Aviateurs de l'opération Marathon

Dernière mise à jour le 7 mai 2024

Louis GREENBURGH ("Lou") / 49803.
5 Victoria Road, Bromley, Kent, Angleterre.
Né le 14 mars 1916 à Winnipeg, Canada / † le 6 juillet 2006 à Winnipeg, Canada.
Fl/Off RCAF, RAF Bomber Command 514 Squadron, pilote.
Lieu d'atterrissage : près de Saint-Eusoye, au nord-est de Froissy (Oise, France).
Armstrong Whitworth Lancaster Mk II, LL727, A2-C abattu la nuit du 7 au 8 juin 1944, lors d'une mission sur la gare de Massy (Palaiseau), au Sud de Paris.
Écrasé dans un champ au hameau de Sauveleux, près de Sainte-Eusoye, à 20 km au Nord-Est de Beauvais, Oise, France.
Durée : 3 mois.
Camps Marathon : Fréteval.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion parmi les dossiers sous File 3348. IS9/WEA/2/149/321.

L'appareil décolle de Waterbeach le 8 juin à 00h27. Greenburgh a juste le temps de lâcher ses bombes sur l'objectif et son aile droite est mise en feu par le tir d'un Ju 88. Il plonge pour éteindre l'incendie et prévient l'équipage de se préparer à sauter. Quatre premiers équipiers sautent. Il plonge à 3.000 pieds pour sortir des phares de DCA et est encore atteint. Il remet le cap sur l'Angleterre mais est suivi par un Ju 88 et encore atteint. Il saute le dernier, à seulement 400 m du sol.

Un membre de l'équipage, le F/Sgt Gordon Henry Stromberg, opérateur radio/mitrailleur, 19 ans, est blessé, arrêté et mourra le lendemain en hôpital à Amiens. Il est enterré au Cimetière Saint Pierre à Amiens. Le copilote W/Off Leslie John William Sutton, le navigateur F/Sgt Ronald Fox, le bombardier Sgt Eric George Rippingale, le mitrailleur dorsal Sgt Frederick John Carey, le mécanicien Sgt Frank Collingwood et le mitrailleur arrière Sgt Richard Jack Woosnam ont également pu sauter.

Trois seront fait prisonniers et, outre Lou Greenburgh, trois autres parviendront à s'évader (le copilote Sutton, le navigateur Fox et le bombardier Rippingale).

Greenburgh atterrit à 100 mètres de son appareil. Le Junker tire trois fusées éclairantes, et il peut apercevoir des parachutes à distance. Il a perdu ses bottes et son dos est griffé. Il cache son équipement et marche au Sud, vers les autres parachutes. Après 20 minutes, il arrive dans un village (Saint-Eusoye). Un fermier le laisse entrer chez lui. On lui donne des souliers et on arrache ses badges. Le fils du fermier part prévenir d'autres fermes. Il reste là la nuit.

Le 8 juin au matin, Greenburgh est réveillé par des Thunderbolts américains qui mitraillent un convoi. La fille de la ferme lui apprend que Stromberg, pendu à des poteaux de télégraphe et blessé, a été arrêté. On lui amène des vêtements civils, on lui montre la photo de Carey et lui apprend que Woosnam est dans une autre ferme. Le fermier le prend à vélo à un autre village à 20 minutes, chez une femme qui parle anglais. Il est alors conduit à une autre ferme où se trouve effectivement Woosnam. Ensemble, ils sont conduits à un cratère de bombe où ils retrouvent Carey. Ils se creusent une niche et y restent trois jours, nourris par les fermiers.

Jean Léon DUPUY, instituteur à Wavignies (à quelques kilomètres au sud-est de Sainte-Eusoye) et Capitaine des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) est renseigné comme ayant aidé, avec son épouse Odette quelques aviateurs en juin 1944, dont Greenburgh et l'Écossais William Brown, mitrailleur d'un Halifax abattu le 23 juin. Né le 26 janvier 1911 à Paris, Jean DUPUY sera arrêté à son domicile le 3 juillet 1944 lors d’un raid de la Gestapo encerclant le village (voir ci-dessous). Prisonnier n° 78844, il partira de Compiègne par le convoi du 17 août à destination du camp de concentration de Buchenwald. Décédé le 24 février 1945 au Kommando (camp de travail) de Ohrdruf, dépendant du camp principal de Buchenwald.

Trois résistants prennent Greenburgh seul à Froissy le 11 juin, et son évasion est organisée. L'un d'eux est "Henri", chef local de Froissy. Il s’agit de Henri REANT, né le 22 février 1897 à Wavignies, secrétaire de mairie et Résistant du Front National, habitant avec son épouse Berthe à la Rue Gorelier dans la localité. Le couple hébergeait Greenburgh et Brown. Le 3 juillet, ayant entendu la fusillade en provenance du château, Henri et sa femme cachèrent immédiatement les deux aviateurs sous des fagots dans une grange. Ils ne furent pas découverts mais Henri REANT sera lui aussi arrêté lors de cette rafle et sera du même convoi que DUPUY. Prisonnier n° 78518 et détenu à Buchenwald, Henri REANT décèdera le 26 janvier 1945 à Neu Strassfurt, camp de travail de Buchenwald.

Recruté par Henri VINCENOT (nom de code "Gustave"), Paul GRÉNAUD s’était vu confier pendant "trois semaines" l’hébergement de Greenburgh. GRÉNAUD, 40 ans, repris comme inspecteur de police, est également renseigné comme industriel et maire de Puits-la-Vallée à 3 km au nord-ouest de Froissy, y vivant avec son épouse Jeanne et leurs 4 enfants. Le 29 juin, GRÉNAUD guide Greenburgh au château de Wavignies où VINCENOT souhaitait vérifier qu’il n’était pas un aviateur infiltré au service de l’ennemi. Greenburgh retrouve Woosnam au château ainsi que William Brown. Greenburgh et Brown partent ensuite loger dix jours chez un couple âgé.

Le 3 juillet 1944 à l’aube, les Allemands cernent la localité de Wavignies avec le château comme cible prioritaire. Henri VINCENOT s’était réfugié depuis la veille dans une dépendance voisine de son domicile et sortit les armes à la main à l’arrivée des Allemands. Après avoir ouvert le feu sur l’ennemi, il fut appréhendé puis conduit devant sa maison où il fut exécuté sous les yeux de sa femme et de ses deux jeunes enfants. Fred Carey et Richard Woosnam furent arrêtés chez le cultivateur Joseph BUGARD et sa compagne Marie DUBZAK à Wavignies alors qu’ils étaient cachés sous un tas de fumier. Joseph BUGARD et Marie DUBZAK sont repris comme ayant été arrêtés et déportés. Il n’est pas confirmé que ce couple ait également aidé Greenburgh et Brown.

Le même 3 juillet, le maire de Wavignies, Lucien SUEUR, est emporté prisonnier (déporté, il reviendra des camps en avril 1945). Une femme dont le mari est également arrêté vient chercher Greenburgh et Brown pour les mener à sa maison, qu’ils peuvent voir la Gestapo fouiller sans les trouver. La nuit, un enfant leur apporte de la nourriture et sa boussole et un message leur disant de partir, beaucoup de résistants ayant été tués au château. Le père du gamin les guide pour éviter les Allemands.

Le 10 juillet, un fermier de Le Plessier-sur-Saint-Just leur conseille d'aller à Paris et les guide vers le Sud jusqu’à Thury-Sous-Clermont à l'aube du 11. Des gens nommés "Fouquemont" les gardent deux jours et leur suggèrent d'attendre la libération chez eux. [Il s’agit en fait d’Aurélien FOUQUET, bûcheron au hameau de Fillerval, par Thury-sous-Clermont… NB : La page de William Brown reprend certains détails similaires et mentionne un château à Fillerval. Ce château se situe à la limite de Thury-sous-Clermont.]

Le 12, un résistant nommé Joseph BALANDRAS les loge aussi jusqu’au 14 juillet à Mouy, en Oise, dans son garage (au 61 Rue de Paris, adresse reprise sous son nom dans la liste des Helpers). Il les conduit dans une cabane de chasse à Bury. Brown et Greenburgh y restent 18 jours. Vers le 25 juillet, un lieutenant de l'IS leur propose de rejoindre la Résistance ou d'aller se cacher en forêt avec d'autres aviateurs. Le 1er août, BALANDRAS les conduit en voiture à Chantilly. Là, une femme (plus que vraisemblablement Yvonne DEPLANCHE, avertie par Gilbert THIBAULT) les conduit en train chez Renée PICHERIE au 24 Rue des Épinettes à Paris XVIIe. Ils y restent 5 jours et y reçoivent de faux papiers français.

Durant une promenade à Paris guidé par Renée PICHERIE, William Brown est interpellé par deux Allemands. Renée PICHERIE déclare immédiatement aux Allemands qu'elle est hystérique, que c'est de leur faute, à cause de tout ce qu'ils avaient fait aux Français, etc. Les Allemands n’y comprennent rien, et, persuadés qu'elle est folle, la laissent là et s’en vont, ignorant également Brown, que Greenburgh ne reverra plus avant leurs retrouvailles au camp en forêt de Fréteval.

Le 6 août, Renée PICHERIE prend Greenburgh en métro et ramasse en route le Sgt Josuah Lane et le 2nd Lt Heyward Spinks qui arrivent avec une femme. Ils suivent ensuite une jeune fille qui leur donne des tickets de train jusque "Printemps" (?) via Juvisy-sur-Orge. Là les deux femmes les guident tous les trois jusqu'à un hôtel à 25 kilomètres pour la nuit.

Le lendemain, ils marchent vers Montboissier, où un Français accompagne Greenburgh seul à Bonneval. Il y reste quatre jours dans un hôtel.

Le 11 août, une petite camionnette avec un chauffeur et un convoyeur armé d'une mitraillette l'emmène dans une ferme hors de la ville. Ils embarquent là deux Canadiens et un Australien dans une autre camionnette conduite par un homme en uniforme. Ils croisent une colonne allemande à 15 kilomètres de Bonneval sans être embêtés, et arrivent dans une forêt près de Châteaudun.

Greenburgh parvient ainsi au camp de Fréteval où il est libéré le 13 août 1944 par des troupes américaines. Le chef de Camp est un "Lucien" (le Belge Adolphe Lucien BOUSSA), qui a beaucoup de problèmes avec le moral des aviateurs cantonnés.

Louis Greenburgh est transféré au Personnel Holding Unit le 14 août, débriefé par le IS9 le 18 août, promu Flight Lieutenant le 25 septembre 1944 et transféré à la RCAF le 14 mai 1945. Il est démobilisé le 1er juin1946.

Décoré de la DFC (Distinguished Flying Cross) pour son courage lors d'une mission antérieure (sur Berlin le 29-30 décembre 1943 - Lancaster DS821, abattu par un chasseur de nuit - tombé en Mer du Nord - équipage sauvé par l'Air Sea Rescue).

En 1994, son fils Edwin Greenburgh a publié un livre relatant les missions et l'évasion de son père : " D.F.C. and Bar - a son's tribute to his father ".

Merci à Roger Guernon pour l’une des photos et les détails de l'équipage. La photo sans couvre-chef provient de sa biographie complète à http://www.mhs.mb.ca/docs/people/greenburgh_l.shtml .


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters