Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 29 mars 2022.

Jacob John THURMEIER ("Jake")/ J14165
Southey, Saskatchewan, Canada
Né le 29 décembre 1916 à Southey, Canada, le fils de Jacob et Amalia (Flaman) Thurmeier / † en 1982 à Winnipeg, Saskatchewan, Canada
Fl/Off, RAF Bomber Command 429 RCAF Squadron, navigateur
Atterri en parachute le 26 novembre vers 02h00 à 14 km à l'ouest de Marche-en-Famenne.
Handley Page Halifax MkV/III - LK995 (AL-C), abattu à 02h12 la nuit du 25 au 26 novembre 1943 par un chasseur allemand (Hptm. Hans Autenrieth du 1./NJG 4) lors d'une mission sur Frankfurt.
écrasé près de Leignon, Province de Namur, Belgique
Durée : 8 mois et demi
Arrêté le 22 juin 1944 à Auderghem-Bruxelles.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3350/1114.

Le Halifax décolle de Leeming le 25 novembre à 23h27 et, moins de deux heures après, il est attaqué par un chasseur alors qu'il vole à environ 5500 m d’altitude à l’est de Dinant. Le feu se déclenche dans la soute à bombes et l'ordre d'évacuer est donné. Le mitrailleur canadien Fl/Sgt Robert Henry Davis est touché (on retrouvera son corps dans les débris du Halifax et, initialement enterré au cimetière militaire de Florennes, il repose au cimetière de Hotton, Province de Luxembourg, Belgique.)

Trois hommes sont plus rapidement faits prisonniers : l'opérateur radio/mitrailleur Fl/Sgt Randolph Theophilus Abbott ; le bombardier W/Off 2 Douglas Rae Nelson, RCAF ; le mécanicien Sgt James Aitken Renton.

Outre Thurmeier, deux autres aviateurs parviennent à s'échapper un temps : le mitrailleur W/Off 2 Manuel Rabinovitch et le pilote, W/Off 2 David MacMaster Smith.

Jacob Thurmeier avait complété 13 missions avec le 429 Squadron à bord de bombardiers Wellington et il en était à sa deuxième mission sur Halifax ce 25 novembre. Il saute de l’appareil en flammes et atterrit la tête en bas dans un arbre. Il erre pendant deux jours, se nourrissant uniquement d’une barre chocolatée de son kit d’évasion et d’une pomme de terre crue trouvée dans un champ. Un fermier qu’il rencontre prend alors contact avec la Résistance.

Son bombardier, le W/Off 2 Douglas Nelson, rapporte qu’il a vu Thurmeier à Rochefort 3 jours après le crash, donc vraisemblablement durant le transfert de Thurmeier vers Wellin. Dans un rapport succinct, Thurmeier rapporte avoir été caché à Wanlin pendant 2 jours, ensuite 7 semaines à Wellin, 2 semaines à nouveau près de Wanlin (Germaine NAGELS, née LUNQUICH et fille de Henri LUNQUICH, cite Mme DELHAYE comme l'ayant secouru à Vignée, commune voisine de Wanlin), puis "1 semaine à Anvers" (on renseigne Thurmeier comme hébergé deux semaines en février 1944 à la "Villa Wouwenhof" à 's-Gravenwezel, à 5 km au nord-ouest de Schilde près d'Anvers, dans la famille de "Mady", Marie DE DEKEN).

La liste des Helpers belges reprend Germaine NAGELS (Germaine LUNQUICH avait épousé Victor NAGELS avant la guerre) et Henri LUNQUICH (son père) au 130 Rue Alexandre Markelbach à Schaerbeek. L’Almanach de Bruxelles pour 1939 reprend un "Longuich" à cette adresse, celui de 1946 seulement un NAGELS (Victor et Germaine), Henri LUNQUICH étant reparti habiter la région de Liège. La liste des Helpers reprend également le nom d’Élaine DELHAYE-GILL, du château de Vignée, près de Wanlin. Elle a été arrêtée le 28 juillet 1944.


Mady DE DEKEN, qui travaille en collaboration avec Mme DELHAYE de Vignée, et y amène et en évacue des aviateurs, remet ensuite Thurmeier à Gaston CAROLUS du MNB - "Mouvement National Belge". [Gaston CAROLUS, du 31 Nikkelstraat à Antwerpen / Anvers, né en 1912, ayant dû fuir Anvers pour Bruxelles avec sa famille, a été abattu dans la soirée du 18 avril 1944 dans la Rue du Régent à Bruxelles, en présence de sa femme Louisa Lukas et de leur enfant.]

Thurmeier se retrouve donc ainsi à Bruxelles, où il est caché pendant 6 semaines, avant d'arriver dans le module de logement d'Anne BRUSSELMANS, qui s’arrange pour lui trouver un hébergement à Schaerbeek. Ce temps total ne représentant que ± 4 mois sur les 9 mois entre son atterrissage et sa libération, il y a évidemment des "trous" à propos desquels nous espérons pouvoir obtenir d'autres détails que ceux que nous avons pu glaner dans divers rapports.


Le nom de Thurmeier figure à deux endroits dans une note de frais (pour des tickets de train, des
vêtements, des photographies, de l’hébergement) reçue par Anne BRUSSELMANS en 1944 et
émanant de divers Helpers. Extrait du livre "Belgium Rendez-Vous 127 – Revisited" (2001), par
Yvonne Daley, la fille d’Anne Brusselmans.

Simone SCHREYEN, qui s’occupe de logements, place Thurmeier chez Alphonse LARCIEL, résistant armé aux Milices Patriotiques du FI, marchand de jouets "Bazar d’Ixelles" au 59 Chaussée de Wavre à Ixelles (Porte de Namur), qui déclare avoir logé Thurmeier pendant "45 jours pour Simone SCHREYEN".

Simone SCHREYEN dit de son côté que Thurmeier, dont elle se souvient qu’il connaissait l’allemand, est resté "15 jours" chez les LARCIEL et qu'il avait été reçu de Anne BRUSSELMANS le 2 mars. Le 1er avril 1944, Simone SCHREYEN mène Thurmeier chez Victor NAGELS époux de Germaine LUNQUICH, chez qui il est hébergé pendant deux mois (voir ci-dessus.) Germaine LUNQUICH rapporte que Jean DE MESMAEKERS héberge Thurmeier au 77 Avenue Houba Destrooper à Laeken, sans préciser de dates. Le 1er juin 1944, Odette GRIJSPEIRT déplace Thurmeier chez Gilbert et Élise TEDESCO au 1 Place Jules Génicot à Auderghem, juste avant qu’elle se fasse arrêter le même jour. Thurmeier est hébergé chez les TEDESCO pendant 15 jours avant d'être arrêté avec ses logeurs. Germaine LUNQUICH déclare se souvenir d’avoir vu Thurmeier avec Ford Babcock chez Gilbert TEDESCO peu de temps auparavant. Robert BAUDE était également passé les voir à la demande d'Odette GRIJSPEIRT.

Les dates et lieux de séjour de Thurmeier varient selon les sources. On renseigne d’une part que, suite à l'arrestation de Simone SCHREYEN, Babcock et Thurmeier sont remis au réfractaire "Ch. JEANMART" (Charles JANMART ?) qui s'est chargé "de les placer ailleurs après le 18 juin".

Par ailleurs, on rapporte que Thurmeier est logé avec Babcock du 1 au 8 juin chez Mlle Bertha FILLEE, du groupe d'Odette GRIJSPEIRT, au 11 Rue des Boers à Etterbeek, ces dates ne correspondant pas avec celles reprises pour l’arrivée de Thurmeier chez les TEDESCO… [Thurmeier, quant à lui, mentionne qu'il a reçu de la nourriture des NAGELS-LUNQUICH, du 8 avril au 8 juin 44.] Les deux aviateurs sont convoyés au sein du groupe par Mlle Madeleine MEUNIER du 110 Rue de l’Homme Bien à Auderghem-Bruxelles, fille d’Yvonne MEUNIER (cette rue a été rebaptisée Rue Albert Meunier en octobre 1946, en l’honneur du père de Madeleine, actif dans la Résistance - sabotage et presse clandestine - arrêté et décapité le 15 juin 1944 à Wolfenbüttel en Allemagne.)

Thurmeier et Babcock sont arrêtés le 22 juin 1944 avec leur logeur Gilbert TEDESCO et son épouse à leur domicile à Auderghem. Les TEDESCO ne reviendront malheureusement pas des camps. Gilbert est mort peu après son arrestation au camp de Breendonck près d’Anvers. Il avait 36 ans. Son épouse Elise, née GEORGES, est morte à 29 ans le 14 juillet 1945 dans un faubourg à l’est de Berlin, des suites de mauvais traitements encourus dans les camps de Ravensbrück et Sachsenhausen. L’Avenue du Chien Sauvage où habitaient les parents de Gilbert fut rebaptisée Avenue Tedesco le 5 novembre 1946 en honneur de Gilbert et d’Élise et également du frère de Gilbert, Yves Charles Tedesco, qui avait rejoint l’Angleterre, s’était engagé dans la RAF et a perdu la vie en Afrique du Nord lors d’une mission avec le RAF 272 Squadron le 14 juin 1942 (son corps n’a jamais été retrouvé et il est commémoré au mur des disparus du Alamein Memorial en Egypte.)

Après interrogatoire, Thurmeier est enfermé à la prison de Saint-Gilles (pendant 10 semaines selon Simone SCHREYEN). Il ne figure pas à la liste de prisonniers internés en camp en Allemagne car il se trouve effectivement avec Babcock dans le même train que John Bradley, le convoi du 2 septembre 1944 qui devait les amener, ainsi que d'autres évadés et environ 1.500 Belges, vers des camps en Allemagne. Durant la nuit, le train s'arrête à environ 30 km de Bruxelles pour y retourner le lendemain. Le 4 septembre, à la gare de triage de Schaerbeek, l'Armée Blanche attaque le train, qui finit par dérailler, permettant des évasions dans le fameux épisode du "Train Fantôme"/"Ghost Train".

Simone SCHREYEN déclare que Thurmeier se rend alors chez Germaine NAGELS-LUNQUICH, et qu'il se présente ensuite à l'hôtel Métropole, Place de Brouckère au centre de Bruxelles, où tous les évadés cachés en région bruxelloise avaient été invités à se rendre.

Jacob Thurmeier rejoint l’Angleterre et est interviewé à Londres pour l’établissement de son rapport d’évasion. Quelques semaines plus tard, il est rapatrié au Canada et il fait l’objet en décembre d’un petit article dans la presse.


Article du "Lethbridge Herald" (Lethbridge, Alberta, Canada), 16 décembre 1944.

Merci à Isabelle Doornaert pour ses renseignements sur Germaine NAGELS-LUNQUICH.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters