Dernière mise à jour le 5 décembre 2021.
George Godfrey GOLDSTEIN / O-659294
Virginie, USA
Né en 1919 en Virginie, USA / † en 2015 dans le Massachusetts
Captain USAAF 56th Fighter Group/62nd Fighter Squadron, pilote
Atterri près de Saint-Sauflieu, à 10 km au sud d’Amiens, Somme, France.
P-47C-2-RE Thunderbolt, 41-6242, LM-L «You Know What»/ «Irma», ennuis mécaniques le 5 décembre 1943, lors d’une mission d’escorte de bombardiers et de mitraillage sur des aérodromes dans le Nord de la France.
écrasé près de Poix-de-Picardie, Somme, France.
Durée : 7 semaines.
Arrêté le 18 janvier 1944 à Paris.
Rapport de perte d’équipage MACR 1433.
Dans une interview donnée en 2000, nous apprenons qu’ayant effectué 69 missions, la plupart d’escorte de bombardiers, Goldstein se préparait pour un congé de récupération de trois jours lorsqu’on lui demanda de remplacer un pilote incapable de voler sous l’effet d’une soirée trop arrosée la veille. Goldstein fit remarquer que son P-47, auquel il avait donné le nom de sa fiancée Irma, était déjà assez vieux mais on le rassura en lui disant qu’il serait bon pour encore une mission. Comme son commandant lui promet une permission de cinq jours au retour de cette mission, Goldstein accepte finalement de l’effectuer dans son appareil.
Goldstein décolle de Halesworth et guide le second élément de l’escadrille, commandée par le Captain Leroy A. Schreiber. Ce dernier rapporte qu’alors qu’ils approchaient de Paris, Goldstein l’a averti par radio que son hélice était morte et qu’il devait faire immédiatement demi-tour pour rejoindre la base. Schreiber l’accompagne, descendant d’une altitude de 9000 m jusqu’à 4000 m, et constate que le moteur du Thunderbolt de Goldstein n’aura pas assez de puissance pour qu’il puisse le garder en vol. Goldstein lui dit qu’il va évacuer son appareil et Schreiber voit son parachute se déployer vers 3600 m avant qu’il disparaisse de sa vue dans les nuages. Schreiber le positionne à hauteur de Poix.
En sautant, la jambe de Goldstein est touchée et coupée sérieusement par la queue de son appareil. Il atterrit sur le dos d’une vache dans un champ et manque de se briser le dos. Heureusement, il n’en est rien et bientôt des paysans lui font signe de s’enfuir. Ce n’est que lorsqu’il commence à courir qu’il se rend compte qu’il est blessé et que du sang suinte à travers la jambe de son pantalon. Il traverse un champ et va se réfugier dans une meule de foin, au surplomb d’un petit village (Saint-Sauflieu). Après un certain temps, il aperçoit un fermier sortant de sa maison pour aller à la toilette extérieure. A peine l’homme y est rentré que Goldstein bloque la porte derrière lui et lui crie qu’il est un aviateur américain, qu’il est armé et a besoin d’aide. Libéré, l’homme le laisse entrer chez lui, jette un coup d’œil à sa jambe et lui fait un pansement de fortune. Le fermier partage sa soupe avec lui avant de quitter la maison, lui disant d’y attendre son retour. Le fermier revient peu après, accompagné d’un homme qui lui demande ses plaquettes d’identification (dog tags) et d’autres détails, notant tout dans un carnet. L’homme le quitte en lui disant de rester où il était. Selon le chercheur français Dominique Lecomte, le premier helper de Goldstein était Alfred LONGUET, garçon boulanger à Saint-Saufrieu (arrêté le 10 mai 1944 et déporté, Alfred LONGUET est mort le 4 avril 1945 au camp de Buchenwald.)
Dans un rapport établi à son retour de captivité, George Goldstein confirme avoir été aidé par un fermier à Saint-Sauflieu, chez qui un médecin est venu soigner sa jambe blessée. Le médecin pourrait être le Dr Léo INTNER repris à la liste des Helpers français dans cette localité. Dans un autre récit, il précise que ce médecin était juif comme lui. Le médecin était accompagné de l’homme qui l’avait interrogé et qui lui signale avoir reçu confirmation par radio de Londres que Goldstein était bien qui il disait être. L’homme lui dit de rester à la ferme jusqu’à ce qu’on vienne le chercher pour l’aider à s’évader.
Après quelques jours à la ferme, Goldstein s’impatiente, ne voyant rien venir. Son hébergeur lui dit qu’il ne peut rien y faire et qu’il fallait attendre. Le soir, un policier, apparemment le seul du village, arrive et lui annonce qu’il va être placé ailleurs. Il avait apporté un vélo pour Goldstein et ce dernier, le gendarme et le fermier roulent vers une maison dans un autre village où plusieurs couples se trouvaient… l’attendant pour faire une fête en son honneur…Goldstein cite par ailleurs "un voisin du fermier, le gendarme "ROBBINS". Il s’agit en fait du gendarme Édouard ROBINE, habitant Saint-Saufrieu pendant la guerre. Ayant déménagé après la guerre au 21 Rue du Boulet à Amiens, son nom figure dans la liste des Helpers français. Il est également renseigné comme gendarme dans le rapport d’évasion E&E 711 du 2nd Lt John B. Avery, navigateur et l’un des 6 évadés du B-17 n° 42-3517 écrasé le 24 février 1944 près de Grattepanche au sud d’Amiens)
Après quelques toasts à la France, à l’Amérique et à ses camarades aviateurs, le gendarme (ROBINE) lui dit de le suivre à vélo pour le mener chez lui et son épouse. Goldstein reste là pendant près d’une semaine. Un soir, le gendarme lui dit qu’il doit être placé ailleurs et le gendarme et lui montent à bord d’un camion qui les amène à Amiens où il y est hébergé par Mme VIGNON, 60 ans, membre de la Résistance en région Nord (Somme). Dans son rapport, il précise qu’il s’agit de Mme Veuve Jeanne Julienne VIGNON-TELLIER, au 137 Rue Vulfran Warmé, Amiens, parlant assez bien l’anglais. Elle refait son pansement à la jambe et ils partagent un bon repas. Son mari, Arsène Vignon, aurait été tué par les Allemands en 1941. Ceci est ce que rapportent Goldstein et le S/Sgt Clarence Leibring, mitrailleur arrière du B-17 n° 42-39991 abattu le 4 mars 1944 – caché à Amiens jusqu’à sa libération par des troupes américaines - E&E 1469. Le chercheur français Dany Dheilly nous précise en mars 2014 que le mari de Jeanne était Arsène Abel Auguste Vignon, employé de commerce, né le 24 septembre 1877 à Lucheux, et qu’il est mort à son domicile du 137 Rue Vulfran Warmé à Amiens le 15 janvier 1941…
Le lendemain, Goldstein fait la connaissance des petits-enfants de Jeanne, Lily et son frère Claude. Ces derniers passent souvent le voir après l’école et Lily lui apprend un peu le Français. Il peut profiter d’air frais dans le jardin entouré de murs, à l’abri des regards, tandis que Jeanne est active dans son réseau, s’occupant de trouver du logement pour de nombreux aviateurs, de la confection de faux papiers, etc. Goldstein apprécie beaucoup cette dame, qu’il appelle "Mama Deuxième". Goldstein reste loger plusieurs semaines chez elle mais, trouvant le temps long, il souhaite bouger. Jeanne l’en dissuade, lui disant d’attendre la Libération, vu que la date d’un débarquement se rapproche. Finalement, sur son insistance, Jeanne prend des contacts afin de le faire partir en bateau via la Bretagne. Le plan ne peut se réaliser suite à des arrestations dans cette ligne et Jeanne recherche un autre moyen.
Un soir, un homme arrive avec un manuel sur le chasseur allemand Fw190 et lui dit de bien étudier le plan du cockpit car il y a une possibilité que Goldstein puisse voler un de ces avions parqué dans un aérodrome voisin où un ingénieur mécanicien de mèche l’aiderait dans cette tentative. Entre-temps, une fête d’adieu est organisée pour Noël, réunissant Jeanne VIGNON, son fils John, Lily, Claude, une jeune dame et un voisin. Le lendemain, la jeune dame l’accompagne à vélo à une ferme près de l’aérodrome, où le FW190 devait atterrir. Finalement, le plan n’aboutit pas non plus car le Fw190 n’ayant pas volé au jour dit, le mécanicien n’a pas de motif valable pour s’en approcher ni faire son entretien. Goldstein, la jeune dame et l’ingénieur retournent à la ferme, y passent la nuit et le lendemain retournent à vélo chez Jeanne VIGNON.
Quelques jours après le Nouvel An, Jeanne lui remet de faux papiers portant l’une des photos de son kit d’évasion. Elle l’informe quant à la manière de se comporter lors de voyages en train. Goldstein fait alors ses adieux à Jeanne et va à la gare d’Amiens où il monte dans un train pour Paris. Avant le départ du convoi, une dame s’assied à côté de lui et commence à lui parler. Il ne fait que hocher la tête, sans rien dire et pense qu’elle comprend que malgré ses vêtements civils et son béret, il est un aviateur évadé. La dame lui fait alors comprendre que si quelqu’un s’adresse à lui, il ne doit pas parler et qu’elle se chargerait de répondre. Peu après un contrôleur arrive, accompagné d’un homme en uniforme qui lui demandent ses papiers. Il devine que la dame leur dit qu’elle l’accompagnait jusqu’à Paris parce qu’il ne se sentait pas très bien et ne pouvait beaucoup parler. Apparemment, le stratagème avait marché.
Goldstein descend à une gare un peu à l’extérieur de Paris où il rencontre deux dames, l’une petite et plutôt âgée, l’autre de taille normale et plus jeune. Elles le mènent vers l’appartement de la plus âgée, où ils partagent un repas avant que la plus jeune le guide en métro vers sa maison près de la Tour Eiffel où elle vivait au quatrième étage avec son mari, leur bébé et des grands parents. Son interview indique qu’il a été caché chez elles pendant deux semaines, en attendant le retour d’Espagne d’un guide qui devait le faire rejoindre l’Angleterre. Il ne fait de doute que l’une d’elle est Fernande ONIMUS, née PHAL, habitant 84 Rue des Rondeaux à Paris XXe, l’autre devant être Albertine Mariette LAMI, née VERHULST, épouse de Vassilli LAMI, du 151 Boulevard Davout, dans le même arrondissement.
Goldstein signale s’être retrouvé caché chez Mme Odile VERHULST, 64 ans, au 7 Rue du Cher, Paris XXe. Le 18 janvier 1944, la veille du jour où il devait rencontrer son guide, et apparemment après l’arrestation le même jour de Fernande ONIMUS, la Gestapo fait irruption dans la maison et arrête Odile VERHULST et Goldstein. Odile fait comprendre aux gestapistes que sa belle-fille Albertine Mariette, dite Mariette, qui était en train de soigner la blessure de Goldstein, n’est pour rien dans ses activités de résistance et qu’elle seule est responsable et seule à s’occuper de l’hébergement de l’aviateur. Mariette échappe donc à l’arrestation. Fernande ONIMUS, déportée, décédera le 5 avril 1945 au camp de Ravensbrück. Odile VERHULST, déportée elle aussi, mourra le 20 février 1945 à Ravensbrück. Quant à Vassili LAMI, arrêté lui le 27 juillet 1944 dans un maquis en Indre-et-Loire près de Loches, pour faits de résistance, apparemment non liés à de l’aide aux aviateurs, il est déporté et est mort le 17 avril 1945 au Kommando de Lüneburg (Allemagne).
Des rapports mentionnent qu’Odile VERHULST a hébergé dans sa maison 24 aviateurs, 8 de la RAF et 16 de l’USAAF dont Goldstein. Mariette LAMI rapporte qu’elle a détruit les papiers de sa mère le jour de son arrestation et que hormis le nom de Goldstein, elle ne peut identifier les 23 autres aviateurs aidés par sa famille.
Dans son interview, George Goldstein signale avoir été amené à la Prison de Fresnes à Paris, où sa plaie à la jambe s’infecte vu le confinement en cellules trop petites. Il y reste 10 jours et lors de ses interrogatoires, les Allemands l’accusent d’être un espion, refusant de croire qu’il est un pilote juif américain (ce qui est la réalité, car il est en effet le premier de confession hébraïque à avoir obtenu son brevet).
Transporté en train, d’abord vers une prison de la Gestapo près de Frankfurt en Allemagne, il est à nouveau interrogé et mis au travail pendant quelques jours. Après un bombardement de la RAF sur Frankfurt durant lequel le toit de sa cellule s’effondre, Goldstein et ses codétenus sont transférés en bus au Centre d’Interrogation Dulag Luft à Oberursel. Interné par la suite au Stalag Luft 1, complexe Nord 1, à Barth en Allemagne, George Goldstein y est libéré le 5 mai 1945 par des troupes russes. Rentré aux États-Unis, il épouse sa petite amie Irma Rubin et le couple s’installe à Richmond en Virginie. Irma est décédée en février 2010 à Canton dans le Massachusetts. George, décédé en 2015, repose près d’elle au Amos Lodge B'Nai Brith Cemetery à Wakefield, Middlesex County, Massachusetts.
Les photos en médaillon proviennent des Leisure Galleries (John Ihnotic), auxquelles Fred Christensen, pilote du 56th Fighter Group, a confié sa collection.