Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 22 octobre 2021.

Arthur William BEARD / 1159543
27 Lorne Street, Stourport-on-Severn, Worcestershire, Angleterre
Né en 1914 à Stourport-on-Severn / † en juillet 1991
Sgt, RAF Bomber Command 77 Squadron, navigateur
Lieu d'atterrissage : près de Clavier, un peu au sud-est de Modave, Province de Liège, Belgique.
Handley Page Halifax B II, N° série JD371, immatriculation KN-O, abattu par l'Oblt. Martin Drewes, Commandant du 11./NJG1, dans la nuit du 27 au 28 août 1943 lors d'un raid sur Nuremberg
Ecrasé Rue Survillers, à environ 1 km au sud de Modave, Province de Liège, Belgique
Durée : 7 semaines
Passage des Pyrénées : le 17 octobre 1943

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion n° 3316/1539.

Le Halifax décolle à 22h30 de Elvington, largue ses bombes sur l'objectif et à mi-chemin du vol de retour, à hauteur de la frontière germano-belge, non loin de Darmstadt, il est attaqué par un chasseur. L'Oblt Martin Drewes est crédité de cette victoire, ayant touché le Halifax à 03h19 (heure continentale) à une altitude de 5300 m au sud de Modave. Un violent incendie se déclare à bord et le pilote F/Sgt Augustine Brannigan (RCAF) donne l'ordre d'évacuer. Afin d’éviter que l’appareil ne s’écrase sur Modave et ne provoque une catastrophe, Brannigan et son copilote Rodgers (RCAF) maintiennent l’appareil en vol et manoeuvrent pour qu’il s’éloigne du village. N’ayant plus assez d’altitude, l’appareil s’écrase dans une prairie à Survillers.


Document de la Résistance locale annonçant la chute du JD371 à Modave
(Archives CEGESOMA)

Le pilote Brannigan, le copilote Sgt Ronald Rodgers, le bombardier F/Sgt Peter Rowland Humphries, le mécanicien Sgt James Seaforth Silver et le mitrailleur dorsal Sgt Alexander George Templeton trouveront la mort. Ils reposent tous les cinq au Heverlee War Cemetery près de Leuven / Louvain.

Outre Arthur Beard, deux autres membres de l'équipage parviendront à s'évader : le mitrailleur arrière William Palmer et l'opérateur radio William Catley.

Note : Le 22 août 2005, Brenda, la cadette de ses deux filles a posté un récit écrit à la fin des années 1980 par Arthur Beard à : http://www.bbc.co.uk/history/ww2peopleswar/stories/91/a5251691.shtml. C'est grâce à ce récit que plusieurs détails ont pu être ajoutés au texte ci-dessous.

Dès l’ordre d’évacuer, Arthur Beard endosse son parachute, l’attache et saute immédiatement après avoir ouvert la trappe d’évacuation. Il atterrit dans un champ, se débarrasse de son parachute et de son harnais avant de se mettre en marche. A l'aube, il frappe à la porte d'une maison isolée et il fait comprendre à l'homme qui lui ouvre la porte qu'il est un aviateur anglais tentant de s'échapper. Mr VANSPAUWEN le fait entrer. On lui donne à manger et VANSPAUWEN lui dit qu'il pourra l'aider. Il le mène se cacher dans un conduit souterrain, lui disant qu'il y repasserait dans la soirée. [A noter que dans la liste des helpers constituée après le conflit en vue de l'attribution de récompenses, un Albert VANSPAUWEN est mentionné " Rue du Baty, à Warzeesen ". Son fils, également prénommé Albert a pu nous confirmer au téléphone le 14 décembre 2012 qu'il s'agit de la rue du Baty à Warzée, adresse de ses parents après la guerre. Pendant le conflit et au moment où il a aidé Arthur Beard, Albert VANSPAUWEN habitait à la Rue du Hâlon à Ochain-Clavier. Albert VANSPAUWEN, né en 1912, est décédé en 1974.]

Au crépuscule, deux hommes lui apportent des vêtements civils que Beard revêt immédiatement. Les deux individus l'emmènent à vélo jusqu'à Ciney dans une boulangerie tenue par Mr et Mme " Jambotton " [sic dans le récit d'Arthur Beard - Nous pensons qu'il s'agit d'Ernest JAMOTTON et de son épouse, celle-ci étant renseignée dans la liste des helpers comme habitant 18 Cour Monsu - en fait, Cour Monseu - à Ciney.] Le lendemain, plusieurs jeunes gens s'amènent et l'interrogent aux fins de savoir s'il est réellement un aviateur anglais en train de s'évader ou un imposteur tentant d'infiltrer l'organisation.

Deux jours plus tard, les mêmes jeunes reviennent chez les JAMOTTON et demandent à Beard s'il pourrait les aider à identifier un homme se disant anglais. Beard accepte et le soir, les jeunes gens reviennent … avec son co-équipier William Palmer. On apprend aux deux aviateurs que le groupe en question pensait qu'ils étaient les deux hommes annoncés comme devant arriver d'Angleterre et être parachutés dans le secteur en vue de les entraîner aux techniques de sabotage.

Beard et Palmer quittent Ciney et sont conduits dans une forêt près de Marche-en-Famenne dans les Ardennes où ils rencontrent un groupe d'étudiants se cachant là pour échapper au travail obligatoire en Allemagne. Selon Beard, après une dizaine de jours, il rencontre un étudiant (MARCEL ?) qui parle anglais et qui lui dit qu'il connaît une femme à Bruxelles qui pourra les aider. [ André VAN GLABEKE, surnom " SIMBA ", habitant Avenue du Duc Jean à Ganshoren, Bruxelles, membre d'un maquis du côté de Manhay, rapporte que lui et ses amis ont caché Arthur Beard et William Palmer dans un camp dans les bois. Il ajoute que les deux aviateurs ainsi que les résistants ont dû s'enfuir précipitamment du camp le 19 septembre 1943, suite à une attaque de troupes allemandes - voir http://www.wartimememories.co.uk/belgium.html. Dans son récit, Beard mentionne que le camp a été attaqué pendant que l'étudiant se trouvait à Bruxelles…]

Par la suite, Beard et Palmer sont amenés, nous ignorons comment et par qui, à la gare de Liège. Beard signale que c'est à la gare qu'ils ont croisé par hasard l'étudiant qui revenait de Bruxelles, où il avait été voir Anne BRUSSELMANS. L'étudiant prend avec eux un train pour Bruxelles, puis un autre pour Mechelen / Malines, où cinq autres étudiants les guident dans la ville. Celui qui connaissait le réseau les conduit avec un homme chez Mlle MARTEN, une juive qui avait un frère dans les services de renseignements britanniques en Belgique. Palmer doit y rester au lit pendant dix jours à cause de fièvres. Le frère de Mlle MARTEN emmène ensuite Beard et Palmer chez un prêtre à Malines, qui leur annonce que William Catley, leur opérateur radio, est sain et sauf.

Vers la mi-septembre, "Lily", une fille de 20 ans (Aline DUMONT), envoyée à Malines par Anne BRUSSELMANS, les emmène à Bruxelles par le train pour y rencontrer Anne BRUSSELMANS et son mari Julien. Selon Beard, c'est Anne BRUSSELMANS qui s'est occupée de leur procurer des faux papiers et permis de travail. Beard ne le précise pas, mais lui et Palmer passent quelques jours par le centre de rassemblement chez Hélène CAMUSEL au 160 Rue Marie-Christine à Laeken. Après une séance de photographie, ils sont guidés chez Marc DELCAMPE, (peintre en bâtiments et membre du module de logement de René PIRART) au 290 Rue des Coteaux à Schaerbeek. L'épouse de DELCAMPE est en Angleterre et la maison de Schaerbeek sert d'abri aux évadés. Après 5 ou 6 jours, (selon le rapport de Catley, ce serait le 27 septembre) "Lily" y amène Catley qui retrouve ses deux co-équipiers Beard et Palmer. Les trois évadés restent ensemble 10 ou 11 jours (ou 5 à 6 selon le rapport de Catley…) chez Marc DELCAMPE.

Le 28 septembre à 06 heures, "Lily" mène Palmer et Catley à la gare en direction de Mons. Les évadés y rencontrent Peter Smith avec lequel Beard fait le même voyage en compagnie d'un autre guide. A Mons, tous prennent un autre train pour la frontière. Après un voyage de cinq minutes en tram vicinal jusqu'à Erquennes, les guides les amènent chez un douanier (François BOURLARD), Catley et Palmer restant chez BOURLARD jusqu'au lendemain. Henriette HANOTTE est de ce passage, avec Georgette DIEU.

Beard et Smith traversent la frontière de nuit dans la voiture du douanier en uniforme qui a reçu l'autorisation de son chef. Il les guide chez un contrôleur de la SNCF à Houdain-lez-Bavay. Dans son récit, Beard dit que le douanier (BOURLARD, qu'il ne nomme pas), les a effectivement conduits à la frontière d'où un autre chauffeur les a conduits à " Barvay " (Bavay). Il ajoute qu'arrivés là, le chef de gare, Léon GERARD, leur a acheté des tickets pour Paris et les a confiés à une guide qui les accompagne. Selon nos sources, il s'agit de Fernande ONIMUS-PHAL une parisienne de 30 ans. Vu le blocage de toutes les routes aux abords de Paris et le contrôle renforcé des allemands à bord des trains, Fernande signale aux deux hommes de quitter leur compartiment dès l'arrêt en gare avant la fouille. Tout se passe bien, et elle les conduit ensuite vers une maison. De là, deux jeunes femmes emmènent Beard et Palmer séparément dans Paris.

Beard est séparé de Peter Smith et loge du 11 au 15 octobre dans l'appartement de Raoul TOUQUET (ex-sergent de l'armée française, affecté au 8e Génie en 1924, mobilisé en 39, prisonnier en 40 et évadé) et Lucienne PRIOUL au 16 Rue Henri Tariel à Issy-les-Moulineaux.

Beard déclare dans son récit qu'il est ensuite rejoint par Palmer et conduit avec lui à la gare du Nord par une dame. (Selon Catley, cela se passe le 2 octobre…date à laquelle Palmer quitte le logement du Dr PIGUET, 28 Rue Gay-Lussac, Paris Ve où il a logé une semaine.) Beard ne le précise pas, mais Palmer et lui font le trajet de Paris à Bordeaux avec une femme d'âge moyen de très petite taille (Marcelle DOUARD), qui ne savait pas parler anglais. A Bordeaux, sans avoir été contrôlés, elle leur remet de nouvelles cartes d'identité pour la zone frontalière et leur prend leurs tickets de train, afin qu'on ne puisse trouver sur eux de preuves qu'ils venaient de Paris. Beard mentionne qu'à Bordeaux, ils ont pris immédiatement un train à destination de Bayonne. Il ajoute qu'arrivés là, ils ont roulé à vélo jusqu'à une ferme où ils devaient attendre l'arrivée de deux autres aviateurs évadés. D'après ce qui figure plus bas, il semble que depuis Bordeaux, ils soient d'abord passés par Dax.

Oscar Ramsden et James Rainsford, qui sont guidés par un homme, arrivent bientôt et, au crépuscule, ces quatre évadés voyagent ensemble jusque Dax, guidés par deux femmes dont Denise HOUGET et probablement Elvire DE GREEF. Beard mentionne, sans les nommer, qu'il y avait cinq guides en tout…

Beard ne le mentionne pas dans son récit, mais depuis Dax, ils vont à vélo jusqu'à 1 Km au Sud de Bayonne où ils passent la nuit, et restent dans un café (chez Jeanne VILLENAVE, Mme MENDIARA) jusqu'à 16h00. Le groupe est ensuite guidé via Saint-Jean-de-Luz jusqu'à la frontière espagnole. C'est la 63e traversée de Comète. Le groupe passe la Bidassoa avec un guide et Marcel ROGER, entre en Espagne dans la nuit du 17 au 18 octobre et arrive à San Sebastian dans la journée du 18.


Mot de remerciement de Beard dans le carnet de Pierre Elhorga.

Beard indique que le lendemain, 19 octobre, le Consul britannique de Bilbao vient les voir et leur annonce qu'une voiture viendra les prendre pour les conduire à l'Ambassade à Madrid. C'est ce qui se passe et Beard et les autres sont interrogés à Madrid par un officier du MI5. Ils restent 6 jours à Madrid, avant d'être conduits à Séville dans la même voiture que celle qui les avait amené, puis passent trois jours dans une maison sur les quais, et rejoignant Gibraltar sur un navire norvégien de 2.400 tonnes, le S.S. STAR.

Le 6 novembre, ils sont rapatriés par avion de Gibraltar à Bristol en Angleterre d'où un train les mène à Londres. Comme les autres, Arthur Beard y est interrogé le 08 novembre 1943. Après un congé en famille, il est posté au 10 AFU à Dumfries, puis à l'Ecole de Navigation Aérienne à Shawbury. Il termine son service comme instructeur au 42 OTU , d'abord à Ashbourne et finalement à Sleap.

En janvier 1944, le roi George VI décore Arthur Beard de la DFM (Distinguished Flying Medal) pour services rendus. En avril 1958, Anne BRUSSELMANS, en visite au Royaume-Uni à l’invitation de la RAF Escaping Society (RAFES), eut l’occasion de rencontrer Arthur Beard et William Palmer à Birmingham.

Une stèle à la mémoire des victimes du crash du Halifax JD371 avait été inaugurée le 31 mai 2006. Elle se trouve à environ 2 km au sud de Modave, dans le hameau de SURVILLERS, le long d'un chemin de campagne sans nom, un chemin latéral de la Rue Survillers. Voir à http://www.aviationheritage.eu/nl/content/gedenksteen-halifax-jd371.

Merci à Mme Brenda Cooper, fille d' Arthur William Beard pour la photo qui suit.



Un aviateur non-identifié et Arthur William Beard (à droite).

Arthur Beard s’est vu décerner la Distinguished Flying Medal pour "gallantry and devotion" dans l’exécution d’opérations aériennes (Supplement to the London Gazette, 7 janvier 1944) :


En décembre 2012 un groupe de quatre passionnés souhaitant honorer la mémoire des membres de l’équipage s’est constitué à Modave : le Groupe Halifax-Modave (https://halifaxjd371kno.com/), composé de Eric DEMONTY, Marc LAMBOTTE, Christophe MATHY et André NICOLAS, aidés par le canadien Geoff WARREN, dont l’oncle, le F/Sgt George Warren a été tué la même nuit lors du crash du Halifax JD368 (RAF 10 Squadron) près d’Estinnes, au sud-est de Mons. Grâce à leurs efforts, la commune de Modave a décerné officiellement le 28 août 2013, 70 ans exactement après le crash du JD371, le titre de citoyen d’honneur à titre posthume à tous les membres de son équipage.


Le même jour, une impressionnante et très émouvante cérémonie s’est déroulée à l’extérieur du cimetière de Modave, où une stèle à leur mémoire a été inaugurée en présence de plusieurs personnalités et de membres des familles des aviateurs Augustine Brannigan et Ronald Rodgers, venus spécialement du Canada. Etaient également présents, le fils et le neveu de William Catley. Malheureusement, Brenda Cooper, la fille d’Arthur Beard a eu un empêchement de dernière minute et n’a pu assister en compagnie de ses filles aux diverses manifestations. Un survol de chasseurs F-16 de la Composante Air de la Force Aérienne Belge, d’abord à deux, puis à nouveau ensemble, l’un d’entre eux inclinant ses ailes au-dessus de l’assemblée, en signe d’hommage aux disparus et finalement, l’un des deux chasseurs repassant symboliquement seul, fut un des moments forts de cette journée inoubliable, tant pour les familles des aviateurs que pour les très nombreux participants.

Des échos de la presse au sujet de cette commémoration sont en ligne sur le site du Groupe Halifax-Modave à https://halifaxjd371kno.com/

Ci-dessous, quelques photos de la cérémonie.


La musique de la force Aérienne belge et la haie d'honneur.


Le drapeau Comète au milieu à gauche


Speech du neveu de Brannigan


Speech de la nièce et petite-nièce du copilote R.Rodgers


La stèle a été dévoilée


Madame Virginia Caldwell arborant fièrement le drapeau Comète. Madame Caldwell est la fille du Sergent Frank Andrews, dont le Halifax fut abattu deux mois après le JD371 et de Jeanne MACINTOSH, guide et hébergeuse de Comète.


Le panneau, à gauche de la stèle, reprenant les photos et les noms des huit membres de l’équipage du JD371.

(Photos : Victor Schutters et Edouard Renière)


La croix confectionnée par Monsieur DAVIN, menuisier à Modave, et placée par lui à l’endroit du crash, malgré la présence des Allemands. (Photo via Chris Catley, fils de l’opérateur radio William Catley)


En très mauvais état, la croix initiale a été remplacée en août 2013 par une reproduction et posée au même endroit à côté d’une plaque à l’honneur des huit membres de l’équipage du JD371. (Photo aimablement transmise par Madame Rachel Semlyen, Secrétaire Honoraire de la 77 Squadron Association. ( http://homepage.ntlworld.com/r_m_g.varley/77%20Squadron%20Association.html)

© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters