Dernière mise à jour le 06 août 2014.
John Patrick EGAN / 1380187
Né le ? / † en 1970
Sgt, RAF Bomber Command 467 Squadron, mécanicien/2nd navigateur
Atterri près de 's Gravenwezel, province d'Anvers, Belgique.
A. V. Roe Lancaster Mk.III - ED768 - PO-N, abattu par la Flak dans la nuit du 25 au 26 mai 1943 lors d'une mission sur Düsseldorf.
Ecrasé près de 's Gravenwezel, province d'Anvers, Belgique
Durée : 1 mois.
Arrêté le 30 juin à Bruxelles.
Le Lancaster décolle à 23h41 de Bottesford. Peu avant l'objectif, des chasseurs allemands l'attaquent et le touchent mortellement. Deux moteurs sont en feu et le pilote, Fl/Sgt John Maxwell Parsons, RAAF, fait demi-tour alors que l'appareil perd de l'altitude. Il donne l'ordre de larguer les bombes et les fusées et, comprenant qu'ils ne pourront regagner l'Angleterre, ordonne d'évacuer l'avion.
John Parsons, le mécanicien Sgt Bernard Spencer et le mitrailleur arrière Sgt Thomas Chalmers seront tués. Ils sont tous trois inhumés au cimetière du Schoonselhof à Anvers. Trois hommes seront fait prisonniers pratiquement immédiatement : le bombardier Sgt Norman Jardine Vaulkhard, l'opérateur radio Sgt J. Frank Selman, RCAF (qui atterrit dans un arbre au milieu d'un terrain de manœuvres de l'armée allemande) et le mitrailleur dorsal Sgt R. A. Hunt.
John Egan, dont c'est la 59ème mission en deux ans, saute et à l'ouverture de son parachute, est coupé de la nuque à l'oreille par les sangles. En descendant, il voit l'avion se désintégrer en vol, avec Parsons et Chalmers à bord. Il atterrit sur le dos dans un champ de blé près d'un bois. Il enterre son parachute et son harnais et se met en marche vers l'Ouest.
A l'aube du 26 mai, un homme à vélo le croise, fait demi-tour pour mieux l'observer, puis le dépasse en roulant vers une ferme. Egan arrive à la ferme et décide de s'y adresser. Il montre la carte de son kit d'évasion et demande où il se situe par rapport à Anvers. On lui dit qu'il en est à environ une dizaine de kilomètres et on lui indique la route pour y parvenir.
Sur la route, des gens le regardent avec étonnement et suspicion et un jeune homme à vélo lui fait comprendre de quitter la route et de s'abriter dans un fossé un peu plus loin. Le jeune homme et une femme l'y rejoignent peu après et lui demandent s'il a de l'argent. Il n'a que des francs français dans son kit et le jeune homme les emporte en disant qu'il essaierait de les changer en francs belges. Après environ deux heures, le jeune homme revient et lui remet 800 FB ainsi qu'une veste avant de lui expliquer comment atteindre l'arrêt du tram pour Anvers.
Egan monte dans un tram, paie son passage et s'endort, exténué. Arrivé à Anvers, il descend sur une grande place et décide de s'éloigner du centre. Il marche 1 kilomètre, rentre dans un café et commande une bière, mais son accent semble attirer trop l'attention et il préfère s'en aller en vitesse. Il marche ainsi toute la journée à travers Anvers et, ayant atteint les faubourgs, il s'endort dans un champ pour la nuit. Le lendemain, il attend l'après-midi avant de tenter sa chance dans une église. Là, un prêtre parlant très bien l'anglais lui dit que la meilleure solution pour lui serait de tenter d'atteindre Bruxelles. Le prêtre l'accompagne en tram jusqu'à la Gare Centrale d'Anvers où Egan achète lui-même un ticket pour Bruxelles.
Il descend à la Gare du Nord vers 13h00, va boire une bière dans un café puis déambule dans la ville jusqu'au couvre-feu, avant de passer la nuit dans un jardin ouvrier. Vers 5h30 du matin, il retourne vers le quartier de la Gare du Nord, rentre dans le café "Le Départ du Nord" près de la Place Rogier et commande un café au lait. Vu la rareté de ces denrées, le serveur comprend que l'homme n'est pas au courant des restrictions et va chuchoter à l'oreille d'une femme derrière le comptoir. Celle-ci s'approche alors d'Egan et lui demande s'il est américain, disant que son frère, américain, est sous les drapeaux et combat les Allemands. John lui répond qu'il est anglais et lui explique sa situation.
Il n'a pas fini son récit que la femme, en fait la propriétaire du café, l'emmène dans une pièce à l'arrière et lui sert à manger avant de lui montrer une chambre à l'étage où il pourra dormir. Le lendemain matin, elle lui apporte un petit déjeuner ainsi qu'un des costumes de son mari. Dans la soirée, la femme lui annonce qu'elle va le mettre en rapport avec la Résistance et une heure après, une autre femme se présente qui le guide jusqu'au 40 Rue Van Volsem à Ixelles.
Là, une femme leur ouvre la porte, la guide s'en va et peu après, le propriétaire, Maurice ANDRIES, arrive pour soumettre Egan à un interrogatoire serré afin de vérifier s'il est bien un aviateur allié. Satisfait des réponses de John, ANDRIES le mène au sous-sol où sont réunis quelques autres résistants, dont Marcel DEMONCEAU, recherché par la Gestapo. ANDRIES montre à l'aviateur un véritable arsenal de grenades, pistolets, etc et lui fait comprendre que la maison est vraiment "dangereuse".
Egan reste loger là pendant deux semaines et il lui arrivera d'être parfois promené dans la ville ou invité à l'une ou l'autre maison, dont celle d'une famille au 395 Avenue Louise (Arthur et Marguerite DALMOTE et leurs enfants). Il fait également la connaissance de Jean CAIVEAU, un français de Bordeaux, réfractaire et fiancé à la plus jeune des filles d'Arthur DALMOTE, Denise.
Au début du mois de juin, Maurice ANDRIES lui dit qu'après des problèmes dans le réseau, une nouvelle organisation s'est mise en place et qu'il pourra bientôt quitter la Rue Van Volsem. "Max" lui remet une fausse carte d'identité belge et d'autres faux papiers à n'utiliser qu'une fois qu'il sera sur le territoire français. Ces documents le renseignent comme électricien. Le même soir, on l'amène chez un photographe et 1 ou 2 jours plus tard, on le conduit à une gare où il rencontre cinq autres hommes, dont quatre aviateurs de la RAF et un guide belge.
Le groupe prend le train jusqu'à Kortrijk/Courtrai, puis un tram jusqu'à un faubourg de Lille, en France, puis encore un autre jusqu'à Lille même. Le groupe se scinde alors en deux et monte dans le train de Paris, qui quitte Lille à 13h00. Le convoi arrive à Paris peu après 17h00 et Egan et les 3 autres de son groupe attendent en vain les deux derniers qui devaient les rejoindre sur le quai d'arrivée. A 17h50, ne les voyant pas arriver, le guide belge décide de ne plus les attendre et mène le groupe vers la gare du métro en sous-sol où un rendez-vous était convenu avec un américain âgé et son épouse, tous deux résidant à Paris.
Le contact visuel est établi avec le couple et tous se pressent pour le rejoindre. A ce moment, le lacet d'une chaussure d'Egan se casse, il se baisse pour refaire un nœud… et, effaré, voit des Allemands fondre sur le couple d'américains, le guide belge et les deux autres aviateurs qui se font tous arrêter. Egan se retrouve donc seul, mais dans la confusion sur les quais, il parvient à monter dans une rame de métro dont il descend à l'arrêt suivant, à la Gare de l'Est. Se sentant moralement obligé, il prend un train en sens inverse pour retourner à la station Gare du Nord dans l'espoir de pouvoir constater que l'un ou l'autre de ses compagnons aurait pu s'évader.
La Gare du Nord a retrouvé entretemps son aspect normal et Evans reprend alors une rame et descend à Réaumur-Sebastopol où il tente de reprendre ses esprits. Il n'a en fait sur lui que des papiers belges et il sait que son guide arrêté est en possession de 2 photos de lui, l'une qui était destinée à ses papiers français, l'autre pour des documents espagnols. Il sait dès lors que la Gestapo sera bientôt à sa recherche, aidée par son signalement.
Il déambule le long de la Seine et décide de chercher un endroit pour dormir, fixant son choix sur une péniche apparemment abandonnée. A peine s'y est-il installé qu'un homme monte d'une cabine en bas et après que John lui ait expliqué la situation, l'homme le fait descendra dans sa propre cabine où dort sa jeune femme enceinte. Le couple ne le dénoncera pas malgré leur pauvreté et la possibilité d'une forte récompense, et John peut dormir à bord sur le plancher de la cabine avant. Il restera quinze jours là et sera nourri par le couple, malgré leurs très faibles moyens.
L'homme accompagne Egan chez le propriétaire du bateau, patron d'une grosse entreprise de transports, qui dit à l'aviateur qu'il ne peut rester à bord de la péniche, vu le trop grand danger qu'il représente pour le couple et pour lui et ses affaires. Il propose à Egan une somme de 8000 FF qui lui permettra de prendre un train jusqu'à Dax, près de la frontière espagnole, et il lui donne l'adresse d'un prêtre qui pourra l'aider sur place. Egan quitte dès lors le bateau, se rend à la gare Saint-Lazare où il prend un billet pour Dax.
Ayant échappé à deux contrôles par la Milice française en cours de trajet, il arrive finalement à Dax où il tourne en rond pendant deux jours, n'osant aborder personne. Le 3ème jour, il se décide à aller voir le prêtre qui lui dit que sa filière pour passer en Espagne est brûlée, qu'Egan ferait mieux de ne pas rester à Dax, l'endroit étant devenu trop dangereux, et que la meilleure solution pour lui est de retourner vers le Nord. Egan prend alors un train pour Paris et, une fois arrivé, sans savoir où aller, retourne sur les quais où le couple de bateliers l'accueille à nouveau pour trois jours. Le patron, contacté, remet 5000 FF à Egan et lui conseille d'aller voir à Calais une femme-médecin qui a aidé des agents à rejoindre l'Angleterre.
Egan prend donc un train pour Calais et descend à Le Pont d'Ardres, peu avant Calais même. Il rentre dans un café tenu par deux femmes et finit par leur demander le meilleur moyen d'atteindre Calais à pied. Elles lui répondent qu'il lui faudra inévitablement passer le pont… où une sentinelle allemande monte la garde, mais ajoutent qu'elles trouveront quelqu'un pour l'accompagner. Effectivement, il peut bientôt approcher le pont avec un homme du coin. La sentinelle demande à John ses papiers, le menaçant de son fusil. Egan hésite, le soldat s'énerve et survient un officier qui réprimande la sentinelle pour son attitude et laisse passer Egan et son compagnon.
Une heure plus tard, les deux hommes ont couvert les trois km les séparant de Calais et l'homme prend congé. Egan se rend à l'adresse indiquée, une maison dilapidée dans le centre de la ville. Il frappe à la porte et un homme apparaît, se déclare médecin, lui dit que la doctoresse n'est pas là et ferme la porte au nez de l'aviateur. Egan apprendra beaucoup plus tard que la doctoresse avait été arrêtée et fusillée.
En ce milieu du mois de juin, il passe de café en café dans l'espoir d'établir un nouveau contact, mais sans succès. Il quitte le centre pour aller au bord de la mer espérant y trouver un bateau qui pourrait l'amener de l'autre côté de la Manche. Il échappe de peu à une colonne de soldats et décide de retourner au centre, qui grouille de militaires allemands casernés dans la région, une invasion sur ces côtes étant prévisible. Il décide de prendre un bus pour retourner à Le Pont d'Ardres, parvient à éviter le contrôle au pont et retourne au café où il revoit l'homme qui l'avait accompagné jusqu'à Calais. Egan lui dit qu'il envisage de retourner à Bruxelles pour suivre son plan originel. L'homme lui dit que son beau-frère habite à Lille, qu'il pourra l'aider à repasser la frontière et lui donne son adresse, 138 Rue Léon Gambetta.
Egan prend un train pour Saint-Omer, puis un autre pour Lille. Lorsqu'il arrive Rue Gambetta vers 19h00, il se trompe et sonne au 136, un café. S'y sentant en confiance, il déclare au patron qu'il est Anglais et s'entend dire qu'il n'aura pas beaucoup de succès en s'adressant au 138, son voisin Marc n'y habitant pas. Le cafetier accompagne alors Egan quelques rues plus loin et lorsque Marc vient leur ouvrir, visiblement ennuyé, il leur déclare qu'il n'a pas le temps et ne peut rien faire pour aider l'aviateur. Lorsque les deux hommes retournent au café, John découvre que la femme du cafetier s'était arrangée pour que leur fille aille chez des amis, laissant sa chambre libre pour John. De plus, le cafetier lui annonce qu'il a pris contact avec des gens qui l'aideront à franchir la frontière le lendemain.
Réveillé à 10h00 le lendemain, un dimanche, après un copieux petit déjeuner, Egan est mis en présence d'Alphonse, qui, en compagnie d'un Albert, doit le guider jusqu'à la frontière belge. Albert arrive avec un vélo à trois places que le trio enfourche, se dirigeant vers Baisieux où ils s'arrêtent à la chaumière d'un ouvrier agricole. Après un copieux repas, ils remontent à vélo pour rouler quelques centaines de mètres jusqu'à un café au bord d'un champ de blé, de l'autre côté duquel se trouve la Belgique.
Egan traverse le champ seul et, après un quart d'heure se retrouve en Belgique. Il prend la direction de Tournai, y arrive, déambule un peu dans la ville, pui se rend à une gare où, grâce à l'argent que lui avaient donné ses amis lillois, il achète un billet pour Bruxelles. Arrivé à Bruxelles, il retrouve sans problème la Rue Van Volsem et il est sept heures du soir lorsqu'il frappe à la porte du n° 40. Un homme qu'il n'avait jamais vu auparavant vient lui ouvrir et après qu'Egan lui ai dit qu'il avait logé là au début du mois, il le laisse entrer.
Maurice ANDRIES et son épouse Edmonde, née LASSON, apparemment contrariés, lui demandent où il avait été depuis son départ. Egan leur raconte ses péripéties et perçoit de la méfiance chez le couple, qui ne comprend pas comment il n'a pas été arrêté lui aussi et craignent, sans le dire, qu'il ne soit finalement un agent allemand infiltré. Après de longues explications, Egan pense les avoir convaincus de sa bonne foi mais pendant deux jours encore il sent un climat pesant dans la maison, le handicap de la langue n'arrangeant pas les choses. Lorsque Maurice lui présente Brian Cooper et Ernest Roede qui logent là également, Egan peut compter sur Cooper qui parle très bien le français pour achever de tranquilliser ses hôtes.
Le lendemain, la première personne que voit Egan en descendant est Marcel DEMONCEAU, qui doit se cacher chez les ANDRIES, ses deux autres planques étant brûlées et la Gestapo étant sur ses traces. Egan est d'avis que la Gestapo pourrait effectivement ne pas tarder à débarquer Rue Van Volsem et il s'en ouvre aux ANDRIES qui ne paraissent pas s'inquiéter outre mesure, leur couverture étant assurée et se disant qu'en agissant avec toute la prudence requise, tout se passerait bien.
La troisième semaine de juin se passe et Jean CAIVEAU vient lui aussi chercher refuge chez les ANDRIES. Les opérations de sabotage de ces résistants s'intensifient et bientôt Joseph BAUWIN, Albert MEURICE, Eugène MAYNÉ, Marcel DEROME et Constant FLON viennent s'ajouter à la liste des "locataires" de la maison.
Le 28 juin, alors qu'Egan joue aux échecs avec DEMONCEAU, CAIVEAU aperçoit par la fenêtre un rôdeur qui semble épier la maison. Egan se dit qu'ils sont repérés, mais DEMONCEAU déclare que si c'est le cas, ils vendront chèrement leur peau, armés comme ils sont. On décide cependant de monter la garde à tour de rôle et même Elmonde ANDRIES s'y met le 29. Dans la matinée, elle aperçoit à deux reprises deux hommes traversant la rue, regardant vers la maison. Le fait qu'ils portent des imperméables, trop chauds pour ce bel été, l'inquiète et alors qu'elle en parle à son mari vers 13h00, les deux hommes réapparaissent. Malgré des allées et venues de plus en plus suspectes jusqu'au soir du 29, on décide de ne pas bouger, vu le couvre-feu et que l'on aviserait le lendemain.
A l'aube, tout le quartier des rues Van Volsem, Maes et de Venise est encerclé par plus de 300 policiers et soldats allemands. Les résistants se défendent durant trois heures, épuisant leurs munitions et les évadés seront découverts et arrêtés au n° 40. Marcel DEMONCEAU parviendra à s'échapper par les toits, mais sera arrêté, torturé et fusillé. Sa femme Rita sera déportée et survivra aux camps, tout comme Constant FLON et Armand CHATEL (qui avait rejoint le groupe depuis peu au 40). Ceux qui perdront la vie : Maurice et Edmonde ANDRIES, Joseph BAUWIN, Albert MEURICE, Eugène MAYNÉ, Marcel DEROME et Jean CAIVEAU.
Egan est incarcéré à la Prison de Saint-Gilles où il sera brutalement interrogé. Après environ deux mois passés là, il sera envoyé en Allemagne pour être interné au Stalag Luft 6 et au Camp N°357 - prisonnier n° 387. Il subira de très mauvais traitements de la part de ses geôliers car il ne leur dévoilera jamais ses connaissances en navigation aérienne, particulièrement concernant le système d'aide à la navigation "Gee", Top Secret.
L'écrivain britannique John Frayn Turner, qui avait pu interviewer John Egan, a écrit un livre au sujet de son évasion et de son emprisonnement : "Prisoner At Large", paru en 1957. Nous remerçions ici l'auteur pour l'amabilité qu'il a eue de nous en envoyer un exemplaire, ce qui nous a permis de compléter le parcours de John Egan
Le Cercle d'Histoire locale d'Ixelles a fait apposer une plaque sur la façade de la maison au 40 de la Rue Jean Volders. Les trois aviateurs John Egan, Brian Cooper et Ernest Roede ont chacun une page sur ce site. :
Merci à Roland Scaillet, petit-fils d'Arthur DALMOTE, pour la photo d'identité de John Egan.