Personne capturée durant son évasion

Dernière mise à jour le 2 mai 2019.

Irving E. TATKIN ("Taddy") / 16034422
2537 East 4th Street, Los Angeles, Californie, USA ou 3512 West 12th Place, Chicago, Illinois, USA
né le 22 février 1920 dans l'Illinois / † le 25 avril 1983, à Palmdale, Californie, USA
T/Sgt, USAAF 401 Bomber Group/ 613 Bomber Squadron, opérateur radio
Atterrit près de Alken, Limbourg belge
Boeing B-17G-VE Flying Fortress n° 42-39840 (IN-A) / "The Lopin' Lobo" touché par la Flak le 1er décembre 1943 lors d'une mission sur Solingen/Leverkusen, l'avion est rentré en Angleterre.
Arrêté en février 1944 et envoyé en camp en Allemagne

Informations complémentaires :

L'appareil ayant rejoint l'Angleterre, il n'y a pas de MACR (Rapport de Perte d'Equipage). Rapport RAMP du 2 mai 1945.

Tatkin est du même équipage que le pilote Charles F. Hess, le copilote John W. Mitchell, le navigateur 2nd Lt Charles W. Bryant, le bombardier 2nd Lt Robert W. Rowe et les sergents Raymond Nield, James Gibson, Mark Bauer, Ruben Miller et Joseph Burns.


L'équipage du Lopin'Lobo le 1er octobre 1943
Debout de gauche à droite : Lt Hess, pilote ; Lt Bryant, navigateur ; Lt Rowe, bombardier ; Lt Mitchell, copilote.
Accroupi de gauche à droite : S/Sgt Gibson, mitrailleur ; S/Sgt Miller, mitrailleur droit ; T/Sgt Burns, mécanicien ; Cpl Bauer, mitrailleur dorsal ; T/Sgt Tatkin, radio.

Le B-17 décolle de Deenethorpe vers 07h30 heure anglaise. Sur le vol de retour après le largage de ses bombes sur l'objectif, l'avion est touché une première fois par la DCA allemande. Le moteur n° 4 est détruit ; des éclats d'obus ont sérieusement endommagé le moteur n° 3 qui prend feu au moment où des éclats de l'explosion d'un autre obus criblent l'appareil, qui se retourne et plonge vers le sol d'une altitude de 3500 m.

Le pilote, Charles F. Hess et le copilote John W. Mitchell parviennent à reprendre le contrôle de l'appareil. Bien que la chute vertigineuse ait éteint l'incendie, l'appareil perd trop d'altitude et le pilote donne l'ordre de l'évacuer. Il n'entend pas de réponse et se rend compte que l'intercom est hors d'usage. Un co-équipier va se rendre compte à l'arrière et constate que six hommes ont déjà sauté, probablement en pensant que l'avion était condamné.

Quand les quatre officiers encore à bord (Charles Hess, John Mitchell, Charles Bryant et R.W. Rowe) veulent sauter à leur tour, John Mitchell ne trouve pas son parachute. Les trois autres aviateurs décident alors de rester auprès de lui le plus longtemps possible. Les quatre hommes jettent par-dessus bord tout ce qui permettrait d'alléger encore le poids de l'avion, et les pilotes parviennent à faire un atterrissage forcé sur la base de Manston en Angleterre.

[Le Lt Hess sera décoré de la DFC, Distinguished Flying Cross, pour cet exploit. Il décèdera le 24 octobre 1944 à bord d'un chasseur P-51 Mustang lors de ce qui devait être son dernier vol d'entraînement. Des ennuis de moteur à une très basse altitude firent qu'après avoir évacué l'avion, son parachute n'eut pas le temps de s'ouvrir. Il est enterré au Cambridge American Cemetery à Cambridge, Angleterre.]

Irving Tatkin, qui a sauté au-dessus d'Alken avec les cinq autres, retrouve bientôt ses 5 coéquipiers.

Il existe plusieurs versions du parcours de Tatkin et de ses co-équipiers depuis leur atterrissage et nous avons tenté de mettre un peu d’ordre dans cette masse d’informations, pas toutes vérifiables et émanant de témoins directs et indirects ou d’écrits divers. Les différents lieux cités sont Alken (région des atterrissages), Donk (Herk-de-Stad), Saint-Trond (Sint-Truiden), Diest et finalement (pour Burns, Bauer et Miller) Keerbergen…

Une version :

Les 6 hommes Les 6 hommes se mettent en marche et après deux heures, un homme ("Pierre LEONARDUS") arrive à bicyclette et leur montre une cachette dans une grosse propriété à une heure de marche, chez Renaat (Renier, René) LAMBRECHTS (à Sint-Truiden/Saint-Trond…) "LEONARDUS" leur dit de rester la nuit à cet endroit car il pourrait bien les aider et il revient vers 20 heures pour les conduire à un endroit où ils dorment dans une meule de foin. Comme il n’y a aucun Leonardus dans la liste des helpers belges, nous pensons qu’il pourrait s’agir de la famille LEENAERS à Donk, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Alken…

Le lendemain (ce serait donc le 2 décembre), "Albert LEONARDUS" amène les six hommes dans un monastère à 2 km de là. Un prêtre leur indique un débarras où ils restent la journée. Vers 17 heures, un autre homme - Albert VAN STRAELEN (15 Dorp à Stevoort, entre Alken et Donk), parlant bien anglais et se disant de la Witte Brigade - vient leur demander leurs noms, grades, matricules, escadrille, etc. aux fins de vérification de leur authenticité auprès de Londres. Il revient ensuite avec un autre homme - Georges SMETS, de Sint-Truiden, agent de la section "Limbourg" de Émile BUSET et Eugène THIERY - et les aviateurs sont conduits dans un camion qui sent le cheval dans une ville "à 45 minutes de route". Burns, Bauer et Nield vont alors loger dans une maison de briques à deux étages chez un couple avec un enfant de 4 ans. Gibson, Tatkin et Miller vont chez le voisin.

Trois jours plus tard (le 5 ou le 6 décembre, donc…), VAN STRAELEN et deux autres guides prennent les aviateurs en tram vers Diest. Ils prennent des vélos pour entrer en ville et vont alors chez un officier belge d'environ 28 ans, nommé Willy qui les reçoit avec sa femme. Il pourrait s’agir de Willie VAN BLERCKOM de Diest (famille d’Adolphe VAN BLERCKOM cité ci-dessous…)

Une autre version :

Celle reprise par Jozef Bussels dans son livre "De Doodstraf als Risico - pilotenhulp in Belgisch Limburg 1941-1944" (1981): les six aviateurs Ruben Miller, Raymond Nield, Irving Tatkin, Joseph Burns, James Gibson et Mark Bauer, qui ont sauté au-dessus de Alken, sont pris en charge par la Résistance et transportés en camionnette à Saint-Trond où ils sont hébergés par René LAMBRECHTS et son épouse, Irma ENSCH. [En mars 2015, Yvan Lambrechts, fils de Renier LAMBRECHTS, communément appelé René, nous a appris que son père, membre de la Geheime Leger / Armée Secrète (section Limburg), avait mené quatre autres résistants le 10 juin 1944 lors d’un assaut sur la prison de Hasselt, faiblement gardée ce samedi-là, en vue de délivrer des résistants qui y étaient incarcérés et dont on craignait qu’ils parlent sous la torture, mettant tout le réseau en péril. Ils sont parvenus à en faire délivrer 17, dont son père (Theo LAMBRECHTS) et sa sœur (Augusta). Les soldats Allemands, arrivés en force finirent par arrêter René LAMBRECHTS, 35 ans, et ses 4 camarades, Gabriel Dupain, Georges Vanisterdael, Charlie D’Hoose et Jean Mélot. Tous les 5 ont été immédiatement fusillés. Une plaque à leur mémoire a été apposée sur le mur de l’ancienne prison, Martelarenlaan. René et Anna LAMBRECHTS habitaient à la Houtstraat à Sint-Truiden / Saint-Trond, rue qui a été rebaptisée René Lambrechtstraat en son honneur le 29 juillet 1945. Voir aussi à la page de Joseph Burns.


Extrait du rapport RAMP de Tatkin, dans lequel, sans citer de nom de famille, il mentionne un séjour de 2 jours avec 2 autres membres d’équipage dans un appartement à Saint-Trond chez un homme, marié, champion international d’escrime en 1934, ayant un fils, "Ivon", âgé de 5-6 ans et qui s’est occupé de trouver du logement pour 3 autres évadés :


Toujours selon Bussels, le 3 décembre 43, Eugène THIERY (Kasteel Halbeek, Herk-de-Stad) et son ami Romain LEENAERS (36 Pastorijstraat, Donk) procèdent à la vérification des identités des 6 aviateurs. Au soir, ils les conduisent en tram à Herk-de-Stad, tout près de Donk. Henri CRETEN (Herk-de-Stad) acheta les billets et Jean FRANSSENS (Herk-de-Stad), un de leurs guides, était déjà dans le tram. A Herk-de-Stad, six vélos les attendent chez les parents d’Henri CRETEN ainsi que les guides, Henri BOONEN, Clément VANSTRAELEN et René CARLENS, tous trois de Stevoort, Laurent RUELENS de Donk et Édouard BREMS de Herk-de-Stad [La liste des Helpers belges ne reprend que Edmond BREMS, Grote Markt, Herk-de-Stad…]. BREMS et RUELENS roulent en tête pour indiquer le chemin et prévenir en cas de danger. Deux groupes suivent, l’un mené par Eugène THIERY et l’autre par Romain LEENAERS. Les aviateurs sont ainsi conduits à Diest où ils sont remis à Adolphe VAN BLERCKOM et Alfons VANDERHAEGEN.

Selon l’historien Ward Adriaens dans son livre "Partizaan Storms", le 5 décembre, Frans STORMS, un jeune homme de 18 ans de Boortmeerbeek, en compagnie de George MERTENS ("Frans", souvent repris comme Frans MERTENS, et qui habitait au 2 Oude Straat, Boortmeerbeek), tous deux membres du Groupe "Petit Navire" de Boortmeerbeek, conduisent Tatkin, Nield et Gibson à vélo jusqu’à la "Villa Pergola" à Keerbergen. George MERTENS, Rachel PIRA et Mariette BAETENS assurent l’approvisionnement. Mariette BAETENS leur apporte des couvertures, obtenue des sœurs de l’école de Boortmeerbeek (elle sera arrêtée le 9 décembre 1943, envoyée en camps en Allemagne et sera une des rares rescapées du camp de Ravensbrück.) Frans loge une nuit dans la villa avec les trois aviateurs. Les trois autres, Burns, Bauer et Miller vont ailleurs. A Winksele, ces trois derniers sont certainement passés au couvent des Annonciades de Veltem, où Eugénie MENSCHAERT était la Mère Supérieure. Les plaques d'identité de Ruben Miller sont encore en possession de sa famille, qui rapporte que Miller y est passé avec trois (?) de ses équipiers. Miller était juif et voulait à tout prix éviter de se faire prendre, ce qui était d'autant plus dangereux pour ses logeurs.

Le 9 décembre (selon Adriens), Frans STORMS et Désiré MERTENS (le frère de Georges), viennent chercher Tatkin, Nield et Gibson pour les conduire à Malines (Mechelen) chez la sœur de Georges MERTENS, Melle Maria MERTENS, au 25 de la Deckerstraat.

Le 11 décembre, un certain Louis, officier de marine de 23 ans, et Frans STORMS, auraient mené Tatkin, Gibson et Nield dans une bijouterie à Malines. Ils y apprennent que 10 hommes en civil ont surgi dans la cachette de Burns, Bauer et Miller, qui ont été fait prisonniers (ils ont été arrêtés le 11 décembre à la "Villa Pergola" à Keerbergen.) Vers le 14 décembre, Frans STORMS et Louis emmènent alors Tatkin, Gibson et Nield chez un employé de banque à Bruxelles.

A Bruxelles, une certaine "Lilly" (Aline DUMONT) prend Nield, Tatkin et Gibson en charge à la gare. Ils vont avec elle chez Jacques DE BRUYN au 135 Rue des Confédérés, où Jacques vit avec sa mère et y rencontrent Robert Gilchrist. Le soir même, DE BRUYN conduit Nield chez Raoul THIBAUT au 134 Avenue du Diamant à Schaerbeek. A partir de ce moment, Tatkin ne revoit plus ses coéquipiers.Il est hébergé du 15 décembre 1943 au 24 janvier 1944 (jusqu’au 23 selon son rapport RAMP) chez Mlle Rachel CARION au 106 Rue Marie-Thérèse à Saint-Josse-ten-Noode, fiancée à Karel Apostel, fils de Victor APOSTEL (de la section de Raymond ITTERBEEK), un flûtiste de l'orchestre Reine Elisabeth au Palais des Beaux-Arts qui lui-même loge Fred Williams, à la Chaussée de Dieleghem à Jette-Bruxelles. Rachel CARION procure de nouveaux vêtements civils à Tatkin. Arrêtée le 27 janvier 1944, emprisonnée et condamnée à mort, Rachel survivra à la guerre.

Dans son rapport RAMP, Tatkin mentionne avoir été logé et nourri du 23 au 27 janvier 1944 par Mlle Maria DEBAY au 264 Boulevard Emile Bockstael à Bruxelles (La liste des Helpers belges reprend Mlle Zulma DEBAY à cette adresse.) Tatkin indique qu’elle aussi fut arrêtée et condamnée à mort, mais sera libérée par l’arrivée des troupes Alliées en septembre 1944.

Par la suite, nous en ignorons les circonstances, Tatkin sera arrêté pour être interné au Stalag Luft 4 à Gross Tychow (Tychowo), Pologne.

Dans sa lettre du 10 octobre 1945 à Eugène THIERY, l'un de ses helpers, James Gibson écrivit: "Après avoir quitté votre maison, je fus encore hébergé dans une vingtaine d'endroits. La Gestapo arrêta trois de mes co-équipiers dont Tatkin en février. Nield, le plus jeune, parvint à rejoindre l'Angleterre. J'étais alors le dernier en liberté mais le 2 juillet, je fus également arrêté. Nous nous sommes retrouvés en prison. Nous parlions souvent de votre courage. Nous sommes restés dans un camp, près de Stettin, jusqu'à ce que nous soyons évacués par les Allemands quelques jours avant l'arrivée des Anglais. Nous avons marché pendant 82 jours à travers l'Allemagne avant d'être libérés".


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters