Dernière mise à jour le 8 juin 2012.
Dick Johannes Karel Marinus RAMONDT
Bloemendaal (NL)
Né le 26 mars 1922 / † Rosswell, Fulton, Géorgie, USA le 19 février 2003
Activité en mai 40 : étudiant.
Pilote au RAF 320 Dutch Squadron.
Durée : 7 semaines.
Passage des Pyrénées : le 06 décembre 1942.
Au départ d’un récit d'évasion écrit par Dick Ramondt en 1984 et sur base de recherches complémentaires, la vérité peut enfin être faite sur le cas de cet homme longtemps soupçonné d'avoir été infiltré par les Allemands dans le but d’espionner les réseaux d’évasion. A noter que les archives néerlandaises (Den Haag) ne rendront publics qu’à partir du 1er janvier 2020 les dossiers émanant des services policiers londoniens et relatifs aux "Engelandvaarders", dont celui de Dirk Ramondt [ Son dossier porte le n° 13141 dans la série de rapports d’interrogatoire 12901-13226 – "Rapporten en verslagen van verhoren van uit Nederland naar Engeland overgekomen personen (P111). 1914-1948 (322 omslagen en 4 stukken" – voir www.gahetna.nl.
Avec un ami, Bram Reynders, il forme le projet de rejoindre l'Angleterre via la Suisse. Son ami le précède et y est probablement interné. Son père lui donne des timbres de collection pour palier à l'impossibilité de changer de l'argent, ainsi que des adresses à Bruxelles et Paris. Un oncle lui renseigne une femme qui a épousé un douanier. Avec 100 florins en poche, il quitte ses parents le 24 octobre 1942 à 06 heures, évitant de prendre des papiers qui l'identifieraient.
Il prend le train de Bloemendaal à Haarlem, puis Amsterdam, puis Eindhoven. Il prend le bus pour rejoindre cette femme renseignée, mais son mari le fait revenir le lendemain. Le 25, il rencontre cet homme et "François", un prisonnier de guerre français et change ses florins en francs belges. En 45 minutes de marche, ils sont en Belgique.
Ils vont d'abord à Hasselt où ce François a une adresse, et y mangent et dorment. Ils partent pour Bruxelles le 26 au matin et embarquent dans un train bourré de "chemises noires", ce qui leur évite des contrôles. Il contacte Julien WIJNS à Vilvoorde, une connaissance d'affaire de son père. Ils vont ensuite chez une personne qui a aidé Bram Reynders. Ils y apprennent qu'il faut prendre un train de nuit (moins de contrôles) pour Paris via Mons. Cette personne va acheter leurs tickets à l'agence de voyages Cook et les accompagne jusqu'au train. En arrivant à Mons, il voit trois Allemands sur le quai et part se cacher sur les marchepieds sur le côté opposé. Il y reste accroché les dix minutes pour atteindre la France. Les trois Allemands descendent, leur contrôle achevé. François, lui, était allé se cacher sur le toit du wagon. Quand les douaniers français arrivent, Ramondt ouvre sa valise sans rien dire et passe. Un des passagers allemands lui montre une photo de sa maison à Düsseldorf, bombardée par la RAF.
Le train arrive à Paris en gare du Nord à l'aube du 26 octobre. François le guide par le métro. Ils se rendent chez Mme LEDRAIN, veuve d'un chirurgien d'Indochine. Son fils Jacques s'occupe de revendre la collection de timbres paternels et de lui arranger des rendez-vous avec les connaissances de son père. Ces adresses ne lui servent à rien, ces personnes refusant de l'aider. Il reste trois semaines chez les LEDRAIN. On l'y dissuade de passer via la Suisse, où il serait interné et on parle de le faire passer par avion Lysander en Angleterre. Mais cette filière est abandonnée. On lui arrange un passage via Marseille, mais ce projet doit être abandonné vu l’occupation de la France entière par les Allemands après le débarquement allié en Afrique du Nord.
Une filière existe à Paris, mais elle refuse les personnes autres que les aviateurs abattus. C'est ainsi qu'il va tenter de se faire passer pour un pilote néerlandais, ce qu'il rêvait en fait de devenir. Une "femme étrange" l'emmène par le Métro, le passe à un autre guide, qui le passe à un autre encore qui lui présente Frédéric et Andrée DE JONGH, dans un café. Il leur explique qu'il était photographe-télégraphiste sur un bombardier Fokker T-5 en 1940. Trois ou quatre jours après, il apprend qu'il sera évacué par la ligne, recevra des faux papiers et devra aller loger ailleurs. Il déménage chez Mme BARBIER, mère et fille toutes deux étant veuves, qui seront arrêtées par la suite et envoyées à Ravensbrück. Il déménage ensuite chez un couple âgé, puis chez un infirmier.
Ramondt prend le train de nuit le 04 décembre pour Bordeaux avec un guide et trois Belges : une femme et deux hommes. Il s'agit de Marguerite "Peggy" Van Lier, Georges d'Oultremont et Edouard d'Oultremont. Ils descendent du train à Saint-Jean-de-Luz où ils prennent le déjeuner au matin chez Ambrosio SAN VICENTE au 7 Rue Salagoïty.
La nuit du 6 décembre c'est le 30e passage de Comète par la route de Saint-Jean et le groupe passe les Pyrénées avec "Bee"Johnson.
Plus tard, après s'être reposés, "Bee" JOHNSON les emmène à la ferme d'Urrugne pendant que le guide de Paris y retourne pour prendre en charge un autre groupe. Ramondt suit, dans l'obscurité totale, le foulard blanc de "Peggy" Van Lier. Après la Bidassoa, ils arrivent à la ferme vers 02 heures le 06 décembre, où "Bee" les quitte. Ramondt découvre San Sebastian toute illuminée, un changement après le black-out omniprésent en territoire occupé. Vers 07 heures, ils arrivent à San Sebastian au garage de Bernardo ARACAMA, au n°7, 5e étage à gauche, Calle Aguirre, Miramon.
Ramondt, Peggy Van Lier et les d’Oultremont y restent trois jours. Leur voyage jusque Madrid est entrecoupé d'un arrêt à Miranda-de-Ebro où au soir ils se restaurent. Arrivé à Madrid vers 10 heures le lendemain, Ramondt est dirigé avec Georges d'Oultremont chez Jonkheer van Panhuys, premier secrétaire à l'ambassade des Pays-Bas. Après trois jours, un membre de l'ambassade britannique et son épouse emmènent Ramondt à Séville, via Tolède, les Belges suivant une autre route. Ramondt est confié au consul néerlandais et vers le 20 décembre, il est embarqué clandestinement sur un petit paquebot anglais qui transporte des oranges. Il y rencontre deux officiers yougoslaves. Le bateau quitte le port le 24 et les évadés doivent se cacher dans le local des chaînes d’ancre pour éviter d’être repérés lors du contrôle à bord par les Espagnols et les Allemands. Ils arrivent à Gibraltar à Noël et Ramondt y est logé avec des militaires français qui viennent d'Afrique. A son interrogatoire, qui dure quinze minutes, il confesse ne pas être un aviateur, ce qui n'émeut personne.
Le 31 décembre, il embarque sur le transporteur de troupes "HMS Llandudno Castle" et navigue par les Açores jusqu'à Liverpool, atteint le 13 janvier 1943. A l'escale de Funchal (Madeire), ils doivent attendre qu'un sous-marin allemand quitte le port (Madeire est une île portugaise, neutre). Un agent de l’immigration le convoie à Londres, et le lendemain 14 janvier, Ramondt entre aux Royal Victoria Patriotic Schools.
A raison d'une heure d'interrogation par jour, il lui faut neuf jours pour terminer son récit d'évasion. Le dixième jour, l'interrogateur lui demande d'avouer qu'il est un espion allemand et, suite à son refus d’obtempérer, le renvoie. Les six jours suivants, Ramondt est interrogé sans répit sur son séjour à Paris. Après 16 jours, il est finalement remis aux autorités néerlandaises et il apprend qu’un compatriote avait été exécuté une semaine auparavant après avoir avoué. Après un nouvel interrogatoire qui durera trois jours, on finira enfin par croire son histoire.
Il recevra la médaille du Mérite pour son évasion. Il entre à la RAF et va suivre un an de cours au Canada. A son retour, il se marie à Windermere, Cumbria, dans le Lake District, devient pilote et sert dans le 320 Royal Dutch Naval Air Service Squadron jusqu'à la fin de la guerre, sur B25 North American Mitchell II. En octobre 1944, cette escadrille est basée à Melsbroek, près de Bruxelles, avant d’être transférée à Achmer en Allemagne en avril 1945.
A la fin de la guerre, Dirk Ramondt retourne au pays avec Elisabeth, sa femme, et ils émigreront vers la Guyane hollandaise (le Surinam actuel) pour superviser la construction d’une usine dont il deviendra manager pour l'export dans les Caraïbes. En 1957, il émigre à New-York avec sa femme et ses trois fils.
Merci à John Clinch d'avoir pris contact avec l'épouse de Dick Ramondt, Elizabeth, qui nous a transmis ce récit d'évasion.