Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 1 août 2018.

Thomas Colon SHAVER / 14072911
Harmony, Iredell County, Caroline du Nord
Né le 12 juillet 1914 en Caroline du Nord / †  le 21 novembre 1957 à Harmony, Caroline du Nord.
S/Sgt, USAAF 305 Bomber Group 366 Bomber Squadron, mécanicien - mitrailleur tourelle dorsale
Lieu d’atterrissage : Près de Quièvrecourt, à environ 2 km au nord-ouest du centre de Neufchâtel-en-Bray, Seine Maritime, France.
Boeing B17F-BO Flying Fortress, n° série 41-24591, KY-B / "Rigor Mortis", tombé le 6 septembre 1943 suite à des ennuis mécaniques lors d'une mission sur Stuttgart.
Ecrasé vers 11h45 près de Neufchâtel-en-Bray, entre Dieppe et Rouen en Seine Maritime
Passage des Pyrénées : le 9 novembre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 1344. Rapport d'évasion E&E 277 disponible en ligne et qui renseigne son 2ème prénom comme étant Colin. (*) Sa pierre tombale à New Hope reprend Colon… qui est également repris en 1955 dans la liste des élèves de la Northern University à Evanston, Illinois.

L’appareil décolle de Chelveston à 07h00 heure anglaise et, revenant de Stuttgart, encourt des problèmes mécaniques dans le moteur n° 3, qui n’est plus alimenté en carburant. Le B-17 est attaqué par 3 chasseurs allemands au-dessus de la Seine Maritime, puis est touché par des tirs de la Flak. Le pilote donne l’ordre d’évacuer et tout l’équipage saute en parachute. Certains aviateurs rapportent avoir vu l’appareil commencer à se mettre en vrille puis à piquer à la verticale avant de s’écraser au sol en explosant.

Le mitrailleur ventral, S/Sgt Stephen A. Dorko, sera tué, son parachute ne s’étant pas ouvert. Il repose au cimetière américain de Colleville-sur-Mer, Calvados, France. Le pilote, F/O Raymond E. Halliday et son navigateur, 2nd Lt Robert J. Curtis seront fait prisonniers et envoyés au Stalag Luft 3 à Sagan. L’opérateur radio, T/Sgt Joseph F. McKegney et le bombardier, 2nd Lt Clarence F. Veach seront également arrêtés et envoyés en camp, respectivement au Stalag XVIIB à Braunau, Autriche et au Stalag IIIB à Fürstenberg en Allemagne.

Les 5 autres, dont Thomas Shaver, parviendront à s’évader. Le copilote 2nd Lt Russell M. Brooke (E&E 241) et le mitrailleur arrière S/Sgt Duane J. Lawhead (blessé à la jambe par un éclat d’obus - E&E 245) seront évacués depuis la Bretagne vers l’Angleterre par bateau MGB 318 dans la nuit du 1er au 2 décembre 1943. Le mitrailleur de flanc gauche, Sgt Alfred A. Jaworowski (E&E 208) et son collègue de droite, S/Sgt Anthony Marandola (E&E 209) rejoindront l’Angleterre via le Réseau Bourgogne/Burgundy.

Thomas Shaver (dont le rapport est assez long mais ne donne que peu de détails de noms et d’endroits) saute à environ 3500 m d’altitude, derrière McKegney et devant Lawhead et Dorko. Shaver délaie l’ouverture de son parachute jusqu’à environ 1000 m et atterrit dans un arbre à proximité de Quièvrecourt, non loin de l’endroit du crash du B-17. Tandis qu’il essaie de se dégager, Shaver voit un fermier s’approcher qui l’aide à descendre avant de le mener à sa ferme à quelques dizaines de mètres de là. Il voit le sergent Lawhead arrivant en clopinant à travers le verger. Bien que les occupants de la ferme leur paraissent apeurés, la femme réchauffe de l’eau et Shaver nettoie et bande la blessure de Lawhead. Les gens leur font comprendre qu’ils ne pouvaient rester là. Après avoir dû nettoyer toute trace de leur passage et surtout les taches de sang marquant le trajet du mitrailleur, le fermier va cacher leur équipement avant de les mener vers un champ proche où il leur recommande de ne pas bouger avant la tombée de la nuit et les aviateurs comprennent qu’ils ne recevront plus aucune aide de sa part.

Shaver et Lawhead changent de cachette et depuis des buissons au sommet d’un talus ils peuvent voir des soldats allemands à leur recherche, montant et descendant une route de campagne tout au long de l’après-midi. La jambe de Lawhead le fait de plus en plus souffrir et ils comprennent qu’il ne pourra pas aller plus loin. L’obscurité venue, Shaver part seul chercher de l’aide et de la nourriture. Il frappe à la porte d’une maison, dont la porte reste close jusqu’à ce que l’homme à l’intérieur, comprenant qu’il est Américain, l’accueille un long couteau à la main. Shaver demande de l’eau ; il reçoit du vin. Il tente par gestes de se faire mieux comprendre, mais rien n’y fait, pas même lorsqu’il essaie d’expliquer qu’un camarade blessé se trouve non loin de là. L’homme et sa femme lui donnent un peu de pain et de fromage et alors que Shaver, qui pensait avoir finalement convaincu le mari de le suivre, voit son épouse le lui interdire…

Après avoir porté de quoi manger à Lawhead, Shaver repart et s’adresse à une autre maison où un vieillard comprend immédiatement la situation et paraît prêt à vouloir l’aider. Là aussi, la femme fait comprendre sèchement qu’il n’est pas question que les aviateurs passent la nuit dans leur étable. A une troisième maison, un homme ouvre la porte… et la referme immédiatement après avoir vu Shaver. Il retourne près de Lawhead et le persuade d’accepter que Shaver l’aide à se déplacer jusqu’à la deuxième maison visitée. Ils y arrivent péniblement et, à l’insu des propriétaires, peuvent finalement occuper la grange pendant quelques heures. Lawhead souffrant trop, insiste pour que Shaver parte seul, lui-même se proposant de trouver de l’aide dans le voisinage le lendemain matin. Lawhead sera aidé jusqu’en Bretagne d’où il rejoindra l’Angleterre.

Shaver part donc seul durant la nuit, marchant vers le Sud, se dirigeant à l’aide de sa boussole et évitant les villages proches de l’endroit où il avait atterri. Il marche toute la nuit à travers les champs et les bois et, avant l’aube, contourne un lac au-delà duquel il ne voit que rase campagne. Comme il est toujours revêtu de sa veste de vol en cuir, d’un chandail vert, de son pantalon de corvée et de ses bottes de service, il évite soigneusement les routes fréquentées. Au lever du soleil il approche une ferme où deux jeunes filles sont en train de traire une vache. Leur mère refuse cependant de l’aider et Shaver poursuit sa route vers le Sud. Vers au matin, près heures du matin, il s’adresse à une fermer où l’homme refuse l’argent que Shaver lui propose en échange nourriture et boisson. Le fermier refuse l’argent, se contentant de lui donner un peu de pain et de remplir de lait la bouteille à eau de son kit d’évasion avant de lui faire clairement comprendre qu’il ne pouvait rester là.

Shaver se remet en route et après 5 ou 6 km de marche atteint une localité qu’il n’ose traverser vu la grande activité qui y règne. Il va se reposer dans quelques mauvaises herbes. Une jeune fille partant travailler aux champs le trouve et le réveille. Il lui explique qui il est et la fille lui dit de ne pas bouger et qu’elle reviendra plus tard avec de la nourriture. Rassuré par l’attitude de la fille, Shaver se rendort et est réveillé peu après par la fille, accompagnée d’un garçon Français de 18 ans et de son père. Le fils parlant l’anglais qui lui dit que s’il pouvait rester caché pendant quelques jours, on chercherait le moyen de l’aider. Ces gens le mènent à une ferme où il peut dormir sur la paille dans une étable. Shaver reste caché là pendant 3 semaines, visité pratiquement tous les jours par le jeune homme. Au 4ème jour, celui-ci annonce qu’il se pourrait qu’on le fasse rentrer en Angleterre par avion, mais rien de tel ne se concrétisera. Dans la marge de la page de son rapport figurent les noms Armand DUMONT et André DUMONT, dont on ne retrouve pas les noms dans la liste des Helpers français établie après la guerre.

A la fin de la 2ème semaine, un homme et son fils arrivent en auto, venant de Rouen. Il semble que le père était Commissaire (de police) et lors de sa visite du lendemain, il est accompagné d’un ancien tenancier d’hôtel à Dieppe, de la femme de celui-ci, d’un prisonnier français évadé d’Allemagne et d’un photographe habitant un village près de Beauvais. Le tenancier d’hôtel habitait à Forges (= Forges-les-Eaux, entre Neufchâtel-en-Bray et Beauvais.) Le 27 septembre, le tenancier vient le chercher et le conduit chez lui où il dort dans la même chambre que le patron et sa femme, de même que le prisonnier français. Il reste là pendant 3 jours, est conduit chez un photographe le 30 septembre et on lui annonce qu’il sera placé le lendemain dans un grand château où se trouvait un aviateur anglais gravement blessé…

Le 2 octobre, Shaver est conduit en chariot jusqu’à une ferme à environ 8 km de Forges-les-Eaux et le 4, on le mène en voiture tirée par des chevaux jusqu’à une route menant à Beauvais. Là, il monte dans une auto, de même que le photographe ("René et sa femme Renée") qui les mène à un village où ils rentrent dans une sorte d’auberge où deux hommes les rejoignent. L’un des deux parle anglais et Shaver est alors conduit en voiture vers Beauvais pour rencontrer un Mr BELAY, pharmacien, personnage important dans l’organisation. [ Le seul patronyme approchant dans la liste des Helpers est celui de René BILLET, 19 Rue / Avenue Victor Hugo à Beauvais…] Shaver mentionne un parcours en auto avec ce Bellay/Billet jusqu’à un faubourg de Beauvais chez un homme âgé ("Granpère" sic) et son fils Albert où il rencontre Ronald Dench et William Todd . Les 3 aviateurs restent là pendant 5 semaines, occupant leur temps à se balader en ville (Beauvais), à faire de la gymnastique pendant 3 à 4 heures par jour ("good for Pyrénées" - sic) et attendant impatiemment la suite des événements.

On leur apporte de nouveaux vêtements civils et le 3 novembre, un avocat habitant un petit village voisin vient les chercher pour les conduire à une ferme à quelques kilomètres de son habitation. Selon le rapport de Todd, cet avocat se nomme DEBREAU (ou DEBEAU), également connu sous le pseudo de "A6", qui les guide jusqu’à Auneuil. Shaver indique que le fermier ("Mr Roger") les loge pendant 2 jours [La liste des Helpers français reprend Joseph et Marthe ROGET et leur fils Amédée, au Hameau du Croquet à 3 km au sud-est de Troussures, dans l’Oise, à une 15ne de km au sud-est de Beauvais, où Dench et Todd renseignent être passés]. Ils sont ensuite hébergés 1 nuit chez l’avocat. Ce dernier les conduit en voiture à Paris. Descendus de voiture, ils rentrent dans une église où un homme vient les interroger. Ils suivent alors un jeune garçon qui les mène à un appartement où Shaver et Todd sont séparés de Dench. Shaver indique qu’ensuite conduits dans Paris chez un docteur (le docteur ANDRÉ selon Todd), chez qui ils restent 3 jours. Pendant leur séjour là, ils sont menés au "Bon Marché" où des photos sont faites pour la confection de leurs faux papiers.

Conduits à une gare, ils rencontrent une dame de petite taille (il s’agit de Marcelle DOUARD) qui les conduit à un café, puis à une autre gare (vers le 8 novembre selon Shaver, Todd donnant comme date le 14 novembre) d’où ils prennent avec elle un train pour Bordeaux. Todd, Shaver et la dame y sont présentés à un jeune homme (Jean-François NOTHOMB ?) qui les guide en train jusqu’à Dax. Ils sont rejoints là par Jarvis Allen et un Belge qui parlait un anglais parfait et se faisait passer pour le F/Off RCAF "James Clark" (Il s'agit en fait de André Wendelen, alias TYBALT pour le SOE).

Selon Shaver, Wendelen et Allen font le voyage en train de Bordeaux à Dax, tandis que Todd et lui font le parcours à vélo. Arrivés à Dax, une jeune fille (vraisemblablement Jeanine DE GREEF, habitant à Anglet) les guide jusqu’à sa maison (selon Shaver) à environ 8 km au sud de Bayonne où ils retrouvent Wendelen et Allen. Les 4 évadés logent vraisemblablement tous à Sutar à l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA et rencontrent des guides le lendemain, dans un champ, à Mandochineko borda (la grange de la ferme Mandochinea) sur le territoire de Larressore. Dans son rapport, Shaver déclare que dans l’après-midi de ce jour-là, un homme assez âgé l’accompagne à vélo en direction de la frontière espagnole, jusqu’à un point de rendez-vous à une quinzaine de kilomètres au sud de Bayonne, ce qui correspond à Larressore...


Mot de remerciement de Shaver dans le carnet de Pierre Elhorga.

Shaver, Todd, Allen et Wendelen sont guidés par des gens de Pierre ELHORGA jusqu'à la frontière espagnole et la franchissent à Jauriko borda avec les guides de Espelette seuls pour le 69e passage de Comète. Le groupe démarre le 9 novembre vers 16 heures 30 et marche alors jusqu'en Espagne, y arrivant vers 3 heures le lendemain 10 novembre.

Dans un rapport SOE, Wendelen dit que parce que Shaver lui semble le plus énergique, il préfère poursuivre sa route avec lui. De leur côté, Allen et Todd se rendent à la police locale, Shaver et Wendelen poursuivant leur route vers Elizondo. Shaver indique dans son rapport que Wendelen, qui parle l’espagnol, échange avec leurs guides son argent français contre des pesetas. Les deux hommes marchent alors jusqu’à un village à environ 8 km d’Elizondo (Maya ?) d’où Wendelen téléphone au Consulat britannique de San Sebastian pour signaler leur présence en Espagne et demander de l’aide.

Shaver et Wendelen passent une nuit dans un hôtel du village et, le lendemain après-midi, voient arriver deux policiers espagnols. Ils sont menés à une prison locale avant d’être conduits à celle d’Elizondo où ils sont enregistrés et où on prend leurs empreintes digitales. Dans l’après-midi du lendemain, on les mène en bus à Pamplona où ils logent la nuit. Le jour suivant, ils sont conduits en train à Lecumberi où, après des appels téléphoniques des services consulaires de San Sebastian, le consulat américain, mis au courant, leur envoie le vice-consul américain à Bilbao, Allison Temple Wanamaker Jr, qui leur apporte de l’argent et des cigarettes. Il leur faudra encore attendre deux semaines avant que Shaver, guidé par Wanamaker et un officier de l’Armée de l’Air espagnol, arrive à Alhama de Aragón.

Shaver arrive à Madrid le 14 décembre et est ensuite conduit à Gibraltar où il arrive le lendemain. Wanamaker, organise son voyage vers l'Angleterre et Shaver quitte Gibraltar en avion le 18 décembre, arrivant à Bristol le même jour. Rentré aux Etats-Unis, Shaver est démobilisé le 14 janvier 1946, mais se réengage le lendemain dans l’Air Force. Il est définitivement démobilisé le 24 février 1949 alors qu’il servait à la base aérienne de Topeka dans le Kansas.

Décédé en 1957 à l’âge de 43 ans, Thomas Shaver repose au Taylor Springs Baptist Church Cemetery à New Hope, Iredell County, Caroline du Nord.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters