Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 14 mars 2015.

James Dee McELROY / O-747132
Farwell, Texas, USA
Né le 28 avril 1919 au Texas / † le 6 mars 1993, Vallejo, Californie
2nd Lt, USAAF 96 Bomber Group 339 Bomber Squadron, navigateur
Atterri près de Jurbise, à l'Ouest de Mons, Hainaut, Belgique. Boeing B-17F-BO Flying Fortress 42-30372 (MZ-P) / "Shack Rabbit III", abattu le 20 octobre 1943 par la chasse allemande (FW190s) lors d'une mission sur Düren.
Avion écrasé en deux parties, la queue à Hensies et la carlingue à Quevaucamps (Entité de Beloeil).
Durée : 2½ semaines
Passage des Pyrénées : le 06 novembre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 1017. Rapport d'évasion E&E 203 disponible en ligne.

L'appareil (qui était assigné au 413 Bomb Squadron) décolle vers 10h00 de la base de Snetterton Heath. A l'approche des côtes du Continent, le sur-compresseur du moteur n° 4 a des ratés et le pilote Bob Grimes doit mettre cette hélice en drapeau. L'avion parvient cependant à rester dans la formation, en dernière position. Le temps est mauvais sur la Belgique et la formation doit prendre de la hauteur pour passer au-dessus des nuages, ce que le "Shack Rabbit III" ne peut faire avec seulement trois moteurs. L'appareil est alors touché par la Flak et le pilote fait demi-tour vers l'Angleterre. Près de Cambrai, le B-17 esseulé est attaqué par au moins six chasseurs allemands Fw190. Le moteur n° 2 est touché et Grimes, qui a de plus en plus difficile à contrôler l'appareil qui perd davantage d'altitude, donne l'ordre d'évacuer.

Quatre hommes perdront la vie, le copilote 2nd Lt Arthur Charles Pickett, dont le parachute ne s’est apparemment pas ouvert ou ses sangles se sont emmêlées, l’aviateur tombant sur une maison à Harchies et perdant la vie quelques minutes après sa chute ; l'opérateur radio T/Sgt Frederick William MacManus, atteint d’une balle à la tête, décédé à bord ; le mitrailleur gauche S/Sgt Jerome Chester Nawracaj (qui aurait trouvé un vélo peu après son atterrissage, mais aurait été dénoncé le 21 octobre par une femme à laquelle il avait demandé son chemin. S’éloignant rapidement à vélo, il aurait été abattu, atteint au dos par des soldats allemands) et le mitrailleur arrière S/Sgt George Carl Janser, bloqué dans la queue de l’appareil qui se détache après une explosion.

James McElroy et cinq autres parviendront à s'évader : Robert Grimes, Robert Metlen, Theodore Kellers, Charles Carlson et Harold Sheets.

McElroy saute à environ 7.500 m et ne déclenche l'ouverture de son parachute qu'à environ 1.500 m du sol. Il se blesse légèrement à une main et au dos durant ces manœuvres et atterrit dans un champ proche d'un bois près de Jurbise. Alors qu'il se débarrasse de son équipement, il aperçoit un homme rampant sous une clôture à quelques mètres de lui ; l'homme lui demande alors s'il est Anglais ou Allemand. McElroy lui répond qu'il est Américain et tente de le questionner, mais l'individu ne dit rien, se contentant d'aider l'aviateur à ramper sous la clôture. Alors que McElroy marche en direction du bois, l'homme le quitte, se dirigeant dans la direction opposée.

L'aviateur abandonne des pièces de son équipement tout en allant et, dès que l'homme est hors de sa vue, il fait demi-tour, entrant dans le bois par un autre endroit. Là, il se cache à proximité d'un sentier dans d'épais buissons. Dans l'après-midi, il consulte les cartes de son kit d'évasion, mais ne parvient pas à se localiser, sachant seulement qu'il avait dévié à plusieurs km à l'Est de Cambrai. Vers 17h00, ayant abandonné tout espoir que l'homme revienne pour l'aider, il se nourrit de quelques tablettes d'Horlick's avant de marcher en direction du Sud-Ouest qui lui paraît la plus sûre.

Il longe la lisière du bois pendant une heure et ne rencontre qu'une seule personne, qui se contente de le regarder, sans plus. L'obscurité tombée, il se sent plus en sécurité et s'aventure à marcher de courtes distances sur des routes, marchant cependant la plupart du temps à travers champs. McElroy débouche alors sur une voie de chemin de fer et se décide à la suivre dans l'espoir de découvrir où il se trouve exactement. Un peu plus tard, il se cherche une meule de foin dans un champ où passer la nuit. Il en trouve une où il se cache pendant une vingtaine de minutes avant d'oser aller examiner les abords d'une ferme voisine.

Il se décide finalement à y frapper à la porte principale et entend bientôt une voix de femme venant d'une porte grillagée latérale. Il déclare à Mme VANDEKERKHOVE être un aviateur américain ; elle ne le comprend apparemment pas, mais lorsqu'il utilise le vocable "parachutiste", elle le fait entrer dans la ferme. Il montre sa pièce d'identité et la famille l'aide à se localiser sur sa carte, le nourrit, lui donne des vêtements, insistant pour qu'il dorme le plus longtemps possible avant de se remettre en route.

On le réveille tôt le lendemain et le fermier lui indique la direction qu'il devrait prendre en direction de Condé-sur-Escaut, ajoutant qu'il fallait qu'il évite de rentrer dans Mons et de plutôt approcher la frontière le long d'un canal et de le traverser à un endroit où il forme la frontière franco-belge.

Après quelques heures de marche, McElroy voit un bâtiment avec un écriteau "Café Frontière" et aborde un fermier qui comprend immédiatement la situation, lui confirme qu'il est au bon endroit, mais qu'il aura besoin de papiers d'identité pour passer en France, ajoutant qu'il pourrait tenter le coup et traverser un pont un peu plus loin. (Il s'agit peut-être du pont à la jointure du Canal Hensies-Pommeroeul du côté belge ou Canal de Condé-Pommeroeul du côté français, juste avant le village de Saint-Aybert ?)

Arrivé au pont, il constate qu'il est gardé par deux gardes français en uniforme noir. Ils lui demandent ses papiers; il feint d'être sourd-muet, puis d'avoir oublié ses papiers, enfin tente des explications par gestes jusqu'à ce que les deux policiers, manifestement dégoûtés, le laissent finalement en paix. Il suit une route qui le mène à un petit village dans une rue duquel il voit une maison endommagée par un avion allié récemment abattu. Poursuivant sa route, il rencontre un fermier dont il se méfie et dans un autre village il dépasse une auto parquée dans laquelle un homme fait la conversation avec deux filles. Le véhicule démarre et le rattrape un peu plus loin, le chauffeur lui demandant en anglais s'il était britannique. Toujours méfiant, l'aviateur fait signe que non et poursuit son chemin.

Cette nuit là, McElroy atteint Valenciennes sous la pluie et va se cacher dans un petit bois, endroit qu'il quitte rapidement, ne pouvant dormir à cause du froid et de l'humidité. Il se réfugie alors dans l'entrée de l'étable d'une ferme où il reste quelques heures. Il se remet en route avant l'aube et se dirige vers Cambrai, où il arrive vers midi. Son intention était d'y prendre un train vers le sud, mais il abandonne son projet car trop de soldats allemands circulent dans les rues de la ville.

Il atteint alors les abords de Rumilly et tandis qu'il se repose au bord d'une route, un des nombreux fermiers passant par là lui demande s'il est belge. Il répond qu'il est américain et l'homme lui indique une maison proche où il fait comprendre qu'il devrait y aller demander de l'aide. Il s'agit en fait de la maison du fermier lui-même et où il reste deux nuits, dormant une nuit dans la grange, la seconde dans une chambre à la ferme. On lave ses vêtements, il peut se raser et on lui donne un colis avec du pain, du fromage et des œufs, le fermier lui recommandant de ne pas prendre de trains, vu qu'il n'a pas de papiers.

Ce 24 octobre, donc, il quitte la ferme, marche à travers Saint-Quentin en route vers Ham, village où il cherche de l'aide. Il frappe à deux maisons, mais l'accueil est négatif sinon hostile. A la troisième, il convainc la dame âgée qu'il est bien américain et elle sort un dictionnaire qui facilite leur conversation. On lui aménage un lit dans une pièce à l'avant et il peut dormir là jusqu'au lendemain. Il se dirige alors vers Noyon où un fermier lui suggère d'aller à l'hôtel, disant qu'il n'y avait pas de danger, peu d'Allemands se trouvant dans le coin. McElroy décide finalement de se rendre à Compiègne pour tenter de trouver une autre ferme où se cacher. Il n'en trouve pas dans cette région fortement boisée et marche jusqu'à Lacrois-St-Ouen où personne ne semble prêt à l'aider, même pas la tenancière d'un hôtel qui lui dit "pas de chambres"…

McElroy marche alors jusqu'à Verberie où on l'accueille dans une ferme et où on lui dit que l'on connaît une femme dans la localité qui s'était dite prête à aider tout Américain qui chercherait une aide. Le fermier le mène alors à la maison de cette femme, où ils sont reçus par un homme qui refuse de s'occuper de lui. Le fermier ramène alors McElroy chez lui pour y loger et il lui aménage une couche dans sa grange.

McElroy se remet en route tôt le lendemain 26 octobre, s'arrêtant dans des cafés où, au lieu de boire de l'eau comme il le souhaite, il se voit forcé de boire de la bière, ne sachant pas comment dire "eau" en français. Après 60 km de marche, via Senlis, il arrive à Paris à la nuit tombée. Evitant les grandes artères, il tente de trouver une église, sans succès. Il pense alors entrer dans l'un ou l'autre café, mais ils sont trop bondés et il se méfie. Finalement, il demande où il y aurait un hôtel et on lui indique un café, vers lequel il se dirige. L'établissement est presque vide, l'heure de fermeture approchant. Il y entre et, de prime abord, tant un client au comptoir que le barman se contentent de le regarder. Lorsqu'il sort son quignon de pain rassis, le barman le lui arrache des mains et lui apporte du pain frais. Il s'avère que le barman est en fait le patron, Maurice LORION, au 119 Avenue Jean Jaurès, Paris 19ème. Celui-ci ferme le café et lui dit qu'il avait par le passé été membre de l'équipage du S/S "Paris". Questionné par le patron et l'autre homme, McElroy parvient à les convaincre qu'il est bien américain.

Il loge chez Maurice LORION du 26 au 28 octobre et ce jour-là, le cafetier le mène à l'appartement d'un homme, comme lui ancien du "Paris". Le 29, la femme de Maurice amène à l'appartement un homme, grisonnant, moustachu, parlant anglais, ainsi qu'une femme portant des lunettes à monture en corne. L'homme le guide vers un appartement dans un quartier commerçant où se trouvent plusieurs kits d'évasion et cartes d'identité. On lui donne des souliers, des vêtements, un pardessus avant que l'homme le remette à un autre guide dans une station de métro.

Son nouveau helper, 30 ans, 1m75, cheveux foncés, visage mince, ancien prisonnier de guerre et parlant l'anglais (probablement Maurice GRAPIN), le conduit alors chez lui à Issy. De là, guidé par un médecin, 1m70, très droit et portant lunettes, il arrive chez un autre médecin, ancien prisonnier lui aussi et vivant avec sa maman. Après quelques jours, le premier médecin vient rechercher McElroy pour le conduire à son bureau où il le remet à l'homme qui avait amené l'aviateur à Issy. Le frère de cet homme, 1m75, taches de rousseur, moustache, cheveux foncés, l'emmène se faire photographier avant de le ramener chez son frère (probablement Pierre HABREKORN) médecin où il reste 2 jours. Ce médecin le conduit alors à la station de métro "Mairie d'Issy" où ils montent dans une rame et à l'arrêt suivant, ils sont rejoints par Ronald Dench qu'accompagne l'épouse de l'homme qui avait à l'origine amené McElroy à Issy. Ce dernier lui-même monte à la station suivante et prend le relais du médecin. Encore un arrêt plus loin, l'homme parlant anglais qui s'était trouvé plus tôt avec la femme de Maurice monte dans la rame, donne de faux papiers à McElroy en lui disant de suivre une femme aux cheveux foncés, d'environ 1m52 qui était également montée à bord du train. McElroy et Dench suivent la femme jusqu'à une gare de chemin de fer et montent avec elle dans le train pour Bordeaux.

Arrivés à destination, la femme les confie à Jean-François NOTHOMB ("Franco") et ils sont bientôt rejoints par William Cook et Andrzej Czerwinski. Franco et les quatre évadés prennent le train pour Dax et de là font le trajet à vélo jusque Saint-Jean-de-Luz en passant par Bayonne. Ils abandonnent leur vélos et marchent ensuite vers une auberge où on leur montre des photos du Major Cole.

Dans la nuit du 06 au 07 novembre James McElroy et ses trois compagnons passent la Bidassoa avec Florentino GOIKOETXEA et Jean-François NOTHOMB. C'est le 68e passage de Comète par Saint-Jean-de-Luz vers Hernani. Ils arrivent par la suite à San Sebastian où un français parlant anglais les prend en voiture jusqu'à Madrid où ils arrivent le 08 novembre pour être pris en charge par l'Ambassade britannique.

Le 13 novembre, McElroy se retrouve au Consulat des Etats-Unis et il est transféré le même jour à Gibraltar d'où il s'envole deux jours après pour arriver à Bristol en Angleterre le 16 novembre 1943.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters