Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 9 novembre 2022.

Jeffrey Peter Meurisse HAYDON ("Peter")/ Aus 402352
Liversidge Street, Acton, Canberra, Australie
Né le 6 avril 1913 au 4 Robert Campbell Road à Duntroon, New South Wales, Australie / † le 29 août 2012 à Brighton, Melbourne, Australie
Fl/Lt RAAF, RAF Bomber Command 158 Squadron, pilote
près de Gruitrode, Limbourg belge.
Handley Page Halifax Mk II - N° série : W7750 - Immatriculation/Nom : NP-M "Mother", abattu dans la nuit du 6 au 7 août 1942.
Écrasé à 02h40 entre Opglabbeek et Gruitrode (Limbourg belge)
Durée: 4 semaines.
Passage des Pyrénées: le 5 septembre 1942

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3310/898 (partiellement disponible).

Le Halifax décolle d'East Moor à 00h29 le 7 août. Vers 02h35, en route vers l'objectif et vraisemblablement suite à l'attaque d'un chasseur, son chargement de bombes incendiaires prend feu, l'ordre d'évacuer est donné et tous sautent au Sud de Maaseik, du côté belge de la frontière avec l'Allemagne. Deux hommes perdront la vie, le mitrailleur arrière, le Sgt néo-zélandais Wilfred John Gray (coincé dans l'avion) et le bombardier Sgt Harold Huddless (dont le parachute ne se serait apparemment pas ouvert). Tous deux reposent au cimetière d'Heverlee près de Louvain.

Outre Jeffrey Haydon, quatre hommes parviendront à s'évader: Alfred Beber, Ivan Davies, Cedric Fox et le mitrailleur dorsal Sgt Basil W. Shearer (ce dernier est renseigné comme ayant été arrêté à Hasselt le 13 août 1944 et interné en Allemagne - Prisonnier N° 25660 dans les Camps 8B et 344).

Dans un rapport daté du 8 octobre 1942 et commun à Fox, Beber et Haydon, ce dernier indique qu'il atterrit dans un bois de pins et couvre rapidement de branches son parachute. Il marche en direction du Nord pendant environ 8 km et rencontre un garçon d'environ 14 ans qui le mène à la ferme de ses parents près de Maaseik. Une forte douleur à la jambe l'immobilise là pendant deux jours, après quoi les fermiers contactent des ouvriers de la mine de charbon de Maaseik. Deux de ceux-ci, des frères, l'emmènent chez eux et le logent pendant 3 jours et demi, avant de le confier à Maria "Gertrude" MOORS, propriétaire d'un moulin à Dilsen, chez qui il reste une nuit. Haydon termine en signalant que le 15 août, à 4h15 il est mené à Liège où il retrouve son co-équipier, le Sgt Fox.


Le Moulin de Dilsen.

Pour compléter un peu le court récit de Haydon, reprenons ici la traduction d'un témoignage que nous a transmis M. Henri Snyers : "Le pilote explique, d'après des archives australiennes, qu'après sa chute, il s'est dirigé 5 miles vers le Nord de Gruitrode… Dans les archives australiennes encore, je trouve une lettre écrite par M. Martin JANSEN habitant Gordellaan, 78 à Waterschei dans les années de guerre, qui mentionne qu'il a découvert le pilote pas loin de chez lui, qu'il l'a pris pour la nuit et l'a transféré le lendemain à une autre personne (?). Mon père, Frans SNYERS a caché l'aviateur Peter Haydon chez lui Nijverheidslaan, 21 à Waterschei jusqu'au 10 août." (M. Snyers n'a pas d'informations vérifiées quant à celui ou ceux qui ont confié cet aviateur à son père). "Ensuite Frans SNYERS conduit (Jeffrey) Peter Haydon à la villa l'Aurore ("Villa Aurora") à Maaseik chez Mme Salle (Catharina SALLE, Villa Aurore, Maastrichtsesteenweg à Maaseik). C'est probablement de là qu'il fut conduit chez Mme Gertrude Moors qui habitait un moulin à Dilsen et qui conduisait les aviateurs à Liège. Pour la petite histoire, le pilote a remis à ma sœur Bertha qui avait 6 ans à l'époque, sa mascotte qui était un kangourou en bois d'environ 8 cm, qu'elle possède toujours. En 1965, Bertha est partie avec son mari pour aller habiter au Canada."

Jeffrey Haydon est effectivement un des 20 aviateurs remis par Maria MOORS à la ligne JAM de Liège, ligne subsidiée en été 1942 par le réseau Luc-Marc grâce à Arthur RENKIN "chef des VNH".

Dans sa partie du rapport, Cedric Fox renseigne que dans la nuit du 8 au 9 août il est conduit en train à Liège et mené à la maison de deux dames célibataires. Nous savons que c'est Louis RADEMECKER (du 47 Rue Auguste Donnay à Liège, arrêté le 6 décembre 1942 et mort le 14 mars 1943 à la Citadelle de Liège) qui l'a placé chez Mlles Jenny et Mathilde RITSCHDORFF au 30 Rue de Waroux. Le 13 août (selon MOORS, le 15 selon Haydon), ce dernier vient l'y rejoindre, amené lui aussi par Maria MOORS. Fox indique qu'il est resté chez les sœurs RITSCHDORFF jusqu'au 20 août, sauf pour deux jours passés chez un policier, ce déplacement ayant été effectué suite à des rumeurs quant à la surveillance de l'habitation des sœurs par la Gestapo. Le policier, Jean KOOREN, habite au 36 de la Rue de Waroux, et il se confirme qu'après être retourné au n° 30, Fox y est rejoint par Haydon et tous deux sont remis le 20 août 42 par les sœurs RITSCHDORFF à Christiane DERENNE-LAMAZIERE du 4 Place Reine Astrid à Rocourt, qui les conduit à la gare de Ans. Selon son rapport d’activités, Christiane DERENNE indique que les deux aviateurs sont restés 3 jours chez elle (1 jour seulement suivant les évadés dans leur propres rapports…), avant de les confier à "Monique"…


Extrait du dossier de Christiane DERENNE (NARA Belgian Helpers Files)

A Ans, Haydon et Fox sont donc repris par "Monique" (Thérèse GRANDJEAN, née RAISON), qui les conduit à Bruxelles chez Arthur DEGROEVE au 770 Chaussée de Gand. Christiane DERENNE sera arrêtée le 15 octobre 1942 sur dénonciation du Groupement dont elle faisait partie. Condamnée à mort le 13 août 1943, elle sera déportée vers l’Allemagne par le convoi du 20 juillet 1944. Internée dans le camp de Ravensbrück (prisonnière n° 1535), elle sera transférée à celui de Mauthausen (n° 86341), d’où elle sera libérée le 23 avril 1945 par la Croix Rouge Internationale.


Commentaires de Christiane DERENNE quant aux circonstances de son arrestation

Le 21 août 1942, ils sont remis à Élisabeth WARNON-FERAILLE et Henri RASQUIN de Comète. Par la suite, Haydon et Fox retrouvent à une gare de Bruxelles leurs co-équipiers Beber et Davies. Élisabeth LIÉGEOIS déclare l'avoir logé avec Beber et Fox du 24 au 27 août au 16 Rue Vanderhoeven à Saint-Josse.

A la gare, avant leur départ vers la France, un policier militaire allemand contrôle toutes les cartes d'identité, ce qui est nouveau selon leurs guides. Avec deux guides et en deux groupes, les quatre hommes se rendent donc à Paris par le train, via Lille et Amiens. Les tickets sont achetés après chaque descente pour l'étape suivante. Les douaniers belges sont laxistes par rapport à leurs guides français, et les aviateurs ont l'impression qu'ils sont de connivence.

A l'arrivée à Paris, le groupe se déplace en métro pour arriver dans un quartier d'appartements près du boulevard des Invalides, où Beber et les autres logent quelques nuits. Le 3 septembre, Jeanine DE GREEF revient à Paris avec Andrée DE JONGH et toutes deux logent au 10 rue Oudinot. Elles y prennent en charge les quatre aviateurs et tous se rendent alors en train à Saint-Jean-de-Luz, où ils logent dans un flat près de la gare (chez Ambrosio SAN VICENTE au 7 rue Salagoïty). Il semble qu'Elvire MORELLE ait été du voyage depuis Paris avec Andrée et Jeanine, dont c'était la première mission.


Mot de remerciement d'Ivan Davies et Jeffrey Haydon dans le carnet d'Ambrosio San Vicente.
(Remarquez le boomerang dessiné au bas…)

De Saint-Jean-de-Luz, le groupe prend le chemin d'Urrugne où il arrive à une ferme. De là ils vont à une autre ferme, toujours à Urrugne, où ils rencontrent le guide qui les accompagnera pour la traversée des Pyrénées, avec Andrée DE JONGH et Albert "Bee" JOHNSON.

Le soir du 4 septembre 1942, le groupe se met route vers la montagne dans le 21e passage de Comète. Après le passage de la Bidassoa formant la frontière, ils rencontrent des policiers espagnols sur la route de Irun à Pamplune. Une confusion s'ensuit, Davies manque à l'appel et il ne rejoindra le groupe qu'à San Sebastian au consulat britannique. De là, ils sont ensuite tous conduits en voiture à Madrid, où ils logent 10 jours à l'ambassade avant de partir pour Gibraltar qu'ils atteignent le 21 septembre 1942.

Haydon, Beber, Davies et Fox quittent Gibraltar par le HMS Malaya le 30 septembre et arrivent à Greenock en Irlande le 5 octobre 1942.


Lettre de 1974 d’Errol Price, camarade d’escadrille, tentant de retrouver trace de Jeffrey Haydon,
évadé comme lui et passé après lui en Espagne par Comète.
(Dossier militaire de Jeffrey Haydon – Australian WWII Service records)

Avec 19 missions de combat à son actif, Haydon fut affecté en novembre 1942 à la No. 1652 Conversion Unit à Marston Moor, participant à la formation de pilotes d’appareils Whitley, abandonnés au profit de bombardiers Halifax. En janvier 1943, il se voit décorer de la DFC (Distinguished Flying Cross) par le Roi George VI à Buckingham Palace. Promu Squadron Leader, il reste dans la 1652 CU jusqu’en novembre 1943. Ses multiples demandes de pouvoir retourner en Australie et participer aux opérations dans la Guerre du Pacifique finiront par aboutir et il participera dès le milieu de 1944 à ce conflit. Il effectua de nombreuses missions sur B-24 Liberator dès le mois de juin, d’abord dans le 528th Squadron de l’USAAF, une escadrille du 380th Bomb Group (5th Air Force) rattaché à la Royal Australian Air Force, ensuite dans le No. 24 Squadron de la RAAF, attaquant des bases japonaises depuis des aérodromes dans le nord de l’Australie. Ses opérations de combat prirent fin au début de 1945 et il fut ensuite en service durant 6 mois à l’Etat-Major de la RAAF à Melbourne avant d’être mis en congé en août 1945.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters