On lui trouve une bonne cachette au château, ce qui lui évite d'être découvert lors d'une patrouille allemande fouillant une bonne partie de la propriété. Mr RAOUL-DUVAL échafaude immédiatement un plan pour amener l'aviateur à Paris, lui donne un nouveau costume et Fitzgerald loge cette nuit-là au château.

Le lendemain matin, 5 avril, Roger RAOUL-DUVAL et son épouse le précèdent à vélo vers une petite gare de village (vraisemblablement Saint-Pierre-de-Vaudray) d'où ils prennent un train vers une gare plus importante (Louviers ?). Arrivés à destination, ils sont accueillis par deux jeunes filles et un homme en civil... qui est son pilote, le Lt Jones. Le couple RAOUL-DUVAL, les deux jeunes filles, Fitzgerald et Jones partent alors en train pour Paris et arrivés à la Gare Saint-Lazare, ils sont guidés vers l'appartement des RAOUL-DUVAL, 43 Rue du Faubourg Saint-Honoré, en face du QG de la Luftwaffe. Mr RAOUL-DUVAL donne un coup de téléphone et peu après arrivent deux femmes dont l'une part avec Jones, tandis que l'autre mène Fitzgerald à son appartement près de la Rue Greuze (XVIème arrondissement). Dans l'appartement se trouvait une jeune fille, "KATHELINE"/"KATHLEEN". Celle-ci [Catherine JANOT du 11 Avenue d'Eylau] le conduit immédiatement à un grand magasin (le Bon Marché) pour le faire prendre en photos, Fitzgerald n'ayant pas de photos dans son kit d'évasion.

De retour à l'appartement, "Mr ROBERT" (= Robert AYLÉ, chef de Comète à Paris) vient l'interroger pour vérifier son authenticité et, satisfait des réponses de l'aviateur, celui-ci passe deux jours et deux nuits dans l'appartement. Le troisième jour, le 8 avril, Jack Luehrs arrive à l'appartement et Fitzgerald, quant à lui, est mené au n° 20 Rue Greuze dans l'appartement de la comtesse Hélène de SUZANNET, née Durant de Mareuil, veuve de Jean de Suzannet, chez qui il rapporte avoir logé 3 semaines et 2 jours et y avoir reçu des vêtements, en plus de la nourriture.

Durant son séjour au 20 rue Greuze, il reçoit la visite de "Val" (Val WILLIAMS, pseudonyme de Vladimir BOURYSCHKINE) qui lui parle d'un voyage en bateau pour l'exfiltrer vers l'Angleterre. Fitzgerald signale également la présence à l'appartement durant son séjour du canadien Elmer Bulman (F/Sgt Elmer L. Bulman - Halifax BB250 abattu le 11 mars 1943 - SPG 3314/1326 - évacué par la ligne Oaktree-Bourgogne via les Pyrénées en juin 1943). Il y rencontre également une américaine, Elizabeth CARMICHAEL, habitant aux USA à New York et à Charleston, Caroline du Sud, dont Fitzgerald dit d'elle qu'elle a tenté de le faire rentrer en Angleterre par avion (sans davantage de détails). A noter que la liste des helpers français ne reprend aucun "CARMICHAEL", mais il y a bien Miss Elisabeth CARMALT, renseignée au n° 28 Rue Vaneau, une des adresses ultérieures de Frédéric DE JONGH à Paris…

