Dernière mise à jour le 29 avril 2021.
Raymond James NUTTING Jr. / O-738012
213 Mountain Avenue, Piedmont, Alameda County, Californie
Né le 10 février 1918 dans le Michigan / † 12 mars 1991 à Piedmont, Californie
2nd Lt, 100 Bomber Group 350 Bomber Squadron, copilote.
Atterri à près de Munsterbilzen, Limbourg belge.
Boeing B-17 F Flying Fortress (Forteresse Volante), n° série 42-5867, LN-O / "Alice From Dallas", abattu le 17 août 1943, endommagé par la Flak lors d'une mission sur Regensburg.
Ecrasé près de Langerlo, un peu au sud de Genk, Limbourg belge.
Durée : 4 mois
Passage des Pyrénées : le 13 décembre 1943
Rapport de perte d'équipage MACR 678. Rapport d'évasion E&E 313 disponible en ligne.
Le B-17 décolle de Thorpe Abbotts vers 06h00 du matin, heure anglaise et mène le second élément de l’escadrille volant sous le reste de la formation. En route vers l'objectif, il est attaqué vers 10h20 de front et par l'arrière, par des chasseurs allemands. Des obus détruisent l'aileron gauche et perforent l'aile en plusieurs endroits. Les moteurs fonctionnent toujours mais l'appareil perd de l’altitude, devient incontrôlable, s'embrase et le pilote donne l'ordre de l'évacuer.
Deux hommes perdront la vie : le mitrailleur arrière S/Sgt Edmund A. Musante, dont le parachute s'est pris dans le stabilisateur horizontal au moment où il a sauté, mort dans l'explosion de l'appareil ; le mitrailleur ventral Sgt William M. Hinton, probablement resté trop longtemps à bord pour aider Musante. Tous deux ont été inhumés le 20 août 1943 au cimetière de l’aérodrome de Sint-Truiden / Saint-Trond. La dépouille de William Hinton a été exhumée après la guerre et il repose à l’Ardennes American Cemetery à Neupré, près de Liège. Les restes d’Edmund Musante ont été rapatriés aux Etats-Unis en 1949. Ils reposent au Mount Saint Peter Catholic Cemetery à Derby, New Haven County, Connecticut.
Le navigateur 2nd Lt Oscar C. Amison Jr, le mitrailleur gauche S/Sgt Clifford Starkey et le bombardier 2nd Lt Kenneth R. Lorch seront fait prisonniers. Lorch ne le sera qu'après avoir échappé pendant huit mois à la capture. Il passe trois mois à Paris et se fera appréhender en avril 1944 à Bordeaux, son hébergeur français étant ultérieurement exécuté par les Allemands.
Outre Raymond Nutting (la présente fiche), quatre autres hommes parviendront à s'évader : Roy Claytor, Charles Bailey, John Burgin et William Quinn.
Raymond Nutting atterrit à 25 mètres de son pilote Roy Claytor, au milieu de plusieurs dizaines de Belges qui le débarrassent de son équipement. Il déclare qu'il reste avec Claytor pendant les trois semaines suivantes (Claytor parle de plusieurs jours) et que le reste de son récit d'évasion est identique.
Le rapport d’évasion de Nutting ne donne pas beaucoup de détails, celui de son pilote Claytor apportant davantage de précisions : à peine se trouvent-ils au sol que Claytor et Nutting voient une centaine de Belges qui viennent les saluer et les nourrir en leur amenant des vêtements civils. Dans l'après-midi, ils sont amenés à un moulin par un jeune homme, se cachent dans des arbres et dorment dans la grange. Ils se cachent encore le 18 août dans des bois, puis deux hommes parlant anglais, William et Henri COLLETTE, de Liège, les prennent à vélo chez des amis le soir du 18. Les deux coéquipiers sont en fait recueillis par le baron Marcel DE RUYTER et sont conduits par lui le 17 août chez Ghislain MICHELEMS (62 Rue Bas-Rhieu, Liège) de la section KREMER de Liège.
Le 21 août, trois hommes (dont Edmond BORSUT) les conduisent à Liège chez un fleuriste. Ils vont alors chez Charles KREMER, chiropraticien au 3 Rue des Prémontrés à Liège, où habite sa mère, Célestine. Six Américains s'y trouvent : Joseph Walters, le S/Sgt E. C. King (PoW), le S/Sgt William P. Kiniklis (E&E 508) et le T/Sgt Thomas R Moore (E&E 332) du 381BG/535BS (B-17) 42-3225 "Chug-A-Lug Lulu" évadés respectivement via les Pyrénées par Bourgogne et par Shelburne à Breiz-Izel en janvier 44, Kenneth Fahncke, un mécanicien [le T/Sgt Otto F Bruzewski (également évacué par Bourgogne et les Pyrénées en janvier 1944 - E&E 320) de l'équipage de Kiniklis et Moore] et un Sgt RAF [probablement le Sgt J.D.H. Carleton, du Stirling EE905 abattu le 30 juillet 1943 - évacué via la Bretagne en janvier 1944 - SPG 3318/1720.]
Peu de jours après, Claytor y voit apparaître son bombardier, le 2nd Lt Kenneth R. Lorch. C'est un certain Victor (vraisemblablement Victor SALLE, du 271 rue de Tilff à Angleur) qui établit leurs faux papiers. Claytor est séparé de Nutting après quelques jours et ne l'a plus revu par la suite.
Nutting restera chez les KREMER du 21 août au 29 septembre puis sera hébergé chez le baron Marcel DE RUYTER au Quai Orban à Liège jusqu’au 27 octobre. Il ira ensuite à nouveau chez les KREMER, jusqu’au 22 novembre. Conduit par Edmond BORSUT, Nutting part ensuite loger chez Paul FREROTTE, un résistant du MNB, habitant "13 Rue de Mambourg" à Liège selon la liste des Belgian Helpers établie après la guerre en vue de l’attribution de récompenses. C’est alors qu’il loge chez FREROTTE qu’il est rejoint par son coéquipier John Burgin. Tout comme Burgin, Nutting sera également aidé par Victor VAN DEN SANDE, habitant 13 Rue de Visé à Bressoux-Liège. Arrêté par la suite, VAN DEN SANDE trouvera la mort à 28 ans le 26 février 1945 au camp de Dora en Allemagne. Marcel DE RUYTER et Charles KREMER, quant à eux, seront arrêtés le 11 décembre 1943 et tous deux fusillés à la Citadelle de Liège en 1944.
"Charlie" KREMER conduit Burgin et Nutting à une gare à Liège le 23 novembre, les remet à un autre homme, qui les remet à un autre plus loin, jusqu'à rencontrer Jeanne MACINTOSH et Aline DUMONT "Michou" qui les prennent en région bruxelloise. Ils sont remis à François HANSSENS, 12 Tulpenlaan à Hal. [ Note : Jeanne MACINTOSH, qui habitait à Londres, était venue en visite juste avant le début des hostilités chez cet oncle garagiste et son épouse Marie. Vu l’invasion allemande et l’occupation du pays, elle n’eut pas l’occasion de rentrer en Angleterre. Robert GOFFAUX étant Résistant, Jeanne était entrée elle aussi dans le circuit, recueillant des informations militaires et, à partir de 1942, aidant des aviateurs dans leur évasion et les faisant parfois héberger chez son oncle Robert GOFFAUX au 107 Chaussée de Mons / Bergensesteenweg à Lembeek (Halle). Robert GOFFAUX et Jeanne MACINTOSH seront arrêtés le 10 décembre 1943 en même temps que deux aviateurs, Frank Andrews et Ronald Stokes (voir les pages de ces aviateurs) ].
Nutting passe ensuite en France grâce à François BOURLARD de Frouennes et Georgette DIEU, d’Erquennes, tout près de la frontière. Il est aussi aidé par Henriette HANOTTE.
Dans son E&E, Nutting rapporte que le pont de chemin de fer au-dessus de la Meuse à Liège est métallique (observation du 21 août). Il observe des cibles autour de Liège en fin août, septembre, octobre et début novembre. Il rapporte aussi un aérodrome à Aische-en-Refaille, où 2.000 Japonais sont dits séjourner et où 20.000 seraient attendus dans un ultime effort pour une offensive vers le Royaume-Uni (selon une rumeur qui lui est parvenue en novembre). Il observe, le 23 novembre que le nœud ferroviaire de Bruxelles n'est pas encore réparé. Il observe des Me 109 qui atterrissent à Compiègne le 26 novembre.
Nutting, vraisemblablement guidé en train depuis Bavay, arrive à Paris. Il est logé à Paris dans le groupe de Fernande ONIMUS-PHAL chez Annie LELU au 137 Avenue du Général Michel Bizet à Paris XIIe. Elle est la cousine germaine de Gérald SCHRADER, convoyeur qui lui amène Nutting du 13 Rue Gérando, également dans le XIIème, où il habite avec ses parents. Annie LELU reconduira ensuite Nutting chez William SCHRADER, le père de Gérald.
Quittant Paris en train au soir du 10 décembre, Nutting arrive à Bordeaux le lendemain à 5 heures du matin, ayant vraisemblablement voyagé dans le même train que Burgin, et il rejoint John Maiorca et James Elliott.
De Bordeaux, les 4 hommes prennent un train pour Dax où ils suivent leur guide vers des vélos, qu'une femme est occupée à préparer. Burgin et Nutting doivent suivre la femme, les deux autres suivant l'homme, et ils partent vers Bayonne. Hors de la ville, la guide les fait attendre et va chercher un pain. Il commence à pleuvoir à verse et ils sont vite trempés. Rejoints par les autres, ils entrent dans un bois et y cassent la croute : du pain et du miel.
Les collines deviennent escarpées et ils doivent parfois marcher en poussant leurs vélos. Il pleut toujours et il fait froid. Après cinq heures, les guides font une seconde halte "pain et miel". Ils passent le long de nombreux groupes de forçats, encadrés par des soldats allemands. Après une solide montée, ils se laissent aller dans la descente mais doivent négocier un virage serré, où deux Allemands viennent en sens inverse. Burgin dérape à cet endroit et entre en collision avec ces deux soldats allemands qui l'aident à se remettre en selle. Le trajet dure 14 heures et la nuit tombe. Ils passent Bayonne et montent une colline. Ils arrivent enfin à destination et sont poussés vers l'étage de l'auberge Larre de Jeanne Marthe MENDIARA à Sutar, faubourg d’Anglet au sud de Bayonne. Après avoir ingurgité du pain et du lait chaud, ils vont dormir, exténués.
Le dimanche 12, les aviateurs se lèvent à 5 heures et partent rencontrer leurs guides basques. Ils laissent leurs manteaux qui risquent d'être trop pesants pour la journée de marche. Après une heure de marche avec le guide en direction des Pyrénées, ils quittent la route et entrent dans les broussailles. Juanito BIDEGAIN leur présente Michel ECHEVESTE qui les emmène vers les montagnes. Le terrain est détrempé, les branches les fouettent, les épines déchirent leurs vêtements et leur peau. La pluie recommence à tomber. Burgin, qui a encore des pilules de benzédrine , les partage avec les autres.
Ils marchent tantôt sur le l'herbe, tantôt parmi des rochers. Ils passent un endroit dangereux (probablement la carrière de Pinodiéta). Le guide ne zigzague pas, allant droit devant lui. Les évadés sont bientôt couverts de boue suite à leurs glissades. Ils traversent une route lors d'une descente. Vers 15 heures, ils arrivent à une ferme. Ils y reçoivent encore du pain et du lait.
Ils attendent 17 heures pour se remettre en route. Au fond d'une vallée, ils traversent un ruisseau assez important à gué, de l'eau jusqu'à la taille. La pluie se transforme en neige. Vers minuit, ils arrivent à une ferme isolée. Ils y reçoivent du vin. C'est le dernier arrêt avant l'Espagne. Ils grimpent en haut d'une crête et redescendent, suivant un chemin boueux où leur marche est beaucoup plus aisée. Ils voient un petit village au fond de la vallée, les maisons blanches brillent comme des diamants (probablement Aïnhoa). Le guide va chercher un autre guide (probablement son frère Joseph Marie ECHEVESTE qui y travaille). Ils retraversent la route principale et contournent le village par les champs. Le clocher sonne trois fois. Il est trois heures ce dimanche 13 septembre 43. Ils se laissent dépasser par deux hommes qui les suivent. Ils arrivent dans un canyon étroit et voient une rivière (la Lapitxuri).
Les guides leurs disent que l'Espagne est de l'autre côté. La rivière fait dix mètres de largeur. Nutting traverse avec Burgin et ils parviennent de l'autre côté. Après le méandre, la rivière passe sous la grand-route au passage frontière de Dancharinea. Quand Maiorca et Elliot arrivent, les quatre aviateurs se rendent compte qu'ils sont seuls. Les guides sont partis, au lieu de les aider à contacter les consulats comme convenu. Il est 04hr45 à la montre de Maiorca.
C'est le 79e passage de Comète, le premier par Souraïde vers Mikelen borda, avec les seuls guides de Juanito BIDEGAIN (Michel ECHEVESTE et son frère Joseph Marie).
Les évadés frappent à la porte d'une ferme (Mikelen borda) à 200 mètres. Un homme parlant espagnol leur montre une grange à foin, où une couverture pend au mur. Ils se dévêtissent et se roulent à quatre dans la couverture et le foin, sans pouvoir se réchauffer. A 8 heures et demi, le jour se lève et un vieil homme vient prendre leurs vêtements. Il revient une heure plus tard et leur fait signe de s'habiller. Ils le suivent alors dans une large pièce, sorte d'épicerie pleine de choses à vendre (Mikelen borda est encore une venta de nos jours). La table est mise pour quatre personnes.
Une femme leur sert des œufs et du lard, du café chaud et du pain. Ils reçoivent même une orange. Ils se promènent autour de cette ferme et le vieil homme leur dit alors de le suivre. Ils sont conduits au poste des gardes-frontière militaires à 500 mètres de distance, à Dancharinea.
Ils y donnent leurs noms, grade et matricule et d'où ils se sont échappés. Ils sont alors conduits à un endroit qui ressemble à Urdax (un ruisseau traversant le village), dans une auberge (le gîte rural habituel). Des maisons blanches, des rues boueuses. Ils prennent leurs repas dans une autre maison, avec deux Français, un Basque, des Espagnols et leurs deux sentinelles : de la soupe, des pois, des pommes de terre et quelques morceaux de viande, un verre de vin et un demi pain. Au matin, ils mangent des œufs et du pain avec du lait. Ils y restent jusqu'au jeudi, jour du bus hebdomadaire.
Le mercredi, Elliott peut parler au téléphone avec le consulat de San Sebastian et Maiorca peut signaler leur présence au consul américain de Bilbao.
Le jeudi 16 décembre, les 4 hommes suivent les deux soldats le long d'un chemin en lacet qui rejoint le hameau de Telleria en haut de la colline. Le bus est plein et ils vont s'installer sur des bancs de bois avec les deux Français. Ils passent le col de Otxondo et observent des soldats cantonnés et des camps de prisonniers politiques. Ils arrivent à Pampelune et attendent le train d'Irun durant trois heures. Deux petites voitures Panhard à voie étroite du Txikito Tren les emmènent à Irun en trois heures de route.
Cela fait 7 mois que Nutting ne connaît plus que le black-out, et les lumières le fascinent. Leurs gardes les conduisent au QG de l'armée espagnole. Il est étonné de voir deux officiers allemands en uniforme passer près d'eux, dans un pays soi-disant neutre. Ils sont alors conduits dans une maison transformée en prison.
Tout comme John Burgin, Raymond Nutting arrive à Madrid le 30 décembre, y est interviewé et parvient à Gibraltar le 31 décembre 1943. Ils y sont questionnés par Donald Darling et quittent Gibraltar en avion le 4 janvier 1944, arrivant le même jour à Bristol en Grande-Bretagne.
Pour davantage de détails sur la mission elle-même, voir à https://100thbg.com/index.php?option=com_bombgrp&view=macr&id=13&Itemid=394.