Dernière mise à jour le 11 août 2023.
Walter Armstrong DUER / O-691484
San Antonio, Mendocino County, Californie, USA (en février 1942 : 1351 Walbridge Street, Red Bluff, Tehama County, California).
Né le 19 septembre 1921 à Oceana, San Luis Obispo County, Californie / † le 25 décembre 2005 à Solvang, Californie.
2nd Lt, USAAF 487 Bomber Group 838 Bomber Squadron, copilote (selon le MACR) et observateur, mitrailleur de tourelle arrière (selon son E&E 940 et celui de Peterson - E&E 1511…).
Atterri près de Coulonges-les-Sablons, Orne, France, à une quinzaine de km au nord-est de Nogent-le-Rotrou, Eure-et-Loir.
Consolidated B-24H Liberator, 41-29468, 2C-. / "Peg O' My Heart" abattu par la Flak le 11 mai 1944 lors d'une mission sur la gare de Chaumont en Haute-Marne, France.
Ecrasé entre Bretoncelles et Coulonges-les-Sablons, dans l'Orne, France.
Durée : 3 mois.
Camps : caché à Mazangé (près de Vendôme, en Loir-et-Cher, France)
Rapport de perte d'équipage MACR 4750. Rapport d'évasion E&E 940 disponible en ligne.
L’appareil décolle de Lavenham vers 11h00 heure anglaise. Touché en route vers l’objectif par cinq coups directs de la Flak au-dessus de Châteaudun, trois moteurs hors d'usage, la queue fortement endommagée, le système électrique mort, l'appareil perd de l'altitude et son pilote donne l'ordre de l'évacuer.
Les onze hommes à bord seront tous sains et saufs. Outre Walter Duer (la présente fiche), trois autres parviendront à s'évader : le navigateur n° 1, le 1st Lt Alfred H. Richter (évacué par la ligne Bourgogne/Burgundy " - E&E 1036), le chef de Wing commandant l’opération, le Lt Col Beirne Lay et le mitrailleur latéral S/Sgt Robert W. Peterson (évacué par la ligne Bourgogne/Burgundy " - E&E 1511).
Le pilote, 1st Lt Frank Vratny, parviendra d'abord à s'évader avec l'aide de la Résistance et passera par Brou, Versailles, Paris, Vincennes, Paris à nouveau avant d'être arrêté le 19 juillet en route vers l'Espagne en camion, avec 15 autres aviateurs évadés.
Six autres membres de l'équipage, dont certains parviendront d’abord à s’évader, seront fait prisonniers : le navigateur n° 2, le Capitaine Donald E. Wilson ; le bombardier Capt Francis G. Hodge Jr; le mitrailleur latéral S/Sgt Arthur J. Pelletier ; le radio S/Sgt William M. Alich ; le mitrailleur dorsal S/Sgt John P. Watson Jr et le mitrailleur ventral S/Sgt Lawrence Heimerman.
Dans un récit, le Lt Colonel Beirne Lay mentionne que Richter, le navigateur n°1, l'avait avisé de ce que le copilote (Duer) avait un fémur cassé par un éclat de Flak (détail non confirmé dans les E&E). Se rendant compte peu après que l'intercom ne fonctionnait plus, Lay demanda à Richter d'aller avertir tout le monde d'évacuer l'avion. Le pilote Vratny actionna alors la sonnerie d'alarme et maintint le contrôle de l'avion pour permettre à tous de sauter. Le Lt Col Lay restera à bord après le saut de Vratny et quittera l'avion en dernier.
Le rapport d’évasion de Walter Duer (qui est très succinct et renvoie à celui de Beirne LAY - E&E 939) mentionne qu’il a atterri à « 5 miles N of Chateaudun ». Cela semble fort peu probable, vu que dans son livre, Beirne LAY écrit qu’ayant touché le sol et après avoir rassemblé son parachute sous le bras, il a aperçu le Lt Duer marchant dans un champ voisin. Immédiatement entourés de Français, attirés par le bruit de l’explosion de bombes de leur appareil en feu, Duer et Lay décident par prudence d’aller se cacher dans un bosquet, près du village de Bretoncelles, puis de ramper à travers champs vers une grange de foin où ils se cachent pendant deux jours. Des Français leur remettent des vêtements civils et de la nourriture, mais ne peuvent les faire entrer en contact avec la Résistance. Ils leur recommandent de se diriger vers l'Espagne et leur expliquent où sont les postes allemands.
Au soir du 13 mai, Duer et Lay se mettent en marche vers l'Ouest, en contournant Nogent-le-Rotrou par l’Ouest comme un fermier leur avait recommandé, cette ville grouillant de soldats allemands. Les deux hommes marchent toute la nuit, s'arrêtant près d’un ruisseau pour y plonger leurs pieds endoloris. Le curé d'une petite ville ne peut les aider. Ils sont arrêtés par un jeune soldat allemand qui ne les comprend pas et finit par les laisser partir. Un fermier les prend alors chez lui et leur donne à manger. Des Allemands à leur recherche arrivant à la ferme, ils vont se cacher dans une chambre pendant que les Allemands questionnent le fermier. Celui-ci parvient à les convaincre qu’il ne cache pas d’aviateurs et les soldats s'en vont. Duer et Lay quittent la ferme le lendemain.
Poursuivant leur route vers le Sud, ils entrent dans une église de village pour prier et disent au curé qu'ils sont Américains. Le curé les nourrit et les loge deux jours, avant de les remettre à un fermier qui a contacté la Résistance, mais en vain. Ils partent le lendemain et continuent à marcher, aidés et nourris en cours de route par divers fermiers. Dans un des villages qu’ils rencontrent on leur indique qu’ils pourraient trouver de l’aide dans un château dont la propriétaire est une anglaise mariée à un français. Arrivés vers le 23 mai au château au nord d’Oucques, la châtelaine leur déclare la mort dans l’âme que, bien que désireuse de les aider, elle ne peut le faire car son mari, momentanément absent, est en cheville avec les Allemands.
Duer et Lay se remettent en route, vers la gare d’Oucques qui leur avait été indiquée, où ils arrivent pour constater qu’il n’y existe ni voie ni rails (à noter qu’il existait une gare de tramways à Oucques avant la guerre…). Ils entrent à l’Hôtel du Bon Laboureur non loin de l’église où ils voient des hommes attablés, servis par une dame assez corpulente. Ayant à peine exprimé leur souhait d’obtenir de l’aide, le patron leur intime de déguerpir, ce qu’ils s’empressent de faire, décidant alors de rentrer dans l’église.
Le curé prétend ne pouvoir les aider, disant qu’ils pouvaient cependant s’asseoir dans la maison du Seigneur. Après un certain temps, ils s’apprêtent à partir lorsqu’une petite dame aux cheveux gris entre dans l’église et leur demande en anglais si elle peut les aider. Elle leur explique que le curé est venu la chercher et se présente comme une ancienne employée de Lord "Fitz Allen" en Angleterre. Dans son livre, Beirne LAY identifie le village en question comme étant bien Oucques et la dame comme Mlle Jeanne "GILBERT" [ en fait Jeanne GUILBERT, reprise à la liste des Helpers français à la Grande Rue à Oucques ]. Par ailleurs, il s’agit en fait du vicomte Lord FitzAlan, dernier vice-roi britannique d’Irlande et dernier locataire du Cumberland Lodge dans le Great Park de Windsor, au sud de cette localité du Berkshire. Quant au curé, non identifié par Lay, nous avons pu trouver qu’il s’agissait de Germain RICHARD (1880-1976), curé puis curé doyen jusqu’en 1947, de l’Eglise Saint-Jacques à Oucques.
Un coiffeur, appelé par Jeanne, rase rapidement les deux hommes dans la sacristie. Jeanne leur apporte alors un repas chaud et leur apprend que le chef de son organisation passera dans la soirée à l’hôtel où leur séjour pour les 2 nuits suivantes est déjà arrangé. L’intention est de les faire gagner l’Angleterre par avion comme cela avait déjà été le cas, leur dit-elle, pour 18 aviateurs avant eux. Après que, dans la soirée, le curé ait lavé, soigné et bandé les pieds endoloris des deux hommes, Jeanne leur présente "Monsieur Jacques" et tous se rendent à l’hôtel où le patron, Monsieur TRÉMÉAC, leur apprend qu’il les avait expulsés de son établissement le matin, car l’un des clients était un collaborateur en cheville avec les Allemands. L’hôtelier prend note des noms, matricules et de quelques autres détails personnels des deux évadés aux fins de vérification avec Londres. Il leur explique qu’il est obligé, vu le risque accru, de déménager sa radio vers un endroit plus sûr à 40 km d’Oucques.
Jeanne GUILBERT leur explique que le surlendemain un fermier amènerait un veau pour l’abattage dans la cour à l’arrière de l’hôtel où ils logent et qu’ils ne devaient pas s’inquiéter du bruit que cela causerait. Ils sont menés par la suite par «Monsieur Jacques" et un autre homme dans une ferme où, cachés dans un silo à grains, on leur dit d’attendre deux jours avant l’arrivée d’un avion Lay et Duer resteront finalement douze jours dans cette ferme. Il s’agit probablement de la ferme d’Henri PEAN à Rahart (à l’ouest d’Oucques et au sud de la Forêt de Fréteval). Vers la fin de leur hébergement, Jeanne arrive au silo et leur apprend que "Monsieur Jacques", dénoncé par un collabo, avait été arrêté alors qu’il transmettait par radio et qu’il avait été torturé avant d’être abattu comme d’autres membres de son groupe. Elle leur apprend que des résistants d’un autre groupe viendront les chercher le lendemain pour les conduire à une autre ferme d’où une nouvelle possibilité de les faire évacuer par avion serait examinée. Nous n’avons malheureusement pas pu retrouver l’identité de ce "Monsieur Jacques"…
Le lendemain, Jeanne GUILBERT leur rend visite vers midi accompagnée du coiffeur venu pour les raser, Jeanne insistant pour qu’ils soient "présentables"… Une heure plus tard apparaissent deux jeunes français (France LEPAGE et Roger GAULTIER, apiculteurs) qui les font monter à l’arrière d’un camion de livraison rempli de ruches vidées de leurs abeilles. Après ½ heure, le camion s’arrête et un 3ème homme s’installe au volant après avoir accroché sa bicyclette au pare-chocs avant du véhicule. Une heure plus tard, le chauffeur arrête le camion près d’une ferme abandonnée, descend du véhicule, part avec son vélo tandis qu’un autre chauffeur prend sa place à côté du convoyeur et le voyage se poursuit. Deux cyclistes apparaissent alors devant le véhicule, qui les suit pendant environ 3 km jusqu’à une intersection. Une jeune fille à vélo attend là, la roue avant de sa bicyclette orientée vers l’une des trois routes dans laquelle le camion s’engage alors derrière la jeune fille, que deux nouveaux cyclistes rejoignent bientôt, remplaçant les deux autres.
Après un parcours mouvementé par de petits chemins de campagne, le camion s’arrête finalement derrière l’étable de la ferme de Robert PAUGOY au lieu-dit Villegager, à 5 km au nord de Mazangé, près de Vendôme, en Loir-et-Cher. Arrivés là le 5 juin, Lay et Duer y trouvent, outre Robert PAUGOY, Georgette son épouse, leur fils Georges, Denise, la bonne, le domestique Gilbert et deux enfants réfugiés, Henri et René, ainsi que 3 membres des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur.) Georgette PAUGOY était la sœur d’Yvonne FOUCHARD, épouse du fermier Germain FOUCHARD à Bellande-Villebout (lieu d’un des camps secrets dans la Forêt de Fréteval).
Duer et Lay sont réveillés le lendemain par Robert PAUGOY, tout excité, qui vient d’entendre à la BBC la nouvelle du Débarquement en Normandie. Bien qu’heureux de l’apprendre, les deux évadés comprennent que leurs espoirs de rejoindre l’Angleterre par avion s’effondrent, la situation aérienne dans le Nord de la France ayant subitement changé. Les deux hommes restent donc à la ferme, où ils aident aux travaux, dormant soit à l’intérieur, soit dans l’étable, soit à la belle étoile dans le champ, leurs seuls visiteurs étant des membres du maquis ou des FFI, la ferme servant d’arsenal d’armes et de munitions parachutées d’Angleterre à leur intention. Maintes fois, en fonction des nouvelles de l’avancée des troupes américaines, les deux évadés pensèrent quitter la ferme pour aller vers le nord-ouest à leur rencontre, mais à chaque fois Robert PAUGOY les en dissuade, répétant que dès que les libérateurs seront suffisamment proches, des maquisards viendront les chercher pour qu’ils puissent les rejoindre.
Le 13 août, deux autos arrivent à la ferme et sept maquisards armés jusqu’aux dents leur apprennent que les Américains ne sont pas loin. Duer et Lay quittent leurs hôtes avec émotion et embarquent à l’arrière de la deuxième voiture, les deux véhicules démarrant en trombe. On leur donne à chacun une mitraillette, le convoi s’arrête à une ferme pour prendre un soldat anglais caché là depuis 1940 et leur course s’arrête à une trentaine de km d’Oucques dans une ville de moyenne importance où ils sont remis à une unité blindée américaine, en avant-garde de la 5ème Division US. Ils sont pris en charge et conduits vers le nord-ouest, passant par Le Mans, Laval, Avranches et Saint-Lô avant d’arriver au QG de la 9ème Air Force à Saint-Pierre-du-Mont (Manche) le 14 août où ils sont interrogés par le Special Agent F. S. Verity. Beirne Lay et Walter Duer rejoignent l’Angleterre le lendemain dans un C-47 piloté par le Brigadier général Victor H. Strahm. Ils sont à nouveau interrogés par l’I.S.9 le lendemain et leurs rapports d’évasion sont finalisés le 1er septembre 1944.
Crédit photo : sites http://www.fondationresistance.org/documents/cnrd/Doc00013.pdf et http://forcedlanding.pagesperso-orange.fr/mcleary.htm (via Madame Elizabeth Wilder.)
Dès son plus jeune âge, Walter Duer était passionné d’aviation et, à peine âgé de 16 ans, on le surnommait déjà "le Lindbergh de Willits".