Personne capturée durant son évasion

Dernière mise à jour le 15 mai 2023.

Harry LEVY /1082666
26 Lynton Crescent, Eastern Avenue, Ilfore, Essex.
Né à Londres le 25 septembre 1922 / † le 8 mai 2016 à Leeds.
Sgt, RAF Bomber Command 9 Squadron, opérateur radio/mitrailleur
Lieu d'atterrissage: Tongerlo, province d’Antwerpen/Anvers, Belgique
Vickers Wellington, BJ876, WS-S, abattu le 1er août 1942 à 02h40 par un chasseur de nuit lors d'une mission sur Düsseldorf.
Écrasé à Neeroeteren (Limburg), 20 km NE Genk, Limbourg/Limburg, Belgique.
Durée : 1 semaine
Arrêté : le 7 août 1942, Woluwe-Saint-Lambert.

Informations complémentaires :

Rapport de libération SPG-Lib WO208/3335/1745.

Leur appareil décolle le 1er août à 01:16 heure anglaise de Honington dans le Suffolk. Il est abattu par un chasseur de nuit et s'écrase à 03h40 à Neeroeteren (Limbourg), 20 km NE Genk.

Quatre hommes perdent la vie : le pilote Sgt William Thomas George Hall, le navigateur Sgt Wilfred Victor Clarke RCAF, l’opérateur radio/mitrailleur Sgt Alistair Bruce Martin RCAF, le mitrailleur Sgt Robert George Miller. Initialement enterrés au cimetière de Brustem, leurs dépouilles furent transférées après la guerre au cimetière militaire de Heverlee, près de Leuven/Louvain.

Le parcours de Levy a pu être établi au départ de quelques extraits de son livre (voir en bas de page), de divers rapports de Helpers belges et, pour les premiers jours, du texte d’une lettre de Levy datée du 16 mai 1946, que nous reproduisons ci-dessous.


Page 8 du rapport d’activités de Mme Titta GROENEN, (Belgian Helpers Files – NARA)

Le Sgt Levy, blessé dans la poitrine et dans la jambe gauche, se dirige vers une petite maison, frappe à la porte, qu’un homme moustachu lui ouvre, puis le fait entrer après que Levy lui ai dit "English ! I’m English !". Alors qu’il est assis dans le salon, l’homme se contente de le regarder et de lui serrer vigoureusement la main. Levy ouvre alors sa veste de vol, lui montre son sweater taché de sang et lui murmure "Doctor !". L’homme finit par comprendre et après quelques heures, un voisin arrive qui l’emmène assis à califourchon sur son vélo, roulant sur un chemin de campagne bordé de champs. Arrivés à une grosse villa à environ 1 kilomètre de là, l’homme laisse Levy et le vélo après avoir franchi le portail en fer forgé, lui disant de l’attendre. Revenu le chercher, il guide Levy vers la villa où une jeune fille, 14 ou 15 ans, aide l’homme à le soutenir en le guidant vers l’intérieur. La mère de la jeune fille apparaît alors, disant à Levy qu’il ne devait pas s’inquiéter et qu’il serait aidé par son mari médecin.

Le docteur Michel GROENEN et son épouse Titta Ada, née BEMELMANS, habitent au 22 Groenstraat, Kloesheuvel à Tongerlo. Dans son dossier, Mathys THEYBERS du 14 Broekstraat à Kinrooi indique que c’est lui qui a trouvé Levy après son atterrissage et l’a mené, blessé, chez le docteur GROENEN. On cite l’assistance, non précisée, à Levy d’un ouvrier résistant âgé, Theodore NYSSEN, qui héberge déjà une dame juive chez lui au 26 Kempenstraat à Rotem.

Titta GROENEN, qui porte les pseudos de "Bluebird" et "Blimblemans" est née le 30 août 1906 à Patirada, Ceylan (actuellement Sri Lanka) de parents planteurs britanniques. Le couple a sept enfants, dont l’aînée, "la fille de 14 ou 15 ans" est Marie-Thérèse (Merese) née en 1927.


Madame Titta GROENEN (2ème depuis la gauche) et ses sept enfants (Tongerlo, 1942))

La famille du docteur GROENEN héberge et soigne Levy du 1er au 4 août, l’aviateur étant caché au grenier. Il est convenu que lorsque Levy serait rentré en Angleterre, un message serait diffusé à la BBC : "The bluebird is out of his cage" ("L’oiseau bleu est sorti de sa cage"). Ce 4 août, vers 16h00, deux hommes viennent prévenir Titta que les Allemands sont en route vers leur maison, à la recherche d’un aviateur. Ces deux hommes sont Julien SCHALENBORGH, ingénieur des mines, Maastrichtsesteenweg à Eisden et Jaak VERHEYEN. Coiffé d’un béret, débarrassé de ses insignes et le haut de ses bottes de vol caché sous le bas de son pantalon, Levy est porté par les deux hommes jusqu’à un fossé dans un bois voisin où il attend leur retour pendant 1 heure. Les deux hommes reviennent alors le chercher et le portent pendant plusieurs kilomètres à travers champs. A un certain point se trouvent deux vélos et SCHALENBORGH et VERHEYEN emportent Levy, traversant plusieurs villages. Intimés de s’arrêter par le comité de surveillance de l’un d’entre eux. SCHALENBORGH dit à Levy de continuer à rouler, car il n’a pas de papiers. Après avoir calmé le jeu, SCHALENBORGH rejoint Levy et tous deux se trouvent dans la soirée du 4 août chez Jan VERHEYEN, frère de Jaak. SCHALENBORGH va prévenir Albert PEETERS de l’arrivée de Levy. Ne pouvant rien manger, Levy ne boit que du lait et avale un peu de sucre avant d’aller passer la nuit dans la grange de Jan.

Dans le dossier des GROENEN, il est indiqué que Michel a été arrêté le 22 août 1943, condamné à mort pour avoir donné assistance médicale à des partisans et des aviateurs et qu’il a été libéré à Leopoldsburg par des troupes Alliées (en septembre 1944). Quant à Titta, arrêtée le 26 juillet 1943, elle a été relâchée par faute de preuves. Leur fille Solange, 14 ans, vraisemblablement arrêtée en même temps que sa mère, elle a été interrogée "avec la délicatesse habituelle des Boches" et relâchée par la suite, sans avoir dévoilé quoi que ce soit.

Au matin du 5 août, Levy ne boit qu’un peu de lait et, son cou recouvert d’un chiffon pour lui faire paraître davantage comme un civil, il quitte la grange de Jan VERHEYEN vers 5 heures, en compagnie de SCHALENBORGH, faisant ses adieux aux frères VERHEYEN. Arrivés chez Albert PEETERS à Reselt (Rotem), on lui donne à manger puis il va se coucher et vers 16h00, après avoir revêtu des vêtements civils, il est mené par Albert PEETERS en train à Bruxelles via Hasselt. Lucien SCHALENBORGH, né à Visé le 6 mai 1904, sera arrêté par la GFP le 22 novembre 1943, détenu à la prison d’Anvers, condamné à mort le 2 juillet 1944, avant d’être envoyé en Allemagne le 2 août. Incarcéré à la prison pénitentiaire de Halle-an-der-Saale près de Leipzig, il y décèdera le 4 février 1945. Le rapport allemand indique que la cause du décès est "herzmuskelschade" (myocardite).

Levy arrive "le 6 ou 7" août chez une Mme NEVE (Andrée HACCOURT épouse de l’ingénieur textile Walter NEVE, 144 Boulevard du Lambermont à Schaerbeek). Il aurait été amené là par un "Gérard", alors que Levy indique que c’est Albert PEETERS qui l’a remis aux NEVE avant de repartir pour Rotem. Il semble par ailleurs y avoir confusion dans les dates, car dans son dossier, le médecin Léon MEURANT (du 134 Boulevard Lambermont), membre du Front de l’Indépendance et Lieutenant-médecin de réserve, indique qu’à la demande du Commandant belge (Edgard) LEFEVRE, il a donné des soins à Levy chez Walter NEVE le 5 août (perforation du poumon droit).

Suite à l’annonce de nouvelles perquisitions allemandes, Levy doit bouger. On lui donne d’autres vêtements et Walter NEVE le prend en tram chez un M. "Kaufmann" (Jules ROGGEMAN époux de Emma HOFFMAN au 44 Rue de la Drève à Woluwe-Saint-Lambert) et une Mlle Vera (FELDMAN du 176 Rue Américaine) qui se dit anglaise et être dans un réseau d'espionnage. Vera FELDMAN le dit venant de chez Edgard LEFEVRE avant d'être remis aux ROGGEMAN. Le dossier Helper de Vera FELDMAN indique qu’elle est d’origine roumaine et habitait au 109 Rue Américaine. Ayant trouvé le docteur René DUMONT (Service Marc) du "418 Chaussée de Ninove", elle déclare l’avoir amené chez les ROGGEMAN, nous supposons pour soigner Harry Levy, dont elle reprend le nom. A noter que le dossier de Helper du docteur DUMONT le reprend au 101 rue Antoine Dansaert à Bruxelles-Ville, avec "une autre adresse connue des aviateurs : 91 Avenue de la Toison d’Or, Bruxelles". Vera FELDMAN est renseignée comme arrêtée avec les ROGGEMAN le 7 août 1942 … Née le 27 septembre 1904 à Chisinau (Kichineff) en Roumanie, actuellement une ville de Moldavie, son dossier de prisonnière n° 1646 à Mauthausen et Ravensbrück, indique qu’elle a été libérée dans ce dernier camp le 7 mars 1945. Le docteur René DUMONT a été arrêté le 15 juin 1943 et condamné pour suspicion d’aide médicale à des évadés belges et alliés et refus de dévoiler leur identité. Dans son rapport d’activités, ce médecin cite le chiffre de 50 militaires soignés un peu partout en Belgique depuis 1941. Déporté vers l’Allemagne le 1er janvier 1944, prisonnier n° 87156, il reviendra des camps le 22 mai 1945. Quant aux ROGGEMAN, Jules, né le 19 mai 1903 à Ixelles, d’abord passé par la prison de Saint-Gilles, il sera déporté et incarcéré à Dachau, prisonnier n° 152511 et sera libéré le 9 avril 1945 par des troupes américaines. Son épouse Emma, née HOFFMAN à Paris le 1er février 1898, passera aussi par la prison de Saint-Gilles et se trouvera au camp de Ravensbrück, prisonnière n° 2456, le 30 novembre 1944. Transférée le 7 mars 1945 à celui de Mauthausen, elle en sera libérée le 22 avril 1945, rentrant en Belgique via la Suisse.

Le jeudi 7 août 42, on frappe à la porte des ROGGEMAN et deux agents allemands de la GFP armés entrent dans l'appartement. Harry Levy est conduit au siège de la GFP (Geheime Feldpolizei) à la Rue Traversière.

Il croit d'abord avoir été trahi par Mme ROGGEMAN. Ils ont été en fait dénoncés par le VMann Decock de l'Ast, un ancien mécanicien de la base d'Evere qui a infiltré la ligne via l'abbé Jean GIGOT de Jambes et la ligne Tempo de Namur.

Levy est ensuite conduit à la prison de Saint-Gilles. En tant que Juif, il se demande ce qu'il va advenir de lui. Il y rencontre Joseph Edward Dixey 6460461, un soldat du Royal Fusiliers 4 Division, fait prisonnier à Dunkerque en mai 1940. Dixey était parvenu à s'échapper avec deux autres soldats de la colonne en route vers l'Allemagne et avait été caché à Aalst/Alost, puis dans la région de Tournai avant de gagner Bruxelles. Pris dans le piège du traître Dezitter, Dixey avait été arrêté à Besançon en France en avril 1942.

Levy arrive au Dulag-Luft le 20 octobre 43 et est interné aux Camps 8B/344/ et 13B, comme prisonnier de guerre n° 27196. Il a écrit un livre : "The Dark Side of the Sky", paru en décembre 2007.

En 1947, Harry Levy reviendra loger pendant 6 mois chez les ROGGEMAN-HOFFMAN. Par la suite, il alla étudier le français à Paris pendant un an, puis donna des cours d’anglais à Roanne l’année suivante. Rentré au Royaume-Uni, il enseigna dans des écoles et des collèges, notamment à Londres et dans le Nottinghamshire et resta dans le domaine de l’enseignement tout au long de sa carrière.


Nous ne possédons pas d’exemplaire de son livre, mais le nom de la famille du médecin chez qui il avait passé trois jours à Tongerlo y est erronément repris comme Vekeman, alors qu’il s’agit bien de GROENEN… La couverture arrière reprend la photo de Titta GROENEN et ses sept enfants, avec la mention "the seven children at Madame Vekeman’s house"…


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters