Dernière mise à jour le 9 juillet 2020.
Leonard Fernan BERGERON / 11083443
100 Russ Street, Hartford, Connecticut, USA
Né le 3 juillet 1919 à Waterloo (Shefford, Province de Québec, Canada / † le 2 août 1991 à Stafford, Connecticut, USA
S/Sgt, USAAF 306 Bomber Group 423 Bomber Squadron, mitrailleur latéral gauche
Atterri près de Saint-Just-en-Chaussée, Oise, France.
Boeing B-17G-BO Flying Fortress N° série : 42-31388 (RD-A), abattu par la Flak et achevé par des chasseurs lors de la mission du 11 février 1944 sur Frankfurt.
Écrasé dans un champ sur la commune de Campremy, près de Wavignies (Oise), au sud d’Amiens (Somme), France.
Durée : 5 semaines.
Évacué via la Bretagne et Shelburn
Rapport de perte d'équipage MACR 2527. Rapport d'évasion E&E 488 disponible en ligne.
Le B-17 décolle de Thurleigh vers 07h00. Touché par la Flak au-dessus de Frankfurt, l'appareil a de gros trous dans les ailes, sa queue est presque arrachée, du carburant s'échappe des réservoirs. L'intercom est hors d'usage et le pilote donne l'ordre verbal d'évacuer l'avion. Le mitrailleur ventral S/Sgt James H. Coleman, atteint par un obus, est mort à son poste. La page 33 du MACR porte la mention manuscrite de ses nom et matricule sur la traduction d’un rapport allemand KU858 indiquant la découverte d’un corps de "pilote" trouvé en liaison avec la Forteresse de Sanders et Feilbach. Il y figure qu’il a été enterré au cimetière militaire de Beauvais-Marissel. Bien que dans leurs rapports, d’autres membres de l’équipage indiquent qu’il a été retrouvé près des débris du B-17 et enterré dignement par des civils français, il semble y avoir confusion, car Coleman figure toujours à la liste des disparus et son nom est repris aux Tablettes des Disparus du Cimetière Américain des Ardennes à Neupré, près de Liège.
Trois hommes seront fait prisonniers, le navigateur Lt Raymond F. Feilbach, le bombardier Lt Jerroll E. Sanders (tous deux arrêtés dès leur arrivée au sol), le mitrailleur dorsal T/Sgt Fortunato V. Chiccarelli (blessé au bras, d’abord soigné, vraisemblablement par le docteur Édouard REDAUD de Clermont, mais obligé après deux jours, suite à une infection, d’être pris en charge par un hôpital à Beauvais où Bergeron ira le voir avant que les Allemands n’arrêtent son co-équipier).
Outre Bergeron, cinq autres parviendront à s'évader: le pilote Geno Di Betta, le copilote Earl Wolf, l'opérateur radio Clyde Hewitt, le mitrailleur gauche Guy Golden et le mitrailleur arrière Eldo Weseloh.
Leonard Bergeron saute à environ 2.000 m et délaie un peu l'ouverture de son parachute, atterrissant dans une zone boisée. Il aperçoit deux de ses co-équipiers et marche vers eux alors que quelques personnes s'approchent du groupe. Bergeron leur déclare qu'ils sont Américains, on leur apporte de la nourriture, on s'occupe de dissimuler leur équipement et on leur annonce que leur évasion sera organisée.
Dans une rubrique nécrologique, on rapporte qu'après son atterrissage, Leonard Bergeron et ses co-équipiers se sont cachés dans une meule de foin jusqu'à la tombée de la nuit et qu'ils furent trouvés par Gaston LEGRAND qui lui procura de la nourriture et des vêtements et le cacha chez lui et Odette SAUVAGE durant une semaine. Nous reproduisons ci-dessous une photo de Gaston LEGRAND et Odette SAUVAGE avec Edmond SAUVAGE, le fils d'Odette. Après son séjour chez Gaston et Odette, la Résistance le plaça dans une autre maison.
Quelques jours plus tard, Bergeron rencontre Earl Wolf et son rapport indique seulement qu'à partir de ce moment les deux hommes resteront ensemble. Le rapport de Wolf mentionne le nom de Bergeron à divers endroits mais il est difficile d'en retirer le parcours exact de Bergeron. Nous reprenons ici une synthèse de ce que nous avons pu déchiffrer du rapport de Wolf : Wolf et d'autres hommes sont conduits depuis Saint-Just-en-Chaussée vers Clermont à un bureau de police ou à la Justice de Paix où ils rencontrent Bergeron, Hewitt, Golden et Weseloh et d'autres évadés. Ces hommes sont emmenés en camion jusqu'à Vineuil-Saint-Firmin où Di Betta et Weseloh logent chez Louise GUYJER, qui était soit l'épouse, soit la secrétaire du maire.
Le rapport de Wolf mentionne qu'ils sont mis en présence d'Edmond BOURGE, de "Gabriel", 47 ans et de Mr "St Hubert", 48 ans. "Gabriel" est en fait Paul Gabriel PREBAY né à Sauvigny (Allier) le 29 Avril 1883 et du 35 Avenue Baudoin à Deuil-la-Barre en Val d'Oise, et "St Hubert" est Raymond STUBERT, qui avec son épouse cache Bergeron et Wolf chez eux à la Rue Henri Pauquet à Creil. A noter que les noms de Bergeron et Wolf sont bien repris dans le rapport d'activités Marathon/Comète d'Edmond BOURGE, le sous-préfet de Clermont, du 61 Rue Henri Pauquet à Creil, qui les reçoit de M. Georges FLEURY, du 25 Rue de Mouy à Cambronne-lès-Clermont, et les remet ensuite à "Jacky" DU PAC (ce dernier étant le franco-canadien Jacques DU PAC DE MARSOULIES, 115 Rue Notre-Dame des Champs, Paris VIe, environ 1m70, cheveux foncés, récemment veuf, cité dans le rapport de Wolf, qui ne reprend pas son nom).
Wolf parle d'un transport en camion vers Creil où les hommes sont répartis à plusieurs endroits. Weseloh et Di Betta d'abord, Hewitt, Golden et deux autres (donc en principe Bergeron et Robert Lorenzi) ensuite et finalement Wolf, "Gabriel" et un gendarme (le rapport d'activités d'Edmond BOURGE renseigne le nom du gendarme PERNET, de Chantilly - il s’agit en fait d’Alfred PERNET, de la Rue du Connétable dans cette localité).
Le rapport de Lorenzi précise que Bergeron et Wolf ont été aidés et logés au n° 4 de la Rue de Condé à Montataire, près de Creil, dans la maison de Marie DOREZ (belle-mère d'Edmond BOURGE, époux de sa fille Geneviève DOREZ) et ce doit donc être vers cet endroit que "Gabriel" avait guidé Wolf "vers une maison à 20 km au Sud de Creil". Un soir, vers 22h00, arrive une dame italienne, propriétaire d'un café à Paris, qui lui prépare de faux papiers d'identité (elle aurait été arrêtée huit jours plus tard ? Wolf doit se tromper ici avec Andrée DONJON, célibataire fleuriste au 60 Rue de Bellechasse à Paris VIIe.) Wolf reste loger deux jours chez elle avant de retourner chez Gabriel PREBAY à Creil où il reste pendant une semaine environ. Cette dame italienne doit être Marguerite BIDEAUX alias 'Margot', épouse de Guerino DI GIACOMO, au 5 Rue Baudin à Levallois-Perret (Seine). Elle est en effet logeuse et guide du groupe de René LOISEAU (qu'elle cache chez elle) dès fin 43 pour Shelburn puis Marathon/Comète dès juin 44.
Edmond BOURGE arrive un jour à moto pour mener Wolf à Creil où il reste donc chez Raymond STUBERT, Rue Henri Pauquet, pendant trois semaines, en compagnie de Bergeron. Ils y rencontrent un homme venu de Paris et parlant l'anglais. L'homme, environ 35 ans, 1m70, cheveux noirs, yeux bruns, leur annonce que Bergeron, Wolf et le Lt Francis P. Hennesy (E&E 496), un "Bill" de la RAF, le T/Sgt Elmer D. Risch (E&E 498) et le Sgt Paul F. Dicken (E&E 500) partiront bientôt. Les plans sont contrariés, leur départ est ajourné et des rumeurs indiquent que la maison de STUBERT pourrait être visitée par la Gestapo. Le 17 mars, ces hommes sont évacués vers Villers-Saint-Paul (par Mr FLEURY) et ensuite confiés par Edmond BOURGE à un homme ("environ 35 ans, 1m65, cheveux roux") qui les conduit à Paris (Jacques DU PAC DE MARSOULIES, responsable de la sécurité de Shelburn).
A Paris, Bergeron et Wolf revoient Lorenzi, plus d'autres évadés, dont le Lt Paul Packer, le Lt Robert Costello et le Sgt Edward Sweeney. Ces hommes sont dispersés dans plusieurs maisons. Un soir, Wolf, Costello, Packer, Lorenzi et Sweeney sont menés vers le métro et arrivent à une gare d'où ils prennent à 22h30 un train en direction de Saint-Brieuc, accompagnés de deux français parlant un peu l'anglais, l'un d'entre eux, âgé de 24 ans et mesurant 1m80. Ils changent de train à Saint-Brieuc et atteignent une petite gare, d'où ils marchent pendant environ 8 km avant d'arriver à la maison d'un homme âgé. Le rapport de Wolf ne mentionne pas Bergeron comme ayant fait partie de ce voyage, mais on peut le supposer, ou en tout cas penser que Bergeron a effectué un trajet similaire.
Les rapports de Lorenzi et de Packer sont plus détaillés et, bien qu'ils ne mentionnent pas nommément Bergeron, il est certain qu'à partir du moment où le groupe d'aviateurs arrive à Saint-Brieuc, Bergeron et Wolf en font partie. Selon Packer, ils ont effectivement changé de train à Saint-Brieuc. Restés seuls après que leur guide les ait quitté après leur avoir indiqué le wagon dans lequel ils devaient prendre place, les aviateurs sont mal à l'aise. D'autant plus que deux officiers allemands en uniforme et un civil entrent dans leur compartiment. Ils sont soulagés de les voir en sortir peu après et surpris de voir le civil revenir, fermant la portière derrière lui et leur demandant du feu en anglais. Il avait un paquet de cigarettes américaines Lucky Strike et Packer et Costello lui offrent du feu. L'homme, qui ne révèle pas son identité, leur pose alors des tas de questions, la conversation s'arrêtant sur son injonction de descendre à l'arrêt suivant. En les quittant, il déclare aux aviateurs qu'ils doivent suivre les autres passagers descendant du train en même temps qu'eux et que quelqu'un les attend à la gare. Ils descendent donc à la gare de Guingamp et suivent les autres voyageurs vers l'arrière du convoi bourré de soldats allemands, le dernier wagon étant une plate-forme supportant une batterie pivotante de quatre mitrailleuses rapides de 40 mm et dont les serveurs se contentent de les observer alors qu'ils se dirigent vers l'arrière de la gare.
Dans le hall principal, l'homme qui les attendait s'approche du groupe et les évadés sont répartis par la suite dans différents endroits. Nous ignorons comment Bergeron et Wolf y arrivent, mais ils se trouvent dans une ferme (celle de KERJAGU à Plouagat, selon Dominique Lecomte) où se trouve aussi Packer et qui pourrait bien être la bâtisse dont Lorenzi dit qu'il y a passé les nuits des 17 et 18 mars 1944. [La liste des Helpers français reprend Mr. LE SOMMIER à "Kerjades", Plouagat, Côtes du Nord…]
Comme pas mal d'autres évadés, Bergeron, Wolf et les autres sont entre les mains du réseau Shelburn, organisant des évacuations depuis les ports de Bretagne, d'autres réseaux, dont principalement Comète (qui préparait l'organisation Marathon de camps secrets), ayant de plus en plus difficile à en faire passer vers le Sud en direction de l'Espagne.
Le 19 mars, un message de la BBC annonce l'opération de nuit "Bonaparte IV" qui doit transporter vers l'Angleterre des évadés par canonnière anglaise (MGB - Motor Gun Boat). Vers 21h00, Bergeron et Wolf se trouvent dans le groupe d'hommes conduits à Plouha dans le camion de François KERAMBRUN, garagiste à Guingamp. A leur descente du camion, deux groupes se forment et des hommes guident les évadés dans l'obscurité le long d'un sentier menant vers la plage, longeant une batterie de 88 mm allemande et évitant une patrouille ennemie. Les seize évadés arrivent finalement à la "maison d'Alphonse", à environ 1½ km de la falaise surplombant cette plage bretonne, chez les propriétaires Jean et Marie Thérèse GICQUEL.
On explique aux évadés ce que va être cette dernière partie de leur évasion et on leur recommande la plus grande prudence et discrétion de manière à éviter de compromettre l'opération en quelque manière que ce soit. Tous descendent alors en file indienne vers la plage le long de sentiers étroits. La marche, pénible, dure environ 30 minutes et les hommes arrivent au sommet d'une falaise.
A l'heure dite, la canonnière MGB 503, commandée par le Lt Mike Marshall de la Royal Navy, apparaît au large et quatre canots, qui en sont descendus dans le plus grand silence, se dirigent vers la côte, guidés par des signaux lumineux depuis la falaise. Bergeron, Wolf, Hennesy, Costello, Lorenzi, Packer, Risch, Dicken, Sweeney et huit autres évadés montent à bord des canots qui rejoignent bientôt la canonnière, toute l'opération ayant pris environ douze minutes. Le MGB 503 s'éloigne alors rapidement de la côte pour gagner la haute mer, tandis que les 17 évadés reçoivent à boire et se remettent un peu de leurs émotions. La mer est démontée et beaucoup seront malades durant la traversée, Lorenzi comparant les mouvements du bateau à son expérience dans les montagnes russes du Parc Natatorium de Spokane près de chez lui. La canonnière approche de Dartmouth à l'aube et les hommes peuvent monter sur le pont pour voir les côtes anglaises et apercevoir deux Spitfire dans le ciel, comme s'ils étaient venus leur souhaiter la bienvenue.
Leonard Bergeron est interviewé le 22 mars à Londres par l'I.S.9. Il poursuivit sa carrière dans l'US Air Force et servit en Corée. Après cette carrière militaire, il ouvrit un salon de coiffure puis d'autres dans le Connecticut et prit sa retraite en 1985. Lui et sa femme gardèrent le contact avec les LEGRAND après la guerre et eurent l'occasion de les rencontrer lors d'un voyage en Europe ainsi qu'une autre fois lorsque les LEGRAND leur rendirent visite à Windsor, dans le Connecticut. La nécrologie de Bergeron mentionne que les LEGRAND aidèrent 24 aviateurs évadés et que leurs actions furent reconnues officiellement par les gouvernements français et américain.
Leonard Bergeron repose au State Veterans Cemetery à Middletown, Connecticut, USA. Merci à notre ami Dominique Lecomte de l’Association des Sauveteurs d'Aviateurs Alliés (http://asaapicardie3945.fr/) pour ses photos et informations.