Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 19 mai 2023.

Douglas Cassius RORABACK / O-732978
1551 Lincoln Avenue, San Jose, Californie, USA
Né le 12 décembre 1920 à Warm Springs, Californie / † le 4 janvier 2003 à Pleasanton, Californie.
1st Lt, USAAF 381 Bomber Group 534 Bomber Squadron, bombardier.
Lieu d'atterrissage : Gierle, près de Turnhout.
Boeing B-17F-BO Flying Fortress, 42-30245, GD-L / "Lucky Lady", abattu par un chasseur allemand lors de la mission du 17 août 1943 sur Schweinfurt.
Ecrasé à Oostmalle.
Durée : un an et 2 semaines.
Camps : à Wemmel à la libération.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 381. Rapport d'évasion E&E 1894, disponible en ligne.

L'appareil décolle de Ridgewell à 13h30. En route vers l'objectif, la formation est attaquée par une nuée de chasseurs allemands. Deux d'entre eux attaquent de front le 42-30245. Selon le Lt Dexter Lisnen, témoin dans un autre appareil, il semble que l'un des deux chasseurs ait heurté le B-17 à hauteur du cockpit car, immédiatement après le passage de l'avion ennemi, le B-17 a entamé une ascension à la verticale avant de faire un demi-tonneau vers la droite. L'appareil tombe alors en vrille et les témoins à bord de l'avion de Lisner déclarent l'avoir vu sortir de vrille après trois révolutions, ce qui a permis à des équipiers de sauter. Ils comptent 5 ou 6 parachutes et notent que le cockpit semble être en feu à hauteur de la tourelle dorsale.

Le pilote, Lt Weldon L. Simpson, sera le seul tué. Il repose au cimetière américain de Neupré, près de Liège, Belgique. Huit hommes seront faits prisonniers : le copilote 2nd Lt Elden H. Agler ; le navigateur 1st Lt William H. Mee ; l'opérateur radio S/Sgt Robert I. Edwards ; le mitrailleur dorsal T/Sgt Russell Lee Warwick ; le mitrailleur ventral S/Sgt Frank M. Beech ; le mitrailleur droit S/Sgt Robin L. Bassinger ; le mitrailleur gauche Sgt Paul A. Gregory et le mitrailleur arrière S/Sgt Chester J. Beasley.

Le rapport d'évasion de Roraback précise qu'avant de sauter, il avait noté la défaillance de deux moteurs et que le n°3, mis en drapeau, dégageait de la fumée, l'appareil devenant incontrôlable. Il saute à 4.300 m et atterrit dans un arbre à Gierle (Turnhout). Légèrement blessé à l'avant-bras droit, il est immédiatement assisté par un fermier qui est citoyen américain : M. Antoon NEEFS à Gierle. Il reste chez NEEFS durant 3 à 4 jours, avant de passer une semaine chez le beau-frère de ce dernier, Karel PIEDFORT (qui avait résidé aux USA) au 7 Veenzijde à Gierle, du 17 au 22 août, avant d'être transféré par des résistants de la Witte Brigade-Fidelio à Kontich, chez Franciscus Constantinus DE COCK, au 33 Groeningenlei. Il y reste avec la promesse d'être évacué, mais beaucoup de membres du groupe sont arrêtés et il semble plus prudent de l’y faire rester. Le rapport d’activités de Franciscus DE COCK, rempli par son épouse Martha, indique que Roraback leur a été amené le 21 août par François FERTIN, du 13 Pluyseghemstraat à Kontich. Il semble qu’il soit parvenu chez eux dans une automobile (propriétaire inconnu) conduite par "PAT" (Gaston GEYSEN, du 429 Grote Steenweg, Berchem/Antwerpen), passée par Edegem pour prendre Louis SJONGENS (Kerkstraat, Mortsel) et Frans/François FERTIN.

Roraback logera chez les DE COCK jusqu’au 25 avril 1944. Durant son séjour, plusieurs personnes apporteront l’une ou l’autre aide : François GEYSEN, interprète ; E. GEERTS, Mechelsesteenweg, Kontich, nourriture ; E. DE GREEF, 21 Groeningenlei, Kontich, nourriture ; Pierre CLAES, Willem Linnigstraat, Antwerpen, nourriture.

Les DE COCK-CRIEL et leur fils Charles seront arrêtés à leur tour le 13 juin 1944 sur dénonciation (ils travaillaient sans le savoir avec des connexions les reliant au VMann, le traître René Van Muylem). Franciscus Constantinus (Frans / Constant / Stan) DE COCK, né le 30/11/1902 à Kontich, est parti pour l’Allemagne le 9 août 1944. Interné dans les camps de Buchenwald et Blankenburg, il survivra et rentrera en Belgique via la Suède le 13 juillet 1945. Malade et fortement affaibli, il décèdera à Zammel le 6 octobre 1945. Sa veuve, Martha Emilia Maria DE COCK, née CRIEL en 1902, également déportée en Allemagne et rentrée en Belgique le 19 mai 1945, venant du camp de Belzig, est décédée le 26 mars 1997 à Mortsel près d’Anvers. Leur fils Charles, interné à la prison d’Anvers, fut relâché le 18 août 1944.

Le dossier de Leonard TOTÉ, instituteur, du 15 Bogaardestraat, Antwerpen, ne mentionne pas d’aide directe qu’il aurait apporté à Roraback. Membre du Groupe G, de la Witte Brigade et du Front de l’Indépendance, il était officier de liaison, chargé, entre autres, de trouver des logeurs en région anversoise. Il cite Mme François-Marie HELLEMANS comme possédant une carte en soie signée par Douglas Roraback… (La liste des Helpers belges reprend "François HELLEMANS au 78 Landbouwstraat, Antwerpen – Grade 5, posth." Né le 31 janvier 1916, membre de la Witte Brigade-"Fidelio", il est mort en déportation en Allemagne en janvier ou mars 1945. On peut supposer que le couple a aidé/hébergé Roraback…). Leonard TOTÉ, quant à lui, a été arrêté le 4 août 1944 et envoyé en camp en Allemagne le 6 septembre. Il a survécu et est rentré en Belgique via la Suède le 12 juillet 1945.

Le rapport KV 2/1721 ("Gustave HOLVOET, alias Georges HOLLEVOET: Belgian. In the guise of a patriot assisting refugees from occupied Europe, HOLVOET was a German agent penetrating local SOE and escape organisations") des archives britanniques nous apprend que Douglas Roraback a été "aidé" par l'agent allemand de l'Ast II Brussel : Gustave Hollevoet. Les dates ne sont pas indiquées.

Roraback est mentionné dans le rapport d’activités de Frederic LE PAIGE (Witte Brigade-"Fidelio"-n° 9010), du 18 Leopoldstraat à Turnhout, comme pris par lui chez les DE COCK-CRIEL et mené à vélo et remis à "Mr. Georges ?, place Liedts, Brussels". LE PAIGE indique que le juge Charlie SCHILLING de Turnhout avait donné un manteau à l’attention de Roraback…

Dans son rapport E&E, Roraback indique simplement qu’un résistant le conduit à Bruxelles en vélo, et il est renseigné comme logeant deux semaines chez Mme Veuve Rose ANDRÉ, au 60 rue Monrose à Schaerbeek. Victor SCHUTTERS le convoie également en véhicule de la SNCB lors de ses déplacements dans Bruxelles.

En avril (ou mai) 44, Roraback est amené par la baronne Pauline de SELYS LONGCHAMPS, 29 ans (du 16 Rue Belliard à Bruxelles), née Pauline CORNET de WAYS-RUART et épouse du baron François de SELYS, chez l’avocat Georges CASSIERS, 36 ans, membre des Insoumis, son épouse Colette, 32 ans (née Thibaut de Maisières) et leurs 5 enfants en bas âge, au 42 Rue Ernest Allard à Uccle. Durant son séjour de 2 ou 3 semaines chez les CASSIERS, de l’aide en matière d’intendance est apportée à la famille par Gabrielle (Gaby) de LANNOY. Le fils de Georges, Philippe Cassiers, 6 ans en 1944, rapporte que Douglas, sur base de son expérience en tant que bombardier et connaissant les difficultés à viser précisément les objectifs, était terrorisé quand du 4ème étage de la maison il pouvait voir à l’occasion des bombardiers de sa propre USAAF cibler la Gare du Midi à seulement quelques kilomètres de là. Un soir, lors d’une alerte, la mère de Georges, ne voyant plus Douglas dans sa chambre ni ailleurs dans l’appartement, est folle d’inquiétude, descend quatre à quatre les étages et finit par le trouver réfugié dans la cave parmi les autres occupants de l’immeuble. A 2 ou 3 autres reprises, même scénario. Devenu neurasthénique à force de devoir constamment se cacher, Douglas n’y tenait plus et avait enfreint les consignes données par les CASSIERS de ne quitter en aucun cas leur appartement. Heureusement, aucun occupant de l’immeuble ne fit de remarques au sujet de cet inconnu d’1m90 débarquant, presque tremblant, parmi eux.

Roraback est alors confié à la cellule de logements de Simone SCHREYEN pour M. DE BONTRIDDER (La liste des Helpers belges reprend Mme DE BONTRIDDER au 9 Rue Van Gaver à Bruxelles-Ville). Il loge chez Léon VERLEYSEN au 40 Rue des Béguines à Molenbeek, chez Paul DE CLERCK au 106 Avenue du Karreveld à Molenbeek. Jean RYCKAERT, fontainier et membre du Front de l’Indépendance-Jette, du 5 Rue des Flamands à Jette, indique avoir reçu Roraback d’Émile DAEM (4 Rue Van Calck à Molenbeek) pour le mener chez Herman CHATELAIN au 282 Chaussée de Bruxelles à Wemmel, qui a des contacts avec le Front de l'Indépendance local, et chez qui il reste pendant 1 mois jusqu'à la libération de la capitale les 3-4 septembre 1944. Dans son rapport d’activités, Leonard MARIANI, du Front de l’Indépendance-Jette, du 173 Chaussée de Wemmel à Jette, où il est employé communal, cite le nom de Roraback. Travaillant avec Henri MACA, Marcel VAN BUEKENHOUT et Anne BRUSSELMANS, qui reprennent tous Roraback dans leurs listes, MARIANI indique que durant le séjour de Roraback chez CHATELAIN, il y était passé 2 fois, pour remettre des faux papiers pour l’aviateur, de même que de l’argent, une fois 900FB, l’autre fois 1900FB. Par ailleurs, Joseph SION, également membre du F.I.-Jette où il est commerçant en alimentation au 777 Avenue Houba De Strooper, a fourni de la nourriture et des vêtements pour les aviateurs cachés chez Marcel VAN BUEKENHOUT, dont Roraback.

Leonard MARIANI indique que c’est lui qui a été chercher Roraback chez CHATELAIN pour l’amener à l'Hôtel Métropole au centre de Bruxelles après l'appel lancé sur la radio lors de la Libération de la ville à tous les aviateurs évadés pour s'y regrouper. Douglas Roraback est interrogé le 9 septembre par l'IS9 et rentre en Angleterre le lendemain.

Après avoir pris sa pension de la police du Alameda County en 1974, Roraback est revenu vivre 22 ans en Belgique. Il repose avec son épouse Mary Gertrude (1921-1956) au Holy Sepulchre Cemetery à Hayward, Californie.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters