Dernière mise à jour le 21 janvier 2023.
John CLARKE / 1581581
48 Avenue Road, Coalville, Leicestershire, Royaume-Uni
Né le 11 décembre 1922 / †
Fl/Sgt, 514 Squadron RAF, mécanicien de bord
Lieu d'atterrissage : dans un champs près de la route de Moutiers entre Bullion et Rochefort-en-Yvelines, Yvelines, France.
LANCASTER Mk II DS822, JI-T, touché par la Flak le 8 juin 1944 lors d'un bombardement sur Massy-Palaiseau et achevé par le Me110 Bf du major Walter Borchers.
Écrasé à La Celle-les-Bordes, Yvelines.
Durée : 8 semaines.
Arrêté le 19 juillet 1944 à Paris, France
Rapport d'évasion SPG/LIB/796.
L'appareil a décollé de la base de Waterbeach dans le Cambridgeshire le 7 juin. Après le bombardement de la cible depuis 6000 pieds (2000 m), l'appareil est pris dans les faisceaux lumineux de la DCA et endommagé alors qu'il reprend de l'altitude. Le pilote, P/Off William L. McGown, peut s'éloigner de la zone, mais l'appareil est attaqué par le bimoteur nocturne du major Walter Borchers (qui a réclamé six victoires cette nuit et a été crédité de trois quadrimoteurs abattus). McGown s'évadera avec son navigateur, W/Off Archibald N. Durham de la RAAF, rapports d'évasion SPG respectifs : 2487 et 8/158/876. Le bombardier P/Off Lyndon W.C. Lewis (SPG/LIB 1408) et Clarke (la présente fiche), seront faits prisonniers. Le radio W/Off Kenneth E. Bryan RAAF, le mitrailleur ventral F/Sgt John G. S. Boanson et le mitrailleur arrière F/Sgt Robert C. Guy sont tués lors de cette mission. Ils reposent tous trois au Cimetière de La Celle-les-Bordes (Yvelines).
Clarke déclare en 1945 que l'appareil a pris feu après l'attaque d'un chasseur de nuit et que l'ordre de sauter fut donné.
Il atterrit dans un champ au lieu-dit Moutiers au Sud de Bullion. Il se cache dans un bois proche durant la nuit et peut enfin parler à l'aube avec un paysan français conduisant une charette tractée par un cheval, qui l'emmène à une maison un ou deux Km plus loin. Il ne veut pas l'y suivre, ne sachant à qui il a à faire, mais trois Français identifient son uniforme et le font entrer.
Les propriétaires de la maison lui donnent des vêtements civils et l'installent pour la nuit. Le lendemain, une Française nommée "Antoinette" vient voir Clarke, lui dit qu'elle est dans un mouvement de Résistance et, une fois son identité vérifiée, lui annonce qu'il partira le lendemain. Il est ainsi logé et caché du 8 au 10 juin par M. et Mme LABBE du hameau de Moutiers à Bullion, dans les Yvelines.
Le 10 juin, Clarke suit le propriétaire de la maison à vélo et rencontre à nouveau cette jeune femme 2 Km plus loin. Il s'agit de la comtesse Anne Marie ERREMBAULT de DUDZEELE alias "Antoinette", fille d'un diplomate belge, résidant au Moulin des Clayes à Saint-Rémy-les-Chevreuse, Seine & Oise (partie de ce département, devenu plus tard les Yvelines). Elle emmène Clarke, toujours à vélo, à Chevreuse. D'abord par des chemains ruraux, puis des routes plus importantes, remplies de moyens de transport allemands. Dans Chevreuse, "Antoinette" lui indique une librairie peinte en vert, endroit où il pourra se rendre en cas d'urgence, et le guide vers une maison qu'ils atteignent à midi. A partir de ce moment, son évasion est organisée. La librairie est celle de Maurice CHERBONNIER, époux de Marie-Thérèse LE GUILLOU, au 76 Rue de Paris à Chevreuse. CHERBONNIER est chef de secteur ramassage pour Comète-Marathon dans la région de Chevreuse et Rambouillet.
Clarke est ainsi logé trois semaines dans la famille KALMANSON au 24 Rue de la Porte de Paris à Chevreuse. Il décrit M. KALMANSON comme un juif vivant à Chevreuse avec sa femme, deux filles et un fils de 19 à 17 ans. Seule une des filles, Colette, apparaît dans la liste des helpers français de l'IS-9. La famille est avertie que les Allemands viendront un jour emmener le fils au travail obligatoire en Allemagne, et avant que la Gestapo ne vienne suite à sa disparition, Clarke est déplacé vers le 28 juin par Anne Marie ERREMBAULT chez le chirurgien dentiste Harry BENNETT, au 4 Place de Luynes.
Clarke y demeure 3 ou 4 jours, jusqu'à ce que "Antoinette" lui envoie un homme qui le guide à la gare de Saint-Rémy-les-Chevreuse. Là, "Antoinette" ERREMBAULT embarque son vélo dans le train et le guide à Paris. Clarke n'a aucun faux papiers, mais le voyage se déroule sans accroc. A cause de bombardements, le train s'arrête 5 Km avant Paris, et Clarke suit la jeune Belge sur une voie importante (probablement la Route Nationale 20 venant d'Orléans) jusqu’à l'appartement de Mme "Hereux" (son nom correct est Germaine HERAULT) au 5 Avenue d'Orléans à Paris XIVe, voie renommée Avenue du Général Leclerc en 1948. Il y reste deux semaines, y rencontrant un homme plus âgé et prétendant avoir été parachuté d'un Lancaster pour une mission de sabotage.
Vers le 13 juillet, "Antoinette" amène un autre aviateur dans cet appartement, et emporte Clarke au studio d'un sculpteur. Il y rencontre le Fl/Sgt Andrew Rowe et le Lt américain Phelps [Il s’agit du 1Lt Byron F. Phelps Jr, pilote du P-38 Lightning n° 42-104211 du 367th Fighter Group/393rd Fighter Squadron, abattu par la Flak le 14 juin 1944 lors d’une mission sur des installations ferroviaires près de Dreux. Lui aussi d’abord caché à Chevreuse, il sera arrêté à Paris, envoyé à Buchenwald et finalement interné au Stalag Luft 3 à Sagan. Libéré à Moosburg - Stalag 7A le 29 avril 1945 par les troupes US du Général Patton]. Les trois hommes restent dans ce studio jusqu'au 17 juillet.
Ce 17 juillet, Georges PREVOT, Gardien de la Paix, les mène chez lui au 20 Boulevard de Sébastopol Paris IVe. Clarke, Rowe et Phelps y voient une douzaine d'autres aviateurs britanniques et Américains. Ce même soir, un nommé "Jack" (Le VMann Guy de Marcheret) les interroge séparément au sujet de leurs helpers, pour pouvoir les indemniser. Clarke déclare qu'il évite de lui livrer les noms ainsi qu'il a été briefé de ne jamais le faire. Le 18 juillet, "Jack" prend dix des évadés et revient le prendre avec Andrew Rowe, Jack Ward et le Lt Phelps.
Ils marchent environ 3 Km avant qu'une voiture ne les emmène dans l'hôtel vide d'un centre commercial. Le chauffeur de la voiture les guide dans des chambres et leur explique de n'ouvrir à personne, sauf à un certain signal. Ce chauffeur revient ensuite avec de la nourriture, de la bière et du champagne et leur dit qu'il les prendrait le lendemain pour partir en Espagne.
Le 19 juillet après-midi, un homme parlant anglais avec un accent américain les emporte rapidement en voiture "vers l'Espagne". Ils montent dans la camionnette, où ils retrouvent la dizaine d'autres évadés. Dix minutes plus tard, le véhicule passe un porche et s'arrête dans la cour d'un grand bâtiment rouge où flottent des drapeaux nazis. Un groupe d'Allemands les y attendent. Ils ne sont pas interrogés et sont conduits à la prison de Fresnes.
Les troupes Alliées approchant de Paris, dont la population et la Résistance commencent à s’insurger, préparant leur libération, les Allemands décident d’évacuer les aviateurs internés à la Prison de Fresnes. Comme 168 autres aviateurs Alliés et plus de 2000 civils, dont un tiers de femmes, internés à Fresnes, John Clarke (prisonnier n° 78385) se retrouve à bord de l’un des derniers convois partis vers l’Allemagne. Ce convoi, le n° I.264, à destination du camp de Buchenwald, part de la gare de Pantin dans la soirée du 15 août 1944.
Parmi les 169, il y a 2 Néo-Zélandais, 9 Australiens, 1 Jamaïcain, 1 Néerlandais, 24 Canadiens, 49 Britanniques et 83 Américains (dont 1 servant dans la Royal Canadian Air Force = F/O Stevenson, voir ci-dessous).
Le convoi avance lentement, les voies ayant été endommagées par les bombardements. Le 16, le pont de chemin de fer surplombant la Marne étant détruit, le convoi reste bloqué pendant 3 heures dans le tunnel d’approche. Finalement, les prisonniers sont obligés de quitter le train et de marcher jusqu’au pont de Saâcy-sur-Marne pour monter à bord d’un autre train de l’autre côté de la Marne.
Tôt dans la matinée du 17 août, près de Mézy-Moulins, alors que le train ralentit, un aviateur Américain servant dans la RCAF, le F/Off Joel Matthew Stevenson (pilote du Lancaster KB727 du 419 Squadron abattu par un chasseur allemand le 5 juillet 1944 lors d’une mission sur les installations ferroviaires de Villeneuve-Saint-Georges en Val-de-Marne au sud de Paris) s'évade de son wagon, en compagnie de 2 officiers français. Stevenson restera caché en France jusqu‘à sa libération le 28 août par des troupes américaines - rapport d’évasion SPG 3325/2812. Cinq membres de son équipage, également arrêtés et qui se trouvaient dans le convoi, arriveront à Buchenwald. Les fuyards sont rapidement repris, sauf Stevenson qui réussira son évasion mais un Français sera abattu par les Allemands. Après Epernay et Châlons-sur-Marne, le convoi arrive à Nancy le 18 vers midi. Passant par Lunéville, Sarrebourg, Sarrebrücken et Strasbourg (où il traverse le Rhin), le convoi arrive en Allemagne où l’attitude des gardes Allemands semble s’assouplir un peu. Les prisonniers arrivent à Frankfurt-am-Main dans la matinée du 19. Puis, après être passé par Hanau, Fulda, Gotha (où ils reçoivent enfin une nourriture un peu plus consistante, même s’il ne s’agit que de biscuits, d’un peu de pain et de viande) et Erfurt, le convoi arrive à la gare de Weimar. Tous les prisonniers sont dans un état lamentable, manquant d’eau, de nourriture et obligés depuis des jours de subir des conditions sanitaires inhumaines, de manquer d’espace et d’air frais.
Les wagons contenant les femmes sont détachés et elles seront envoyées au camp de Ravensbrück. Les autres wagons sont arrimés à un train local qui quitte Weimar pour amener les prisonniers à une petite gare dans une clairière de la forêt de Buchenwald. Descendus des wagons à coups de bottes par des gardes de la SS, les aviateurs sont battus continuellement alors qu’ils titubent vers le camp de concentration de Buchenwald. Ils se posent des questions en apercevant de la fumée noire s’échappant en permanence d’une cheminée basse, leurs narines emplies d’une odeur nauséabonde… Après une longue séance de comptage, ils sont parqués à ciel ouvert (le "Kleine Lager") pendant deux semaines dans des conditions abominables. Le 24 août, des bombardiers américains ont pour objectif des usines d’armement à Weimar tout proche. Des bombes tombent sur une partie du camp près des usines, n’occasionnant que des dégâts matériels. Les aviateurs prisonniers sont obligés, avec difficulté et sans matériel adéquat, d’éteindre les incendies et déblayer les ruines et le Squadron Leader Phillip Lamason (voir sa page sur le présent site), le plus haut gradé parmi eux, proteste auprès du commandement du camp et s’entend dire par les SS que les aviateurs sont tous des terrorfliegers et susceptibles d’être exécutés sans autre forme de procès. A Buchenwald, John Clarke revoit Georges PREVOT (prisonnier n° 77991).
[Georges PREVOT, sa fiancée Raymonde GACIN, Jean ROCHER et son épouse Geneviève, ces deux derniers aussi membres du Réseau Bayard (affilié au Groupe Libération-Nord), dénoncés par le traître Guy de Marcheret alias "Captain Jack", avaient été arrêtés le 11 août 1944 et tous trois déportés par le convoi quittant Paris le 15 août 1944 à destination de l’Allemagne. Seules Geneviève ROCHER et Raymonde GACIN reviendront des camps, Georges PREVOST et Jean ROCHER y trouvant la mort, Georges, à 33 ans, à Ellrich le 11 janvier 1945 et Jean, à 39 ans, à Dora le 27 octobre 1944.]
A bord du convoi, tous tentent de survivre aux privations, au manque total d’hygiène, aux coups, à la faim et la soif. Ayant eu vent de projets consistant à faire travailler les aviateurs dans un camp de travail proche (Dora), Phillip Lamason est déterminé à faire savoir au commandement de la Luftwaffe que leur détention là par les SS est contraire aux conventions. En effet, les aviateurs auraient dû être internés dans un Stalag et non un camp de travail et d’extermination. En début octobre, un as de la chasse allemande, l’Oberst Johannes Hannes Trautloft de la Luftwaffe, qui avait entendu parler d’aviateurs Alliés internés dans le camp, veut vérifier les rumeurs et prétexte une tournée d’inspection pour examiner les dégâts à Dora et Buchenwald suite aux bombardements. Les SS ne montrent à Trautloft et ses adjudants que les aspects présentables du camp, les bureaux de l’administration et les baraquements des gardes. Ils déclarent que les détenus sont tous des prisonniers politiques assurant la main d’œuvre d’une usine de munitions à l’intérieur du camp et pour d’autres usines proches.
Trautloft et son groupe s’apprêtent à partir lorsqu’il est interpellé en allemand de derrière les barbelés par un détenu. L’homme déclare qu’il est un officier Américain. Les SS tentent de dissuader Trautloft de lui parler, mais Trautloft leur rappelle son grade et les fait se tenir à distance. Bientôt, il est approché près des fils barbelés par d’autres aviateurs parlant l’allemand, dont le F/Lt Splinter Adolphe Spierenburg, un officier néerlandais de la RAF servant habituellement d’interprète à Lamason. Trautloft s’entend confirmer qu’il y a effectivement plus de 160 aviateurs dans le camp et on le supplie de les en faire sortir. Trautloft prend quelques notes et promet de faire ce qu’il peut auprès de ses supérieurs pour que les prisonniers militaires soient transférés vers un camp géré par la Luftwaffe.
Ayant appris par la suite que, devant le refus des aviateurs et particulièrement de Lamason de collaborer, la Gestapo avait ordonné leur exécution pour le 24 ou le 26 octobre, Lamason redouble d’efforts. Finalement, sur ordre du Maréchal Goering, la Luftwaffe obtient de la Gestapo que les hommes soient transférés dans un camp adapté à leur statut. John Clarke et 156 de ses compagnons furent évacués de Buchenwald par train le 19 octobre et arrivèrent au Stalag Luft 3 à Sagan/Zagan, Pologne, le 21. Les 10 derniers, restés au camp pour diverses raisons, dont la maladie, quitteront Buchenwald 5 semaines après les autres et arriveront en train à Sagan le 29 novembre. Deux aviateurs sont décédés pendant leur détention au camp : le F/O Philip Derek HEMMENS, RAF 49 Squadron, bombardier à bord du Lancaster ND533 abattu le 10 juin 1944, âgé de 20 ans, décédé le 10 octobre (selon sa carte de prisonnier) de septicémie, pneumonie et rhumatisme articulaire et incinéré le lendemain. L’autre est le 1st Lt Levitt Clinton BECK Jr, USAAF, 24 ans, pilote du P-47 42-8473 abattu en combat aérien le 29 juin 1944. Sa carte de prisonnier indique qu’il est mort le 31 octobre 1944 et incinéré le 1er novembre. Cause du décès : pleurésie purulente (mal soignée…). Parmi les civils, on estime que la grande majorité d’entre eux ont été exterminés soit à Buchenwald ou dans les camps de travail de Dora et d’Ellrich, très peu d’entre eux survivant à leur détention.
Devant l’avancée des troupes russes, le Stalag Luft 3 est évacué en fin janvier 1945 et les Américains séparés des autres. John Clarke transite ensuite par le Marlag et Milag de Tarmstedt de janvier à mai 1945. Il est libéré lors d'une marche près de Lübeck le 2 mai par la 2e Armée Britannique.
Clarke est débriéfé à Londres par le MI-9 le 8 mai 1945.
Merci à Roger Guernon pour les photos de John Clarke et Anne-Marie Errembault.