Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 8 juin 2017.

Herbert John SPILLER "Dizzy" / 580911
34 Albion Drive, Dalston, Londres E8, Angleterre.
Né en 1921 / † le 28 août 2011 à Bingham, Nottingham, Royaume-Uni.
W/Off, RAF Bomber Command 103 Squadron, Navigateur.
Lieu d'atterrissage : près de Ligny-en-Barrois, Meuse, France
Handley page Halifax Mk. II, W1188, PM-D "Flossie II", abattu la nuit du 24 au 25 octobre 1942, par un chasseur allemand lors d'une mission sur Milan.
Ecrasé entre Nant-le-Grand et Ligny-en-Barrois (Meuse, France).
Durée : 8 semaines.
Passage des Pyrénées : le 23 décembre 1942.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3312/1042 (incomplet).

Le Halifax décolle de Elsham à 18h28 et est attaqué vers 21h50 à hauteur de Bar-le-Duc par un chasseur de nuit. L'Oberleutnant Gerhard Friedrich du II./NGJ2 sera crédité de la perte du Halifax, sa quatrième victoire. Spiller raconte qu'un obus incandescent a frôlé sa table de navigation et a fait un ricochet entre sa position et le compartiment de l'opérateur radio, le P/Off Geoffrey Wollerton. Au même moment, l'appareil est secoué par de violentes vibrations puis descend vers la gauche en virant lentement.

L'inclinaison étant trop forte, Spiller a difficile à se lever pour observer ce qui se passe. Lorsqu'il y parvient, s'agrippant à l'un des montants du fuselage, il entend son pilote, le Squadron Leader Sidney Horace Fox, 27 ans, déclarer calmement au micro que les moteurs et l'aile gauches sont en feu. Fox, dont c'était la 50e mission et qui était la dernière qu'il avait à effectuer dans son deuxième tour, avait amorcé la descente dans le but d'éteindre l'incendie et il prévient son équipage qu'il pourra maintenir l'altitude sur deux moteurs mais qu'ils devront se tenir prêts à abandonner l'appareil si nécessaire. Les extincteurs qu'il actionne par la suite ne parviennent pas à éteindre le feu et il donne alors l'ordre de sauter.

Avant d'évacuer, Spiller jette un coup d'œil vers le cockpit et voit le visage figé de Fox et constate la même concentration dans les yeux du copilote Henry Frederick Wood. Le mécanicien Sgt Lawrence Fitzsimmons tapote la tête de Spiller et lui montre un pouce levé. Se préparant alors à sauter, Spiller constate que la porte de la soute d'évacuation est coincée et il la dégage à grands coups de pied. Il saute, suivi du bombardier Fl/Sgt Rowland Maddocks et du radio Wollerton.

Cinq membres de l'équipage seront tués : le pilote Sidney Fox, son copilote Wood, le mécanicien Fitzsimmons (dont Spiller pense que bien qu'il ait correctement attaché son parachute, il aurait sauté trop tard), le mitrailleur dorsal Sgt Philip Charles Heath et le mitrailleur arrière Fl/Sgt Norman Alexander Mercer. Tous reposent au cimetière communal de Nant-le-Grand, Meuse, France.

Deux autres seront faits prisonniers : le bombardier Maddocks et le radio Wollerton, que l'Oblt Gerhard Friedrich visitera le lendemain du crash, leur apportant des cigarettes.

Seul Herbert Spiller parviendra à s'évader. Il avait servi dans le No.12 Squadron avant d'être transféré au 103 et avait été décoré de la DFM (Distinguished Flying Medal) en 1941.

Bert Spiller atterrit dans un champ près de Ligny-en-Barrois. Dans sa chute il se casse une côte et se heurte la tête. Sonné et un peu perdu, il parvient à une ferme, se demandant si ses occupants vont pouvoir ou vouloir l’aider. Les fermiers, M. et Mme LAFROGNE à Ligny-en-Barrois lui donnent à manger et boire et aident Spiller à reprendre ses esprits. La dame soigne ses nombreuses blessures au visage et on lui trouve des chaussures. Les badges de son uniforme sont décousus et brûlés. L’aviateur propose une somme d’argent de son kit d’évasion en guise de remerciement mais Madame LAFROGNE repousse sa main, refusant son argent. Comme le couple lui paraît assez agité, Spiller décide de ne pas leur faire encourir davantage de risques. Coiffé d’un béret, mais toujours en uniforme, il quitte la ferme par une porte arrière.

Par après, il marche à travers champs, son allure étant ralentie par son corps endolori. Il remarque une ferme et s’y installe pour la nuit dans une étable, se remettant en route très tôt le lendemain matin en direction de l’ouest. Mêlé sur sa route à la foule des ouvriers agricoles, il n’est pas inquiété par deux soldats allemands qu’il croise. Arrivé à Brillon-en-Barrois, il va chercher refuge dans l’église où il s’endort. A son réveil, il se dirige vers Saint-Dizier qu’il traverse rapidement, la ville grouillant de troupes allemandes qui y sont casernées. A la sortie de la ville, il aperçoit une église et y entre pour assister à la messe. Le service terminé, le curé ("l’abbé Pascal") s’approche de lui puis l’amène chez lui où il peut se nourrir et prendre un bain. Le curé appelle un médecin qui lui applique une bande pour maintenir ses côtes cassées et Spiller passe la nuit à la cure.

Le lendemain, une boîte en carton remplie de nourriture sous le bras pour le faire ressembler à un travailleur agricole, le curé "Pascal" le conduit à une gare pour que l’aviateur puisse rejoindre Paris. L’ecclésiastique lui achète un billet aller-retour (ce qu’il lui conseille de toujours faire lors de voyages en train). Le curé le quitte et Spiller, montant par erreur dans un wagon réservé aux militaires allemands, en est violemment expulsé sur le quai avant qu’il monte sans traîner dans une autre voiture.

Arrivé à Paris, Spiller se met à la recherche d’un parc où il pourra manger une partie de ses provisions. Il se remet en route, mais ne sachant pas trop vers où se diriger, il rentre dans une église (Saint-Jean-Baptiste, Place Félix Faure). Il n’y a personne et Spiller s’endort sur un banc. Il est réveillé par l’abbé "Du Fourd" (Pierre Joseph DUFOURD), du 7 Allée Emile Zola à Le Pavillon-sous-Bois en Seine, qui sera ensuite recruté pour Comète dans la section de Momignies-Fourmies, et qui, après avoir interrogé l’aviateur et lui avoir donné du pain et de la soupe, lui dit qu'il appartient à une organisation qui fait évader des prisonniers de guerre français. L’abbé le quitte et revient avec deux amis, qui font passer un interrogatoire à Spiller. Satisfaits, les hommes s’en vont et un peu plus tard, une jeune dame arrive lui apportant quelques vêtements civils. Après que Spiller les ait revêtis, elle le conduit chez ses parents où il reçoit à manger et peut passer la nuit.

Il est ensuite mené à un magasin avant d’être conduit à un flat et une femme vient l'y chercher trois jours plus tard pour aller à Vincennes. L'organisation avait envisagé de l’évacuer via Nice, mais cela fut impossible. A un moment donné, il reçoit une fausse carte d'identité au nom de René Martoux.

Il est reconduit à Paris, et le 19 novembre 1942, Simone VERDAIN du 9 rue Pasteur à Paris XIe, l'emmène à Fourmies (Nord, près de Hirson) depuis la Gare de l'Est avec onze Français et un capitaine polonais. Il s'agit de Andrzej Wyssogota Zakrzewski, le chef d'un réseau français FFC du BCRA appelé Wisigoth-Lorraine (renommé Base-Espagne et parfois Bénédictine). Andrzej Wyssogota Zakrzewski, est activement recherché par la Gestapo en France, pour s'être enfui de prison (selon Elisabeth LIEGEOIS).

A Fourmies, Spiller loge chez Alice ANSOTTE et Auguste BACHELARD au 322 Grand Place à Momignies (en Hainaut belge) après avoir passé la frontière. (La Liste des helpers belges reprend Alice BACHELART à cette adresse…)

Le lendemain, ils vont à Liège (ANSOTTE dit que c'est avec Simone VERDAIN, et qu'ils vont chez le Dr DEREINE de Rocourt (ce serait plutôt DERENNE, 4 Place Reine Astrid à Rocourt), qui est déjà arrêté par l'occupant, mais le rendez-vous tombe à l'eau et ils rentrent à Fourmies. Avec Edouard Fernand Vital VERPRAET, 9 Rue Saint-Louis à Fourmies, Alice ANSOTTE le donne à Antoine RENAUD, du 38 Rue de l’Espérance à Fourmies, en France, qui le loge huit jours chez le cultivateur TROCKLEY (la liste des helpers français reprend Gaston et Georgette TROCLET, Route – ou Chemin – d’Ohain à Fourmies…). Céline DE VREUGHT veuve HOUTEN, 23 Avenue Arnold Delvaux à Uccle (la liste des Helpers belges reprend Celine HEUTEN…ainsi que Georgette DE VREUGHT à cette même adresse) est prévenue à Bruxelles par ANSOTTE.

Le 16 décembre, Elisabeth LIEGEOIS vient le chercher à Momignies et il loge chez "Betty I" et "Betty II" (Élisabeth WARNON-FERAILLE et LIEGEOIS) au 16 Rue Vanderhoeven à Bruxelles (Saint-Josse-ten-Noode). Elles l'hébergent trois jours (du 17 au 19) et lui fournissent des faux papiers belges. Fernand VERPRAET et Antoine RENAUD seront arrêtés par la suite et fusillés le 20 octobre 1943. Leurs veuves, Lucie VERPRAET et Judith RENAUD se verront attribuer leurs récompenses à titre posthume. Les noms de ces deux résistants figurent sur le monument aux Résistants et Déportés 1940-1945 à la Place Verte à Fourmies, Nord, France. Des rues de Fourmies portent également le nom de ces deux résistants.

Herbert Spiller est remis à la gare du Midi à Éric de MENTEN et guidé de Bruxelles à Paris par lui, et il y rencontre Sydney Smith.

Le 20 décembre, Andrée DE JONGH et Janine DE GREEF, qui a dormi au 28 Rue Vaneau (près des Invalides), guident Spiller et Smith avec deux Belges : Didier Scuvie et Charles Gueulette.

A Bayonne, ils vont prendre un repas chez René GACHY au restaurant "Gachy", Place Saint-André et rencontrent Albert Johnson qui les conduit ensuite chez les parents de Janine à la "Villa Voisin" à Anglet où Elvire DE GREEF ajoute leurs noms dans son carnet de passages.

On guide les évadés vers Saint-Jean-de-Luz où des vélos les attendent à l’extérieur de la gare. Après un certain temps, ils sont rejoints par Andrée DE JONGH, qui les informe qu’ils roulent du mauvais côté de la route. Le groupe arrive alors à la ferme Bidegain Berri de Frantxa HALZUET épouse ISANDIZAGA à Urrugne.

Andrée DE JONGH les fait passer en Espagne avec Florentino GOIKOETXEA jusque San Sebastian par le 32e passage de Comète, par la route classique de Saint-Jean. A San Sebastian, le groupe s’installe dans une ferme où les hommes peuvent se restaurer et faire sécher leurs vêtements mouillés lors du passage ardu de la Bidassoa. Une automobile vient prendre Spiller et un autre évadé pour les conduire au Consulat à San Sebastian, où Michael CRESWELL vient les chercher pour les mener en voiture à l'ambassade de Madrid. William McLean, ainsi que Sydney Smith et Spiller se rendent à Séville le 5 janvier, chez Mr Cairns qui les héberge.

Ils quittent l'Espagne le 8 janvier à bord d'un bateau britannique transportant des oranges, le SS META, qui les mène de Séville à Cadiz via le Guadalquivir. Arrivés à Gibraltar le 10, ils prennent le 21 janvier 1943 un ancien navire de ligne française pour gagner Gourock en Ecosse, qu'ils atteignent le 26 janvier 1943.

Herbert Spiller reprendra du service avec le 511 (Transport) Squadron de la RAF, toujours en tant que navigateur, en Grande-Bretagne, puis, en URSS.

Il a écrit un livre racontant son évasion : "Ticket to Freedom", publié en 1988 par William Kimber & C° Ltd, Wellingborough.

Herbert Spiller et sa famille sont venus en France pour exprimer leur reconnaissance aux personnes qui l'avaient aidé dans son évasion. Lors d'une cérémonie à Nant-le-Grand en 1992 à l'occasion du 50e anniversaire du crash, Herbert Spiller avait manifesté à sa fille Laura le souhait après sa mort de se retrouver près de ses camarades dans le cimetière de la localité. Laura Grey, née Spiller, a respecté la volonté de son père et a amené ses cendres d'Angleterre pour qu'elles soient enterrées près des tombes de ses cinq co-équipiers. La cérémonie a eu lieu le 22 octobre 2011 en présence de membres des familles des aviateurs ainsi que de descendants des personnes qui avaient aidé Spiller dans la nuit du crash. Laura Grey s'est déclarée très impressionnée par les 25 porte-drapeaux, la fanfare militaire et surtout la présence à cette occasion de tous les habitants du village.


Cérémonie d'hommage le 22 octobre 2011 à Nant-le-Grand.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters