Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 2 septembre 2018.

Francis Xavier HARKINS / O-735310
117-17 133 Street, South Ozone Park, Long Island, New York, USA
Né le 15 janvier 1921 dans l'Etat de New York / † le 2 janvier 2001 à Midlothian, Virginie, USA.
1st Lt, USAAF 390 Bomber Group 569 Bomber Squadron, bombardier
Atterri près de Bourbourg, Pas-de-Calais, France Boeing B-17F-DL Flying Fortress, n° série 42-3306, CC-L / "Phoenix", abattu le 15 août 1943 par collision en vol avec le B-17 n° 42-30320 du même Squadron, au retour d'une mission sur Lille/Vendeville.
écrasé près de Sainte-Marie-Kerque, ± 20 km au sud-est de Calais, Pas-de-Calais, France
Durée : 5 semaines
Passage des Pyrénées : le 19 septembre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 258. Rapport d'évasion E&E 115 disponible en ligne.

La formation quitte la base du 390e groupe à Framlingham, prenant le cap pour le Nord de la France. A un certain moment, après le largage des bombes et toujours au-dessus de la France, le 42-3306 entre en collision avec un autre B-17F, 42-30320, ce qui entraîne le sectionnement de la queue du 42-3306. Celui-ci ne peut maintenir son vol et s'écrase, tandis que l'autre appareil rentre en Angleterre. Ce qui suit est une traduction et résumé adapté d'un texte de Francis Harkins rédigé en octobre 1990 ("Down Memory Lane – Return to Belgium and France"), d’autres détails provenant de son rapport E&E établi peu de temps après les faits ainsi que d’autres archives.

Francis Harkins saute en premier, devant le S/Sgt Walter Sentkoski. Il atterrit dans un champ de blé où bientôt arrive un un adolescent qui l'aide à se défaire de son équipement et cache le parachute dans une meule de foin. Vers 18 ou 19 heures, le jeune homme l'emmena à travers bois vers une ferme. Des soldats allemands arrivèrent peu de temps après et fouillèrent les lieux. Heureusement, ils ne le trouvèrent pas et s'en allèrent. On lui donna une vieille chemise, un pantalon de golf, une veste étriquée et des chaussures usagées. Il accompagna le jeune homme vers un café où de la bière, du pain et du fromage calmèrent sa faim. Après une nuit passée dans une autre grange abandonnée, le garçon revint pour lui apporter de la nourriture, le prévenant de rester coi jusqu'à la soirée. Le soir, le garçon revint et, après un passage par la première ferme pour manger, il fut mené vers une autre ferme où il passa la nuit.

Le 17 au matin, un nouveau guide arriva et l'emmena en camion jusqu'à Bourbourg. C'était un employé de la SNCF (" Rail Français Nord ") et il avait une fausse carte d'identité prête à recevoir l'une des photos d'évasion de l'équipement de survie de l'aviateur. A Bourbourg, ils prirent un train de marchandises à destination de Dunkerque. Parlant un très bon anglais, l'homme attendit avec lui le train pour Lille et prit congé en lui disant que quelqu'un l'attendrait sur le quai à Armentières.

Arrivé à destination, le nouveau contact l'amena à la maison d'un couple d’Armentières chez qui il retrouva son co-pilote, William F. Middledorf (évacué vers l'Espagne, qu'il atteint le 29 août 1943 - E&E 114), qui lui apprit que le pilote 2nd Lt Billy Clyde Lawrence avait été arrêté (capturé à la gare de Dunkerque, apparemment en train d’acheter un ticket, il sera interné au Stalag Luft 1 à Barth en Allemagne), que le navigateur Joseph A. Birdwell (évacué par MGB 502 depuis Sous-Kéruzeau, Bretagne, dans la nuit du 16 au 17 mars 1944 - E&E 471) et le mécanicien de vol/mitrailleur Walter J. Sentkoski Jr (évacué par MGB 503 depuis Sous-Kéruzeau, Bretagne, dans la nuit du 28 au 29 janvier 1944 - E&E 348), se cachaient dans les faubourgs de la ville. Dans son rapport E&E348, Sentkoski rapporte que le 19 août, alors qu’il se trouvait à Armentières dans un appartement, on lui avait demandé s’il souhaitait voir son copilote et son bombardier. C’est ainsi qu’il fut mené dans un autre appartement de la ville où il rencontra brièvement Middledorf et Harkins avant de retourner à l’autre appartement et poursuivre son évasion de son côté. Les 5 autres aviateurs avaient été tués des suites de la collision qui avait touché les compartiments arrière où ils se trouvaient dans l'appareil. (Il s'agit du radio S/Sgt William C. Murphy, du mitrailleur ventral S/Sgt Bernard E. Stevens, du mitrailleur de flanc gauche S/Sgt Patrick Caron, de celui de droite S/Sgt Romaine M. Fiffe et du mitrailleur arrière S/Sgt Peter Mrjenovich.) Murphy, Stevens et Mrjenovich reposent dans des cimetières aux USA, le premier à Middletown, Connecticut, le second à Brookfield, Missouri et Mrjenovich à Calumet Park, Illinois. Caron et Fiffe, eux, reposent au cimetière américain de Colleville-sur-Mer en Normandie.)

Harkins resta 17 jours chez le couple d’Armentières avant de poursuivre sa route vers Paris.

Middledorf partit 10 jours après l'arrivée de Harkins, le réseau ayant décidé de les faire partir par des chemins différents. Début septembre, après avoir passé une nuit dans la maison de Georges VAN KEMMEL (pharmaciens à Armentières), ceux-ci le conduisirent en voiture à la gare de Lille. De là, Mme VAN KEMMEL, seule, l’accompagna en train jusqu’à Amiens. Elle le remit à un autre réseau qui l'installa dans une maison sûre (un salon de coiffure selon son rapport.)

Harkins rapporte que le lendemain, il est mené à un café où il rencontre John Patrick BALFE de l'Hôtel de France à Hornoy-le-Bourg, en Somme. Il est guidé par son fils Joseph Patrick (22 ans) à Amiens, au n°3 Rue Blin de Bourdon chez le coiffeur Jean LEMATTRE, 33 ans, ami de résistance, pendant qu'ils contactent un réseau d'évasion. A noter que ce dernier est identifié comme "Jean Le Maitre" dans le rapport de l’aviateur Thomas Slack (voir sa page.) De plus, bien que tous les rapports mentionnent "Jean", il s’avère qu’il s’agit en fait de René LEMATTRE, coiffeur tout comme son épouse Odette à l’adresse ci-dessus et repris sous ces noms à la liste des Helpers français. La confusion provient vraisemblablement de ce que son pseudo de guerre était "Jean-Marie LEMAITRE"… Harkins mentionne que BALFE a alors pris contact avec une dame qui arriva chez le coiffeur et y logea une nuit avant de le conduire le lendemain vers Paris. C'est plus que probablement Rosaline WITTON-THERIER, qui le guidera nsuite jusque Bordeaux.

Suite à l’interrogatoire serré auquel il avait été soumis à Amiens pour vérifier son identité, l’organisation, rassurée, put organiser son évasion. Harkins rapporte qu’arrivé à Paris, la dame le conduisit à une grande église afin de rencontrer quelqu’un, qui ne se présenta cependant pas. Elle l’amena alors à son appartement où vers 21h00 arriva le chef de l’organisation qui le guida vers un hôtel où il passa une nuit. Le lendemain, le chef, qui lui avait préparé de nouveaux papiers, l’amena à une autre maison pour attendre l’arrivée d’un prêtre. L’Abbé R. BEAUVAIS arriva vers 15h00 et l’emmena en métro jusqu’à son église. Harkins mentionne "Saint Monica", mais il devrait s’agir de l’Eglise Saint Thomas d’Aquin, Rue Montalembert, Parix VIIe. L’abbé le guida ensuite vers son appartement tout proche, au 1 Rue Montalembert, 4ème étage, occupé également par sa mère et sa sœur. Harkins déclare y être resté sept jours, pouvant y prendre des bains et changer de vêtements.

Vers six heures un soir le 15 septembre, un raid de l'US Air Force ayant pour cible les usines Renault à proximité entraîna la démolition d'une partie du bâtiment dans lequel ils se trouvaient. Peu après l'accalmie, "Franco" (Jean-François NOTHOMB) apparut, en avance sur l'horaire, venu chercher Harkins de manière à éviter que le bâtiment, qui abritait des officiers allemands et leur famille et dont beaucoup furent blessés, n'attire trop de visiteurs indésirables qui auraient pu le découvrir. NOTHOMB et Harkins quittèrent en hâte le bâtiment via les sous-sols et se joignirent à un aviateur canadien (John O'Leary) et la femme qui les avait escortés d'Amiens à Paris.

La femme avait des tickets de 1ère classe pour Bordeaux ainsi que des documents leur permettant de voyager en France méridionale. Elle, Harkins, O'Leary et NOTHOMB prirent le train vers 20h00, montant dans des compartiments séparés. Après un contrôle sans histoire à Bordeaux, Harkins retrouva NOTHOMB et le Canadien, la femme les quittant avant qu'ils ne prennent le train pour Dax, en 3e classe.

Arrivés là tôt le lendemain, on leur procura des vélos pour qu'ils puissent rejoindre Bayonne. Sur la route, NOTHOMB rencontra un autre cycliste, qui se joignit à eux, fermant la marche, chacun roulant à une certaine distance des autres. Lors d'une pause pour s'alimenter, Harkins apprit que le nouveau venu était un agent belge sur le chemin de retour vers l'Angleterre après environ six mois d'activités d'espionnage en Hollande, Belgique et France (ce doit être Philippe de Liedekerke selon la description de O'Leary). C'était lui qui devait accompagner Harkins et le Canadien et leur faire passer la frontière espagnole. Rien ne permet de prouver que de Liedekerke les a accompagnés, ni à quel endroit ils se seraient séparés. Philippe de Liedekerke traversera avec l'équipe suivante.

Longeant Bayonne et Biarritz, ils arrivèrent à proximité de Saint-Jean-de-Luz où NOTHOMB, s'adressant ouvertement aux sentinelles allemandes gardant un pont, détourna ainsi leur attention, ce qui permit aux autres de ne pas se faire contrôler en passant. En rigolant, Jean-François NOTHOMB les rejoignit un peu plus loin et tous pédalèrent en direction de Saint-Jean-de-Luz. Avant d'y arriver, une cycliste les rejoignit. C'était une jolie brunette qui mena le groupe vers une grande ferme au sud de la ville. Active dans l'aide aux évadés, la jeune fille était américaine. Etudiante en beaux-arts au début de la guerre, elle avait décidé de rester en France pour poursuivre ses études. Elle quitta NOTHOMB et les autres afin de préparer le passage la nuit suivante avec des guides basques.

Harkins loge en fait entretemps à Sutar à l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA ou chez Pierre ARRIEUMERLOU à Bayonne, et poursuit le lendemain à vélo vers Saint-Jean-de-Luz.

Le lendemain au crépuscule, les quatre hommes marchèrent vers une petite ferme proche de la frontière où ils rencontrèrent leurs guides. Jean-François NOTHOMB discuta avec ceux-ci le programme et les détails de leur marche de nuit vers l'Espagne. NOTHOMB quitta le groupe vers 22h00 pour retourner vers Saint-Jean-de-Luz.

C'est le 56e passage de Comète via la ligne de Saint-Jean-de-Luz et la Bidassoa, les deux évadés seuls avec des guides basques. Réconfortés par de généreuses rasades d'un cocktail de lait de chèvre et de cognac, les deux aviateurs et leurs guides se mirent en route. Traversant collines et rivières, ils arrivèrent enfin en territoire espagnol, espérant ne pas rencontrer de gardes sur leur route. A l'aube, ils furent remarqués par un garde espagnol, ce qui fit s'enfuir les guides, sous les coups de feu dirigés vers le groupe. Tout le monde se lança à la suite des guides dans une escapade folle. Epuisés mais sains et saufs, ils arrivèrent finalement au but : une ferme de montagne près d'Irun (il doit confondre avec Oyartzun ou Hernani). Après une soirée arrosée de vin et quelques heures de sommeil, les trois évadés montèrent à bord d'une charrette tirée par un cheval qui les amena à Irun (?). Dans son E&E, Harkins dit simplement que la marche dure 9 heures et qu'ils arrivent dans une ferme en banlieue de San Sebastian.

Le consulat britannique de San Sebastian s'occupa de la nourriture et du logement jusqu'à leur départ vers Gibraltar, en route vers l'Angleterre. Ils logèrent chez Federico ARMENDARIZ au 2e étage du 3 Calle de la Marina à San Sebastian, près de la Concha, plage de San Sebastian. Il précise dans son E&E qu'ils y restent 4 jours et que le 2ème jour, il reçoit la visite du consul britannique qui lui annonce qu’il les conduira bientôt en voiture à Madrid. Le 30 septembre, Harkins est effectivement emmené en voiture jusqu’à la capitale espagnole avec un Lt Robinson et un Lt Meyer [Il s’agit en fait d'Archibald Robertson et de William Maher.]

Harkins est interrogé au consulat britannique à Madrid le 30 septembre, puis à Gibraltar le 2 octobre par le major Grady Lewis. Il quitte Gibraltar par avion le 4 octobre et atterrit à Bristol en Angleterre le lendemain. Arrivé à Londres, il est interviewé le 6 octobre par le major Richard R. Nelson et c’est à cette date ainsi que le 9 octobre qu’il signe les différents documents.

Francis Harkins et son épouse Doris revinrent en Europe en 1990 et rencontrèrent notamment l'Abbé BEAUVAIS, Jacques le GRELLE et Jean-François NOTHOMB. Francis Harkins est enterré au Cimetière d'Arlington, en Virginie.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters