Fiche créée le 31 octobre 2020.
Harry THOMPSON-BRUNDIDGE III / 10601006
Saint Louis, Missouri (en septembre 1945 : 9418 Wire Avenue, Silver Spring, Maryland)
Né le 5 octobre 1918 à Springfield, Missouri/ † le 17 décembre 1993 à San Rafael, California
Sergent, 303 Bomber Group 358 Bomber Squadron, mitrailleur latéral droit.
Atterri près de La Guierche, à environ 10 km au Nord du Mans, dans la Sarthe, France
Boeing B-17 F Flying Fortress (Forteresse Volante), 42-5792, VK-I / " The MUGGER ", abattu le 4 juillet 1943 par des chasseurs allemands lors d'une mission sur les usines aéronautiques Gnome-Rhône entre Le Mans et Arnage, France.
Écrasé sur la commune de Noyen-sur-Sarthe, dans la forêt du chateau de Montabon, près des fermes "La Bluterie" et "La Gauterie". A environ 400 ou 500 m du chateau. (Sarthe), France.
Durée de son évasion: 6 ½ mois.
Arrêté le 17 janvier 1944 à Paris.
Pas de Missing Air Crew Report relatif à la perte de cet appareil.
Le B-17 décolle de Molesworth à 09h30 et, pris dans les remous des appareils volant devant lui, il est distancé et s'éloigne de la formation. Isolé, il est attaqué par plusieurs chasseurs allemands juste avant d’atteindre l’IP (Initial Point) soit à environ 25/30 km du Mans.
Le moteur n° 1 est touché, prend feu, s'emballe et ne peut être mis en drapeau. L'incendie se propageant et vu le danger d'explosion, Koenig tente de larguer les bombes, mais elles restent coincées dans leur logement. Il voit que le compartiment radio est également en feu et en avise le pilote, le Lt Robert S. O'Connor.
Bernard Koenig, le mécanicien-mitrailleur de tourelle dorsale, précise que l'avion a explosé avant de toucher le sol. Parmi les membres d'équipage, deux hommes seront tués : le pilote O'Connor, resté à bord pour s'assurer que tous les autres avaient pu sauter, et le bombardier 2nd Lt Richard W. Peterson. Tous deux reposent au Normandy American Cemetery à Colleville-sur-Mer.
Bernard Koenig est à l’extrême gauche dans la rangée de devant sur la photo de l'équipage à cette page. Un monument a été érigé à Malicorne-sur-Sarthe à la mémoire dudit équipage.
Quatre seront faits prisonniers : le copilote 2nd Lt Donovan B. Manifold, le navigateur F/O Andrew N. Halioris, l'opérateur radio T/Sgt Earl Hogue et le mitrailleur droit Harry Thompson-Brundidge (la présente fiche). Ce dernier, selon des recherches conjointes avec notre ami français Jacky Emery en octobre 2020, n’aurait été arrêté que le 17 janvier 1944 (voir plus bas).
Outre Bernard Koenig, trois autres parviendront à réussir leur évasion : le mitrailleur ventral S/Sgt Albert Van Hook Carroll (E&E 123), le mitrailleur gauche Sgt Edward F. Chonskie (E&E 121) et le mitrailleur arrière S/Sgt John Zioance (E&E 122) qui voyagent ensemble pratiquement tout le temps. Après avoir été aidés par de multiples personnes depuis Vion dans la Sarthe, en passant par Le Mans, Poitiers, Toulouse, Pamiers et Foix, ils passent seuls la frontière espagnole et les Pyrénées pour arriver en principauté d'Andorre, puis à Madrid et Gibraltar avant leur retour en Angleterre.
Après avoir ouvert la trappe d'évacuation dans le nez de l'appareil, Bernard Koenig décide de quitter l'avion et saute à 5500 m, suivi immédiatement du bombardier, le 2nd Lt Richard W. Peterson et du navigateur, le F/O Andrew N. Halioris. Lors de sa descente, Koenig compte cinq parachutes au total et voit leur B-17 partir en vrille lente puis l'une de ses ailes s'en détacher.
Koenig atterrit près d'une rivière (la Sarthe) et rejoint un de ses camarades tombé à une centaine de mètres de lui. (Koenig n'identifie pas ce dernier dans son rapport, pas plus que sa position à bord, et nous pensions qu’il devait s'agir de l'un des quatre prisonniers - peut-être Halioris - son compagnon ayant vraisemblablement été arrêté après leur séparation). Tout porte mantenant à croire que ce compagnon d’échappée serait en fait le T/Sgt Harry Thompson-Brundidge. Ce denier ayant été capturé, il n’existe pas de rapport d’évasion établi à son nom et seuls certains détails que nous reprenons plus bas nous ont permis de corroborer notre hypothèse. Ils se débarrassent de leur parachutes et harnais et les dissimulent dans une haie avant de courir vers un bois qu'ils traversent pour arriver à une route. Ils laissent passer de nombreux cyclistes avant d'aborder un homme seul à vélo qui les aide à traverser la route et leur indique la route vers Paris.
S'aidant de leur boussole, les deux aviateurs marchent à travers champs et s'adressent à une ferme où ils reçoivent à manger. Dans l'après-midi, ils commencent à suivre une voie de chemin de fer avant d'être arrêtés par un français qui leur demande leurs papiers. Lui ayant dit qui ils étaient, l'homme les laisse aller et lorsqu'ils arrivent à une petite route, ils rencontrent un jeune garçon "qui les reconnaît" et leur conseille de quitter la route et de plutôt se déplacer à travers champs.
Après une heure de marche ils arrivent à une ferme où on leur donne des vêtements civils. Ils se dirigent alors vers une rivière où un français les interpelle près d'un barrage, les prévenant qu'ils se dirigeaient vers un pont parfois gardé par une sentinelle allemande. Un ami de l'homme va vérifier si le pont est gardé et le premier homme prend les deux évadés dans sa barque pour les mener de l'autre côté du courant. Avant de les quitter, il les prévient de ce qu'un couvre-feu est en vigueur dans le coin à partir de 23h00.
Poursuivant leur route, les deux hommes arrivent dans une petite ville (Neuville-sur-Sarthe) où un homme, surpris par le bruit qu'ils ont fait en escaladant une clôture qui se brise sous leur poids, leur indique un itinéraire à suivre. Koenig et son co-équipier marchent jusqu'à 3 km en dehors du patelin et se réfugient dans une meule de foin où ils s'endorment.
Tôt le lendemain, ils se remettent en route, atteignent une voie de chemin de fer et rencontrent un Français qui les fait se cacher dans un jardin à l'abandon avant de leur ramener de la nourriture et quelques vêtements supplémentaires. Ils marchent tout l'après-midi et arrivent au Mans où ils sont pris en charge dans une maison à la limite de la ville.
Le lendemain, le 6 juillet, ils se remettent en route et vers midi tombent sur une voie ferrée où un gardien français leur demande leurs papiers. Mis au courant de qui ils sont, il les guide vers un pont habituellement gardé par des soldats allemands et leur fait signe lorsque le passage est sûr. Avant de les quitter, l'homme leur dit de s'éloigner des voies ferrées, généralement très surveillées. Exténués après encore une dizaine de km de marche, ils s'arrêtent dans un champ où ils dorment pendant plusieurs heures.
Ils se remettent en route et s'adressent à un fermier qui accepte de les cacher dans son étable. Dans la soirée, le fermier leur présente un couple parlant anglais. Ils signalent qu'ils souhaitent prendre un train pour rejoindre Paris. L'homme va à la gare de Neuville-sur-Sarthe pour acheter des tickets, tandis que sa femme se rend au Mans pour faire de même. Plus tard, à la gare du Mans, la femme leur remet des tickets de train pour Paris, leur indiquant comment monter à bord du bon convoi.
Les deux aviateurs arrivent le 7 juillet à 19h00 à la gare d'Austerlitz à Paris. Ne sachant pas très bien vers où se diriger, ils entrent après une heure dans un café où ils déclarent au barman qu'ils sont américains. Le barman leur dit de s'en aller rapidement car il y avait des soldats allemands dans une salle à l'arrière. Ils sont également refusés dans un autre établissement après qu'on leur ait demandé de produire leurs cartes de rationnement. Dans un troisième café, alors qu'ils demandent au patron un endroit où pouvoir rester, une femme attablée se lève, vient vers eux et les emmène chez elle où ils lui montrent leurs plaquettes d'identification. Les deux hommes attendent dans une pièce, la femme allant chercher un ami avec lequel elle revient un peu plus tard. L'homme parle anglais et les deux évadés lui disent qu'ils souhaitent entrer en contact avec la Résistance. L'individu déclare ne rien savoir de l'une ou l'autre organisation, mais qu'il a un ami qui pourrait les aider. Il revient les voir le lendemain et leur dit que quelqu'un passera les voir deux jours plus tard.
Le rapport de Koenig indique que "Franco" (Jean-François NOTHOMB, de Comète) est alors arrivé le 10 juillet, leur a posé des questions "idiotes" avant de les amener chez une dame habitant près des usines Renault et chez qui ils prennent le repas du soir. Comme il n'y a chez la dame que de la place pour loger un seul homme, on décide que son co-équipier "B" (seule indication "personnalisée" dans le rapport de Koenig quant à son compagnon d’évasion) restera là et que Koenig ira chez une autre dame dont le mari et la fille avaient été arrêtés. Koenig précise qu'il ne reverra plus son co-équipier par la suite. Notre conclusion est que ce "B" ne peut être que Thompson-Brundidge, "Brundidge" comme Koenig et les autres l’appelaient à certains moments, "Thompson" à d’autres. Contrairement aux Britanniques, les Américains n’ont que très rarement des noms de famille composés (genre Elmhirst-Baxter, Chester-Master, Clark-Carter, etc…). Il n’est donc pas étonnant qu’à la fois Thompson et Brundidge aient été utilisés par certains et à certains moments comme son nom de famille ("Harry Thompson Brundidge")… Sa fiche de Prisonnier dans les archives POW de la NARA le reprend même comme Harry T Brundige (sic)… Dans leurs rapports d’évasion, Chonskie, Zioance et Carroll ne mentionnent rien à propos de Koenig et indiquent seulement que "Thompson" a sauté, suivi de Zioance, Hogue, Chonskie et Carroll… ce qui renforce notre opinion que Koenig et Thompson ont sauté en premier, avant que l’appareil ne survole Le Mans. Manifold, Halioris et Hogue, quant à eux, ont été immédiatement arrêtés après leur atterrissage.
Vu le danger, on déplace ensuite Koenig chez une institutrice de 55 ans parlant bien l'anglais, et chez qui se cache également une juive polonaise. Koenig reste dans cette cachette jusqu'à son départ de Paris. Il signale qu'il a été pris en photo pour la confection de faux papiers et qu'il a eu pendant son séjour la visite d'une dame habitant Mulhouse.
Le rapport de Koenig ne reprend pas les noms des personnes qui l'ont aidé, mais nous savons par recoupement qu'il a été logé à Paris par Madeleine AYRAND épouse FOCKENBERGHE au 28 Quai de Passy à Paris XVIe. Jacky Emery a pu retrouver une mention d’un "Harry Tom Bridge ?" (sic) comme hébergé également chez Madeleine FOCKENBERGE, ce qui confirme notre hypothèse. Dans son rapport, Kenneth Davis Kenneth Davis indique que le 17 janvier, un aviateur américain, "gravement blessé" (?), le rejoint, lui rapportant qu'il se trouvait déjà à Paris depuis six mois. Le prêtre les emmène tous deux vers une école où ils rencontrent une dame française dont Davis dit qu'elle leur avait déjà rendu visite auparavant et en laquelle ils n'avaient pas entièrement confiance ("not quite genuine"...) La dame leur dit qu'elle va les mener à une gare à Paris pour rencontrer le "chef de la Résistance à Paris", mais, ajoute Davis, au lieu de cela, ce sont des Allemands qu'ils rencontrent… La femme est arrêtée avec eux et Davis rapporte qu'ils l'ont vue partir par la suite… Thompson-Brundidge est plus que probablement un des deux aviateurs ("un Américain et un Anglais") que l'abbé Robert BEAUVAIS venait de remettre, à la station de "Sèvres-Babylone" à Paris, à Madeleine AYRAND épouse FOCKENBERGHE, arrêtée avec ces deux aviateurs le 17 janvier 1944.
Nous n’avons pu retrouver aucun document officiel concernant l’arrestation et le parcours ultérieur de Thompson-Brundidge. Nous supposons qu’il a dû passer par la Prison de Fresnes à Paris avant d’être envoyé en Allemagne pour des interrogatoires complémentaires (vraisemblablement au Dulag Luft d’Oberursel), avant d’être interné au Stalag Luft à Gross Tychow/Tychowo.
Dans un article de journal américain de 1943 que nous a transmis Jacky Emery et consacré à Bernard Koenig, fraîchement rentré aux États-Unis, ce dernier indique que deux de ses co-équipiers ont été tués, quatre (dont lui-même) ont réussi à s’évader et quatre autres sont prisonniers en Allemagne. Il ajoute qu’il n’y a aucune nouvelle d’Harry T. Brundage (sic) dont on se demande s’il a été fait prisonnier ou s’il est toujours "quelque part en France" tentant de trouver un abri amical.
Nous avons pu retrouver d’autres articles de journaux américains, faisant état : le 15 octobre 1940, dans le “St. Louis Post-Dispatch” (Missouri), que H. Thompson-Brundidge, 21 ans, du Missouri, le premier Américain à joindre la Royal Air Force en Méditerranée, avait obtenu ses ailes de mitrailleur, poste pour lequel il s’était porté volontaire, plutôt que pour celui de pilote, qui aurait requis une plus longue période d’entraînement ; le 7 janvier 1941, dans le “Joplin Globe” (Joplin, Missouri), qu’il avait participé comme seul Américain servant au Moyen Orient, à trois raids de bombardement contre l’Italie, dont un sur Bardia ; le 12 novembre 1943 dans le “St. Louis Post-Dispatch”, une dépêche du Département d’État renseigne Harry Thompson Brundidge III comme ayant été tué en juillet lorsque la Forteresse Volante "Mugger" fut attaquée par 15 chasseurs allemands et abattue durant un raid sur l’Europe de l’Ouest. On y confirme qu’il avait été le premier Américain à s’être engagé dans la RAF au Moyen Orient avant d’être transféré à l’USAAF ; finalement, dans le “Tampa Tribune” (Tampa, Florida) du 5 décembre 1943, son nom figure pour New York dans une liste de 165 soldats américains tués au combat publiée par le Département d’Etat … Il se confirme par ailleurs qu’il faisait partie en Méditerranée du 21 SAAF (South African Air Force) Squadron, constitué au Kenya au début de la guerre).
Cet article (ci-dessus) du "Salem News" (Salem, Oregon) du 2 juin 1945 rapporte que le T/Sgt Harry Brundidge a débarqué du transport de la U.S. Navy "Admiral Mayo" à Boston, dégonflant les rumeurs de sa "mort" en tombant dans les bras de son père, journaliste à Saint Louis, Missouri. L’article parle d’une captivité en Allemagne de deux ans (il compte erronément depuis la chute du B-17 jusqu’à la date du retour aux États-Unis), ajoutant que le sergent Brundidge avait effectué 78 missions avec la RAF avant de rejoindre l’USAAF et terminant en disant qu’après la nouvelle de la perte de son avion au-dessus de la France, on avait estimé que des restes retrouvés mutilés au-delà de toute identification étaient les siens. Les 276 points font référence au système de points mis au point dès septembre 1944 par le War Department (Advanced Service Rating Score, étendu par la suite au Adjusted Service Rating Score) pour réaliser de façon équitable le rapatriement et la démobilisation des millions de personnes engagées dans les Forces Armées (1 point par mois de service, 1 point supplémentaire par mois de service outremer, des points supplémentaires par décoration octroyée, 12 points par enfant jusqu’à un maximum de 3 enfants…)
Un autre article, celui du "Ames Daily Tribune" (Ames, Iowa), daté du 6 juin 1945 rapporte que le T/Sgt Harry Brundidge, de Saint-Louis est en route pour Le Caire à la recherche de sa femme d’origine grecque et de leur fils. Ayant reçu un congé spécial, il a pris l’avion à Rome le 5 juin à destination du Caire. L’article ajoute qu’il avait été abattu près du Mans, France en 1943 et qu’il avait été présumé mort jusqu’en janvier 1944. Entretemps, son épouse, née Papayannou avait assisté avec leur fils, alors âgé de 2 ans, à une cérémonie au cours de laquelle la médaille Purple Heart (décernée pour blessure au combat) lui avait été remise à titre posthume. On signale également que, libéré par des troupes russes en avril, et apparemment en bonne santé, il s’était marié à Athènes en 1939, son épouse étant la fille d’un riche médecin du Caire.
A http://www.stalagluft4.org/# le lien Barbed Boredom (janis roster) est un dossier PDF téléchargeable où notre Harry est repris dans la liste sous "Brundidge H T, Missouri "… Contrairement aux Britanniques, les Américains n’ont que très rarement des noms de famille composés (genre Elmhirst-Baxter, Chester-Master, Clark-Carter, etc) et il n’est donc pas étonnant que Thompson ait été considéré comme son deuxième prénom ("Harry Thompson BRUNDIDGE"…), le patronyme Brundidge pouvant être parfois repris comme Brundige… qui se prononce de la même façon… Et, surprise, à la page 104 du même fichier, on trouve notre Harry sous "Thompson H B 9 Shari Amir Said Zamalek Cairo Egypt"…
Des recherches complémentaires sur “Allan”, le fils de Harry et de Eleni Theod(ora ?) PAPAYOANNOU, mariés en Grèce en 1939, nous ont permis de trouver finalement à http://miquelcinema.blogspot.com/2013/08/alan-theodoros-brundidge-el-caire-28.html qu’il s’agit de Alan Theodoros Brundidge, né au Caire le 28 août 1940 et décédé, de même que son épouse Nancy Dorothy Hjortshoj (née vers 1926), le 29 décembre 2000 dans l’incendie de leur maison à Cas Catala, Palma, Mallorca… Il semble que le couple n’avait pas d’enfants…
Décédé en Californie en 1993, Harry Thompson-Brundidge repose au Golden Gate National Cemetery à San Bruno, Californie.