Le 30 avril, Fitzgerald et Bulman quittent l'appartement de la comtesse de SUZANNET pour se rendre à la gare où ils rencontrent deux polonais se trouvant en compagnie d'Élizabeth BARBIER et de PAUL (= Raymond LABROSSE, opérateur radio de Val WILLIAMS), qui les guident vers Saint Quay-Portrieux, au nord de Saint-Brieuc en Bretagne. Fitzgerald signale qu'il loge chez Jean et Marcelle LANLO à Saint Quay-Portrieux du 1er au 3 mai, partant ce jour là pour Saint-Brieuc où il reste "une semaine", en compagnie de 14 autres évadés, y compris son co-équipier Jack Luehrs (selon le rapport de ce dernier, cela se passe à "la Chimère", appartenant à Emilie CELLARIÉ, au 25 Rue des Dalliots, Quartier des Dalliots, à Tréveneuc, à environ 4 km au nord-est de Saint-Quay-Portrieux, mais le rapport de Fitzgerald ne le précise pas). Par ailleurs, le rapport de Jack Luehrs mentionne que c'est à Etables-sur-Mer, près de Saint-Brieuc, qu'il rencontre Fitzgerald dans l'appartement (rue de la Gare) appartenant au maire du village, Jérôme CAMARD (voir la fiche de Jack Luehrs).

Poursuivons le rapport de Fitzgerald : Comme il était prévu d'envoyer l'un des Américains dans un château à Paimpol, on tire au sort aux cartes et c'est lui qui est alors mené le 3 mai (selon son rapport) chez la comtesse Betty de MAUDUIT (Roberta de MAUDUIT, née LAURIE), au château du Bourblanc, à Plourivo, à 5 km au sud-ouest de Paimpol.


Le château du BOURBLANC.

Le château du BOURBLANC existe toujours. Les photos anciennes ci-dessus proviennent du site du château http://www.bourblanc.fr/notrehistoire.htm qui mentionne le rôle joué par la comtesse de MAUDUIT durant la guerre.

Dans la synthèse de séjours et de helpers du rapport E&E 60 de Fitzgerald, il est indiqué que c'est du 3 mai au 24 mai que Fitzgerald a été hébergé au château et qu'il y apprend que le projet de départ en bateau échafaudé par VAL ne pourra se réaliser. Selon le rapport E&E 59 du Lt Spevak (voir ci-dessous), c'est le 30 mai que, guidé par GEORGES (Georges JOUANJEAN), il arrive au château et y trouve Fitzgerald et d'autres aviateurs (Spevak cite le Lt Biggs, le Lt Kylius, le Sgt Allen Robinson, Glen Wells, Herman Marshall, Roy ou William Martin plus quelques membres de la RAF et RCAF.) Il ne semble donc pas exact, comme Fitzgerald le rapporte plus haut, qu'il soit resté "une semaine" à Saint-Brieuc avant d'être envoyé au château, il s'agirait plutôt d'1 jour (?).

Fitzgerald rapporte que "le 24 mai" [c'est le 5 juin au soir selon le rapport du Lt Nicols et confirmé dans celui du Lt Spevak (voir ci-dessous)], il est ramené à Paris, guidé par GEORGES (Georges JOUANJEAN) et PAUL (Raymond LABROSSE) en compagnie de Spevak, Nicols, Parks, Robinson et Davis. [Il s'agit de trois membres de l'équipage du B-17 n°42-29627 du 94BG/410 BS, abattu le 17 mai 43 lors d'une mission sur Lorient : le 1st Lt Edward Joseph Spevak (E&E 59), le 2nd Lt Donald Lee Nicols (E&E 75) et le S/Sgt Donald Cameron Parks - arrêté par la suite. Les autres sont le S/Sgt Allen Norman Robinson (E&E #103) du B-17 n° 42-5175 du 306BG/367BS abattu le 16 février 43 lors d'une mission sur St Nazaire et le S/Sgt Marcus K. Davis du B-17 n° 41-24609 du 303BG/359BS abattu le 4 avril 1943 lors d'une mission sur Rouen.]

Le groupe arrive à Paris le 6 juin (à 07h00 selon Nicols) et les hommes sont d'abord menés à l'appartement d'Élisabeth BARBIER au 72 Rue Vaneau (VIe arrondissement) qui leur apprend que VAL a été arrêté le 4 juin. Les évadés sont séparés et dans l'après-midi, Fitzgerald et Spevak vont chez Tiphaine Vve LUCAS MACDONALD (Comtesse de Boisboissel) et sa fille Suzanne LEGRAND au 4 Avenue de Nancy à Saint-Cloud où ils restent 1 semaine. (Le rapport de Fitzgerald reprend les dates "24-31 May" pour ce séjour...) Ils repassent à l'appartement d'Élisabeth BARBIER [pour un jour selon Spevak, qui signale que Fitzgerald et lui sont alors guidés par "MARIE" chez "Kitty ZIFINE" [la liste des helpers français reprend "ZIPINE Hinda (Betty)" au 4 Rue Nicolas Roret, XIIIe, où Spevak reste loger pendant 1 mois, du 12 juin au 5 juillet.] Fitzgerald, quant à lui, rapporte avoir rencontré "MARIE" chez Élisabeth et avoir été mené par elle à "Arniers" (Asnières-sur-Seine) chez Mr et Mme MONET au 71 Rue Victor Hugo. Il reprend dans son rapport que ce séjour chez les MONET se déroule "du 1er au 4 juin" et qu'il est ensuite guidé par MARIE vers l'appartement du Dr Louis FIRPI et son épouse au 101 Avenue Philippe-Auguste où il indique être resté du "4 juin au 9 juillet". La liste des helpers français ne reprend que "Dr. Nestor FIRPI et Mme Armadine" à cette adresse…

Durant son séjour chez les FIRPI, Fitzgerald déclare avoir reçu chaque jour la visite de Germaine BAJPAI (née FLACHET) qu'il a accompagné chaque soir pour aller partager le repas de Mr AARON au 93 Avenue Philippe-Auguste. Fitzgerald rapporte que ce Mr AARON est un ancien officier dans l'Armée française, qu'il a beaucoup de contacts avec les Anglais et les Américains, qu'il connaît beaucoup d'officiers allemands et qu'il aide la Résistance à former une armée secrète.

Germaine BAJPAI le conduit ensuite à la Rue Pierre Charron [Jacques NEUVILLE, ancien journaliste du New York Times] où il revoit "Marie" et Spevak. Le 15 juillet (selon Spevak) le groupe se rend à la gare d'Austerlitz où ils attendent leurs guides. Ceux-ci arrivent, deux jeunes Français et deux jeunes filles avec un Ecossais et un Américain " Taney " [ Il doit s'agir du T/Sgt Lewis Jay Taney, mitrailleur à bord de l'avion de Spevak. Taney, blessé à la jambe, décidera plus tard de se rendre pour être soigné - prisonnier au Stalag XVIIB en Autriche).]

Fitzgerald, Spevak et leurs guides montent dans le train à destination de Toulouse et, arrivés là, prennent un autre train pour Foix. Là, ils attendent un jour et une nuit l'arrivée de nouveaux guides. Ces derniers arrivent et ils mènent Fitzgerald et Spevak à pied à travers les Pyrénées orientales vers la principauté d'Andorre. Après une marche de trois jours, ils atteignent Andorre où ils se reposent pendant deux jours dans un hôtel à Andorra la Vella.

Fitzgerald et Spevak reprennent leur route à pied et passent en Espagne le 25 juillet 1943 pour arriver à Manresa d'où ils prennent un train pour Barcelone où ils se rendent au consulat britannique. Ils y sont interrogés le lendemain et après trois jours à Barcelone, ils partent en auto pour Madrid où le Major Clark les interroge le 28 juillet. Ils passent sept jours à l'Ambassade de Grande-Bretagne, puis quatre jours dans un hôtel. Ils partent ensuite pour Gibraltar où ils arrivent le 9 août, y sont interviewés le lendemain par Donald Darling et quittent Gibraltar par avion le 11, arrivant le même jour à Saint Mowgan en Angleterre. Fitzgerald est interrogé à Londres le 12 août 1943 par le major Nelson.

Fitzgerald est renseigné aussi comme Michael Allen Fitzgerald. Il repose au Calverton National Cemetery à Calverton dans l'Etat de New York. Son E&E 60 reprend sa date de naissance comme étant le 30 juillet 1917.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters