Personne passée à une autre ligne d'évasion

Dernière mise à jour le 13 juin 2020.

Robert Lawrence COSTELLO / O-754413
90 Wadsworth Avenue, New York, New York, USA
Né le 12 août 1916, New York, USA / † le 25 juillet 1988, Rancho Cordova, Californie, USA
2nd Lt, USAAF 452 Bomb Group 730 Bomb Squadron, copilote
Atterri près de Pérennes, Oise, France.
Boeing B-17G-10-BO Flying Fortress, n° série: 42-31325 - Immatriculation/Nom: GK- / - - -, abattu par la Flak le 8 février 1944 lors d'une mission sur Frankfurt.
Ecrasé près du village de Le Cardonnois, à une dizaine de km à l'Ouest de Montdidier, Somme, France.
Durée : 6 semaines.
Evacué vers la Bretagne.

Informations complémentaires :

Le rapport de perte d'équipage relatif à cet appareil: MACR 2801. Rapport d'évasion : E&E 490, disponible en ligne.

C'est la première mission de l'équipage et peu après avoir largué ses bombes sur l'objectif, l'appareil est touché par la Flak avant de subir le feu de chasseurs Fw190. L'avion est fortement endommagé et est attaqué une seconde fois par la chasse allemande. L'opérateur radio Sgt Donald E. Kirby, blessé lors du premier assaut, constate que le bombardier/mitrailleur, le 2nd Lt Abraham W. Rosenthal, qui s'était rendu vers l'arrière, est mort lors de la deuxième attaque. Le moteur gauche touché, l'appareil perd de la puissance et à environ 6000 m, le pilote Robert Lorenzi entame une descente rapide et se met en vrille, parvenant ensuite à reprendre le contrôle. La couverture nuageuse s'estompe et le pilote et son copilote, Robert Costello (la présente fiche) aperçoivent un aérodrome droit devant (vraisemblablement celui de Montdidier) qu'ils ne peuvent éviter de survoler.

La Flak locale touche le B-17 et les hommes à l'arrière de l'avion sautent en parachute lorsqu'ils voient qu'un moteur gauche est en feu, tandis que Lorenzi, blessé au pied gauche, maintient le contrôle de l'appareil. Il donne alors l'ordre aux autres de sauter et ils s'exécutent au-dessus de Pérennes (Oise) : le mécanicien/mitrailleur dorsal S/Sgt Edward Sweeney, suivi de Costello et du navigateur 2nd Lt Paul Packer. C'est finalement le tour de Lorenzi. Donald Kirby, blessé, sera rapidement fait prisonnier et quatre autres hommes suivront le même sort: le mitrailleur ventral Sgt Raymond W. Lentz, le mitrailleur droit Sgt William C. Fischer, le mitrailleur gauche Sgt Clyde D. Tinker et le mitrailleur arrière Sgt Rene P. Gilman.

Outre Costello, ses co-équipiers Lorenzi, Sweeney et Packer parviendront également à s'évader.

Robert Costello saute en 2ème position et atterrit dans un champ, faisant une culbute et se voyant traîner sur ce qui lui a semblé être deux kilomètres par son parachute avant de pouvoir s'arrêter. Il parvient à se débarrasser de son harnais et de sa Mae West tandis que son parachute est emporté par le vent. Il s'encourt en direction d'un bois proche alors que des gens récupèrent son équipement sur sa route. Il est rattrapé par un des hommes auquel il demande s'il est allemand. L'homme lui répond "French" et lui indique vers où se diriger. Un ouvrier agricole l'accompagne en courant dans la direction indiquée et à environ 400 m de là, ils aperçoivent Packer courant lui aussi à travers le champ. Costello siffle à l'intention de Packer auquel il fait alors signe de le suivre à distance. Ils se retrouvent près de la ferme de LA MORLIÈRE où ils sont pris en charge par Pierre BRUYANT, jardinier et contremaître employé à la ferme de Marcel GIBERT, agriculteur à Sains-Morainvilliers. Ceux-ci cachent Packer et Costello sous de la paille dans une charrette tirée par le cheval "Mousmée" qui les mène au bois de Fay où les deux aviateurs restent cachés une partie de l'après-midi, dormant en alternance.

Vers 17h30, le comte et la comtesse de BAYNAST arrivent et leur donnent de l'eau et du vin. Deux heures plus tard, on les conduit au château de la Borde à Sains-Morainvilliers où les propriétaires, le comte Jacques de BAYNAST et son épouse Colette, les reçoivent avec du vin, du whisky et de l'eau. Colette de BAYNAST est la sœur du général LECLERC. Le comte donne sa veste fourrée à Packer, qui lui donne en échange sa veste de vol où figurent son nom et son matricule.

Albert ANTOINE vient en charrette chercher Costello et Parker pour les amener à la ferme de Marcel GIBERT à Sains-Morainvilliers, où ils retrouvent leur pilote Lorenzi et tous prennent un repas arrosé de champagne et de cognac. Ils se débarrassent de leurs combinaisons de vol et de leurs bottes et on leur donne des vêtements civils.

Vers minuit, le Docteur Edmond CAILLARD de Saint-Just-en-Chaussée arrive à la ferme pour s'occuper des aviateurs. Un peu plus tard, Pierre BRUYANT voit une patrouille de cinq à six gendarmes à vélo s'arrêter devant la ferme et il prévient rapidement tout le monde à l'intérieur. Les gendarmes partis, le Dr CAILLARD conduit les trois aviateurs dans sa Simca pour les mener à la maison d'un ami. (BRUYANT et GIBERT seront ultérieurement dénoncés à la Gestapo pour leur action dans la Résistance).

Le père DUTRIAUX du village de Ferrières vient les prévenir de ce que des allemands sont à la ferme GIBERT où ils resteront la nuit à interroger Mme BRUYANT, son mari Pierre parvenant à prendre la fuite pour aller se réfugier dans une ferme à Tricot. Marcel GIBERT, lui, va se cacher à Gouvieux. Les aviateurs sont alors séparés. Costello et Packer partent le soir même dans la voiture du docteur Yves DELIGNON de Saint-Just-en-Chaussée, jusqu'à la petite maison de Pierre COULON, 40 ans, menuisier et membre de la Résistance, à Bulles. Lorenzi les rejoindra le 11 février et Sweeney le 12 février.

Un fermier du coin, M. COURADIN, fournit des victuailles, les évadés ne sortant de leur cachette que pour le repas du soir dans la cuisine en famille avec les COULON et leurs deux filles, Denise, 15 ans et Colette, 5 ans, cette dernière fort impressionnée par ces quatre grands gaillards qui déboulaient tous les soirs dans leur cuisine. Un soir, Jacky DU PAC, multilingue, responsable de la sécurité dans le Réseau Shelburn (une autre filière d'évasion) se présente chez les COULON aux fins d'interrogatoire de vérification auprès des aviateurs.

Le test est concluant et un soir les hommes, après une douzaine de jours passés chez les COULON, prennent congé d'eux, inscrivent leurs noms et adresses sur un bout de papier, Packer offrant sa montre à Pierre en signe de reconnaissance pour tous les services rendus.

Les aviateurs sont à nouveau séparés et Costello et Sweeney vont chez M. et Mme Jules DUCHATEAU, 21 rue de Condé à Montataire, Packer et Lorenzi sont logés chez M. et Mme DOREZ, habitant au n° 4 de la même rue.

Le fils DUCHATEAU, Paul André René, ex-coiffeur à Paris, et sa femme Maria passaient voir Sweeney et Costello chaque jour à la Rue de Condé, où les aviateurs suivent les émissions de la BBC et passent leurs soirées à jouer aux cartes.

Le dimanche suivant, Costello et Sweeney arrivent eux aussi chez Mme DOREZ, dont la fille Jacqueline parle correctement l'anglais. Les quatre hommes partagent le repas familial et à la fin de celui-ci seuls Lorenzi et Packer restent chez les DOREZ, un homme venant chercher les deux autres pour les conduire vers d'autres cachettes. [Dans son rapport, Packer indique qu'à un certain moment Edmond BOURGE (le beau-fils de Marie DOREZ, époux de Geneviève) leur a présenté le parisien René Alfred LOISEAU (Levallois-Perret), avec lequel lui, Sweeney et Costello feront par la suite le voyage vers Paris. Marie DOREZ a également aidé d'autres aviateurs, dont Earl Wolf et Leonard Bergeron du 42-31388)]

Le 16 mars, les quatre aviateurs sont menés vers un appartement, le n° 23, au 6ème et dernier étage d'un immeuble à Levallois près de Paris, propriété de Marguerite BIDEAUX alias 'Margot', épouse de Guerino DI GIACOMO, au 5 Rue Baudin à Levallois-Perret (Seine). Elle est en effet logeuse et guide du groupe de René LOISEAU (qu'elle cache chez elle) dès fin 43 pour Shelburn et qui deviendra une guide dans l’opération Marathon.

Packer mentionne dans son rapport qu'ils avaient quitté l'habitation de Mme DOREZ pour être dirigés vers Amiens avant de rejoindre Levallois. Il cite la fille de Marguerite (BIDEAUX), environ 15 ans, de même qu'une YVONNE (Yvonne LATRACE, renseignée au 5 de l’Avenue Baudin à Levallois-Perret dans la liste des helpers français), petite blonde d'une trentaine d'années dont le mari est prisonnier en Allemagne et RENÉ, 1m67, cheveux marron, 70kg… Il dit aussi avoir rencontré "chez Margot", un autre officier de l'Intelligence Service, habitant au Canada et prénommé MARCEL (vraisemblablement Marcel COLA, représentant de la Ford Motor Cy…) qui leur remettra de nouveaux faux papiers. Il signale qu'un homme passe prendre leurs photos et leurs empreintes digitales et qu'ils passent deux nuits là (selon Dominique Lecomte, ils n’y auraient passé qu’une seule nuit…) Packer indique qu’au "matin du troisième jour" (le 17 mars), trois hommes arrivent, l'un d'eux parlant anglais, et leur remettent à chacun de faux documents : carte d'identité, permis de travail, autorisation de résidence dans la zone côtière, plus un ticket de métro.

Selon Dominique Lecomte, dans la soirée les quatre aviateurs sont convoyés par René LOISEAU jusqu’à la gare Montparnasse. Ils voyagent de nuit accompagnés par deux guides. Au petit matin ils descendent à St Brieuc et montent dans un autre train à destination de Chatelaudren.

Selon le rapport de Packer, qui ne cite pas de noms, on leur donne des instructions pour la suite et Costello, le premier à quitter l'appartement, suit deux des hommes dans la rue, Packer lui emboîtant le pas à distance de vue, lui-même suivi par Sweeney et enfin Lorenzi, mis en dernière position vu sa jambe blessée (s'il ne parvenait pas à suivre les autres, on s'occuperait de lui).

Toujours selon Packer, un nouveau guide est approché par les précédents qui leur confient leurs "colis" et d'autres guides font de même sur le parcours en direction d'une station de métro. Là le groupe se reforme et attend le nouveau contact. A son arrivée, Costello suit celui-ci à quelques pas, suivi des autres à même courte distance, en direction du quai. Le voyage se passe sans encombre malgré la présence de nombreux soldats allemands à bord et à l'arrêt, les évadés sont pris en charge par encore un autre guide qui les conduit à la gare de chemin de fer. Ils montent dans un train avec lui et descendent à la Gare Montparnasse où un autre guide, parlant anglais, leur remet des tickets de train avant de les quitter après leur avoir montré le compartiment du wagon dans lequel ils devaient monter. Selon Packer, ils ont changé de train à Saint-Brieuc. Dans le compartiment, un homme s'adresse à eux en anglais, leur pose des questions et les quitte en leur disant de descendre à l'arrêt suivant, à Guingamp, où quelqu'un les attendrait. Effectivement, un homme les aborde et conduit Packer, Costello et Sweeney vers leur prochaine cachette, Lorenzi allant loger ailleurs.

Dominique Lecomte nous précise qu’après Saint-Brieuc, les évadés ont changé de train et sont arrivés à Chatelaudren. Le rapport de Lorenzi mentionne que dans le hall principal, l'homme qui les attendait s'approche du groupe, dont Lorenzi est à nouveau séparé, Costello, Packer et Sweeney partant en voiture vers de nouvelles cachettes. Lorenzi, lui, rapporte qu’il est mené à une très vieille bâtisse aux murs épais et il précise qu'il a passé là les nuits des 17 et 18 mars 1944 et y a été bien nourri. Dans son rapport, Packer parle d'une ferme (celle de KERJAGU à Plouagat, d’après Dominique Lecomte, selon lequel tous ont bien été menés vers la ferme) où se trouvent aussi Wolf et Bergeron et qui pourrait bien être la bâtisse dont parle Lorenzi. Le propriétaire de la ferme est Jean-Marie LE SOMMIER (repris dans la liste des Helpers français : M. LE SOMMIER à "Kerjades", Plouagat, Côtes du Nord…) et les aviateurs y passent toute la journée.

Comme ses co-équipiers et pas mal d'autres évadés, Costello est entre les mains du réseau Shelburn, organisant des évacuations depuis les ports de Bretagne, d'autres réseaux, dont principalement Comète (qui préparait l'organisation Marathon de camps secrets), ayant de plus en plus difficile à en faire passer vers le Sud en direction de l'Espagne.

Le 19 mars, un message de la BBC annonce l'opération de nuit ("Bonaparte IV") qui doit transporter vers l'Angleterre des évadés par canonnière anglaise (MGB - Motor Gun Boat). Vers 21h00, Costello se trouve dans le groupe d'hommes conduits à Plouha dans le camion de François KERAMBRUN, garagiste à Guingamp. A leur descente du camion, deux groupes se forment et les évadés sont guidés dans l'obscurité le long d'un sentier menant vers la plage, longeant une batterie de 88 mm allemande, évitant une patrouille ennemie. Les seize évadés arrivent finalement à la "maison d'Alphonse", à environ 1½ km de la falaise surplombant cette plage bretonne, chez les propriétaires Jean et Marie-Thérèse GICQUEL.

On explique aux évadés ce que va être cette dernière partie de leur évasion et on leur recommande la plus grande prudence et discrétion de manière à éviter de compromettre l'opération en quelque manière que ce soit. Tous descendent alors en file indienne vers la plage le long de sentiers étroits. La marche, pénible, dure environ 30 minutes et les muscles de la jambe de Lorenzi le font souffrir. Il tient cependant le coup jusqu'au sommet de la falaise, pensant qu'il lui serait impossible d'aller plus loin.

A l'heure dite, la canonnière MGB 503, commandée par le Lt Mike Marshall de la Royal Navy, apparaît au large et quatre canots, qui en sont descendus dans le plus grand silence, se dirigent vers la côte, guidés par des signaux lumineux depuis la falaise. Un marin, voyant que Lorenzi se déplace avec difficulté, le porte sur son dos comme un sac de pommes de terre et l'amène à bord de son canot, qui, comme les trois autres, rejoint bientôt la canonnière, toute l'opération ayant pris environ douze minutes. Le MGB 503 s'éloigne alors rapidement de la côte pour gagner la haute mer, tandis que les 17 évadés reçoivent à boire et se remettent un peu de leurs émotions. La mer est démontée et beaucoup seront malades durant la traversée. La canonnière approche de Dartmouth à l'aube et les hommes peuvent monter sur le pont pour voir les côtes anglaises et apercevoir deux Spitfire dans le ciel, comme s'ils étaient venus leur souhaiter la bienvenue.

C’est ainsi que dans la nuit du 19 au 20 mars, Costello et les trois autres évadés du 42-31325 accompagnent treize autres aviateurs (dont Earl Wolf et Leonard Bergeron) dans l'évacuation vers l'Angleterre par la canonnière MGB 503 au départ de Sous-Kéruzeau en Bretagne (Opération BONAPARTE IV).

Merci à Dominique Lecomte pour la photo de Robert Costello. Dominique est le petit-neveu de Lucienne MORTIER, dont la famille aida le pilote Robert Lorenzi. Dominique a écrit un livre relatant le sort de l'équipage : "Tail End Charlie" paru en 2006 à Montdidier, France. Voir à cette page. Voir aussi à ce site.

Une cérémonie a eu lieu à Le Cardonnois le 28 mai 2011 à l'occasion de l'inauguration d'une stèle à la mémoire du Lt Abraham W. Rosenthal et de son équipage. Une vingtaine de membres des familles de Rosenthal, Lorenzi, Costello, Packer, Sweeney, Kirby et Fischer étaient présents lors de cette manifestation.

Décédé en 1988, Robert Costello repose au Mount Vernon Memorial Park à Fair Oaks, Californie.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters