Dernière mise à jour le 16 mai 2016.
Robert Orville "Bob" LORENZI / O-737164
3201 W Alice, Spokane, Etat de Washington, USA
Né le 4 novembre 1922, Spokane, Etat de Washington, USA / † le 5 février 2007, Spokane, WA, USA
2nd Lt, USAAF 452 Bomb Group 730 Bomb Squadron, pilote
Atterri dans le Bois du Conseil, près de la route allant de Welles à Pérennes, Oise, France.
Boeing B-17G-10-BO Flying Fortress, n° série: 42-31325 - Immatriculation/Nom: GK- / - - -, abattu par la Flak le 8 février 1944 lors d'une mission sur Frankfurt.
Ecrasé près du village de Le Cardonnois, à une dizaine de km à l'Ouest de Montdidier, Somme, France.
Durée : 6 semaines.
Evacué vers la Bretagne.
Le rapport de perte d'équipage relatif à cet appareil : MACR 2801. Rapport d'évasion : E&E 489, disponible en ligne.
C'est la première mission de l'équipage et peu après avoir largué ses bombes sur l'objectif, l'appareil est touché par la Flak avant de subir le feu de chasseurs Fw190. L'avion est fortement endommagé et est attaqué une seconde fois par la chasse allemande. L'opérateur radio Sgt Donald E. Kirby, blessé lors du premier assaut, constate que le bombardier/mitrailleur, le 2nd Lt Abraham W. Rosenthal, qui s'était rendu vers l'arrière, est mort lors de la deuxième attaque. Le moteur gauche touché, l'appareil perd de la puissance et à environ 6000 m, le pilote Robert O. Lorenzi entame une descente rapide et se met en vrille, parvenant ensuite à reprendre le contrôle. La couverture nuageuse s'estompe et Bob Lorenzi et son copilote Robert Costello aperçoivent un aérodrome droit devant (vraisemblablement celui de Montdidier) qu'ils ne peuvent éviter de survoler.
La Flak locale touche le B-17 et les hommes à l'arrière de l'avion sautent en parachute lorsqu'ils voient qu'un moteur gauche est en feu, tandis que Lorenzi, blessé au pied gauche, maintient le contrôle de l'appareil. Il donne alors l'ordre aux autres de sauter et ils s'exécutent au-dessus de Pérennes (Oise) : le mécanicien/mitrailleur dorsal S/Sgt Edward Sweeney, suivi de Costello et du navigateur Paul Packer. C'est finalement le tour de Lorenzi. Donald Kirby, blessé, sera rapidement fait prisonnier et quatre autres hommes suivront le même sort : le mitrailleur ventral Sgt Raymond W. Lentz, le mitrailleur droit Sgt William C. Fischer, le mitrailleur gauche Sgt Clyde D. Tinker et le mitrailleur arrière Sgt Rene P. Gilman.
Outre Lorenzi, ses co-équipiers Costello, Sweeney et Packer parviendront également à s'évader. Robert Lorenzi, dont c'est la première mission, est le dernier à quitter l'appareil et touche le sol les pieds en avant, tombant sur le visage, le corps recouvert de la toile de son parachute. Blessé, il est incapable de courir ni rassembler son parachute qui le traîne sur le sol sur quelque distance. Il s'affaire à trancher les suspentes grâce à son couteau et, se rendant compte que son pied gauche est engourdi, ôte sa botte de vol pour l'examiner. Il a une blessure derrière le talon et une autre à la plante du pied, la chair ouverte et enflée. Profitant de l'engourdissement du membre atteint, il examine la plaie à l'aide de son couteau dont la lame entre en contact avec un objet métallique. C'est un fragment d'un obus qui avait explosé au moment de l'impact sur l'avion. Compte tenu de la situation, il ne se donne pas beaucoup de chances d'éviter la capture par les Allemands.
Dans son rapport d'évasion, Lorenzi indique que bientôt survinrent près de lui une jeune fille, deux garçons, deux femmes et trois hommes, qui le débarrassèrent de son casque de vol, de son parachute, de son harnais et de sa Mae West. Selon des éléments recueillis par Dominique Lecomte, ce sont deux femmes de Pérennes, revenant d'un enterrement à Plainville, apeurées par le combat aérien au-dessus de leurs têtes et qui s'empressaient de rentrer chez elles, qui découvrirent Lorenzi, tout surpris de les voir. C'est ainsi que Lucienne MORTIER, 24 ans, et sa cousine Charlotte BIZET, 30 ans, constatant ses blessures, aident Lorenzi à se relever. L'aviateur, portant sa botte dans la main droite, mit son bras gauche sur l'épaule de Lucienne qui le tenait par la taille et c'est clopin-clopant que les deux jeunes femmes amenèrent le pilote à la Rue Montdidier, au centre du village de Pérennes, où les parents de Lucienne, Gabriel et Lucine MORTIER (les grands-parents de Dominique Lecomte) avaient une ferme.
Lorenzi est immédiatement caché sous un tas de paille dans une grange au bout de la cour de ferme. Gabriel MORTIER, 56 ans, vétéran de la guerre 14-18 et sa femme Lucine, dont le fils aîné LUCIEN était prisonnier en Allemagne depuis 1940, préviennent tous ceux qui avaient remarqué l'arrivée de l'aviateur, les enfants en particulier, de n'en parler à personne et de citer le mot "typhoïde" pour le cas où les Allemands poseraient des questions, connaissant la crainte de l'occupant d'attraper cette maladie très contagieuse.
On demande au fils cadet des MORTIER, JACQUES, 16 ans, d'aller chercher un docteur et le jeune homme, accompagné de son cousin Michel BIZET, roule à vélo vers Montdidier, à 6 km de Pérennes pour prévenir le Dr DE LÉAUCOURT. Ils avisent également Claire GIRARD, 23 ans, propriétaire depuis peu d'une ferme à Welles, qui parle un peu l'anglais et dont on pense qu'elle pourra aider l'aviateur à s'évader. Habillée d'une grande cape noire et d'un chapeau, Claire arrive à la grange pour parler avec Lorenzi. Il ne fait de doute que c'est grâce à elle que d'autres personnes, avisées par ses soins, ont pu prendre Lorenzi en charge et l'aider à s'évader. Claire GIRARD fut arrêtée le 27 août 1944 à Cergy, puis amenée à Courdimanche près de Pontoise au retour de sa participation aux combats pour la libération de Paris. Accusée de terrorisme comme l'un de ses compagnons résistants, Raymond-Louis Berrivin, tous deux furent fusillés le même jour. [Voir http://www.asaapicardie3945.fr/index.php/francais/sauveteurs/98-claire-girard]
Toujours caché dans la grange, Lorenzi dut attendre la fin de l'après-midi avant de pouvoir être amené dans la maison de ferme où on lui donne du vin, des œufs frits (et du whisky, selon son rapport, mais cela semble peu probable). On le cache dans une petite chambre donnant sur la route, la porte et les volets fermés, où il s'endort, enveloppé dans des couvertures.
Le Dr DE LÉAUCOURT arrive vers 16h15 à vélo à la ferme et insiste pour que Lorenzi boive une grande quantité d'alcool. Le pilote, qui n'a rien compris de la discussion entre le médecin et les fermiers, s'exécute et se sent un peu bizarre, n'ayant jamais été ivre de sa vie.
Aidé de la famille, le docteur allonge le patient sur le lit de la petite chambre et place un morceau de carton entre les dents de l'aviateur, lui faisant signe de mordre fortement dessus et de ne pas faire de bruit. A l'aide d'outils, rudimentaires selon Lorenzi, le médecin parvient à extraire l'éclat d'obus avant de nettoyer puis bander le pied blessé. Content d'avoir été suffisamment sonné par l'alcool, Lorenzi s'endort bientôt. A son réveil, on lui donne des vêtements civils ainsi que le morceau de shrapnel qui avait été extrait de son pied, objet qu'il conservera toute sa vie comme souvenir.
Après la nuit tombée, une charrette tirée par quatre chevaux arrive à la ferme, chargée de foin et conduite par Albert ANTOINE, accompagné de Marcel GIBERT. Caché sous de la paille, Lorenzi est alors amené dans ce véhicule jusqu'à la ferme de GIBERT à Sains-Morainvilliers où après avoir mangé il est placé dans une chambre, son pied le faisant encore souffrir.
Marcel GIBERT prévient alors la famille PAMART, les propriétaires de la ferme de La Morlière, qu'un aviateur blessé se trouve chez lui. Les PAMART arrivent sur place et Jacqueline PAMART, dont Lorenzi se souvient qu'elle était bien habillée, donne une piqûre de morphine au blessé qui peut ainsi dormir environ une heure. Sur le chemin du retour, après le couvre-feu, les PAMART sont arrêtés par une patrouille allemande, mais ne sont pas inquiétés, vu qu'elle demandait simplement son chemin.
Vers minuit, le Docteur Edmond CAILLARD de Saint-Just-en-Chaussée arrive à la ferme pour s'occuper des aviateurs. Un peu plus tard, Pierre BRUYANT voit une patrouille de cinq à six gendarmes à vélo s'arrêter devant la ferme et il prévient rapidement tout le monde à l'intérieur. Il s'agissait d'un simple contrôle de routine, vu les lumières dans la propriété, et, les gendarmes partis, le Dr CAILLARD conduit les trois aviateurs dans sa Simca pour les mener à la maison d'un ami. (Pierre BRUYANT et Marcel GIBERT seront ultérieurement dénoncés à la Gestapo pour leur action dans la Résistance).
L'abbé Louis DUTRIAUX du village de Ferrières vient les prévenir de ce que des allemands sont à la ferme GIBERT où ils resteront la nuit à interroger Mme BRUYANT, son mari Pierre parvenant à prendre la fuite pour aller se réfugier dans une ferme à Tricot. Marcel GIBERT, lui, va se cacher à Gouvieux. Les aviateurs sont alors séparés. Packer et Costello partent le soir même dans la voiture du Docteur Yves DELIGNON de Saint-Just-en-Chaussée, jusqu'à la petite maison de Pierre COULON, 40 ans, menuisier et membre de la Résistance, à Bulles. Lorenzi les rejoindra le 11 février et Sweeney le 12 février.
Les quatre hommes y restent cachés pendant plusieurs jours dans une petite pièce surplombant l'atelier de menuiserie. Lorenzi était arrivé chez Pierre COULON par étapes. Avec la complicité de sa femme et de ses deux filles, Denise, 15 ans, et Colette, 5 ans, COULON servait de relais dans l'organisation et cachait des aviateurs malgré les énormes risques encourus. Une douzaine d'aviateurs furent logés dans sa petite maison pendant la guerre, une maison qui rappelait à Lorenzi celle de son oncle Pete dans les montagnes de l'Idaho. Pierre COULON, féru de communications, était depuis longtemps un radio-amateur averti et pouvait envoyer des messages de la Résistance à destination de l'Angleterre, soit depuis sa cave, soit depuis les marais de Brèche.
Les quatre aviateurs étaient logés à l'étage dans une petite pièce. Un jour, Lorenzi, assoiffé et voyant une bouteille contenant apparemment de l'eau, fait signe à Pierre qu'il voudrait en boire un peu. Pierre le regarde d'un air dubitatif, mais devant son insistance, lui en verse un peu, que Lorenzi avale avant d'en redemander. Pierre s'exécute, Lorenzi vide le verre et croit mourir avant qu'il parvienne à récupérer son souffle. Ce n'était pas de l'eau mais du pur alcool de pomme.
Lorenzi constate que les COULON ne sont pas riches et n'ont pratiquement rien à manger. Dès lors, il les laisse toujours se servir à table en premier. COULON donne un bâton à Lorenzi pour l'aider à se déplacer, bien que les mouvements autorisés à l'aviateur soient très limités, ne lui permettant de sortir de sa cachette que le soir pour descendre partager le repas de la famille. Dans son rapport d'évasion, Lorenzi mentionne que Geno Dibetta, Earl Wolf et Eldo Weseloh ont également logé une nuit chez COULON pendant qu'il s'y trouvait et qu'ils sont partis à l'arrivée de Sweeney (voir plus loin).
Un jour, Pierre COULON sort une petite radio d'une armoire et, regardant Lorenzi, lui fait signe d'observer le silence. Assis devant le récepteur, un casque sur les oreilles, COULON s'occupe pendant quelques minutes à transmettre des messages avant de remettre son équipement dans l'armoire. Ce n'est qu'à ce moment que Lorenzi comprend que Pierre était vraiment très actif dans la Résistance.
Un fermier du coin, M. COURADIN, fournit des victuailles, les évadés ne sortant de leur cachette que pour le repas du soir dans la cuisine en famille avec les COULON et leurs deux filles, Denise et Colette. Cette dernière, 5 ans, était fort impressionnée par ces quatre grands gaillards qui déboulaient tous les soirs dans leur cuisine. Un soir, "Jacky", Jacques DU PAC DE MARSOULIES, de l'Intelligence Service, multilingue, responsable de la sécurité dans le Réseau Shelburn (une autre filière d'évasion) se présente chez les COULON aux fins d'interrogatoire de vérification auprès des aviateurs.
Les quatre hommes sont questionnés de manière approfondie par DU PAC, qui tente de les piéger en mentionnant des faits, des noms de personnalités et des lieux incorrects, mais tous passent le test avec succès. Ils reverront DU PAC par la suite, après leur retour en Angleterre. Un soir, après une douzaine de jours passés chez les COULON, les hommes prennent congé d'eux, inscrivent leurs noms et adresses sur un bout de papier, Packer offrant sa montre à Pierre en signe de reconnaissance pour tous les services rendus. Lorenzi indique dans son rapport qu’à la nuit tombée, il pleut et un homme et un jeune garçon, armés de pistolets, viennent les chercher en Citroën. L'homme parle assez bien l'anglais et explique que le jeune garçon était entré dans la résistance en volant une arme et le képi d'un officier allemand.
Lorenzi va loger une nuit à Lorteil, près de Bulles, chez Raoul BILCOQ et le lendemain il est mené au n° 4 de la Rue de Condé à Montataire, près de Creil, la maison de Marie DOREZ (belle-mère d'Edmond BOURGE, époux de sa fille Geneviève, et qui a aidé d'autres aviateurs, dont Bergeron et Wolf du 42-31388 - voir leurs pages respectives). Selon Dominique Lecomte, Lorenzi et Packer arrivèrent ensemble chez Mme DOREZ, mais dans son rapport, Lorenzi ne parle que de son propre parcours. Lorenzi et Packer, logent donc ensemble et Lorenzi devra rester chez elle jusqu'à ce qu'il puisse marcher normalement. Dans son rapport, Lorenzi indique que c'est après son arrivée chez Mme DOREZ que Weseloh quitte leur groupe, ce qui semble signifier qu'il avait lui aussi été amené là avec Lorenzi et les trois autres (?).
Après que Marie DOREZ lui ait montré sa chambre à l'étage et le lit sur lequel se trouvent deux pyjamas, un essuie, un rasoir bien aiguisé et une canne réglable, Lorenzi s'endort rapidement. Le lendemain, au petit déjeuner, Lorenzi apprend que les DOREZ vendaient du fromage et des oeufs, ce qui assurait aux aviateurs, nombreux, qui passaient par chez eux, d'être bien nourris, malgré les contrôles stricts exercés sur les victuailles par les autorités allemandes. Jacqueline, la fille cadette, avait appris suffisamment l'anglais pour servir d'interprète et aider Lorenzi à se familiariser à son nouvel environnement.
Séparés de leurs co-équipiers, Lorenzi et Packer trouvent le temps très long dans cette maison, habitée seulement par Mme DOREZ et son autre fille, Jacqueline. Le rapport d'évasion de Lorenzi mentionne de fréquentes visites du baron Alfred Cecil DUNBAR-SCHULTZE, 70 ans, vétéran de la guerre 14-18, OBE (Officier de l'Ordre de l'Empire Britannique), propriétaire du château de Montataire et qui lui apporte des cigarettes et des livres en anglais. Outre feuilleter des livres et revues, Lorenzi passe son temps à tenter de recouvrir l'usage de son mauvais pied en montant et descendant les escaliers selon les instructions du chirurgien Georges DEBRAY. Selon Lorenzi, le Dr Félix FRIK passe également de temps en temps examiner l'évolution de l'état de son pied.
Le premier dimanche de son séjour, Lorenzi voit Mme DOREZ et Jacqueline revenir de la messe accompagnées des deux sœurs plus âgées de Jacqueline et de leurs maris (donc vraisemblablement Geneviève DOREZ et son mari Edmond BOURGE). Lorenzi mentionne que c'est d'Edmond BOURGE (reconnu agent de Comète) qu'il a reçu ses premiers (faux) papiers. Peu de temps après, Lorenzi a la surprise de voir Costello et Sweeney les rejoindre, lui et Packer, dans la maison. Tandis que les quatre hommes échangent leurs expériences, la table est dressée, les verres sont remplis et bientôt tous sont assis autour de la table, chaque aviateur étant assis à côté d'un de ses hôtes. Ceux-ci portent chacun un toast aux évadés avant de s'asseoir et d'apprécier le repas, la conversation étant un tant soit peu facilitée par le fait que Packer connaissait un peu de français et que l'un des maris parlait un peu d'anglais. Le repas terminé, Costello, Packer et Sweeney sont repris par quelqu'un venu les chercher, que Lorenzi ne verra pas.
Lorenzi et Packer passent ainsi quatre semaines chez les DOREZ et chaque dimanche se déroule de la même manière, leurs deux compagnons venant partager le repas du groupe. Un soir, en milieu de semaine, un homme arrive chez les DOREZ. Il parle un peu l'anglais et Lorenzi en profite pour lui demander l'heure. L'homme lui demande d'attendre, le temps passe et soudain une explosion se fait entendre. L'homme lui dit alors qu'il est 22h00 et que c'était l'heure prévue pour le sabotage d'une section de la voie de chemin de fer.
Le matin du 16 mars, on réveille Lorenzi très tôt au matin alors qu'il fait encore noir dehors. Il rapporte qu’après un léger repas, il est mené vers un camion transportant des cages à poules. Le siège et la banquette arrière avaient été enlevés et, après que Lorenzi ait rampé à travers une ouverture vers la plate-forme arrière, le siège et la banquette sont remis en place et le camion démarre. Dominique Lecomte nous précise que les quatre aviateurs sont ainsi conduits à la gare de Creil et sont remis à deux guides (René LOISEAU et la comtesse Geneviève de POULPIQUET) qui les guident jusqu’à Levallois.
Arrivés à Levallois, les quatre aviateurs entrent dans un flat, le n° 23, au 6ème et dernier étage d'un immeuble appartenant à Marguerite BIDEAUX alias 'Margot', épouse de Guerino DI GIACOMO, au 5 Rue Baudin à Levallois-Perret (Seine). Elle est en effet logeuse et guide du groupe de René LOISEAU (qu'elle cache chez elle) dès fin 43 pour Shelburn et qui deviendra par la suite une guide dans l’Opération Marathon.
Ils passent deux nuits là (selon le rapport de Lorenzi, une seule nuit selon Dominique Lecomte) et après avoir pris le petit déjeuner très tôt au matin du troisième jour, le 17 mars, trois hommes arrivent et l'un d'eux, parlant anglais, leur donne à chacun une fausse carte d'identité, un permis de travail, un certificat de résidence pour la zone côtière ainsi qu'un ticket de métro. La carte d'identité de Lorenzi l'identifie comme Jean-Pierre Broudic, ouvier agricole, né à Plouézec en 1918 et habitant Troguery.
L'anglophone leur explique la voie à suivre dès qu'il les aura fait sortir du bâtiment : Costello devait sortir en premier et suivre les deux autres guides l'attendant au pied du bâtiment de l'autre côté de la rue et le précédant à distance dans leur marche. Packer devait suivre, sans quitter Costello des yeux, lui-même suivi de Sweeney puis de Lorenzi, placé en dernier pour qu'il puisse être repris en charge dans le cas où l'état de son pied l'empêchait de suivre la cadence des autres. A un endroit précis, le premier guide devait arrêter un autre homme qui le croiserait et lui demanderait du feu. Cet homme deviendrait alors le nouveau guide à suivre. Le procédé est répété plusieurs fois jusqu'à ce que les aviateurs aient bien compris le processus. Dans la soirée, René LOISEAU emmène les quatre aviateurs en métro.
Chacun fait poinçonner son ticket par la machine et suit discrètement le guide dans le wagon, à bord duquel se trouvent de jeunes soldats allemands armés de fusils. Au moment où le guide se positionne pour quitter la rame, il est imité par les évadés, qui, une fois sortis de la station, sont pris en charge par un autre guide qui les mène à une autre station où ils montent dans un wagon, n'y trouvant pas de places assises. Le train se met en marche, roule une certaine distance avant de s'arrêter, les hommes descendent et suivent le guide (toujours René LOISEAU, selon Dominique Lecomte) qui les mène à la Gare de Montparnasse où un homme vient à leur rencontre, leur parle en anglais et donne à chacun un ticket de chemin de fer pour la suite de leur voyage. Ces tickets étaient régulièrement fournis à l'organisation par M. BERNARD, employé à la SNCF.
L'homme les accompagne jusqu'au quai, leur indique le compartiment qu'ils doivent occuper puis les quitte. Selon Packer, ils ont changé de train à Saint-Brieuc. Restés seuls (selon le rapport de Lorenzi ; accompagnés de deux guides selon Dominique Lecomte), les aviateurs sont mal à l'aise à la vue de deux officiers allemands en uniforme et un civil entrer dans leur compartiment et sont soulagés de les voir en sortir peu après. Ils sont alors surpris de voir le civil revenir, fermant la portière derrière lui et leur demandant du feu en anglais. Il avait un paquet de cigarettes américaines Lucky Strike et Packer et Costello lui offrent du feu. L'homme, qui ne révèle pas son identité, leur pose alors des tas de questions, la conversation s'arrêtant sur son injonction de descendre à l'arrêt suivant. En les quittant, il déclare aux aviateurs qu'ils doivent suivre les autres passagers descendant du train en même temps qu'eux et que quelqu'un les attend à la gare. Ils descendent donc à la gare de Saint-Brieuc et suivent les autres voyageurs vers l'arrière du convoi bourré de soldats allemands, le dernier wagon étant une plate-forme supportant une batterie pivotante de quatre canons à tir rapide de 40 mm et dont les serveurs se contentent de les observer alors qu'ils se dirigent vers l'arrière de la gare.
Ils changent de train et arrivent à Chatelaudren. Le rapport de Lorenzi mentionne que dans le hall principal, l'homme qui les attendait s'approche du groupe, dont Lorenzi est à nouveau séparé, Costello, Packer et Sweeney partant en voiture vers de nouvelles cachettes. Lorenzi, lui, rapporte qu’il est mené à une très vieille bâtisse aux murs épais et il précise qu'il a passé là les nuits des 17 et 18 mars 1944 et y a été bien nourri. Dans son rapport, Packer parle d'une ferme (celle de Kerjagu à Plouagat, d’après Dominique Lecomte, selon lequel tous ont bien été menés vers la ferme) où se trouvent aussi Wolf et Bergeron et qui pourrait bien être la bâtisse dont parle Lorenzi. Le propriétaire de la ferme est Jean-Marie LE SOMMIER (repris dans la liste des Helpers français : Mr. LE SOMMIER à "Kerjades", Plouagat, Côtes du Nord…) et les aviateurs y passent toute la journée.
Comme ses co-équipiers et pas mal d'autres évadés, Lorenzi est entre les mains du réseau Shelburn, organisant des évacuations depuis les ports de Bretagne, d'autres réseaux, dont principalement Comète (qui préparait l'organisation Marathon de camps secrets), ayant de plus en plus difficile à en faire passer vers le Sud en direction de l'Espagne.
Le 19 mars, un message de la BBC annonce l'opération de nuit ("Bonaparte IV") qui doit transporter vers l'Angleterre des évadés par canonnière anglaise (MGB - Motor Gun Boat). Vers 21h00, Lorenzi se trouve dans le groupe d'hommes conduits à Plouha dans le camion de François KERAMBRUN, garagiste à Guingamp. A leur descente du camion, deux groupes se forment et celui de Lorenzi est mené par deux hommes qui les guident dans l'obscurité le long d'un sentier menant vers la plage, longeant une batterie de 88 mm allemande, évitant une patrouille ennemie. Les seize évadés arrivent finalement à la "maison d'Alphonse", à environ 1½ km de la falaise surplombant cette plage bretonne, chez les propriétaires Jean et Marie-Thérèse GICQUEL.
On explique aux évadés ce que va être cette dernière partie de leur évasion et on leur recommande la plus grande prudence et discrétion de manière à éviter de compromettre l'opération en quelque manière que ce soit. Lorenzi et les autres descendent alors en file indienne vers la plage le long de sentiers étroits. La marche, pénible, dure environ 30 minutes et les muscles de la jambe de Lorenzi le font souffrir. Il tient cependant le coup jusqu'au sommet de la falaise, pensant qu'il lui serait impossible d'aller plus loin.
A l'heure dite, la canonnière MGB 503, commandée par le Lt Mike Marshall de la Royal Navy, apparaît au large et quatre canots, qui en sont descendus dans le plus grand silence, se dirigent vers la côte, guidés par des signaux lumineux depuis la falaise. Un marin, voyant que Lorenzi se déplace avec difficulté, le porte sur son dos comme un sac de pommes de terre et l'amène à bord de son canot, qui, comme les trois autres, rejoint bientôt la canonnière, toute l'opération ayant pris environ douze minutes. Le MGB 503 s'éloigne alors rapidement de la côte pour gagner la haute mer, tandis que les 17 évadés reçoivent à boire et se remettent un peu de leurs émotions. La mer est démontée et beaucoup seront malades durant la traversée, Lorenzi comparant les mouvements du bateau à son expérience dans les montagnes russes du Parc Natatorium de Spokane. La canonnière approche de Dartmouth à l'aube et les hommes peuvent monter sur le pont pour voir les côtes anglaises et apercevoir deux Spitfire dans le ciel, comme s'ils étaient venus leur souhaiter la bienvenue.
Robert Lorenzi est interrogé par l'I.S.9 le 21 mars 1944. Il rentre aux Etats-Unis et servira dans l'US Air Force en divers endroits du monde, prenant sa retraite le 1er juin 1968 avec le grade de Lieutenant-Colonel. Bob Lorenzi repose au Greenwood Memorial Cemetery à Spokane, Etat de Washington.
Merci à Dominique Lecomte pour la photo de Bob Lorenzi, qui provient de cette page web. Dominique est le petit-neveu de Lucienne MORTIER, dont la famille aida Lorenzi. Il a écrit un livre relatant le sort de l'équipage : "Tail End Charlie" paru en 2006 à Montdidier, France. Voir aussi à ce site.
Une cérémonie a eu lieu à Le Cardonnois le 28 mai 2011 à l'occasion de l'inauguration d'une stèle à la mémoire du Lt Abraham W. Rosenthal et de son équipage. Une vingtaine de membres des familles de Rosenthal, Lorenzi, Costello, Packer, Sweeney, Kirby et Fischer étaient présents lors de cette manifestation.