Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 1 août 2018.

Arthur James HORNING / O-736598
9604 Nelson Avenue, Cleveland, Ohio, USA
Né à Cleveland, Ohio, le 22 juin 1915 / † le 14 juillet 2000 à Washington Court House, Ohio.
2nd Lt USAAF, 91 Bomber Group 401 Bomber Squadron, navigateur
Atterri à 4km de Zutphen, Pays-Bas
Boeing B-17 G Flying Fortress (Forteresse Volante), n° série 42-37737, LL-K / "Tennessee Toddy", abattu lors de la mission du 10 octobre 1943 sur Münster.
Ecrasé à Broekland, 8 km au nord-est d'Apeldoorn, NL (Gelderland).
Durée : 2 mois et demi
Passage des Pyrénées : le 24 décembre 1943.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 1941. Rapport d'évasion E&E 369 (disponible en ligne).

Son équipage : Pilote, 2 Lt Earl R. VERRILL, prisonnier au Stalag 3A ; Copilote, 2 Lt Joseph ROSE, prisonnier au Stalag 3A, arrêté le 12 octobre 43 ; Bombardier, 2 Lt John A LILLEY, tué ; Opérateur radio, S/Sgt Ross Repp, prisonnier arrêté à Liège le 23 janvier 44 ; Mécanicien, S/Sgt Roy M. JACKSON, prisonnier au Stalag 17 à Krems en Autriche ; Mitrailleur ventral, S/Sgt Gilbert L TAFT, prisonnier au Stalag 17 de Krems ; Mitrailleur latéral, S/Sgt Paul LORMAN, prisonnier au Stalag 17 de Krems. Parviendront à s’évader un temps avant d’être arrêtés : le mitrailleur arrière Robert De Ghetto et le mitrailleur ventral Stanley Lepkowski.

L'appareil a eu une défaillance mécanique aux quatre moteurs (surchauffe) qui se sont tus après avoir bombardé l'objectif. Le pilote donne l'ordre de sauter et Horning s'éjecte par la trappe avant à 18.000 pieds. Il ouvre son parachute vers 4.000 pieds et aperçoit 8 ou 9 parachutes en ligne bien plus haut que lui. UN coup de vent le déséquilibre juste avant son atterrissage et il se tord les jambes. Les cinq hommes qui se ruent sur lui ont l'air amicaux et il comprend qu'il est en Hollande.

Il se débarasse de son équipement et parcourt un kilomètre dans un fossé, suivi par un homme à bicyclette. Arrivé à une ferme, l'homme le cache dans des vignes où il sera en sécurité jusqu'au soir. Il lui demande si sa moustache et ses bijoux ne seront pas gênantes durant son évasion et; effectivement, tout cela est trop américain. Il reçoit un imperméable et se rase la moustache. Il ne peut rien faire pour ses cheveux coiffés en brosse, mais reçoit une casquette. Ayant appris que son équipage a atterri à 3 Km à l'Est, il s'y rend la nuit tombée et siffle, mais sans succcès.

Avec sa boussolle, il se dirige au Sud-Est. Ses genoux l'empêchent de marcher loin et il s'endort le long d'une haie. Il est réveillé au matin par un garçon qui nettoie son jardin. Il s'identifie et reçoit du café avant de repartir. Un peu plus loin, il demande une cigarette à deux jeunes Hollandais et se présente, mais ils avaient deviné qu'il était Américain. Ils lui disent de rester là tout près et qu'ils reviendront. DIc minutes plus tard, il les suit chez eux. Il peut se raser et on lui donne de vieux vêtements, une chemise et une cravate. Il cire encore ses souliers en noir, comme tout le monde et reçoit une carte et 10 Gulden. Il ne pouvait dormir là et apprend à demender un ticket de train en néerlandais, puis quitte ces hommes.

Il demande à boire à une ferme et répond "ik ben doof" (je suis sourd) à chaque question qu'on lui pose. Un garçon le suit et le conduit chez son père, qui est trop effrayé de l'aider. Le garçon le cache alors dans de la paille, assez loin de la ferme paternelle. Le lendemain, ne se fiant pas au père, il part au Sud. Ses jambes ne l'aidant pas, il s'approche d'un abri de bus. Avec des "ik ben doof", il se fait aider par une vieille femme qui lui montre l'argent à utiliser pour aller à la ville où il voulait se rendre. Dans le bus, il s'assied derrière un lieutenant de la Luftwaffe.

Arrivé à la gare (ce doit être à Arnhem), il voit deux Nazis contrôler l'accès aux quais et ne peut se débrouiller avec les horaires de trains. Il continue à pied jusqu'à une rivière et un long pont. Le pont a été bombardé et après avoir marché des deux côtés pour trouver une solution, il doit revenir en ville. Il voit alors un bac et fait la queue, apercevant alors deux soldats allemands. Le tarif "1 Kwartier" est affiché et il présente la pièce correcte. Les deux Allemands l'observent quand on lui donne son ticket et il traverse sans problème.

Un peu avant une ville, ses pieds le trahissent et il s'identifie à un jeune garçon en sabots. Il le suit jusqu'à sa ferme. Il peut baigner ses pieds dans l'eau chaude pendant qu'il discute des possibilités d'évasion et de son besoin impérieux de se reposer. Il entend l'habituel discours au sujet d'un rapatriement par avion., mais un ami du fermier pourra sans doute l'aider. Il dort la nuit et toute la journée du 14 octobre dans un bon lit. L'ami vient au soir et lui assure qu'il pourra partir par avion et qu'il viendra le rechercher. Il n'entend plus jamais parler de lui. Après deux jours, ses logeurs deviennent nerveux et il doit partir.

Le matin du 17, il s'achête un ticket de train. Au troisième train, il entend une personne qui cite le nom de Tilburg et la suit. Une vieille femme assise à côté de lui engage la conversation mais ses "ik ben doof" le sauvent une fois de plus. Arrivé, il suit la route vers Turnhout en Belgique et demande à un homme comment passer la frontière sans être contrôlé. L'homme lui indique où est la frontière et Horning décide de tenter le coup après avoir observé qu'il n'y avait pas de patrouilles. Il marche dix kilomètres avant de trouver une ferme en Belgique. Là, le reste de son évasion est organisée.

Le fermier belge le guide à Poppel au Kempen Kafe. La tenancière le conduit alors dans une ferme.où il reste deux semaines, chez un "John". Il s'inquiète pour les enfants de cet homme et son épouse contacte alors une jeune femme qui connaît des résistants de la WItte Brigade. Cette jeune femme le prend dans sa ferme pour trois jours, du 05 au 08 novembre. Elle avait déjà aidé d'autres aviateurs en cavale. Elle était petite, plutôt forte, et avait des cheveux foncés. Il habitait un village au Sud de Poppel. Un de ses amis amène alors Elton Kevil et un Anglais et les conduit tous les trois à Bruxelles en tram. C'est probablement pour cela qu'il figure sur les listes de Karst Smit.

Il est officiellement guidé par Karst SMIT à travers la frontière de Hollande en Belgique, puis par Ernest VAN MOORLEGHEM à son arrivée à Bruxelles le 4 novembre, et dort chez Elise CHABOT au 4 Rue Jules Lejeune à Ixelles ou Uccle. Nous venons de voir que cela n'est donc pas tout à fait correct.

Réceptionné ce 4 novembre par Charles HOSTE et Prosper SPILLIAERT, Hoste le convoie ensuite chez Clément DE BUGHES et Clothilde REGIBO au 92 Rue de Locht à Schaerbeek.

Horning est remis par Gaston MATTHYS à Jules DRICOT "Deltour" le 20 décembre, à son départ, avec Elton Kevil. Dans son équipage, Robert De Ghetto et Stanley Lepkowsky, arrivés à Bruxelles un peu avant lui, sont capturés.

Horning ne signe pas le cahier de Pierre ELHORGA à Sutar à l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA. Le 22 décembre, ils vont tous directement à Saint-Jean-de-Luz à vélo puis arrivent chez Katalina AGUIRRE et sa fille Fifine âgée de 16 ans, chez lesquelles vivait l'un des guides espagnols. Chez elles, ils rencontrent Roland Bru, un agent français travaillant pour la Base Espagne, qui y reçoit un appel téléphonique d'un docteur (probablement Edmond SPERABER) qui lui amène peu après un lot de cartes. Un autre homme se joint alors à eux. C'est, selon Grimes, un Français moustachu de 35 à 40 ans et qui se noiera avec Jim Burch (il ne peut s'agir que du Belge Antoine d'URSEL).

Le 23 décembre, 10 hommes se préparent à la ferme de Joseph LARRETCHE à Urrugne en vue du passage vers l'Espagne : les guides basques Manuel OLAIZOLA "dit Cestona" et Martin ERRAZKIN qui remplacent Florentino qui a la grippe, Ramon (Horning cite le nom de PADURAN, un des pseudos de Roland Bru étant "Richard Pasdurand"), Jean-François NOTHOMB ("Franco"), le Comte Antoine d'URSEL ("Jacques CARTIER"), Albert ANCIA ("Daniel MOUTON") et les quatre aviateurs Lloyd Stanford, Robert Grimes, Jim Burch et Horning.

Trop nombreux, le groupe a des difficultés à passer la Bidassoa en crue. Le rapport d'évasion de Horning renvoie à celui de Stanford ; ce qui suit est un récit d'après-guerre. Les agents de la Guardia Civile voient des mouvements et commencent à tirer dans l'obscurité. Le restant du groupe, Stanford, Horning, Grimes, Bru et Ancia, est arrêté par des gardes espagnols qui les conduisent à pied à Irun, où on les parque dans un local nauséabond. Exténués, les hommes finissent pas s'endormir et lorsqu'ils se réveillent la veille de Noël, ils constatent que leur "hôtel" comporte d'autres pièces et d'autres prisonniers, civils et militaires dont un pilote de la Luftwaffe...

Horning rapporte que l'agent français déclare aux Espagnols s'appeler "Paduran"

Selon un récit, jouant la corde sensible, et se faisant passer pour un aviateur aussi, ANCIA demande s'ils peuvent aller à la messe en ce jour de Noël. Cette faveur leur est accordée et le lendemain un représentant français de la Croix Rouge vient questionner les quatre hommes puis retourne au Consulat britannique à San Sebastian pour y informer le consul William GOODMAN et Michael CRESWELL. Ceux-ci, avisés de la mort de deux hommes lors de la traversée et conscients de l'énervement des Allemands, ne perdent pas de temps et organisent leur délivrance. L'homme de la Croix Rouge est renvoyé sur Irun pour apporter de l'argent aux autorités locales, geste devant entraîner de meilleurs soins aux quatre hommes. Ils sont autorisés à se promener dans la ville et, profitant d'une sortie le 29 décembre, ANCIA bluffe leur seul garde et s'enfuit (en fait, c'est Roland Bru qui s'enfuit, ANCIA rejoignant Gibraltar via les prisons de Sarragosse et Miranda). Les trois aviateurs sont ensuite déplacés vers l'Hotel del Norte, plus confortable, où ils reçoivent la visite du vice-consul américain à Bilbao, Allison Temple WANAMAKER Jr. Ce dernier revient les voir le 10 janvier pour leur annoncer qu'ils quitteront Irun le lendemain.

Ils sont donc conduits le 11 jusqu'à Alhama de Aragon où ils logent quelques jours dans un centre de villégiature. Ils sont ensuite conduits jusqu'à Gibraltar où ils sont interrogés avant d'être rapatriés par avion vers l'Angleterre le 30 janvier, atterrissant à Bristol le 31.

Son rapport indique qu'il devait envoyer par la BBC le 1, 11, 21 et 31 du mois le message "Arthur a rencontré Gaston le 26 janvier".

Il doit avoir rencontré Gerard Lorne en Espagne, car ce dernier lui signale avoir entendu que les Allemands préparaient une bombe à l'air liquide qui était bien plus puissante que les bombes classiques (recherches nucléaires allemandes). Lorne est encore en Espagne, ayant passé la frontière le 30 décembre.

Horning a publié en 1994 (Carlton Press, New York) un livre "In the footsteps of a flying boot" relatant ses missions et son évasion. Peter Eisner ("The Freedom Line, The Brave Men and Women Who Rescued Allied Airmen From the Nazis During World War II") cite des extraits de son livre où le mystérieux agent français "Paduran" est identifié comme Roland BRU, alias "Richard Pasdurand" dans la résistance. Ceci est confirmé dans le livre Les Chemins d'Espagne : Mémoires et documents sur la guerre secrète à travers les Pyrénées, 1940-1945, Paris, Gaucher, 1948, 1 vol., 396 p. par Ippécourt, un pseudo du lieutenant Pierre Vuillet et dirigeant de Base Espagne.

Engagé le 31 mars 1942 à Cleveland en Ohio, Arthur J. Horning est enterré au Milledgeville Plymouth Cemetery, Washington Court House, Ohio.

Une photo plus contemporaine de A. J. Horning est visible sur le site WWII Memorial - Registry.


Mot de remerciement à Henri Jean Nys.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters