Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 11 mai 2020.

Joseph James WALTERS / 33288816
4102 Windsor Street, Pittsburgh, Pennsylvanie
Né le 16 juillet 1913 à Pittsburgh, Pennsylvanie / † le 12 septembre 2016, à West Mifflin, Pennsylvanie, âgé de 103 ans
Sgt, USAAF 381 Bomber Group 535 Bomber Squadron, mitrailleur ventral
Atterri près de Boirs, au Sud de Bassenge, Province de Liège, Belgique.
Boeing B-17 Flying Fortress, n° série 42-3225, MS-V / "Chug-A-Lug-Lulu", abattu le 17 août 1943 lors d'une mission sur Schweinfurt par un chasseur allemand.
Ecrasé près de Bassenge, au nord de Fexhe-Slins, province de Liège, Belgique.
Durée : 7 semaines
Passage des Pyrénées : le 3 octobre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 378. Rapport d'évasion E&E 224 disponible en ligne.

Le B-17 décolle vers 11h30 heure anglaise de Ridgewell. 30 minutes avant d’atteindre l’objectif, il est attaqué par des chasseurs allemands dont les tirs atteignent le nez de l’appareil, blessant le bombardier et le navigateur. Au retour de la mission, la formation est attaquée par une nuée de chasseurs allemands. L'appareil, piloté par le Lt Lorin C. Disbrow, est touché et, le moteur n° 3 endommagé, puis deux autres, il perd rapidement de l'altitude. Le pilote donne l'ordre d'évacuer alors que l'appareil survole l'Est de la Belgique.

Outre le pilote, cinq autres hommes sont faits prisonniers : le copilote 2nd Lt Allen J. Chapin, le navigateur 2nd Lt David R. Jones, le bombardier George Gaydos, le mitrailleur droit S/Sgt John H. Moulton et le mitrailleur gauche S/Sgt Ernest C. King.

Comme Joseph Walters, trois autres hommes parviendront à s'évader: l’opérateur radio T/Sgt Thomas R. Moore (E&E 332), le mitrailleur arrière S/Sgt William P. Kiniklis (E&E 508) et le mitrailleur dorsal T/Sgt Otto F. Bruzewski (E&E 320). Ces deux derniers atteindront l'Espagne via Paris, aidés par la ligne Bourgogne-Pyrénées. Moore, lui, caché longtemps en France, sera évacué avec 13 autres aviateurs et seize français à bord du "Breizh-Izel", parti le 22 janvier 1944 vers 03h00 du matin du port de Tréboul (Finistère) à destination de Falmouth, Cornouailles, Angleterre, qu'ils atteindront le lendemain 23 vers 13h00.

Son rapport E&E 224 indique que Joseph Walters saute à 4000m en 4ème position, derrière Kiniklis, Moulton et Moore et que vers 16h30 le 17 août, il atterrit dans un pommier, reste suspendu à 6 mètres au-dessus du sol tandis qu’une vingtaine de personnes s’attroupent au pied de l’arbre, criant des instructions pour l’aider à descendre. Un homme se suspend à lui pour permettre à un autre de défaire la boucle de son harnais. Walters fait comprendre immédiatement qu’il est Américain, tandis qu’un jeune garçon grimpe à l’arbre pour dégager son parachute.

L’E&E 224 renseigne qu’il est alors mené chez Jean Joseph GODIN PETERS, 4 rue de l’Etat à Boirs, où il passe la nuit. Le lendemain 18 août dans l’après-midi, il est emmené dans un camion Chevrolet conduit par un belge qui avait été chauffeur de taxi à New York et à bord duquel se trouve le sergent Kenneth Fahncke.

Le rapport d’évasion de Walters ne mentionne pas le nom des TILKIN (adresse à l’époque: 188 Rue de l’Etat à Boirs – la caisserie n’existe plus, pas plus que le n° 188…), mais certains récits font état de ce que l’arbre dans lequel était tombé Walters se trouvait derrière la caisserie d'Albert TILKIN dont le fils, résistant, aurait dégagé l'aviateur en coupant les lanières de son parachute.

Toujours selon la chronologie de ce récit, Walters aurait alors été mené à la maison des Tilkin jouxtant la caisserie, où on lui donne du péquet pour calmer la douleur dans son bras cassé et ses multiples contusions. On annonce l'arrivée d'une patrouille allemande et on le cache dans une armoire. Les soldats s'en vont sans l'avoir découvert.

Alors qu'il est escorté par les TILKIN père et fils, un ouvrier de l'usine les prend en photo (voir ci-dessous). Par crainte d'une découverte par les Allemands, l'appareil sera détruit par la suite... mais les négatifs seront conservés et développés après la Libération. Le cliché figure en bonne place au Mighty Eighth Air Force Museum à Savannah, Georgie.

On demande à Walters s'il veut se rendre et devant sa réponse négative, on brûle son parachute et on le fait se cacher dans un grenier, le recouvrant de cageots.

A la nuit tombée, on l'emmène dans une maison proche (chez Jean Joseph GODIN PETERS ?) et, en vue de faciliter sa compréhension des instructions à lui donner quant aux phases suivantes de son évasion, le père TILKIN, sachant que la fille de son ami DARDENNE suit des cours d'anglais, demande si elle pourrait venir.

C'est ainsi que Janine DARDENNE, 18 ans, accompagnée de sa maman, fait la connaissance de son aviateur. Il lui donne une barre de chocolat, du chewing-gum et un bouton "boussole". (Elle sera malade comme un chien après avoir mangé trop rapidement le chocolat et décidera d'enterrer le bouton à boussole au pied d'un arbre en face de chez elle). Elle explique à Walters que le lendemain à 05h00 un camion viendra le prendre, qu'il devra porter des vêtements d'ouvrier de la construction, qu'on lui donnera une pelle et une pioche et qu'il devra s'asseoir à l'arrière du camion avec de véritables ouvriers, conduits à leur travail comme chaque matin dans ce véhicule. Walters demande à la jeune fille si elle sera là le lendemain pour le voir partir. Janine répond oui, sa maman répond non... Voir le récit de Janine (DARDENNE) ADAMS aux pages 6-7 de la Newsletter de l’AFEES – December 2007 : https://airforceescape.org/wp-content/uploads/2014/08/December-2007.pdf.

Resté un temps sur un chantier en compagnie des autres ouvriers, Walters est amené chez un médecin qui soigne ses blessures et l'héberge le temps que son évasion soit organisée (ce médecin sera arrêté et exécuté plus tard).

Reprenons maintenant ce qui figure au rapport E&E 224, et qui ne mentionne pas ce qui est relaté aux paragraphes précédents. Walters se retrouve donc avec Kenneth Fahncke dans le camion, qui les mène à une fonderie à environ 7km de Boirs où le contremaître les garde pour la nuit dans son bureau, un médecin arrivant le lendemain pour soigner les blessures de Fahncke. Le docteur était accompagné d’un homme auquel les deux aviateurs remettent les photographies en civil de leur kit d’évasion pour l’établissement de faux papiers. Vers midi, une auto arrive amenant un homme et une femme, un vieillard et un gendarme et ils emmènent les deux aviateurs en voiture chez un prêtre à Liers près de Liège où ils rencontrent leurs co-équipiers Moore, Kiniklis et Bruzewski.

Il nous paraît que le chauffeur du premier camion (l’ex chauffeur de taxi de New York) doit être Ghislain MICHELEMS du service Bayard (non cité dans les rapports E&E – habitant 62 Rue Bas-Rhieux à Liège) mais dont nous savons que c’est lui qui a conduit les deux évadés chez le docteur Charles KREMER, podologue, au 3 rue des Prémontrés à Liège. [ Arrêté le 11 décembre 1943 avec son épouse Clémentine, Charles KREMER est fusillé à la Citadelle de Liège le 26 janvier 1944].

Le rapport de Walters poursuit en indiquant que pendant les deux jours que Fahncke, Moore, Kiniklis, Bruzewski et lui passent là dans la même pièce, ils y sont rejoints par King (qui doit être le mitrailleur gauche de Walters), Roy Claytor, Raymond Nutting et Lorch (il s’agit du 2nd Lt Kenneth R. Lorch, bombardier à bord du même appareil que Claytor, Nutting et Burgin, mais qui sera fait ultérieurement prisonnier.)

On renseigne Walters comme logé (avec Fahncke…) pendant "une vingtaine de jours" (du 20 août au 03 septembre) chez Paul FREROTTE, un résistant du MNB, habitant "13 Rue de Mambourg" à Liège selon la liste des Belgian Helpers établie après la guerre en vue de l’attribution de récompenses. Le rapport de Walters indique qu’ils (le groupe des neuf américains) restent "là" jusqu’au 3 septembre (nous comprenons "chez FREROTTE"…) date à laquelle Walters, Fahncke et Claytor sont partis vers Bruxelles en train guidés par un homme. L’homme n’est pas identifié dans le rapport, mais il doit s’agir de Victor VAN DEN SANDE, habitant 13 Rue de Visé à Bressoux-Liège. Arrêté par la suite, il trouvera la mort à 28 ans le 26 février 1945 au camp de Dora en Allemagne.

La suite du rapport indique qu’arrivés à la gare, les 3 hommes sont pris en charge par le fils de Mr et Mme KATZ qui les mène dans la maison de ses parents près de l’aéroport (vraisemblablement à Evere…) chez qui ils prennent le repas du soir. Le fils KATZ les guide alors vers une maison où ils logent jusqu’au mercredi 8 septembre. Avertis par KATZ d’une possible descente de la Gestapo, les évadés quittent leur planque et vont dormir une nuit dans un bois. Claytor et Fahncke sont ensuite séparés de Walters, qui est pris en charge par "Michou" DUMONT et est hébergé cinq semaines chez René PIRART au 8 Rue des Tournesols à Anderlecht jusqu’au 25 septembre. A cette date, Florentine PIRART-DE WIT le conduit à la gare où il retrouve Fahncke.

Ils descendent en gare de Tournai et sont guidés jusqu’à Blandain, près de la frontière française, où, dans une maison appartenant à un Français, ils rencontrent deux hommes, l’un d’eux étant un avocat ou notaire à Bruxelles. On les fait passer la frontière, ils marchent le long d’une route, on s’arrange avec le douanier et ils montent dans un bus. Le rapport ne mentionne pas Henriette HANOTTE, mais elle renseigne Walters (et donc également Fahncke) comme ayant été convoyés par elle dans ce passage. L’E&E 224 indique que le voyage en train jusqu’à Paris se fait en compagnie de deux hommes et qu’ils arrivent dans la capitale française le samedi 25 septembre vers 19h30. A noter que Joseph Walters figure sur une liste d'Amanda STASSART, qui mentionne l’avoir guidé jusque Paris.

Selon le rapport, Walters et Fahncke sont menés depuis la gare jusque chez Germaine BAJPAI où ils logent une nuit. Ils sont séparés le lendemain, Fahncke allant chez une Mme Raymonde, Walters allant chez Daisy BENOIT, une veuve d’environ 50 ans dont le mari avait eu une importante firme de métallurgie à Liverpool. Le 1er octobre, Fahncke le rejoint chez Daisy BENOIT, le rapport de Walters indiquant qu’ensuite, Mme BAJPAI et Mme Raymonde guident Walters et Fahncke vers un parc de l’autre côté de la Seine en face de la gare (ce pourrait être la gare de Lyon, du côté de laquelle ils se trouvaient avant de passer le fleuve, le jardin étant probablement le Jardin des Plantes ?), où ils rencontrent un homme – environ 1,72m, l’air d’un anglais, moustachu, les cheveux foncés, le visage boutonneux et dont Germaine BAJPAI dit qu’il est le chef de l’organisation ("Jérôme" = Jacques LE GRELLE).

Le chef leur dit alors de suivre la dame de petite taille qui l’accompagnait. La dame (Marcelle DOUARD ?) fait le voyage en train avec eux jusqu’à Bordeaux où elle les confie à un jeune belge ("Franco" = Jean-François NOTHOMB). A la gare, ils rencontrent Joseph Aquino, Charles Bennett et William Hooker. De Bordeaux, le groupe prend un train pour Dax où des vélos les attendent pour l’étape qui les mène à Bayonne où ils logent dans une taverne.

Voici le récit de Walters : Le vendredi 01 octobre, un "étudiant français" les guide dans le train de Paris à Bordeaux et ils y arrivent le samedi 02 au matin. Le guide les quitte et un autre les prend immédiatement en charge. Une demi-heure plus tard, ils sont dans le train pour Dax avec des tickets pour Saint-Jean-de-Luz. Ils reçoivent des bicyclettes à la gare et vont à Bayonne. Ils s'arrêtent avant la ville et passent la nuit au premier étage d'une auberge à Sutar (Chez Marthe MENDIARA née VILLENAVE) où passent beaucoup d'Allemands. Vers 17 heures, ils partent à vélo et grimpent vers les montagnes. On leur reprend les vélos et ils poursuivent à pied vers les Pyrénées dans l'obscurité, se mettant en route dans la soirée du 3 octobre.


Mot de remerciement de Walters dans le carnet de Pierre Elhorga.

Joseph Walters, Charles Bennett, William Hooker et Joseph Aquino sont guidés vers la frontière espagnole par Jean-François NOTHOMB, Denise HOUGET et Marcel ROGER.

C'est la 60e traversée de Comète avec le groupe de Pierre ETCHEGOYEN, Pierre et Baptiste AGUERRE et Jean ELIZONDO, qui passent par Larressore et Jauriko borda.

Vers 5 heures du matin le 4 octobre, ils arrivent en Espagne et se reposent un peu dans une ferme (Jauriko borda) avant de repartir pour se rendre à la police de Séville (sic). Le poste de police n'est qu'à quelques centaines de mètres des barrières où des gardes allemands patrouillent le territoire français (c'est donc à Dancharinea).

Sous escorte espagnole d'un soldat, ils sont conduits pour dormir une nuit à Urdax et partent le lendemain en bus à Elizondo depuis Telleria. Ils grimpent à bord d'un "train du 14e siècle" (le Txikito Tren) pour se rendre à Irun.

Après deux jours en prison (probablement à l'hôtel de ville appelé "Casablanca" que Walters décrit comme "une maison française"), ils sont remis au consul américain venu de Bilbao, signent un certificat de sécurité le 5 et séjournent pendant 5 semaines à l'hôtel del Norte jusqu'au 06 novembre. Ils voient beaucoup de soldats allemands à Irun durant cette période.

Le 6 novembre, Joseph Walters et les autres sont conduits par le consul à San Sebastian et y dorment une nuit après avoir vu le major Clark. Après un dur et long trajet dans un véhicule de reconnaissance américain, ils arrivent à Madrid le 7 novembre.

Tôt le 09, ils descendent du train qui les emmène de Madrid dans une petite ville proche de Gibraltar (La Linea). Ils voyagent en 3e classe avec des soldats espagnols de la division Azul.

Un major les fait passer la frontière le 10, date à laquelle ils arrivent à Gibraltar. Ils y sont interrogés le même jour par un officier britannique, et le 19, ils décollent de Gibraltar, atterrissant à Bristol le lendemain. Interrogé le 21 novembre par l’IS.9, Walters ne quittera Londres pour Prestwick que le 24 décembre, Bennett partant une semaine plus tard.

Pour prévenir la Résistance belge que Walters est arrivé sain et sauf en Angleterre, un message est envoyé sur les ondes de la BBC : "The rabbit is back in the hutch" ("Le lapin est de retour dans son clapier.")

Sa traductrice de Boirs, Janine (DARDENNE) ADAMS, a épousé en 1945 feu Versie Adams, un soldat américain et est partie habiter aux Etats-Unis en 1946. Elle vit à Brookhaven, Mississippi et reste en contact avec "son" aviateur, Joseph James Walters, dont elle a pu retrouver la trace à la fin des années 1990.


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Malheureusement, nous découvrons lors de la mise à jour de cette page le 17 juillet 2013 que Janine Dardenne Adams, née le 6 mai 1925 est décédée le 2 février 2011 à Brookhaven.


Immédiatement après son atterrissage, Walters est emmené par les Tilkin, père et fils.
Walters pose devant cette photo exposée au Mighty 8th Air Force Museum à Pooler, Savannah, Georgia.

Quelque part en Belgique en 1943 : debout de gauche à droite : Kenneth Fahncke, Joseph Walters, et Roy Claytor.
Cette photo a servi à découper leurs photos d'identité.

Joseph Walters a fêté ses 100 ans le 16 juillet 2013 à West Mifflin, Pennsylvanie… en jouant au golf. Il a été interviewé à cette occasion par Dave Crawley de CBS Pittsburgh.

Joseph Walters, décédé en septembre 2016, repose au Jefferson Memorial Park & Cemetery à Pittsburgh, Pennsylvanie, USA.



(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters