Personne capturée durant son évasion

Dernière mise à jour le 15 septembre 2018.

Joseph Luke BURNS / 13116815
657 North Church Street, Hazleton, Pennsylvanie, USA
né le 2 février 1923 à Wilkes-Barre, Pennsylvanie / † le 22 novembre 1997 à Scottsdale, Arizona
T/Sgt, USAAF 401 Bomber Group 613 Bomber Squadron, mécanicien/mitrailleur dorsal
Atterrit près de Alken, Limbourg belge
Boeing B-17G-VE Flying Fortress n° 42-39840 (IN-A) / "The Lopin' Lobo" touché par la Flak le 1er décembre 1943 lors d'une mission sur Solingen/Leverkusen, l'avion est rentré en Angleterre.
Durée : 10 jours.
Arrêté à Keerbergen, Belgique, le 11 décembre 43

Informations complémentaires :

L'appareil ayant rejoint l'Angleterre, il n'y a pas de MACR (Rapport de Perte d'Equipage).

Joseph Burns est du même équipage que le pilote Charles F. Hess, le copilote John W. Mitchell, le navigateur 2nd Lt Charles W. Bryant, le bombardier 2nd Lt Robert W. Rowe et les sergents Raymond Nield, James Gibson, Irving Tatkin, Mark Bauer et Ruben Miller.


L'équipage du Lopin'Lobo le 01 octobre 43
Debout de gauche à droite : Lt Hess, pilote ; Lt Bryant, navigateur ; Lt Rowe, bombardier ; Lt Mitchell, copilote.
Accroupi de gauche à droite : S/Sgt Gibson, mitrailleur ; S/Sgt Miller, mitrailleur droit ; T/Sgt Burns, mécanicien ; Cpl Bauer, mitrailleur dorsal ; T/Sgt Tatkin, radio.

Le B-17 décolle de Deenethorpe vers 07h30 heure anglaise. Sur le vol de retour après le largage de ses bombes sur l'objectif, l'avion est touché une première fois par la DCA allemande. Le moteur n° 4 est détruit ; des éclats d'obus ont sérieusement endommagé le moteur n° 3 qui prend feu au moment où des éclats de l'explosion d'un autre obus criblent l'appareil, qui se retourne et plonge vers le sol d'une altitude de 3500 m.

Le pilote, Charles F. Hess et le copilote John W. Mitchell parviennent à reprendre le contrôle de l'appareil. Bien que la chute vertigineuse ait éteint l'incendie, l'appareil perd trop d'altitude et le pilote donne l'ordre de l'évacuer. Il n'entend pas de réponse et se rend compte que l'intercom est hors d'usage. Un co-équipier va se rendre compte à l'arrière et constate que six hommes ont déjà sauté, probablement en pensant que l'avion était condamné.

Quand les quatre officiers encore à bord (Charles Hess, John Mitchell, Charles Bryant et R.W. Rowe) veulent sauter à leur tour, John Mitchell ne trouve pas son parachute. Les trois autres aviateurs décident alors de rester auprès de lui le plus longtemps possible. Les quatre hommes jettent par-dessus bord tout ce qui permettrait d'alléger encore le poids de l'avion, et les pilotes parviennent à faire un atterrissage forcé sur la base de Manston en Angleterre. [Le Lt Hess sera décoré de la DFC, Distinguished Flying Cross, pour cet exploit. Il décèdera le 24 octobre 1944 à bord d'un chasseur P-51 Mustang lors de ce qui devait être son dernier vol d'entraînement. Des ennuis de moteur à une très basse altitude firent qu'après avoir évacué l'avion, son parachute n'eut pas le temps de s'ouvrir. Il est enterré au Cambridge American Cemetery à Cambridge, Angleterre.]

Joseph Burns, qui a sauté au-dessus d'Alken avec les cinq autres, dit avoir été menacé par trois chasseurs allemands pendant sa descente. Dès son atterrissage, il enterre son parachute et une demi-heure plus tard retrouve ses cinq co-équipiers.

Il existe plusieurs versions du parcours de Burns et de ses co-équipiers depuis leur atterrissage et nous avons tenté de mettre un peu d’ordre dans cette masse d’informations, pas toutes vérifiables et émanant de témoins directs et indirects ou d’écrits divers. Les différents lieux cités sont Alken (région des atterrissages), Donk (Herk-de-Stad), Saint-Trond (Sint-Truiden), Diest et finalement (pour Burns, Bauer et Miller) Keerbergen…

Une version : Les 6 hommes se mettent en marche et après deux heures, un homme ("Pierre LEONARDUS") arrive à bicyclette et leur montre une cachette dans une grosse propriété à une heure de marche, chez Renaat (Renier, René) LAMBRECHTS (à Sint-Truiden/Saint-Trond…) "LEONARDUS" leur dit de rester la nuit à cet endroit car il pourrait bien les aider et il revient vers 20 heures pour les conduire à un endroit où ils dorment dans une meule de foin. Comme il n’y a aucun Leonardus dans la liste des helpers belges, nous pensons qu’il pourrait s’agir de la famille LEENAERS à Donk, à une 20ne de kilomètres au nord-est de Alken…

Le lendemain (ce serait donc le 2 décembre), "Albert LEONARDUS" amène les six hommes dans un monastère à 2km de là. Un prêtre leur indique un débarras où ils restent la journée. Vers 17 heures, un autre homme - Albert VAN STRAELEN (15 Dorp à Stevoort, entre Alken et Donk), parlant bien anglais et se disant de la Witte Brigade - vient leur demander leurs noms, grades, matricules, escadrille, etc. aux fins de vérification de leur authenticité auprès de Londres. Il revient ensuite avec un autre homme - Georges SMETS, de Sint-Truiden, agent de la section "Limbourg" de Émile BUSET et Eugène THIERY - et les aviateurs sont conduits dans un camion qui sent le cheval dans une ville "à 45 minutes de route". Burns, Bauer et Nield vont alors loger dans une maison de briques à deux étages chez un couple avec un enfant de 4 ans. Gibson, Tatkin et Miller vont chez le voisin.

Trois jours plus tard (le 5 ou le 6 décembre, donc…), VAN STRAELEN et deux autres guides prennent les aviateurs en tram vers Diest. Ils prennent des vélos pour entrer en ville et vont alors chez un officier belge d'environ 28 ans, nommé Willy qui les reçoit avec sa femme. Il pourrait s’agir de Willie VAN BLERCKOM de Diest (famille d’Adolphe VAN BLERCKOM cité ci-dessous…)

Une autre version : Celle reprise par Jozef Bussels dans son livre "De Doodstraf als Risico - pilotenhulp in Belgisch Limburg 1941-1944" (1981): les six aviateurs Ruben Miller, Raymond Nield, Irving Tatkin, Joseph Burns, James Gibson et Mark Bauer, qui ont sauté au-dessus de Alken, sont pris en charge par la Résistance et transportés en camionnette à Saint-Trond où ils sont hébergés par René LAMBRECHTS et son épouse, Irma ENSCH. [En mars 2015, Yvan Lambrechts, fils de Renier LAMBRECHTS, communément appelé René, nous a appris que son père, membre de la Geheime Leger / Armée Secrète (section Limburg), avait mené quatre autres résistants le 10 juin 1944 lors d’un assaut sur la prison de Hasselt, faiblement gardée ce samedi-là, en vue de délivrer des résistants qui y étaient incarcérés et dont on craignait qu’ils parlent sous la torture, mettant tout le réseau en péril. Ils sont parvenus à en faire délivrer 17, dont son père (Theo LAMBRECHTS) et sa sœur (Augusta). Les soldats Allemands, arrivés en force finirent par arrêter René LAMBRECHTS, 35 ans, et ses 4 camarades, Gabriel Dupain, Georges Vanisterdael, Charlie D’Hoose et Jean Mélot. Tous les 5 ont été immédiatement fusillés. Une plaque à leur mémoire a été apposée sur le mur de l’ancienne prison, Martelarenlaan. René et Anna LAMBRECHTS habitaient à la Houtstraat à Sint-Truiden / Saint-Trond, rue qui a été rebaptisée René Lambrechtstraat en son honneur le 29 juillet 1945.]


Le 3 décembre 43, Eugène THIERY (Kasteel Halbeek, Herk-de-Stad) et son ami Romain LEENAERS (36 Pastorijstraat, Donk) procèdent à la vérification des identités des 6 aviateurs. Au soir, ils les conduisent en tram à Herk-de-Stad, tout près de Donk. Henri CRETEN (Herk-de-Stad) acheta les billets et Jean FRANSSENS (Herk-de-Stad), un de leurs guides, était déjà dans le tram. A Herk-de-Stad, six vélos les attendent chez les parents d’Henri CRETEN ainsi que les guides, Henri BOONEN, Clément VANSTRAELEN et René CARLENS, tous trois de Stevoort, Laurent RUELENS de Donk et Édouard BREMS de Herk-de-Stad [La liste des Helpers belges ne reprend que Edmond BREMS, Grote Markt, Herk-de-Stad…). BREMS et RUELENS roulent en tête pour indiquer le chemin et prévenir en cas de danger. Deux groupes suivent, l’un mené par Eugène THIERY et l’autre par Romain LEENAERS. Les aviateurs sont ainsi conduits à Diest où ils sont remis à Adolphe VAN BLERCKOM et Alfons VANDERHAEGEN.

Dans une lettre de juin 1946 (dont le texte est repris dans le document ci-dessous), adressée par Joseph Burns au M.I.X, outre les noms de René CARLENS, Eugène THIERY et Irma ENSCH (épouse de René LAMBRECHTS), il mentionne également Isidoor et Monica MERTENS à Winksele comme l’ayant aidé, sans précision de date ni de nature de l’aide. Dans le même document, il indique que dans l’après-midi du 11 décembre 1943, lui et deux autres membres de son équipage (Mark Bauer et Ruben Miller) ont été appréhendés par la Gestapo dans un petit hameau à environ 40 miles de Bruxelles… ce qui confirme la version de témoignages belges.


Le 7 ou 8 décembre, un petit homme (vraisemblablement Alfons VERBOVEN, de Bekkevoort) vient reprendre les 6 hommes en groupes et les conduit jusque Malines pour prise en charge ultérieure par la Witte Brigade d'Aarschot. Frans STORMS, un jeune homme de 18 ans de Boortmeerbeek et membre du Groupe "Petit Navire" de Boortmeerbeek, les aide dans leur périple. Burns, Nield et Tatkin se rendent en une heure de marche dans une maison dans la campagne où seul se trouve Frans STORMS. A nouveau, les trois autres, Gibson, Bauer et Miller, vont ailleurs. A Winksele, ces trois derniers sont certainement passés au couvent des Annonciades de Veltem, où Eugénie MENSCHAERT était la Mère Supérieure. Les plaques d'identité de Ruben Miller sont encore en possession de sa famille, qui rapporte que Miller y est passé avec trois (?) de ses équipiers. Miller était juif et voulait à tout prix éviter de se faire prendre, ce qui était d'autant plus dangereux pour ses logeurs.

Mary, la fille de Joseph Burns nous a transmis en 2017 un document que lui avait remis Frans STORMS en 2010 (voir plus bas). Il s’agit de la fiche d’identification de son père, accompagnée de la photo prise pour l’établissement de faux papiers:


On renseigne donc Burns comme arrêté peu après (en fait, le 11 décembre) en même temps que Bauer et Miller (à la "Villa Pergola" à Keerbergen, où une autre version indique qu’ils y étaient arrivés venant de Wilsele et guidés par Frans STORMS et Désiré MERTENS (également de Boortmeerbeek…), mais Mary Surdy, la fille de Joseph Burns a appris de son père qu'à partir d'un certain moment, et vraisemblablement séparé de ses co-équipiers, il aurait poursuivi sa route vers le Sud en trouvant asile dans "des monastères, des couvents, des magasins et des cafés". Paré de vêtements civils et muni de faux papiers l'identifiant comme "Willy Taskin, belge", Burns aurait utilisé divers moyens de transport dans sa marche : le vélo, le train, un camion de livraison de boucherie… Il aurait ainsi "traversé la France d’est en ouest" et aurait finalement été arrêté par la Gestapo "à une journée de marche des Pyrénées, le 11 décembre 1943"… la date renseignée dans sa lettre de 1946 comme étant bien celle de son arrestation avec Bauer et Miller à Keerbergen…


La Villa "Pergola" à Keerbergen

Dans cette relation des événements, Joseph Burns a mentionné qu’après son arrestation, il a été mis "dans une prison française" (?...), incarcéré comme civil et renseigné comme "espion", étant donné qu'il ne pouvait s'exprimer qu'en anglais et que ses papiers étaient donc manifestement faux. Il aurait été ensuite transféré dans une autre prison (il cite "Bastille, Belgium"…) où il est resté environ 30 jours. Comme il se rappelle que les Allemands le conduisirent en voiture vers les différents endroits (en Belgique…) où on l'avait aidé, en vue de dénicher des résistants, il est vraisemblable que sa "Bastille" ait été la Prison de Saint-Gilles à Bruxelles, d'où il a été envoyé vers le Centre d'Interrogation Dulag Luft à Oberursel. Après quelques jours d'interrogatoire musclé et dégradant, il part en camion avec 80 autres prisonniers vers le Nord de l'Allemagne, pour être interné au Stalag 6.

Devant l'avance des troupes russes, le camp est évacué et s'ensuit une marche forcée de huit jours qui les mène au Stalag Luft 4, Camp 3, à Gross Tychow (Tychowo), Pologne. Le 2 février 1945, commence une nouvelle marche forcée, qui durera plus de 3 mois jusqu'à la libération des prisonniers le 18 mai 1945 par des troupes de la 2ème Armée Britannique près de Halle en Allemagne.


Portrait de Joseph Burns, réalisé en camp le 5 février 1945 par un de ses codétenus, le Sgt Alexander D. Palmer, USAAF, mitrailleur à bord du B-24 42-52438 abattu au-dessus de la Hongrie le 20 août 1944. Selon Joseph Burns, ce dessin était la seule possession qu’il put emporter lors de l’évacuation forcée du camp.

Joseph Burns repose au cimetière "Gate of Heaven" à Hanover dans le New Jersey.

Merci à sa fille Mary Burns Surdy de nous avoir fourni détails et photos. Merci aussi à Yvan Lambrechts pour les informations concernant sa famille, dont 4 membres ont payé de leur vie leur action dans la Résistance.


Hommage à la famille LAMBRECHTS


Alfons VERBOVEN & Frans STORMS (chez VERBOVEN à Winksele en août 1943)

Frans STORMS (1925-2013)

En octobre 2010, la fille de Joseph Burns, Mary Burns Surdy et son mari Jerry sont venus en Belgique. Grâce au concours du 8-Mei Comité Mechelen et de Ward Adriaens, auteur d’un livre consacré à Frans Storms (« Partizaan Storms » - A-Editions, Mechelen, 2006), une rencontre a pu avoir lieu entre eux et Frans Storms le 15 octobre 2010 à Mechelen. Au cours de cette entrevue, des souvenirs et des photos furent échangés, dans une ambiance chargée de reconnaissance mutuelle et d’émotion.


Frans STORMS feuilletant l’album souvenir offert par Mary Burns Surdy (Mechelen, 15 octobre 2010.)

© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters