Dernière mise à jour le 12 août 2018.
Forrest Dana HARTIN / O-660490
7 South Maple Street, Westfield, Massachusetts, USA
Né le 22 décembre 1914 dans le Massachusetts / † le 24 mars 1976 à Manchester dans le Connecticut, USA.
2Lt, 306 Bomber Group 423 Bomber Squadron, navigateur.
Lieu d'atterrissage : à 8 km au Nord-Ouest de Saint-Nazaire, Loire-Atlantique, France
Boeing B-17 G Flying Fortress, 41-24491, "Man O' War", abattu par la Flak le 9 novembre 1942 lors d'une mission sur Saint-Nazaire (France).
écrasé à Ranlieu/Saint-André-des-Eaux , à l’Ouest de Saint-Nazaire, Loire-Atlantique, France.
Durée : un mois ½.
Passage des Pyrénées : le 20 décembre 1942.
Rapport de perte d'équipage MACR 6012. Rapport d'évasion E&E 05 disponible en ligne.
Le B-17 décolle à 10h00 de la base de Thurleigh et vers 14h40, il rencontre un violent tir de barrage de la Flak. Forrest Hartin décide d’évacuer l’appareil un peu au NO de Saint-Nazaire et saute après être resté un moment coincé sous le viseur de bombardement. Au moment où il parvient à se dégager, il est touché par des éclats de la Flak légère et lors de sa descente en parachute il est visé par des tirs de fusils de soldats allemands au sol qui ne l’atteignent pas. Il voit deux autres parachutes et pense que ce sont ses co-équipiers, le bombardier Lt Andrew L. Graham Jr et le mitrailleur arrière Sgt George P. Bogumill.
Il s’avérera que Bogumill trouvera la mort, probablement touché par des tirs de chasseurs lors de sa descente en parachute. Il repose au Brittany American Cemetery à Saint-James, dans la Manche, France, tout comme le pilote 1st Lt Loyal M. Felts, tué à son poste par la Flak et le mitrailleur ventral S/Sgt Charles E. Vonderlieth.
L’opérateur radio T/Sgt John A. Westcott, le mitrailleur gauche Sgt Elden I. Wright et le mécanicien/mitrailleur dorsal T/Sgt Richard L. Beers seront également tués. Ils reposent tous trois dans une sépulture commune au Jefferson Barracks National Cemetery à Saint Louis, Missouri, USA.
Trois hommes sont faits prisonniers, le copilote 2nd Lt Robert J. Jones, le bombardier 2nd Lt Andrew L. Graham Jr et le mitrailleur droit Sgt Doane Hage Jr.
Seul Forrest Hartin parviendra à s’évader. La majorité des détails qui suivent provient de son rapport d’évasion, le reste ayant été complété par des éléments provenant d’autres sources (archives et compléments d’information trouvés ou reçus par ailleurs). Dès son atterrissage, au cours duquel il se tord les deux chevilles, il replie son parachute et le cache dans des broussailles le long du champ dans lequel il était tombé. Il se rend compte qu’au cours de sa descente, il a perdu sa pochette spéciale contenant de l’argent en billets de monnaie de pays occupés, mais qu’il dispose bien de son kit d’évasion. Incapable de marcher, il rampe pendant plus de 300 m le long d’un fossé bordant le champ puis voit deux fermiers se dirigeant vers l’endroit où il avait atterri. Il continue à ramper et, épuisé, il se constitue un abri dans le fossé, se couvrant de boue et de feuillage.
Bientôt, il entend des coups de feu, entend des pas de course et aperçoit deux soldats allemands passant à moins de 3 mètres de sa cachette. Peu après, il voit 6 ou 8 allemands fouillant les alentours et entend des chiens aboyer. La fumée venant de Saint-Nazaire après les bombardements remplit le ciel, obscurcit le soleil et rend tout assez nébuleux.
Comme il a perdu assez bien de sang, Hartin ouvre son kit d’évasion et prend deux tablettes de Benzedrine. Il reste dans le fossé jusqu’à 19h00 et il s’aide de deux bâtons solides pour commencer à marcher vers le Nord-Est. Il se déplace lentement pendant environ une demi heure et arrivé au sommet d’une petite colline, il se retourne et voit la lumière de plusieurs torches près de l’endroit de son atterrissage. Se tenant éloigné des routes, il marche à travers champs jusqu’à 06h00 du matin avant de se reposer pendant une heure.
Transi de froid, ne portant qu’une veste légère, il poursuit sa marche et arrive à une petite ferme. Il l’observe à distance et après un certain temps, voit un groupe de gens dans la cour de ferme. Il s’approche prudemment et rassuré qu’ils ne parlent pas allemand, il se décide à frapper à la porte. Une dame vient ouvrir, il voit deux jeunes hommes à l’intérieur et il demande de l’aide. On ne le laisse pas entrer, mais on lui apporte un bol de café, qu’il boit dans la cour avant de retourner à sa cachette. Vers 16h00, il aperçoit des autos militaires allemandes s’arrêter devant la ferme et une vingtaine d’officiers en descendre, suivis bientôt d’une dizaine d’hommes de troupe. Les officiers parlent aux soldats, certains s’approchent de sa cachette. Heureusement, tapi face contre sol, il est bien caché et n’est pas débusqué.
Les Allemands s’en vont finalement et, vers 19h00, Hartin se remet péniblement à marcher, toujours vers le nord-est. Après environ 5 km, il arrive à un petit village, mais n’y pénètre pas car il entend des voix en allemand. Rebroussant chemin, il va se cacher dans une étable pour se reposer. Réveillé par des voix, il observe des soldats allemands occupant le logis de ferme et attend leur départ, après plusieurs heures, avant de bouger. Il va se cacher dans un bois proche puis marche jusqu’à la Grande Brière, une zone marécageuse, striée de canaux. Sa marche, déjà compliquée par la fatigue, est rendue plus pénible par la hauteur des herbes. Vers 22h00 le 11 novembre, il s’arrête dans un endroit relativement sec et allume un feu qu’il entretient presque toute la nuit.
Au matin du 12, il se remet en marche et atteint une tourbière près d’un canal. Il tourne à gauche le long du canal et voit bientôt 3 hommes âgés coupant de la tourbe. Ils lui donnent une pomme de terre froide et un peu de saucisson et l’aviateur se remet en route. A l’aide d’une barque, il traverse le canal un peu plus loin, emprunte un autre canal sur lequel il rame pendant 2 heures. Selon son rapport, un groupe de Français lui donnent de la nourriture, du vin et il revêt le pantalon, le vieux veston et le béret qu’ils lui remettent. Son rapport indique que ce serait en fin d’après-midi que Hartin et ces hommes montent à bord d’une barque et remontent le canal en direction de l’un des 3 villages qu’il avait aperçus auparavant depuis sa cachette. Descendus de bateau, les hommes lui déconseillent de les suivre dans leur village, plein d’Allemands, mais d’aller dans le village voisin où ils lui donnent rendez-vous le lendemain à 09h00. L’historien local Maxime Jeanne nous précise que la barque en question est en fait un "blin", sorte de grand chaland utilisé en Brière pour le transport. Il précise également que Charles AOUSTIN et un prénommé Cyprien (le 3ème n’étant pas identifié) sont les 3 hommes du "blin". Selon ses informations, AOUSTIN aurait pris Hartin en charge directement, lui fournissant les vêtements ("le pantalon, le vieux veston et le béret") chez lui à Fédrun, près de Saint-Joachim, et non en Brière….
Hartin rapporte qu’il entre donc dans ce village et s’adresse à une maison. Son rapport mentionne qu’on l’y laisse entrer et qu’on lui donne à manger, mais que l’on refuse de le loger pour la nuit. Hartin va alors dormir dans une étable voisine où il passe la nuit. (Maxime Jeanne nous déclare qu’en fait Hartin aurait logé cette nuit-là chez AOUSTIN, dans le grenier de sa maison à Fédrun, avant d’être placé par la suite à différents endroits, chez des parents et des voisins d’AOUSTIN). Le rapport de Hartin mentionne que le lendemain (13 novembre, donc) vers 16h00, la porte de l’étable s’ouvre et la vieille française qui le découvre commence à hurler de peur. La fermière de la veille accourt pour la rassurer, emmène Hartin chez elle, lui donne à manger, lui remet une paire de chaussettes et lui dit que les Allemands ne sont pas loin et qu’il devrait partir en direction du nord. Après avoir atteint une voie de chemin de fer, il la suit jusqu’à l’entrée d’un village. Il le contourne, marche le long d’une route pendant 2 km. Il s’adresse à une ferme où on refuse qu’il dorme dans l’étable. A la ferme suivante, l’accueil est plus chaleureux et il y reçoit à manger et on l’autorise à dormir dans l’étable. Réveillé à 5 heures du matin le 14 par le jeune fils de la ferme (Joseph AOUSTIN, 12 ans à l’époque, selon Maxime Jeanne), qui lui apporte à manger et lui indique la direction à suivre, Hartin se remet en route. Il arrive à un autre village où on lui donne à manger et une chemise pour remplacer la sienne. Il montre ses blessures aux jambes et demande où il pourrait trouver un médecin. On lui dessine sommairement un plan et il part vers "Saint-Croix" (sic) [ Maxime Jeanne : il s’agit du carrefour des Six-Croix, à une quinzaine de km au sud-est de Fédrun.]. Hartin mentionne qu’il aperçoit un camp militaire allemand en cours de route. Arrivé à Six-Croix, il se perd et rencontre une dame qui le recueille chez elle, lui donne à manger et l’accompagne chez un docteur qui soigne ses blessures. Il entame une longue discussion avec le médecin auquel il montre ses photos de son kit d’évasion. Il ne peut s'agir que du Dr Yves JEGAT de Six-Croix par Donges, la dame pouvant être Anne Marie BESNIER du même hameau de Six Croix.
On lui prépare de faux papiers à l’aide des photos; il reçoit un pardessus, des sabots, une bouteille de cognac, de la nourriture et des cigarettes ; on lui dit de marcher vers Nantes, en direction du sud. Il se met en route et peu après deux hommes à vélo le rejoignent. Envoyés par ses helpers de Six-Croix, l’un d’eux (appelons-le "X") un ami du médecin, ils organisent son transport dans un camion d’ouvriers avec lesquels il voyage jusqu’à Blain.
A Blain, il reste un certain temps dans l’écurie d’une ferme voisine de celle du frère de "X", puis est mené à la propre maison de "X". Il y reste loger à l’étage pendant près d’un mois. Il mentionne dans son rapport qu’il ne pouvait sortir que la nuit. Le nom d’Alphonse "Le Simple" (qui doit donc être "X") est alors cité dans le rapport. Cet homme quitte son travail aux docks de Saint-Nazaire dès son arrivée et il passera la plupart de son temps avec lui pendant son séjour. Son hôte lui apprend qu’une importante usine de munitions au nord-ouest de Blain avait été bombardée mais qu’elle n’était pas complètement hors d’activité.
A l’intervention d’une dame médecin venue le 2ème jour pour changer ses pansements et qui lui dit qu’elle avait écrit à un ami à Paris, il est mis en contact avec une organisation et dès lors son évasion est arrangée. L’historien local Maxime Jeanne nous apprend que cette femme-médecin est Renée SICARD, de Blain (reprise sans autres détails à la liste des Helpers français). Il nous précise aussi que Hartin aurait été brièvement hébergé à Saint-André-des-Eaux après son atterrissage, puis à l’Île de Fédrun près de Saint-Joachim (donc chez Charles AOUSTIN) après sa traversée des marais de la Grande Brière. Il confirme que c’est bien la famille de Alphonse et Hélène LESIMPLE et de leurs 2 filles, âgées de 8 et 10 ans, qui a accepté d’héberger Hartin pendant un mois dans leur petite maison de Blain. Un article de journal transmis par Maxime Jeanne nous apprend qu’Alphonse LESIMPLE, né à Blain en 1907, avait appris le métier de menuisier et avait fait une brillante carrière sportive en tant que coureur de fond, spécialiste du 1500 m, souvent second derrière le champion Jules Ladoumègue. Alphonse LESIMPLE (ou un homonyme) est recensé aux helpers français comme habitant au Chemin des Vignes à Nantes après la guerre.
Hartin quitte Blain vers le 12 décembre avec un homme venu de Paris (Jean-François NOTHOMB, "Franco"), qui l’accompagne en bus à Nantes et de là, en train en 1ère classe jusqu’à Paris. Là, en métro, il est guidé vers un appartement au centre où un couple l’héberge pendant 2 jours. Par une fenêtre arrière, il pouvait voir "la maison de Pierre Laval" (Président du Conseil du gouvernement pro-allemand du Maréchal Pétain).
Ces gens lui donnent des vêtements civils et l’amènent faire une petite promenade. Il quitte cet appartement avec eux le 14 décembre pour rencontrer dans un café quelques autres évadés dont William Brazill. Hartin (auquel "Franco" a remis d’autres faux papiers) et Brazill quittent Paris pour Bayonne vers 11h00 du matin le 15 décembre, en compagnie de Andrée DE JONGH, Jean-François NOTHOMB, William McLean et Didier Scuvie.
Jean-François NOTHOMB écrit : "Nous eûmes peu d'aviateurs en novembre, ... Ce fut vers la fin de décembre que nous eûmes de nouveau des aviateurs. J'allai notamment chercher notre premier Américain en Bretagne." En fait, Forrest Hartin n’est pas le premier Américain, mais bien le premier aviateur de l'USAAF passé par Comète. Le tout premier évadé Américain aidé par Comète l’avait été plus tôt dans l’année : William Orndorff, engagé volontaire dans la Royal Canadian Air Force (RCAF) avant l’entrée en guerre des Etats-Unis.
Arrivé à Bayonne le 18 décembre vers 11h du matin, le groupe se retrouve dans un café où les hommes sont séparés. Hartin va se reposer jusqu’à 17h00 chez les LAPEYRE au 3 Rue Bernardou à Bayonne par l’entremise d’Elvire DE GREEF ("Tante Go"), d’Anglet.
Hartin, Brazill, McLean et Scuvie se retrouvent à nouveau ensemble par la suite et vont prendre un repas chez René GACHY au restaurant "Gachy", Place Saint-André à Bayonne, dont l'épouse est Faustine PALENZUELA. On se souvient de Forrest à Bayonne sous le nom "Martin". Après un voyage d’environ une ½ heure en train, ils arrivent à Saint-Jean-de-Luz puis se rendent à Urrugne où ils se restaurent et se reposent un peu à la ferme Bidegain Berri de Frantxa HALZUET épouse ISANDIZAGA. Munis d’espadrilles ils partent vers 22h00 et accompagnant un guide, ils traversent les montagnes, arrivant en Espagne après environ 7 heures de marche pénible.
Une version détaillée de leur arrivée à Bayonne est à cette page de Lucienne "Lulu" Dassié.
C'est le 31e passage de Comète par Saint-Jean-de-Luz et la Bidassoa avec Jean-François NOTHOMB.
Hartin rapporte que le groupe d’évadés est arrivé aux abords de San Sebastian vers 04h30 du matin, qu’ils se sont rendus dans une ferme, qu’ils y ont été nourris et logés pour la nuit. Le lendemain après-midi, on les conduit vers une autre maison où on leur dit d’attendre le passage du Consul britannique. Ce dernier ne tarde pas à arriver, amenant des cigarettes. Après 3 jours passés dans cette maison, le Consul les a conduit en voiture diplomatique à Bilbao où ils restent deux jours à la Seamen’s Mission. De là, le Consul les prend en voiture pour les conduire à une localité à 120 km de Madrid où ils montent à bord d’un camion de la Croix Rouge sous contrôle de l’Ambassade.
Après un arrêt du camion pour prendre un repas, ils se remettent en route et sont finalement dépassés par la voiture de Michael Creswell, attaché à l’Ambassade britannique de Madrid, qui transportait quelques évadés venant du camp de Miranda. Des évadés passent de la voiture dans le camion et Hartin et quelques autres montent à bord de la voiture de Creswell, qui les conduit jusqu’à l’Ambassade britannique à Madrid où ils restent pendant deux semaines. Hartin rapporte qu’il y a logé dans une "garden house", qu’il y a reçu de nouveaux vêtements ainsi que 35 pesetas par semaine. De Madrid, une voiture conduit Hartin et d’autres évadés jusqu’à Sevilla (il ne précise pas s’il voyage toujours avec Brazill, McLean et Scuvie, n’utilisant toujours que "we"). A Sevilla, Hartin, seul, loge au domicile du Vice-consul avant que lui et d’autres ("we") montent à bord d’un bateau où ils restent toute la nuit dans la salle des machines, n’étant finalement autorisés à sortir que le lendemain vers midi. Le bateau descend le Guadalquivir et via la mer il rejoint Gibraltar où Hartin et les autres débarquent vers 04h30 du matin. Vers midi, un Britannique vient les voir et Hartin indique qu’il reste loger chez lui pendant 2 semaines. Forrest Hartin est interrogé le 18 janvier 1943 par le Lt Colonel Carl Holcomb et signe son certificat de sécurité. Il quitte Gibraltar le 26 janvier 1943 à bord d’un B-17 et arrive à Portreath en Angleterre. De là, il est rapidement transporté en C-47 jusqu’à Hendon, d’où il gagne Londres en train.
Après son interrogatoire à Londres par le Captain Babcock en vue de l’établissement de son rapport, Forrest Hartin rejoint alors son unité et rentre ensuite aux Etats-Unis en juillet 1943.
A l’initiative de l’historien Maxime Jeanne (que nous remercions ici pour sa collaboration), avec l’appui de la municipalité, une plaque à la mémoire de l’équipage et de l’aide apportée par la famille LESIMPLE a été apposée à Saint-André-des-Eaux le 9 mai 2015. Lors de son discours prononcé ce jour-là, Maxime Jeanne n’a pas oublié de rappeler que lors du bombardement de la base de sous-marins de Saint-Nazaire, des bombes ont également touché l’Ecole d’Apprentissage des chantiers navals de Penhoët, tout proches, entraînant la mort de 163 civils dont 134 jeunes apprentis. Bien que l’alerte avait été donnée, les abris de fortune, deux tranchées aménagées à proximité des bâtiments, ne suffirent malheureusement pas à protéger les victimes.
Forrest Hartin repose au East Cemetery à Manchester, Hartford County, Connecticut.