Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 2 mai 2016.

Douglas Charles HOEHN / O-130182
1114½ 6th Avenue, Eau Claire, Wisconsin, USA
Né le 22 juillet 1917 à Hartford, Wisconsin / † le 23 décembre 2002 à Sarasota, Floride
2 Lt, 91 Bomber Group 323 Bomber Squadron, bombardier
Atterri à 1 ou 2 km au Nord de Naours, au Nord d'Amiens, Somme, France
Boeing B-17 F Flying Fortress, n° série 42-5406,abattu par trois chasseurs Focke-Wulf allemands le 13 mai 1943 lors d'une mission sur Meaulte (Somme, France).
Ecrasé près d'Amplier, Pas-de-Calais, à une trentaine de km au Nord d'Amiens, France
Durée : 3 semaines
Passage des Pyrénées : le 5 juin 1943

Informations complémentaires :

Hoehn est mentionné dans un récit concernant Alfred Martin où une photo le montre en sa compagnie chez Madame "Rosine" Rosaline WITTON-THERIER, au 6 rue de Bapaume à ARRAS.

Il n'a pas été établi de MACR (Rapport de perte d'équipage) pour cet appareil. Son rapport d'évasion "E&E" porte le n° 38.

L'appareil décolle de Bassingbourne à 10 heures et demi. A 13 heures et demi, trois FW190 attaquent l'appareil et provoquent son abandon peu avant l'arrivée sur l'objectif. Hoehn n'a plus d'interphone et vide la soute à bombe d'initiative, l'avion perdant de l'altitude. Il aperçoit alors son pilote, 1st Lt Homer C. Biggs Jr, qui essaye d'ouvrir la trappe d'évacuation. Le copilote 2Lt Theodore O. Hayes, le navigateur 1Lt William H. Blakeney et lui-même aident à ouvrir la trappe endommagée. Hoehn saute après le pilote.

Douglas Hoehn, qui avait quitté l'appareil à 7.000 m (22.000 pieds), décide de retarder l'ouverture de son parachute et ne l'ouvre qu'à environ 600 m du sol, quand il distingue des gens sur les routes. Il aperçoit cinq parachutes. Il sera le seul évadé, deux autres compagnons de vol étant fait prisonniers. Il atterrit dans un champ à 10 heures et demie. Il part vers l'Est et voit quelque chose : le corps de son pilote tué, le parachute à moitié ouvert. Il fait alors signe à un Français de rester caché près d'un bois et le rejoint. L'homme lui indique des Allemands au village à 2 Km. Cinq femmes nerveuses approchent et l'une d'entre elles lui donne une tasse de café et des biscuits. Il enterre alors parachute et Mae West sous des broussailles.

Il se réfugie au centre du bois sur une colline et y passe la nuit et la journée du 14 mai. Il remplit sa gourde dans un ru le 15 mai. Il effraye une fermière en route pour la traite et se réfugie dans son bois. Il va ensuite au village mais ne retrouve pas le fermier de la veille et les femmes de la veille. Un bûcheron ne peut l'aider mais lui indique un fermier dans les champs. Son chien aboie et le fermier dirige ses chevaux dans sa direction avec prudence : tout le village peut les voir. Il reçoit du vin et une miche de pain. Par signe, le fermier lui explique de rester là et que quelqu'un viendra le lendemain avec de la nourriture, en sifflant deux fois.

Le 16 mai, un jeune homme (Maurice BERNAUD) vient deux fois lui apporter de la nourriture. Un autre (son frère, Marc BERNAUD) vient aussi deux fois et lui explique avec sa montre et un calendrier que quelqu'un viendra le prendre la nuit du 17 au 18. Les Allemands venant faire des exercices avec des véhicules blindés autour du bois, il est emmené immédiatement. Ce fils peut parler un peu d'anglais et lui explique que trois de ses équipiers ont été tués depuis le sol durant leur chute. Le copilote, Hayes, a été sérieusement blessé à la cuisse et un docteur parlait de l'amputer, mais les Allemands insistaient pour le faire soigner par un médecin allemand qui tardait et il est alors décédé. Un autre avait été presque coupé en deux par une rafale de mitrailleuses.

Ils vont dans une ferme près de Naours, chez le père de Marc et Maurice, Lucien BERNAUD. Il y reste 8 jours dans la grange à foin, sauf pour un repas quotidien à l'intérieur. L'épouse de Lucien et une troisième fille d'environ 19 ans vivent également dans cette ferme. Une nuit, il va récupérer son équipement avec Lucien BERNAUD pour ne pas laisser de traces, mais il a déjà été emporté. Le fermier retrouve alors le premier témoin et est rassuré qu'il ait détruit l'équipement. Un autre fermier croit avoir vu deux Américains traire une vache, mais ils se sont enfuis.

Le 25 mai, il reçoit des habits civils d'un frère de Lucien BERNAUD et quitte la grange au soir avec son hôte fermier. Après avoir suivi des haies et des champs, ils rencontrent des personnes qui organisent son évasion. Il est emporté dans le coupé d'un docteur (probablement le Dr ARTISSON du 13 Boulevard du Général Faidherbe à Arras, cité par "Rosine" THERIER pour des soins et convoyages) avec un troisième homme jusqu'à proximité de Frévent. Là, une femme leur apporte du café (il lui donne ses cartes et un insigne) et un homme lui passe une boîte de 20 cigarillos, du tabac et des feuilles pour rouler des cigarettes. Il monte alors sur le siège du passager d'une ambulance et est conduit à Arras, le cou largement pansé pour lui donner une raison de ne pas devoir parler. Il descend chez un spécialiste juste en face de la gare, mais est avisé de ne rien dire à l'infirmière, dont on ne sait si elle est de confiance.

A cette date, il cite les noms du Dr "Jualluci" (Dr Pierre CUALLACCI, Rue de Doullens à Frévent) et George BARBIER de Frévent qui l'héberge deux nuits dans une librairie et lui donne des vêtements, un docteur de Arras, un M. DARLAN de Arras (probablement Jean DORDAIN du 9 Rue Saint-Aubert à Arras, également cité par Rosaline THERIER). Le Dr ARTISSON le conduit finalement chez Mme WITTON (Rosaline THERIER), qui le loge chez elle jusqu'au 30, au 6 Rue de Bapaume.

Le 27, il y rejoint Alfred Martin. On leur confectionne de faux papiers. Il signale un incident quand il rencontre un gendarme français en se rendant aux commodités à l'arrière de la maison.


Rosaline WITTON-THERIER, Douglas Hoehn et Alfred Martin à Arras, au 16 Rue de Bapaume (Secours National)

Après deux jours, le 30 mai, les deux aviateurs sont menés par elle à Paris en train et en 3e classe. Une femme les attend à la gare. Les deux femmes marchent ensemble et ils vont manger dans un restaurant où un homme les attend. Il doit s'agir du café Curveur près de la Gare du Nord, lieu habituel de rendez-vous pour Rosaline WITTON-THERIER. A la fin du repas, une autre femme arrive et ils quittent l'homme à l'entrée du restaurant, puis vont à la station de métro avec les trois femmes. Mme WITTON repart en train à Arras et celle qui les attendait part dans une autre direction. La troisième femme les emmène dans un appartement au 6e étage (7th floor) d'où l'on voit la Tour Eiffel.

Ils sont hébergés deux nuits chez Mr "HANNOW", un expert en sabotages de trains (HANY-LEFEBVRE) et Mme "FEURE" (LEFEBVRE), non loin de la Tour Eiffel, et vont prendre deux fois des photos d'identité dans un magasin. Un homme d'environ 23 ans qui fuit la Gestapo est également là et va retourner en Angleterre par avion Lysander. Il s'agit du lieutenant de vaisseau Jean Ayral, un chef du BOA [Bureau des Opérations Aériennes] dans le BCRA gaulliste de Londres.

Dans une interview après la guerre, Hoehn a mentionné avoir été aidé à Paris par Madame Valérie LEFEBVRE, membre de la Résistance et logeuse du réseau Comète. Il déclare que, muni de vêtements civils et de faux papiers, il a accompagné celle-ci lors de promenades dans la capitale française. Elle sera arrêtée le 19 juin suivant et relâchée le 8 ou 10 décembre 43. Il est effectivement logé à Paris du 30 mai au 2 juin 43 par Noémi HANY-LEFEBVRE (dite "Valérie") au 28 Rue Scheffer à Paris XVIe, qui le déclare amené par Raymonde COACHE et repris par Frédéric DE JONGH (avec un Irlandais, qui est effectivement Alfred Martin).

Il déclare dans son E&E avoir rencontré un homme âgé aux cheveux gris portant des lunettes (Frédéric DE JONGH) le 2 juin, qui leur présente Wallace Lashbrook. Cet homme est celui qui était au restaurant à leur arrivée à Paris. Il est en compagnie d'une jeune femme et d'un jeune homme. La femme prend Lashbrook et l'homme s'occupe de Martin et fait poinçonner tous les tickets, puis les met dans la poche de Martin. Hoehn et Martin sont conduits à leur sièges en seconde classe et Lashbrook est conduit en 1ère par la femme. Un peu plus tard, cette femme revient près de Hoehn avec Lashbrook et semble nerveuse. Elle se rend alors compte que c'est Martin qui a tous les tickets. Elle va dans le couloir et l'appelle pour finalement trouver tous les tickets dans une de ses poches. Elle y appelle Hoehn et lui remet son ticket. Tous ces mouvements attirent l'attention générale. Lors d'un contrôle, quelque chose n'était pas correct avec le ticket de Hoehn (le n° du siège) et le contrôleur lui explique en français, et la femme fait alors semblant de dormir.

Ce jour, mercredi 2 juin, Hoehn et Martin sont effectivement guidés par Madeleine BOUTELOUPT jusqu'à la "Gare du Sud" (celle d'Austerlitz). Dans un autre compartiment de leur train se trouvent également "Franco" (Jean-François NOTHOMB), Rosaline WITTON (Hoehn ne la mentionne pourtant pas dans son rapport) et Madeleine BOUTELOUPT. Les trois hommes évitent de se parler pendant le long voyage vers Bordeaux. Dans son E&E, il cite sans précision le nom de Elmer McTaggart et Joseph Wemheuer. Il les a effectivement rencontrés à Paris.

Arrivés à destination vers 10 heures, après un repas pris à proximité de la gare de Bordeaux, Jean-François NOTHOMB et les trois hommes reprennent le train, cette fois à destination de Dax. A la sortie de la gare, les papiers de NOTHOMB sont contrôlés par un allemand en civil. Là, ils prennent trois vélos dans le train. NOTHOMB en donne un à Martin, Hoehn et Lashbrook et ils attendent qu'il revienne avec un autre. Ils poursuivent leur route, voyageant par paires, et pédalent 50 Km pour rejoindre Bayonne. Ils y laissent les vélos dans un garage.

Arrivés à Bayonne vers 22 heures, on les mène au bord du fleuve à un café et on leur présente "le roi du marché noir" : un homme assez gras qui leur prépare un plantureux repas à 23 heures dans son restaurant, qu'il vient de fermer. C'est Pierre ARRIEUMERLOU au 12 Quai Augustin Chabo à Bayonne, en face des Halles. Ils montent ensuite dans leurs chambres à l'étage.

Le lendemain soir, le vendredi 4 juin, l'équipée se remet en route à vélo, par groupes de deux et à une distance de 200 m les uns des autres, et passe par Biarritz avant d'atteindre Saint-Jean-de-Luz. Ils sont rejoints par une femme, Elvire DE GREEF. Ils arrêtent sur les quais et regardent les bateaux pendant que NOTHOMB va remettre les vélos. Il reçoit des vêtements, mais Lashbrook et Martin gardent les leurs. Ils suivent le chemin de fer en direction du Sud (donc évitent la route et le pont vers Ciboure, qui est gardé).

C'est le 46e passage de Comète par la route classique. Le groupe arrive ainsi la nuit à la ferme Jaxtu baïta de Joseph LARRETCHE à Urrugne, du côté français. Vers 22h30, un guide les fait se chausser d'espadrilles et leur donne des pantalons de rechange à enfiler plus tard, après le passage de la rivière Bidassoa. Un autre guide les prend en charge. Commence alors, dans la nuit profonde, le vrai passage des Pyrénées.

Guidés par ce dernier, ils partent vers 1 heure et demie et passent la Bidassoa vers 03h30. Douglas Hoehn et Alfred Martin se reposent dans une ferme (Sarobe, ou Xagu en Basque) vers 6 heures et demi le samedi 5 juin, tandis que Jean-François NOTHOMB et Wallace Lashbrook se rendent directement à San Sebastian. Un guide conduit Martin et Hoehn en périphérie de San Sebastian vers 21 heures, où ils retrouvent NOTHOMB et Lashbrook. Ils vont tous dans un appartement au "3rd floor" et on leur sert un merveilleux repas. Il doit s'agir de l'appartement de Federico ARMENDARIZ UGALDE, qui habite au 2e étage du 3 Calle de la Marina, près de la Concha, la plage réputée de San Sebastian.

Ils restent chez ARMENDARIZ jusqu'au mercredi 9 juin. Un consul britannique vient les visiter. Le soir, Hoehn et Lashbrook montent dans une voiture diplomatique et ils arrivent à l'ambassade britannique de Madrid le 10 juin au matin, vers 7 heures.

Une semaine plus tard, le jeudi 17 juin à 8 heures et demie, ils prennent un train pour Gibraltar où ils sont interrogés par Donald Darling et le major Grady Lewis. Le 21 juin à minuit et quart (au matin), un avion Dakota ramène Hoehn à Portreath en Angleterre, en même temps que Martin, Lashbrook, Ferguson, Stan Moore et D.G. Ross.

Hoehn et Martin ont été les derniers à passer par cette filière avant la vague d'arrestations dans les rangs de Comète le lundi 7 juin 1943 à la Gare du Nord de Paris.

Après son décès en 2002, le corps de Douglas Hoehn a été immergé en mer au large des côtes de Floride.


L’équipage du Lt Homer Biggs devant le "Stric Nine" (42-29475), un autre B-17 de leur escadrille. Douglas Hoehn est debout, le 3ème depuis la droite.

© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters