Dernière mise à jour le 18 avril 2015.
Adrien Marie Ange Fernand MODERA
Avenue du Chêne 142, devenu 144 vers 1949, à Heusy
Né à Heusy le 01 janvier 1914/ † 2007 à Ensival, Liège, Belgique.
Activité en mai 40 : officier de réserve au 1er Régiment de lanciers, chef de peloton Autos Blindées.
Résistant armé à l'Armée Secrète, puis Luc (en 1942).
Tutelle : FBGB (Regt Autos Blindées)
Passage des Pyrénées : le 20 décembre 1943
Dossier Archives Notariales Défense OO/40151 et dossier RVPS HS 9/1045/6
Adrien Modéra est incorporé le 31 juillet 1935 comme milicien candidat officier de réserve au 1er Régiment de Lanciers à Spa. Le 01 octobre 35, il est brigadier et le 29 février 1936 est commissionné maréchal des logis. Il est adjudant le 31 août 1936 et est placé en congé le 15 janvier 1937, son service ayant été prolongé suite au réarmement de la Rhénanie. Il travaille ensuite dans la firme textile de Fernand Houget, Rue de la Station à Verviers.
Il effectue des rappels sous les armes les 12 juin 1938 (jusqu'au 10 juillet), du 28 septembre au 03 octobre 1938 et du 02 au 16 janvier 1939. Le 26 mars 1939, il est sous-lieutenant de cavalerie et prête serment le 11 août suivant.
Le 27 août 1939, il est mobilisé jusqu'au 09 mai 1940 à l'escadron auto-blindées du 1L. Il commence alors la campagne des 18 jours au sein de cette unité.
Le 27 mai 1940, il est blessé près de Ypres (à la ferme du Frezenberg, sur la commune de Sint-Juliaan) par deux balles de mitraillette, qui lui occasionnent une fracture ouverte de son humérus droit et une perforation de la fesse droite. Cette ferme du Frezenberg servait de PC au major Isebrant de Lendonck du 3e Lanciers. Les autos-blindées devaient servir à une contre-attaque, mais des éléments ennemis s'étaient infiltrés sur leur droite (au Sud). Son commandant d'escadron, Marc Deprez, est alors blessé dans la ferme à cause d'un bombardement allemand. Le 3L se replie avec l'escadron A-B du 1L. Modéra, soignant Deprez dans une grange, n'a pas entendu l'ordre de repli.
Une fois arrivé en Angleterre, il reçoit un chevron de blessure, suite au témoignage du maréchal des logis Guy Schnorrenberg (le 17 juin 1944), qui était avec le commandant Marc Deprez à 1400 Hr à la ferme du Frezenberg ce 27 mai. Le chauffeur de Schnorrenberg, fait prisonnier dans la ferme avec Deprez et Modéra, peut s'échapper le surlendemain (29 mai 1940) et rejoindre le 1L. Il a vu Deprez et Modéra soignés par les Allemands au poste de secours allemand. Cela vaut pour Adrien Modéra une citation à l'ordre du jour du 3e Lanciers à Ondonck le 28 mai 1940 par le lieutenant-colonel Dugardin, commandant du 3L, et la Croix de Guerre 40-45 avec palme par Arrêté du Régent n° 2020 du 13 mars 1946 : "Officier chef de peloton d'autos-blindées, d'un calme et d'un courage remarquables au feu. S'est distingué au combat de Gheluwe et du Frezenberg. Gravement blessé au cours de ce dernier combat, en se portant au secours de son commandant également blessé."
Modéra est donc alors capturé et évacué au Feldlazarett 161 à Bissegem. Le 31 mai, il entre à l'Hôpital Brugmann de Jette et y est soigné par le Dr René Dumont (un vétéran chirurgien américain de la Guerre d'Espagne) et évite d'être amputé du bras droit. Le 17 juin, il passe à l'Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles. Le 22 juin, il est placé à une Annexe de St-Pierre, l'Institut Saint-Nicolas d'Anderlecht, jusqu'au 27 juillet. A cette date, il rentre dans ses foyers à Heusy, bras et torse plâtrés. Le 01 août 1940, il est en congé sans solde. Il reprend son travail à la firme de textile de son oncle à Verviers en décembre 1940.
Le 01 novembre 1940, il devient Résistant armé à l'Armée Secrète (alors encore Légion Belge) jusqu'au 07 décembre 1943. Il est recruté par le commandant Van Hove (du 1 Lanciers), Rue de Cheluy à Spa, secrétaire du Secours d'Hiver local. Au retour d'Allemagne du Cdt Ramaeckers de Spa et de son fils Maurice, il lui remet la section. Deux autres figures de ce regroupement du 1 L est Camille Gielen, l'aumônier du régiment, ainsi que le major Gaston del Marmol, de Tancrémont. Vers février 1942, Modera entre en contact avec Albert Lacroix, un officier de réserve verviétois du 13 Rue Libon, qui lui demande de préparer un groupe de sabotage.
Il est actif au bureau verviétois de l'ORAF (Office de Renseignement et d'Action pour les Familles des militaires et prisonniers) et à la Croix-Rouge. Il conduit également des enfants juifs en vélo dans des familles d'accueil et en cache un chez eux : Bernard Rapaport, dont le papa, établi à Liège, a disparu dans une rafle de la Gestapo en 1942. Il recevra le diplôme de Juste parmi les Nations remis par ambassadeur d'Israël le 13 octobre 1994 et sera reçu au Palais par SM le roi Albert II le 09 mars 1995.
Le 1er septembre 1942, il est au réseau Luc-Marc comme Auxiliaire ARA de 2e classe jusqu'au 15 décembre 1943. Il est recruté sous le matricule AR39 (devenu L39 en début 1943) par Jacques Maly d'Andrimont (alias Ghislain), qui vit chez sa tante, Mme Maly-Hanquet, à Heuzy. Il recrute ensuite le Cdt Ramaeckers (AR390), l'adjudant Vinaimont (AR391), les deux frères Gouders de Beauregard (AR393 et AR393bis), et enfin José Simonis. Il héberge un opérateur radio (un dénommé Freddy Piedbœuf ?) pour Maly en août 1943. Adrien Modéra arrange son transfert chez Mme POSWICK née de Crawlet à Tiege, près de Sart-lez-Spa, dont le mari est lieutenant au 1er Lanciers et est prisonnier en Allemagne.
En octobre 1942, une cousine, Mlle Marie-Gabrielle Linon, lui demande d'héberger pour deux mois un réfugié (pseudo : Charles Tenzer) faisant de la presse clandestine pour le Front de l'Indépendance de Verviers.
Le 8 décembre 1943 à 06h30, quatre policiers allemands frappent à la porte et il n'a que le temps de filer par derrière. Après son arrestation manquée par la Gestapo, il doit quitter la Belgique occupée. Denise Houget nous donne quelques détails sur ce départ de Verviers. Elle est alors rentrée en Belgique à Verviers, voir sa famille. Appelée par la mère de son père adoptif, Fernand Houget, elle se rend en face chez Frédéric Modéra (décédé en 1927) et son épouse Margot (Marguerite) Houget, les beau-frère et sœur de Fernand. C'est à la grande villa Marguerite, aujourd'hui disparue, de l'avenue du Chêne, à Heusy. Leur fils Adrien vient, grâce à la nuit tombée, d'échapper de justesse à une recherche allemande en s'échappant par les toits. Adrien Modéra est à présent caché chez sa grand-mère. Celle-ci, étant vaguement au courant des activités de Denise en France, lui demande si elle ne peut rien faire pour lui.
Denise habille alors son cousin germain de vêtements de leur grand-mère et d'une perruque blanche. Un chapeau bien enfoncé sur la tête, et le boitement de l'aïeule bien imité, ils descendent au rez-de-chaussée. La bonne, Thérèse, dit alors à Adrien :"Oh, Madame, vous sortez si tôt et par ce froid !". Denise Houget poursuit : "Adrien a une maison sûre où il peut se réfugier, aussi je le fais sortir par la porte de derrière sur le fond du jardin et il arrive sain et sauf dans cette famille". Il s'agit de sa tante, Mme Duesberg, Rue de l'Étang à Heusy, dont le mari vit en France depuis 1940. Elle lui fait encore rédiger une fausse carte d'identité belge par Paul Pehée des Ateliers Houget. Elle est établie, du 8 au 17 décembre, au nom de "Fernand Legendre".
Elle donne ensuite des directives à Adrien Modéra, qui se rend à bicyclette de Verviers jusque Bruxelles chez Jean Villers au 40 Rue Louis Hymans, tout près de la Place Brugmann, comme un représentant du village de Charneux. Il loge une nuit chez un cousin, l'abbé Jean-Marie Fisher, de Saint Martin à Liège. A Bruxelles, il loge chez Emmanuel Bonvoisin, Rue Émile Bouillet, jusqu'au 17 décembre. Jean Villers lui donne une fausse carte d'identité française. Un homme de 45 ans le guide par Tournai jusqu'à un passeur à Tourneffe. Modéra prend le tram pour Tourcoing et Lille et saute dans le train de 17h00 vers Paris, y arrivant à 23 heures.
Denise Houget lui a indiqué comment arriver à Paris et se présenter, à date fixe entre 3 et 4 heures, au premier confessionnal de droite en l'église de la Madeleine. Il doit avoir à la main une paire de gants et un journal sous le bras. Il trouvera une personne qui lui demandera "A quelle heure y a-t-il des confessions ?" et il devra lui répondre "Entre 3 et 4 heures". Du 17 au 18 décembre, son dossier RVPS nous apprend qu'il s'appelle "Adrien Lejeune".
Adrien Modéra arrive à l'heure et à la date dites à la Madeleine et y rencontre Jacques LE GRELLE. Il s'agissait d'un rendez-vous au cas où il faudrait sauver un agent. Modéra, n'ayant ni paire de gants ni journal, dit alors à LE GRELLE : "Je sais que je dois vous répondre quelque chose, mais je ne me souviens plus de quoi". LE GRELLE l'embarque ainsi plus tard avec d'autres dans le train pour Bordeaux. Il devient alors l'avocat de Biarritz "Philippe Villaret" jusqu'en Espagne.
Ce Belge de 30 ou 35 ans (Jacques LE GRELLE) le remet d'abord à une petite femme (Marcelle DOUARD) qui a été secrétaire. Après une visite au cinéma, il revoit LE GRELLE en compagnie de deux aviateurs américains. Ils voyagent ensemble jusque Bordeau : les deux aviateurs, la petite femme et Modéra. A Bordeaux, ils sont remis à un jeune Belge qui a été aux Chasseurs Ardennais (Jean-François NOTHOMB), qui escortait déjà deux autres aviateurs. Il prennent un train pour "Bayonne" (il doit s'agir de Dax) en seconde classe. NOTHOMB et les Américains descendent à une gare avant la principale, et ils se retrouvent dans la salle d'attente de la gare principale.
C'est ainsi qu'Adrien Modéra fait partie, le 23 décembre 1943, du 82e passage Comète par Larresore et Jauriko borda avec Thomas Combs, William Whitlow, John Ashcraft et Walter House. A Dax, ils prennent des bicyclettes et Combs, qui ne sait pas rouler à vélo, doit être poussé. A un moment, il heurte deux soldats allemands qui roulent en sens inverse. Heureusement, ces soldats l'aident à repartir. Modéra confirma cet incident aux RVPS : Durant le trajet à bicyclette jusque Bayonne, un des Américains perd l'équilibre sur son vélo et heurte deux soldats Allemands. Cet incident n'a pas de conséquences, mais NOTHOMB prend l'Américain sur son vélo, et Modéra roule avec le vélo supplémentaire de l'Américain.
A Bayonne-Sutar, ils dorment tous à l'auberge Larre tenue par Marthe VILLENAVE épouse MENDIARA au Quartier Sutar de Anglet. Le lendemain soir,vers 17h30, ils repartent à vélo deux par deux. Après avoir traversé la Nive, ils sont arrêtés par deux gendarmes, mais leur guide les en débarrasse. Devant eux, l'autre groupe est arrêté par deux officiers allemands en voiture qui leur demandent le chemin. House ne comprend pas comment les Allemands n'étaient pas curieux de leurs groupes passant deux par deux devant eux. Ils poursuivent ensuite à pied après Ustaritz, le guide basque leur répétant qu'ils mangeraient dans 45 minutes. Le guide les pousse sans arrêt. Vers 02 heures et demi, ils passent près d'un poste allemand (Esteben borda, où loge un détachement de chasseurs alpins/Gebirgsjäger). Ils traversent un petit ru qui est la frontière. Ils dorment le restant de la nuit dans une ferme (Jauriko borda).
Selon le récit des aviateurs, le lendemain, ils attendent des guides et marchent en montagne une journée. Ils sont abandonnés dans un abri à chèvres. Ils sont ensuite conduits dans un autre abri et y restent deux nuits (probablement à Marteleneko borda). La veille de Noël, deux hommes viennent les chercher et les font descendre à une route. Ils perdent alors leurs guides. Ils reviennent à la dernière maison et expliquent qu'ils ont perdu leurs guides. Une heure et demi plus tard, les guides reviennent tranquillement et ils reprennent la route. En route, ils rencontrent un taxi. Un des guides donne à Whitlow un papier avec leurs noms, grades et matricules, renseignements qu'il a réunis dans la montagne. Puis, ils se retrouvent à San Sebastian pour la Noël. Aucun des aviateurs ne signale la présence d'Adrien Modéra avec eux, probablement suite à des consignes de NOTHOMB.
De son côté, Modéra rapporte que le fermier espagnol les accompagne pendant une heure et lui montre la route vers Elizondo, poursuivant avec les aviateurs. Il est arrêté dans ce village le 21 décembre, moins d'une semaine après son départ de Bruxelles. Après deux jours, il est transféré à Lecumberri pour une semaine et placé ensuite en résidence surveillée à San Sebastian, où Georges MARQUET arrange leur départ pour lui et un certain d'Otreppe, sans devoir passer par Miranda.
Le dossier militaire d'Adrien Modéra nous confirme qu'entre le 23 et le 31 décembre 1943, il est bien interné à Lecumberri (commune d'Elizondo) en Espagne.
Son dossier RVPS nous apprend qu'il s'appelle "Harry Vinck" durant sa traversée de l'Espagne. Il reçoit le passeport belge 12668 /L1/684 délivré à Madrid le 23 novembre 43. Il rentre au Portugal le 2 février 44 et en part le 21 février par avion depuis Lisbonne jusque Whitchurch (Bristol). Il a logé aux hôtels Sevilla et Alcazar à Lisbonne et Bragance, puis à la pension Tamar à Costa de Caparica.
Le dossier d'Adrien Modéra nous indique encore qu'il bénéficie le 05 janvier 44 de l'hébergement gratuit en Espagne jusqu'au 1er février 44, puis le 02 février d'un hébergement gratuit au Portugal, et ce jusqu'au 21 février. Il perçoit un rappel de traitement du 08 décembre 43 au 21 février 44. Son statut d'Evadé est bel et bien interrompu du 20 au 23 Décembre.
Le 22 février, Modéra est incorporé comme sous-lieutenant aux FBGB (pour 20 mois et 25 jours) sous le n° 4989, au Régiment d'Autos Blindées. Du 22 février au 06 octobre 44, il est officier de liaison avec des unités britanniques. Du 06 octobre au 23 décembre, il est à la 1e Brigade d'Infanterie belge (Brigade Piron), et du 23 décembre au 05 novembre 45 au Régiment d'Autos Blindées.
Le 31 août 45, il est nommé lieutenant de réserve et est placé en congé sans solde.