Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 11 octobre 2024.

Thomas Harvey HUBBARD ("Speed") / O-380248
108 Crestwood Drive, Fort Worth, Texas.
Né le 4 décembre 1911 à Dallas, Texas / † le 19 novembre 1983 à Fort Worth, Texas.
Lt Col, USAAF 355 Fighter Group, Headquarters, pilote.
Atterri à Sibculo à 6 km au sud-est de Mariënberg, Provincie OverIjssel, Pays-Bas.
Republic P47D Thunderbolt, 42-7944, WR-P / "Speed" et "Lil'Jo", abattu le 13 novembre 1943 lors d'une mission d'escorte de bombardiers en mission sur Bremen.
Écrasé près de Laarbrug, au-delà de la rivière Beneden Regge, entre Vilsteren et Ommen, Provincie OverIjssel, Pays-Bas.
Durée : 7 mois.
Passage des Pyrénées: le 4 juin 1944.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 1449. Rapport d'évasion E&E 802 disponible en ligne.

Thomas Hubbard, engagé dans l'USAAF avant la guerre, se trouvait sur l'île de Luzon, dans les Philippines (Pacifique) lors du bombardement de sa base et de son avion par les Japonais le 7 décembre 1941. Décoré de la Silver Star pour sa participation durant la bataille de Guadalcanal du 6 au 14 octobre 1942, il sert ailleurs dans le Pacifique avant de regagner les Etats-Unis. Il est transféré à la 8th Air Force qu'il rejoint en Angleterre en juillet 1943.

Le Major Thomas H. Hubbard à droite, attendant d’être décoré de la Silver Star
par le Major Général Willard Harmon
(Iles Solomon, Pacifique Sud – 1942)

Hubbard portant la Silver Star


Le texte qui suit est composé en partie d’une traduction du rapport d’évasion E&E de Hubbard, et du récit que sa fille Myriam Hubbard Palmer a rédigé pour sa famille, sur base de souvenirs de son père, texte dont elle nous a transmis une copie en août 2024. Il a été complété par des détails provenant d’archives de Comète et autres ainsi que de ceux reçus de diverses sources ou trouvés lors de recherches complémentaires, notamment les rapports d’activités (disponibles) de certains des divers Helpers mentionnant Thomas Hubbard. Dans ces archives, des dates, des lieux et des noms d’intervenants ne sont pas toujours précisés, ou sont parfois contradictoires. Par souci de sécurité, Hubbard n’a noté que très peu de noms, ses Helpers, quant à eux, étaient comme tous les intervenants tenus au secret entourant leurs activités d’aide aux aviateurs Alliés durant l’occupation de leurs pays.

C'est la 23ème mission en Europe pour Thomas Hubbard, qui décolle ce 13 novembre 1943 vers 11h00 de Bungay pour aller avec son escadrille escorter des bombardiers B-17 au retour de leur mission sur Bremen. Alors qu'il survole les Pays-Bas, son moteur se décroche et son appareil est déséquilibré, entraînant son éloignement des formations. Hubbard s'éjecte à 7600 m, délaie un moment l'ouverture de son parachute, mais, sentant qu'il perd connaissance, actionne l'ouverture à 6000 m et, sonné, ne revient à lui que vers environ 3000 m d'altitude. Il voit des gens qui courent vers son point de chute et il atterrit à 20 m d'une ferme. Trois jeunes gens accourent et lui disent qu'il se trouve aux Pays-Bas, à environ 2 km de la frontière allemande. Assoiffé par son manque d'oxygène, il demande de l'eau et la foule qui s'était amassée entretemps le mène à une ferme où on lui donne du lait chaud.

Dans son rapport et le récit transmis par sa fille, Hubbard indique qu’arrivent alors trois gendarmes néerlandais en civil, dont l'un parle un peu l'anglais. Lorsqu'il s'adresse à ce dernier pour avoir des vêtements, l'homme lui répond de ne pas s'en faire pour l'instant, mais d'aller se cacher dans les bois jusqu'au soir, moment où il pourrait trouver de l'aide dans n'importe quelle ferme du coin. Hubbard va se cacher dans un champ à 500 m de là, tandis que l'un des trois garçons prévient les curieux de s'éloigner de l'endroit où se trouve le parachute de l'aviateur.

Le rapport d’activités de Dirk Jan PRENGER, de Sibculo D 117a à Hardenberg indique que Hubbard est arrivé chez lui le 13 novembre (jour du crash) et que SMEENK (voir ci-dessous) est venu le chercher pendant la nuit.

Peu après, Hubbard voit des Allemands trouver son parachute que le jeune garçon auquel il l'avait confié n'avait pas encore eu le temps de cacher. Le gamin indique aux soldats la direction opposée à celle où se trouve l'aviateur. Hubbard se réfugie dans les hautes herbes d'une rigole d'écoulement où la couche d'eau atteint 8 cm et il y reste de 10h30 à 18h30. L'obscurité venue, il retourne à la première ferme et retrouve un des Néerlandais qui l'avaient accueilli. C'est un réfractaire en cavale (Hubbard cite le nom de "Smeenke") avec lequel il part à vélo vers la cachette du réfractaire dans une grange à 5 km de là. Derrière de la paille commence un tunnel de 15 m de long qui mène à cet abri de fortune où Hubbard dort trois nuits avant d'être conduit par un ami de "Smeenke" chez des gens qui "organisent son évasion", pendant que des Allemands fouillent systématiquement la région. En fait, "Smeenke" est Harm Pieter SMEENK, le jeune garçon qui déclare avoir trouvé Hubbard en premier. Il habitait avec ses parents, Pieter et Titia SMEENK et six autres frères et sœurs dans une ferme à Sicbulo, près de Mariënberg, acquise par la famille en 1940. Dans leurs propres rapports, Jelle et Johanna Margaretha SMEENK, Kloosterdijk D7, Mariënberg (frère et sœur de Harm SMEENK), indiquent avoir logé et nourri Hubbard du 14 au 23 novembre 1943. La grange, le tunnel et l’abri font partie de cette ferme où Thomas Hubbard, lui, déclare avoir été caché "du 13 au 16 novembre 1943". Voir aussi l’extrait de presse en bas de page concernant Harm P. SMEENK.


La maison-ferme "Zonnehoeve", de la famille SMEENK, Kloosterdijk 37 à Sicbulo, dans les années 1920
(source : https://schukkert.com/historie/ )

Toujours selon le rapport E&E, le 16 novembre, un "Solomon" le conduit dans une maison plus loin et il y reste "jusqu'au 29", à l'exception d'une nuit passée chez un cousin. Entre-temps, les contacts des résistants locaux avec une organisation d'aide à l'évasion avaient été rompus. Un autre jeune devait l'évacuer sur Amsterdam, mais ce projet doit être abandonné. Le "Solomon" en question est le fermier Geert SALOMONS, du Bergentheim 322 à Hardenberg, un peu au nord de Sibculo. Il est repris erronément comme Solomons à la liste des Helpers néerlandais, entre Salm et Saltzherr… Arrêté en rentrant chez lui le 12 janvier 1945, il a été fusillé par les Allemands avec 45 autres, à Varssevelde, le 2 janvier 1945.

Le rapport d’activités de Geert THEISENS, Bergentheim C 299a, Hardenberg, indique à un endroit qu’il a reçu Hubbard de Harm SMEENK le 28 novembre, l’a hébergé 4 jours puis l’a remis au fermier Geert SALOMONS à Bergentheim. Ailleurs, il y est mentionné que c'est Johanna SMEENK qui avait mené Hubbard jusqu'à la ferme de THEISENS à Bergentheim… Le rapport concernant SALOMONS ne mentionne pas Hubbard. Par ailleurs, le nom de Hubbard figure dans le rapport de Arend Eilt MULDER ("Seiss") du C-144 Bergentheim à Hardenberg comme ayant été pris en photo par lui en vue de la confection de faux papiers. MULDER travaillait en liaison avec THEISENS.

Hubbard écrit que le 29, il part chez un pasteur protestant, Cornelis Ipe DIJKHUIS (Rotterdam 1911-Brummen 1968) du C 317 à Bergentheim, et il y reste jusqu'au 2 décembre. Le rapport de DIJKHUIS confirme l’arrivée de Hubbard chez lui (le 28…), amené par THEISENS… et que Hubbard reste chez lui jusqu’au 2 décembre, avant qu’il le confie à un cousin de Geerts THEISENS à Hengelo…


L’habitation du pasteur DIJKHUIS à Bergentheim, démolie depuis
(source : https://www.koningsbergerschool.nl/index.php?print=yes§ion=24)

Un Docteur POST lui dit qu'il prodigue des soins à deux Américains dans un hôpital à Bergentheim. Le rapport E&E cite leurs noms comme étant "Fenlen & ?". [En fait, il s'agit du S/Sgt Eugene L. Fennell, mitrailleur droit à bord du B-17 n° 42-37830 du 94BG/413BS, entré en collision en vol avec un autre B-17 le 13 novembre également et crashé à Ommen, à 20 km de Bergentheim. L’autre blessé pourrait être le mitrailleur gauche Francis J. Ferrick, qui s’était foulé la cheville en atterrissant et avait d’abord été caché chez les SCHOTTEN à Ommen. Fennell et ses deux autres co-équipiers furent faits prisonniers, les sept autres ayant trouvé la mort dans la perte de leur avion.] Le médecin était Hendrik Jan POST, actif dans la Résistance dans l’Overijssel. Il habitait avec sa femme Huberta au C128 à Bergentheim, avec une autre adresse, le 2de Meent à Leerdam, beaucoup plus au sud. Arrêté le 10 février 1945, Hendrik POST fut fusillé avec 116 autres personnes à Apeldoorn-Woeste Hoeve le 8 mars 1945, dans son cas pour avoir fourni des soins et des vêtements à des aviateurs Alliés. Un rapport à son sujet mentionne des soins apportés à Thomas "Habbord"… (Voir http://www.oorlogsslachtofferswestbetuwe.nl/dhr.-h.j.-post.html).

Le nom de Hubbard est repris dans le rapport de Dirk van der MEER, du 101 Kottendijk à Enschede, qui indique avoir travaillé comme convoyeur de nombreux aviateurs depuis Coevoorden, Kloosterdijk, Hardenberg et Vroomshoop vers d’autres Helpers. Il mentionne avoir travaillé en collaboration, entre autres, avec le docteur POST et SMEENK de Mariënberg, sans plus de détails précis sur Hubbard…

Albertus Josephus KOEKKOEK, Rijksweg B53, Zenderen (entre Sibculo et Hengelo) reprend le nom de Hubbard dans la liste des personnes (principalement des Français) auxquelles il a fourni de la nourriture. Une date "3.5.12" (du 3 au 5 décembre…) se trouve en regard de la mention de Hubbard.

Dans son rapport, Hubbard indique qu'il part le 2 décembre pour Hengelo et prend le train avec un jeune homme nommé Peter connu de Geert SALOMONS, qui le conduit à la maison d'un jeune garçon et sa mère. [Dans son rapport d'activités signé le 29 mai 1946, Pieter FLEURKE (adresse à l'époque, 18 Kerkstraat, Harderwijk, à 70 km à l'est de Hengelo; peut-être une nouvelle adresse après la guerre ?...) déclare avoir aidé 3 aviateurs avec l'aide de sa fiancée, Mlle A. HART, 16 Heuvellaan, Hilversum. Il indique avoir reçu Hubbard de Gerardus Jan NIEZINK ("Kleine Muis"), habitant au 21 Nijverdalsestraat à Wierden, "le 4 décembre et l’a hébergé 6 jours avant de le confier à ? de Hengelo". FLEURKE mentionne également l'hébergement de Robert De Ghetto et Stanley Lepkowski pendant 10 jours depuis le 16 décembre…]

Le nom de Hubbard figure dans la liste des dizaines d’aviateurs Alliés aidés par Jules HAECK, 115 Berfloweg, Hengelo (né le 1er septembre 1894 à Groix, France). Les documents concernant son activité ont été détruits pas son épouse, Hermana Haeck-Jolten après son arrestation en novembre 1944, peu avant son exécution. Des noms ont pu être repris dans une liste gardée par elle et Hubbard est mentionné parmi les aviateurs aidés en liaison avec Jules HAECK par Mw Stephanie MEMELOUWER-MEDWED du 16 Van Ostadestraat à Hengelo qui confirme avoir logé des aviateurs chez elle, mais aucune date n’est reprise pour Hubbard, ni aucun autre.

On retrouve également le nom de Hubbard dans le rapport de Eva SCHOENMAKER-RIJST du 27 Bankastraat à Hengelo qui déclare avoir convoyé plusieurs aviateurs dans Hengelo, leur avoir acheté des tickets de train et mené certains d’entre eux à la Gare. Hubbard figure dans la liste de ces hommes avec la date "2.12.43", sans autres détails...

Hubbard est repris parmi les 17 aviateurs qui auraient été personnellement guidés par Hubert Alphons GERARD, 64 Dennenbosweg, Hengelo… Impossible de vérifier la chose, d'autant plus que dans son rapport, GERARD indique qu'ayant été "arrêté en septembre 1943 et détenu jusqu'en mars 1944" il n'a pas pu être actif durant cette période…


Norman Michie, Harold Shepherd et Thomas Hubbard à la ferme des BARDOEL – Décembre 1943
(photo : famille Bardoel, Sterksel)

A la ferme BARDOEL, Sterksel, décembre 1943. Debout de gauche à droite : Anna BARDOEL-VAN de RIJDT (grand-mère de Harrie Bardoel);
Johanna et Fons (ses tante et oncle); Willem J. BARDOEL (son grand-père); Harold Shepherd; Thomas Hubbard;
Toon (son oncle) avec devant lui ses fils Toon et Theo (le père de Harrie); à l’extrême droite, Norman Michie.
Devant, de gauche à droite : 3 Hollandais se cachant des Allemands (Sjef, Jan et Kees) et Fien BARDOEL, fille de Anna et Willem.
(Photo prise par Marie Bardoel, tante de Harrie, née en juillet 1924)

La ferme (rénovée et vendue depuis) au 51A à Sterksel (adresse actuelle: Beukenlaan 28.)

Le rapport de Hubbard, quant à lui, reprend la date du 4 décembre, le jour où ils partent en train jusque Venlo (par Arnhem). A la gare de Venlo, un autre guide le mène dans une maison, puis en vélo à Roermond jusqu'à un endroit où se trouvaient beaucoup de prêtres. L'un d'entre eux le mène chez lui à Horn (Noord-Brabant), où il reste "jusqu'au 11 décembre". Il s’agit du kapelaan H. L. J. JANSSEN, chef de l'organisation d’aide aux aviateurs et autres réfugiés à Roermond et environs, finançant les transports et apportant du soutien moral aux évadés. Un rapport à son sujet mentionne qu’il a caché plusieurs aviateurs chez lui à Horn, dont le Colonel Hubbard, sans autres détails. Par ailleurs, selon le rapport de Leonardus LINTJENS, B84 Eindstraat à Horn, il aurait reçu Hubbard de Frans VERBRUGGEN de Roermond (qui travaillait avec le Kapelaan JANSSENS) et l’aurait hébergé "pendant ±21 jours en décembre 1943", avant de le remettre au Kapelaan van GESTEL de Hunsel / Neeritter…

Hubbard passe la nuit suivante (selon lui, du 11 au 12 donc…) à Weert. Piet RAEMAEKERS, du 20 Coenraad Abelstraat à Weert, rapporte qu’il a reçu Hubbard de Paul COOLEN de Eil (?) "le 10 décembre et l’a hébergé pendant 2 jours"… Hubbard déclare que le 12 décembre il est mené à Sterksel, près de Eindhoven. Il loge là chez la famille BARDOEL, mais ne mentionne pas qu’il s’y trouvait avec 2 autres aviateurs évadés. En juillet 2019, Harrie Bardoel, de Sterksel, ayant trouvé nos pages pour 3 aviateurs cachés par sa famille (Hubbard, Harold Shepherd et Norman Michie) nous apporte des détails sur sa famille. Ses grands-parents, Willem J. et Anna BARDOEL, à l‘époque fermiers au 51A à Sterksel, ont hébergé les 3 évadés dans leur ferme du 12 au 17 décembre 1943. [leurs rapports, retrouvés aux archives des Helpers Néerlandais, indiquent du logement chez eux pour Hubbard "pendant 5 jours depuis le 14 décembre"…] Selon les informations de Harrie Bardoel, les 3 hommes y avaient été amenés par J.A.M. van DOORN, de Wiel 6, Helmond, Bernardus te BOEKHORST du D.48 à Sterksel et Adriaan KOOREN, policier, du D.44b également à Sterksel. Retrouvés dans les archives, les rapports de ces hommes ont pu être consultés. Il en ressort que van DOORN, tout comme te BOEKHORST confirment la fourniture de logement, nourriture et vêtements à Hubbard, Shepherd et Michie, de même que des vélos; quant à KOOREN, son rapport n'apporte aucune confirmation… Aucun des trois ne donne de durée de logement ou transport ni de dates… Par ailleurs, dans son rapport, Franciscus (Frans) van RIEL, policier, habitant au 44 Burgemeester Wijnenstraat à Asten (à 10 km au sud-est de Helmond), mentionne seulement dans son rapport qu’il a donné trois costumes à Hubbard et qu’il l’a convoyé vers la Belgique...

Hubbard déclare que le 17, il part à vélo à Maarheeze escorté par 5 policiers (Maréchaussée?) venus de Weert. Il ne mentionne pas si Shepherd et Michie sont également du voyage. A Maarheeze, il reste dans la cave d'un endroit appelé "De Rode Kar" (the Red Wagon), un wagon de chemin de fer reconverti en logement de deux pièces, parqué à l'arrière de la ferme de la famille SNELDERS au Vogelsberg, et c'est à partir de ce moment qu'il se rend compte qu'il est vraiment pris en charge par une organisation connaissant un réseau. Là on lui demande son nom, grade et matricule et il doit remplir un questionnaire succinct, tous renseignements devant être transmis aux chefs de l'organisation en Belgique pour vérification par télégraphe avec Londres. Des photos d'identité de son kit d'évasion doivent également être fournies en Belgique. La lecture d'un dossier et de rapports au sujet du Groupe "De Vrijbuiters" de Maarheeze, nous apprend que la cave en question se trouve chez le chef du groupe, Hendrikus Leonardus ("Harrie") SEMLER et sa femme Catharina ("Trien", née HENDRIKS) au Vogelsberg à Maarheeze.

Dans une partie de son rapport, sans donner de date, Hubbard déclare avoir séjourné un temps dans une cave en compagnie d'un Russe évadé de passage, d'un Américain (il s'agit de Francis McDermott) et de deux Canadiens, le mitrailleur Norman Michie et le pilote Harold Shepherd (ces 2 derniers étant cités pour la première fois à ce moment dans le rapport de Hubbard), le but étant de les faire franchir ensemble la frontière du côté de Hamont. Des instructions venant de Bruxelles disent d'envoyer Hubbard seul. Ceci est dû aux injonctions de Londres, transmises par radio, en vue de donner une priorité à Hubbard, étant donné son grade et ses informations militaires. Dans son rapport, Hubbard indique qu'il pense que McDermott est parti se promener et a alors soit disparu, soit été fait prisonnier...


"De Rode Kar", Maarheeze, peu après la guerre
(source : https://beeldbankwo2.nl/nl/beelden/detail/4fb715bc-025a-11e7-904b-d89d6717b464/media/077e7630-3170-3e66-eb11-c4615213ead8)

Le Kapelaan L. W. WEIS, du 250 Wilhelminastraat à Thorn (entre Weert et Echt), mentionne un convoyage de Hubbard et reprend, en liaison avec le secteur de Roermond, les noms du Kapelaan JANSSENS et de LINTJENS (cités plus haut), sans autres précisions.

Le Kapelaan Emile Antoon Felix GOOSSENS ("Oom Charles"), du 10 Gasthuisstraat à Echt, avait organisé de l’aide aux aviateurs avec le Kapelaan JANSSENS et "Pater Bertrandus", le surnom de Jan Arnold Leo DAMEN, du 10 Annendaalderweg à Echt. Ce dernier avait aidé 30 aviateurs (transport, nourriture…), mais il n’avait noté les noms que de Ross Repp, "Borrows" et "Porters", indiquant ne pouvoir identifier les autres. On peut supposer que Hubbard était du nombre. [Ross Repp et Robert Burrows ont leur propre page sur le présent site; Donald Porter était à bord du 42-31273 et a rejoint l'Angleterre par un autre réseau.] Le kapelaan GOOSSENS, qui avait des contacts avec Petrus SYMONS de Maastricht pour le convoyage des aviateurs depuis Echt, a été arrêté le 29 juin 1944 et interné au camp de Vught avant d’être déporté vers l’Allemagne. Prisonnier n° 58844, il est décédé à 41 ans en mars 1945 à Bergen-Belsen.

Pieter Gerardus MARANG du 28 Turfsingel à Gouda, ayant une adresse à Echt : 3 Aasterbergerweg, a transporté plus de 50 aviateurs de Hengelo jusqu’à Echt. Il faisait partie du Groupe de Jules HAECK (cité plus haut) comme principal adjoint de ce dernier. Mathilda Maria RUIKES-TUMMERS du 5 Kreyerstraat à Echt indique avoir reçu Hubbard de Pieter MARANG et l’avoir logé pendant 1 ou 2 jours avant de le confier à son frère Harry TUMMERS, Asterbergenweg 3 à Echt. Ce dernier l'a remis ensuite à Frans VERBRUGGEN du 27 Minderbroederssingel à Roermond, militaire de réserve et chef de l'aide à l'évasion en région de Roermond. La liste des aviateurs reprise dans son dossier ne reprend pas Hubbard, mais il déclare que tous les noms n'y sont pas repris… C'est également le cas pour son plus proche assistant, Remko ROOSJEN, 4b Bisschop Boermansstraat, Roermond, qui travaillait également, entre autres, avec le Kapelaan JANSSENS de Horn. ROOSJEN s'occupait principalement du transport d'évadés en région de Roermond et il est probable, mais non vérifié, que Hubbard était parmi eux…

Lautent HEUKESHOVEN, de la Gastelscheweg, Budel (à 5 km au sud-ouest de Maarheeze), membre d’aucune organisation, reprend le nom de Hubbard à la liste des 21 aviateurs qu’il a guidés à vélo ou à pied depuis Maarheeze jusqu’à la frontière belge, avant qu’ils soient confiés (par d'autres) à Louis-Willem VROLIX et Hubert PEETERS à Hamont (voir plus bas). Pas de dates ni d'autres détails…

Par ailleurs, dans son propre rapport, Marinus Johannes DIERKS, Sergent Major, Maréchaussée, Hulsel C.15, Lage Mierde (à l'est de Eindhoven), déclare que le 25 décembre 43, il a "guidé Hubbard avec SEMLER vers la Belgique pour le remettre à Louis VROLIX à Hamont"…

Willem VERMAZEN ("De Lange"), gendarme ("Maréchaussée"), de Rotterdam, en poste à Maarheeze et membre du Groupe des "Vrijbuiters" de Hendrikus SEMLER, reprend Hubbard (de même que Shepherd et Michie), sans donner de date, dans la liste des aviateurs qu'il a guidés depuis Maarheeze et aidés à traverser la frontière avec la Belgique, en compagnie de SEMLER et LUYENDIJK. Le rapport concernant un Jan LUYENDIJK, de Loosduiven, sergent dans le Corps des Transports, mentionne qu'il a effectué des convoyages d'aviateurs vers et à travers la frontière belge, de fin 1943 à début 1944, sans qu'il puisse citer de noms ni de dates…

Hubbard et les autres sont repris comme réceptionnés du côté belge par Louis-Willem VROLIX, Peter MOORS et Hubert PEETERS, tous trois de Hamont.

Hubbatd est cité dans le texte repris de la page 302 du livre de Jozef Bussels “De doodstraf als risico  : pilotenhulp in Belgisch Limburg 1941-1944” (1981). Nos recherches sur les noms qui y sont cités nous ont amené à en déduire ce qui suit : Il se confirme que l’importance à assurer la sécurité de Hubbard, vu son grade, apparut rapidement à Hubert PEETERS de Hamont, après qu’il fut entré en contact avec lui à Kelpen-Oler, au sud-est de Weert (NL) où la Résistance néerlandaise avait amené le pilote. Selon les déclarations de PEETERS citées par Bussels, un message fut envoyé par radio à Londres au sujet de Hubbard via l’émetteur secret utilisé par un agent parachuté (Bob ou Jacky) qui se trouvait chez Jaak (Jacques, Jacobus…) HULSBOSCH au 2 Winterstraat à Hamont. La réponse qui arriva confirma l’avis de PEETERS, qui avisa alors tout le monde d’appliquer la plus grande prudence. Hubert PEETERS aide ensuite Hubbard à passer la frontière pour le conduire chez Frans WIJNEN ("Bosen Straat" ?) à Hamont. De là, il a été convoyé par Mme ROYERS (Anna-Mathilde MARTENS), puis par ( ?) pour être conduit chez Lambert SPOOREN (56 Haspershoven) à Overpelt. Hubert PEETERS, Frans WIJNEN et Marcel ROYERS étaient tous trois membres des groupes de Résistance "Heidemaatschappij Weert (NL)" et "Groep Noord-en-Midden-Limburg en Oost Brabant (NL)". Le nom de Hubbard figure dans une liste d’aviateurs aidés par la Veuve Maria SPELTERS, née VAN SCHAZE en 1878, et habitant Haspershoven à Overpelt.


Une photo montrant des personnes identifiées par Peter Loncke et l’aviateur Sgt Frederick E. Allen
(mitrailleur dorsal du Halifax JN974 abattu le 20/12/1943 - évadé SPG 3325/2874) comme étant, de gauche à droite :
Marcel ROYERS, son épouse Mathilde, née MARTENS, Fred Allen, Alda SPOOREN et Leopold ROYERS, fils de Marcel et Mathilde
(Photo de https://www.henk-weltje.nl/index.php/5-genealogie/weltje-categorie )

Selon le rapport de Hubbard, le 26 décembre, "un policier (douanier)" belge prend donc le seul Hubbard pour le faire passer en Belgique et le confier à la frontière à d'autres policiers belges. Dans une lettre du 22 avril 1946 de P. WYNEN adressée à Thomas Hubbard et dont Myriam Palmer, la fille de ce dernier nous a transmis copie en avril 2021, il est indiqué que Hubbard a été amené chez les WYNEN depuis la frontière néerlandaise par 3 hommes de Hamont : Louis-Willem VROLIX (de la Budelpoort), Peter MOORS (du 12 Hoogstraat) et Hubert PEETERS, cité plus haut. Hubbard reste du 26 au 28 décembre chez les WYNEN, avant d’être remis à Marcel ROYERS à Neerpelt.


Hubbard est ensuite logé chez un cordonnier d'Overpelt (il s'agit de Lambert SPOOREN) où il rencontre un homme qui lui semble être le chef d'un groupe sous l'indicatif LBC-11. Cet homme - 1,70m, environ 60kg, les cheveux bruns clairsemés, le genre calme - le guide à Bruxelles le 4 janvier 44. Il s’agit de Marcel ROYERS, 18 Clerxhoevestraat à Pelt/Neerpelt, accompagné pour ce voyage par Mathieu VANDERFEESTEN, également de Neerpelt. Hubbard ajoute que le cordonnier avait un frère et qu'eux deux avaient caché d'autres Américains (4 ?). Il se confirme que le code VN/AL/B/C/11 est bien celui de Marcel Joseph Edouard ROYERS. Les SPOOREN, Lambert, Michel et Theo, sont tous les trois repris à la liste des Helpers belges comme habitant à des numéros différents au Haspershoven à Overpelt. La lettre ci-dessus mentionne que, comme beaucoup d’autres membres du Groupe, Hubert PEETERS et Marcel et Anna-Mathilde ROYERS furent arrêtés par la suite. Dans un rapport concernant ces derniers, il est signalé par Marcel qu’Anna "a guidé personnellement et seule le Colonel Hubbard depuis la frontière belgo-hollandaise jusqu’à Neerpelt"… Le couple renseigne également une adresse à Bruxelles : 1 Avenue Marie-José à Woluwé-Saint-Lambert. Les époux ROYERS ont été arrêtés le 1er juillet 1944. Après avoir été internée à Hasselt, Saint-Gilles, Anna a été déportée au camp de concentration de Ravensbrück, dont elle est revenue le 12 mai 1945, ne pesant plus que 40 kg. Quant à Marcel, passé par les prisons de Lille (Limbourg), Hasselt, Breendonk, il s’est retrouvé au camp de concentration de Buchenwald (prisonnier n° 76088) où il a subi de sévères traitements. Rentré lui aussi très affaibli en Belgique le 7 mai 1945, il est arrivé chez lui à Neerpelt le 11. Dans le rapport des services Alliés concernant le couple, il est fait mention qu’ils sont décédés peu après leur retour des camps (pas de confirmation).

Arrivé à Bruxelles, Hubbard indique avoir rencontré un "Pierre" (voir ci-dessous) qui lui dit qu'il devra rester 2 ou 3 nuits à Bruxelles. Il va dormir deux nuits chez Henri PAULUS, 395 Rue Vanderkindere à Uccle et pendant son séjour on le mène dans un garage pour y être pris en photo. Ceci se passe le 4 janvier, dans le laboratoire aménagé dans son sous-sol par le garagiste Fernand VAN ELEGEM, du 13-15 Avenue des Celtes à Etterbeek, voisin du poissonnier André DUCHESNE au n° 5 de l’avenue, qui prenait les aviateurs en photo. VAN ELEGEM se chargeait ensuite de développer les clichés et d’imprimer les épreuves. Selon EVA, c'est un négociant en charbons de la Rue Vanderkindere à Uccle qui l'héberge et ce doit donc être ce PAULUS, Hubbard notant un bâtiment officiel allemand dans la même rue. L’Almanach de Bruxelles pour 1939 confirme que H. Paulus était bien négociant en charbons à l’adresse ci-dessus.

Trois semaines passent et "Pierre" lui dit qu'il doit maintenant lui aussi se cacher et qu'il cherche une autre ligne. Louis Émile BERINX, habitant Ixelles, du réseau Tybalt d'André Wendelen et adjoint de Charles Gueulette signale Hubbard et le convoie chez les sœurs GOOVAERTS en janvier 44. Joséphine et Irma GOOVAERTS, du 76 Rue Charles Degroux à Etterbeek, reprennent le nom de Hubbard parmi sept aviateurs aidés. Elles indiquent que, connaissant l'anglais, leur rôle se bornait à servir le thé, des repas et distraire les aviateurs qui leur étaient amenés par Paul HELLEMANS ("Philippe"). Ce dernier renseigne Hubbard comme reçu de Louis BERINGX (sic) le 4 janvier 1944 et évacué plus tard par une autre ligne à la suite de l’arrestation de ce dernier. Selon Henri MICHELLI, son ami Louis BERINX, qui se faisait appeler "Pierre Paepens/Pappens", faisait partie avec lui du Groupe G. Il fut également impliqué dans la ligne Félix. La liste des Helpers Belges reprend Louis BERINX au "53 Rue de Lorge, Brussels - NIL" - Il s’agit en fait de la Rue de l’Orge à Ixelles, devenue Rue des Liégeois après la guerre.

Quatre autres semaines passent sans que Hubbard ne revoie BERINX (qui s'avère être le "Pierre" dont il parle) ou n'aie de ses nouvelles. Un homme aux cheveux foncés, mince, se présente et lui fait remplir un questionnaire, après quoi il lui annonce qu'il partira en avion dans 3 jours avec deux autres. L'individu revient dire après 2 jours qu'il sera plutôt dirigé vers le Sud de la France. Une heure avant celle fixée pour son départ, Hubbard s'entend dire que Londres a dit d'attendre une vérification supplémentaire, ce qui selon Hubbard fait que les relations avec l'homme sont rompues. La situation est confuse et il semble que personne ne puisse rien prévoir.

Un homme, qui vendait du charbon au négociant Henri PAULUS, ayant entendu prononcer le nom de Hubbard, envoie le beau-fils de PAULUS, habitant tout près, auprès de Hubbard. Le beau-fils, Jean NOOTENS, habitant au 15 Rue de la Primevère dans le quartier, parle anglais, revient souvent voir l'aviateur et, ayant retrouvé "Pierre" BERINX, évoque auprès de celui-ci la situation de Hubbard. BERINX, assez nerveux, dit que Hubbard doit être évacué immédiatement. Nous avons eu confirmation, à la lecture du rapport de Jean NOOTENS, que ce dernier passait tous les jours chez les PAULUS, ses beaux-parents, pour parler avec Hubbard dans sa langue et lui remonter le moral. Il ajoute que pendant toute la durée de son séjour chez les PAULUS, le colonel avait fait preuve d'une patience et d'un effacement complets.

Selon son E&E, c'est le 26 février que Hubbard va alors loger chez une veuve, dont son rapport reprend le nom comme étant "BALLIEU", et dont le mari a été tué au premier jour de la guerre. Il s'agit ici soit d'Anne RADERMACKERS, veuve de Frédéric Julien BALIEUX, au 213 Avenue Kersbeek à Forest, soit de Joséphine BAILLIEUX, veuve BOURGUIGNON, au 142 Avenue Louise à Bruxelles. Selon Hubbard, les occupants de l'étage du dessous sont réputés comme étant des "Quislings" (pro-Nazis) Il reste chez cette veuve pendant 3 jours. Le 29 février, Hubbard va chez des amis de cette dame, Alphonse ROSIERS, son épouse Augusta et leurs deux filles, Nelly, 19 ans et Josée, 17 ans, au 20 Rue des Coquelicots à Etterbeek. Alphonse était chef de rayon aux grands magasins "Au Bon Marché", en ville et Nelly y était employée comme assistante du service achats de vêtements féminins. Dans ses souvenirs, Thomas rapporte qu'il faisait nuit lorsque Nelly lui ouvrit toute grande la porte de l'immeuble. Elle l'accueillit en anglais "Come in, please", lui disant "Sit down, please" lorsqu'ils furent dans le salon. A peu de termes près, là se limitait sa connaissance de la langue du visiteur. Il lui fut assigné une chambre au 2ème étage ("3rd floor" pour lui) et on lui apprit comment s'échapper vers le toit via la porte du grenier et rejoindre le toit de la maison voisine pour s'y cacher. Une autre cachette était derrière un tas de charbon dans la cave. Pour rompre la monotonie, Nelly l'emmenait promener dans le quartier, malgré le danger et dans une confiance réciproque absolue. L'amitié entre les deux jeunes gens se renforça au fil des semaines, avec l'aide notamment d'une pile de disques, un vieux phonographe et un dictionnaire français/anglais. Lorsque vint le temps pour lui de quitter la famille ROSIERS, Thomas demanda aux parents la main de leur fille aînée, promettant de revenir les voir après la Libération.

Pendant son séjour là, un représentant de BERINX vient lui rendre visite une fois par semaine et il apprend que la ligne vers l'Espagne est coupée et que l'on doit trouver une autre formule. Hubbard demande alors s'il peut tenter sa chance seul et on lui dit que ce serait trop dangereux. Vers la fin du mois d'avril, le représentant de BERINX vient lui annoncer que ce dernier et tous les membres de l'organisation ont été arrêtés suite à la présence de quelques espions infiltrés dans le réseau, ajoutant qu'il reprendrait contact. Thomas Hubbard a été hébergé du 29 février au 4 mai chez la famille ROSIERS.

Dans le rapport de Fernand MAES, et son épouse Olympe, née HUYGENS, locataires des ROSIERS au premier étage du 20 Rue des Coquelicots, il est fait mention qu'ils prenaient Hubbard chez eux lorsque les ROSIERS devaient s’absenter ou recevaient des amis (habituellement les mardis soir). De plus, les samedis, jours de passage de leur femme d’ouvrage, ils invitaient Hubbard chez eux pour prendre des repas ensemble, Hubbard ne descendant chez les ROSIERS que vers 16h00… Fernand MAES, connaissant l’anglais, rendait ainsi lui aussi le séjour de Hubbard plus agréable.

Le 4 mai 1944, via LHEUREUX, Hubbard est pris en charge par EVA. Albert LHEUREUX, du 27 Rue Léopold Courouble à Schaerbeek, est repris comme ayant guidé 12 aviateurs en avril/mai 1944 et leur avoir procuré des vêtements. Les noms des évadés ne sont pas repris dans le rapport établi concernant LHEUREUX par "Mr Gaston de Comète" (Gaston MATTHYS), mais il est vraisemblable que Hubbard ait été du nombre. C'est à EVA que Hubbard est rejoint par Donald Willis. Hubbard est renseigné comme étant hébergé chez Yvonne BIENFAIT (infirmière à l’Hôpital de Schaerbeek) au 35 Rue Guillaume Kennis à Schaerbeek du 4 au 29 mai 44. Le nom de Hubbard est repris dans la liste des aviateurs aidés et/ou hébergés par Henri MACA, responsable d'une cellule de logements pour Comète, et sa sœur Maria au 31 Avenue du Val d’Or, Woluwé-Saint-Pierre. Il n'est pas confirmé que Henri et Maria aient effectivement logé Hubbard chez eux. Henri a été arrêté le 27 mai 1944, mais n'a pas été déporté (libéré lors de l'arrivée des Alliés à Bruxelles).

Dans le rapport d'évasion de Hubbard, la page 10 reprend le texte de deux messages qui lui avaient été remis par "un fermier en Hollande". Dans son récit, bien ultérieur, il indique qu’avant de partir pour la France, il avait reçu à Bruxelles, un paquer de documents comprenant des cartes et des informations quant à l’emplacement d’installations allemandes, à remettre aux autorités lors de son retour en Angleterre. Des instructions spéciales concernaient des messages qui devaient, dès son retour, être diffusés sur les ondes de la BBC, lors de l'émission du matin en français : "Cowboy Tom is over" et "All is well for little Nell". Il ne fait de doute que "Cowboy Tom" fait référence au Texan Thomas Hubbard et "little Nell" est Nelly ROSIERS d'Etterbeek. Tant Gaston (MATTHYS) qu'Yvonne (BIENFAIT) étaient au courant de la teneur de ces messages.

L'E&E indique également que Willis et Hubbard devaient partir le 7 mai, par groupes de 6, mais que, vu son grade (Lt Colonel), Hubbard devait partir en priorité et seul. Il reçoit des faux papiers et des instructions, le but étant de le faire voyager en chemin de fer vers Paris. Gaston MATTHYS lui apprend qu'il y a dans la région bruxelloise environ 240 aviateurs évadés à faire évacuer, que le Débarquement est proche et que voyager en train est problématique, vu l'état des voies de chemin de fer, endommagées par les bombardements alliés. Selon Hubbard, Gaston a alors en projet de faire voyager des évadés à vélo jusqu'à Paris et il achète des bicyclettes à cet effet.

La situation ferroviaire s'améliorant le 28 mai, Hubbard et Willis partent le lendemain en train pour Paris avec Jacques Dimitri Paul BOLLE (repris simplement comme "Jack" dans les rapports E&E de Hubbard et Willis), étudiant en médecine, du 32 Rue de Florence à Ixelles-Bruxelles. La voie est bombardée et le convoi est bloqué à Lille pendant 36 heures. Le compartiment est occupé par des civils et on leur fait comprendre que les hommes ne disant rien sont des Belges, sourds et muets. Le train arrive enfin à Paris le 31 mai, mais vu le retard, le contact est absent et BOLLE les conduit à l'Hôtel Eden, d'où il téléphone au contact - en fait, une femme blonde de 22 ans ("Michelle") - qui vient les chercher et leur présente dans l'après-midi Philippe et Virginia d'ALBERT-LAKE dans son appartement. Un message venant de Gaston MATTHYS indique que le messager avec l'argent du réseau a été arrêté et qu'il a un besoin urgent de fonds pour 240 évadés.

Le 2 juin, Hubbard est descendu de Paris à Bayonne par "Bob" (Pierre CAMUS, pseudos "Robert" et "Bob") en compagnie de Jack Cornett, Ronald Emeny et Léonard Barnes. Ils descendent tous à Boucau avant Bayonne. Ils vont à pied et à vélo jusqu'au-delà de Bayonne et arrivent à un café (l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA au 25 Avenue de Cambo à Sutar, faubourg d’Anglet). Là, une femme leur demande leurs papiers d'identité et reprend leurs nom, grade et matricule dans une lettre qu'elle rédige à l'intention du consulat. Elle dit à Hubbard de remettre cette lettre à un "José", lorsqu’ils seront arrivés à sa ferme après leur passage en Espagne.


Mot de remerciement de Hubbard dans le carnet de Pierre Elhorga.

Le 3 juin à 3 heures du matin, les aviateurs sont réveillés pour un rapide breakfast et partent à vélo de l'auberge avec un homme chauve, âgé de plus de 40 ans (Juanito BIDEGAIN est employé à la ferme Serne-Enea à Bassussarry et qui est effectivement guide de Sutar à Souraïde) et roulent 6 km pour atteindre Souraïde. Juanito leur dit d'attendre le guide (Michel ECHEVESTE) qui doit les mener en Espagne et on leur recommande de ne pas faire de bruit ni de quitter leur cachette dans les bois, la zone étant fortement surveillée par des patrouilles allemandes, habituées à tirer sans sommation sur tout individu suspect. Ils dorment une nuit et se reposent la journée à Souraïde, à la ferme Mendigaraya des ETCHEVESTE (Michel et son frère Jose-Mari). Chaussés d’espadrilles, ils marchent alors 3 heures de nuit avec Michel, qui les remet ensuite à un plus jeune guide, en fait son frère José. La "lettre pour José" est remise et emportée.

Hubbard, Willis, Cornett, Emeny et Barnes sont du 98e et dernier passage d’aviateurs de Comète, par Souraïde et Quito borda ou Mikelen Borda, avec les seuls guides de Juanito BIDEGAIN (Michel ETCHEVESTE et son frère José-Mari). Outre des documents secrets, Hubbard transportait également son pistolet d’ordonnance, un Colt 45, qu'il refusera de donner à Michel ECHEVESTE, le guide de Juanito BIDEGAIN..

Le rapport de Leonard Barnes apporte davantage de précisions quant à la suite de leur parcours. Dans la soirée du 4 juin, le guide, petit et musclé, leur apporte du pain, du fromage et du lait. Il ne parle que l'Espagnol, mais Willis, comprenant la langue, traduit pour les autres ses recommandations avant d'entamer leur périple. Le guide, habitué au terrain difficile, avance rapidement, imposant un rythme régulier mais soutenu au reste de la petite troupe, n'acceptant de s'arrêter un moment que lorsque l'un ou l'autre des aviateurs, épuisé, l'en supplie.

Le rapport de Willis confirme qu’après une marche de cinq heures, ils arrivent à une rivière (un affluent de la Nivelle) formant la frontière entre la France et l'Espagne. Le guide se lance dans l'eau glacée, bientôt suivi des cinq évadés qui éprouvent plus de difficultés que lui à garder leur équilibre sur les roches glissantes. Passé la rivière, ils marchent encore jusqu'à 4 heures du matin avec un autre guide, moment où Willis lui dit qu'ils doivent absolument se reposer, étant incapables de continuer. Le groupe s'arrête ce qui leur semble un court instant et après s'être désaltérés de l'eau d'un ruisseau de montagne, les hommes se remettent en marche sur leurs jambes endolories.

Peu après le lever du jour, ils sont menés vers une vieille cabane à moutons (Quito borda) et avisés assez sèchement par leur guide qu'ils doivent rester là jusqu'à la nuit suivante lorsqu'il reviendra les voir. Sans nourriture ni boisson, les aviateurs exténués s'endorment. A la nuit tombante du 5 juin, le guide revient, sans avoir apporté de quoi les nourrir, et les mène au même train quasi impossible à suivre. Le guide explique qu'il leur faut le plus rapidement possible s'enfoncer plus avant en Espagne, de manière à ne pas être renvoyés en France au cas où la police espagnole les arrêterait. Hubbard, les pieds couverts d'ampoules, souffre le martyre à chaque pas. Willis lui donne la dernière piqûre de morphine qui lui reste dans son équipement de survie. Au moment où les aviateurs pensent ne plus pouvoir avancer, ils voient deux hommes venant à leur rencontre et qui leur font signe de les suivre. Ces hommes les guident vers une ferme isolée qu'ils atteignent quelques minutes plus tard. Ils sont installés dans une grange où ils peuvent enfin se reposer pour la nuit.

Willis rapporte qu’ils ont été réveillés tôt le lendemain par la fille de la fermière, que sa mère avait envoyé leur dire que l'un des hommes était allé les dénoncer à la police en échange d'une récompense si les évadés étaient renvoyés vers la France. Barnes poursuit en disant que Willis, qui comprenait l'espagnol, est intrigué d'entendre la fermière, assez énervée, dire à ses enfants de ne pas dire aux aviateurs où ils se trouvent exactement ni de les autoriser à sortir. Barnes confie alors à Emeny qu'il n'a pas l'intention de rester là et lorsqu'il quitte la ferme, les autres le suivent sous les cris de la maisonnée. Ils apprendront plus tard qu'ils avaient pris la bonne décision, car il avait été prévu de les livrer aux Allemands. La récompense ? Un sac de blé pour chaque aviateur...

Willis poursuit : En quelques minutes, les cinq hommes quittent la ferme, sans guide et sans carte. Heureusement, Willis a conservé sa boussole et ils peuvent ainsi continuer à se diriger vers le Sud (dans l'annexe C de son SPG, Barnes dit qu'ils acceptent qu'un jeune garçon les conduisent à Etxalar, vers l'Ouest et San Sebastian). Ils arrivent bientôt à une route, qu'ils décident de longer. Marchant ainsi pendant encore deux jours et n'ayant que des baies et l'eau de ruisseaux pour s'alimenter, ils décident qu'il est temps pour eux de demander de l'aide. Un midi, alors qu'ils émergent du pied de collines près d'Oricáin, ils aperçoivent une ferme isolée et pensent qu'ils pourraient y obtenir de la nourriture en échange de leur argent français. Ils s'approchent de la ferme et c'est Willis, le seul du groupe parlant espagnol, qui frappe à la porte. Le fermier, surpris par les cinq hommes hirsutes, déclare qu'il n'a pas de quoi les nourrir et leur indique la route vers Pampelune, à quelques kilomètres en contrebas, ajoutant qu'ils feraient mieux d'aller à la police dont il se dit certain qu'elle les aiderait.

Au début de l'après-midi du 8, ayant parcouru près de 100 km ces cinq derniers jours, ils arrivent à Pampelune et s'écroulent dans un parc. Ils pensent que leur seul espoir est que Willis se rende dans un bureau de poste pour téléphoner au Consulat américain ou britannique à San Sebastian. Arrivé au bureau de poste, Willis parvient à convaincre l'employé, méfiant, de ce que la situation est désespérée et qu'il faut qu'il puisse contacter les autorités alliées. C'est ainsi qu'il peut s'entretenir par téléphone avec le consulat britannique, qui l'avise de ce qu'ils seraient bientôt arrêtés, l'employé allant sans aucun doute aviser la police. En sortant du bureau de poste, Willis voit un commissaire de police et deux de ses hommes qui l'attendent. Se sachant incapable de leur échapper, vu son état de fatigue, il leur dit où se trouvent ses compagnons et le groupe d'évadés accompagne les policiers vers le poste. Là, contrairement à ce qu'ils craignent, ils sont chaleureusement accueillis, ils peuvent faire un brin de toilette et on les amène dans un restaurant où ils peuvent enfin se rassasier. Après une journée de repos, trois bons repas et un bain, les cinq évadés (retrouvés par Alberto QUINTANA) sont conduits sous bonne escorte en bus vers San Sebastian.

De San Sebastian, un court voyage en train les amène à Irun, où on les loge dans un hôtel pour une semaine. Un représentant de l’ambassade des États-Unis y passe les voir pour vérifier leurs papiers et déclarations. Willis est étonné de constater qu'Irun n'était qu'à seulement deux kilomètres de la frontière française et à moins de 30 km de Sutar où leur épopée avait commencé. Après deux jours de repos et avoir reçu des vêtements neufs d'une famille anglaise, le groupe se sépare, les Britanniques d’un côté, les Américains de l’autre.

Les trois Américains quittent Irun le 14 juin, passent une nuit à Saragossa, avant d'être conduits à un camp de prisonniers à Alhama par des membres de l'Armée de l'Air espagnole. Après 5 jours passés à Alhama (où Hubbard signe un certificat de sécurité le 17), ils sont conduits le 24 à Madrid par un représentant du Consulat des États-Unis venu les chercher . Interrogés à Madrid, ils sont ensuite mis sur un train à destination de Gibraltar où ils arrivent le 26 juin. Hubbard et Willis quittent Gibraltar par avion le 27 et arrivent le lendemain à Bristol en Angleterre, Cornett partant plus tard.

Arrivé à Londres, Hubbard remit aux officiers du Renseignement les documents secrets qui lui avaient été confiés et demanda que les messages personnels soient diffusés à la BBC. Ce ne sera que le 19 juin que la maman de Thomas reçut un message indiquant que son fils était sain et sauf… plus de 7 mois d’angoisse après qu’elle avait reçu le télégramme annonçant qu’il était "Missing In Action".

Dans ses souvenirs, Hubbard raconte qu'après la Libération de Bruxelles (le 3 septembre), il tenta à plusieurs reprises de pouvoir atterrir à Bruxelles et passer chez les ROSIERS, mais n'y parvint qu'en février, après la fin de la Bataille des Ardennes. Thomas et Nelly firent les démarches et les préparatifs pour leur mariage, qui eut lieu à Bruxelles le 14 avril 1945. Passés en Angleterre, ils embarquèrent à Southampton à bord du "USS Hermitage" qui arriva à Boston aux États-Unis le 23 mai. Nelly se trouva ainsi la première "War bride" (épouse de guerre) européenne débarquant sur le continent américain.

Merci à Myriam Hubbard Palmer, la fille de Thomas et Nelly HUBBARD-ROSIERS pour les photos et autres détails qu'elle a bien voulu nous communiquer. Rappelons que Nelly et sa sœur Josée vivaient à Etterbeek avec leurs parents, qui ont caché Hubbard chez eux.


Une photo en uniforme deThomas Hubbard.

Un dessin de Thomas Hubbard réalisé par Tom Lea.

Un dessin de l'âne "Speed" réalisé par Thomas Hubbard.


Le Colonel Thomas H. Hubbard avec son épouse, née Nelly Rosiers en Belgique.
Ils tiennent une poignée de parachute que tenait Hubbard lorsqu’il avait été trouvé par un groupe de jeunes garçons hollandais après avoir été abattu.
La poignée lui fut par la suite adressée aux États-Unis par les jeunes hommes.
(Photo : University of Texas Arlington Libraries )

D’autres photos du couple et de la famille de Thomas Hubbard, dont les liens nous ont été transmis par Harrie Bardoel figurent à : https://library.uta.edu/digitalgallery-beta/img/20037157 et https://library.uta.edu/digitalgallery-beta/img/20028798 , de même que celle-ci :


Augusta et Alphonse ROSIERS en visite à Fort Worth, Texas chez Nelly et Thomas en avril 1954
(Photo "Forth Worth Star Telegram").

Concernant Harm SMEENK :


Article du Fort Worth Star, 29 septembre 1954, relatant la trouvaille de Hubbard par Harm SMEENK
après son atterrissage ainsi que la suite de la carrière du garçon,
qui a rendu visite à Thomas et Nellie Hubbard à Fort Worth, Texas. (Document transmis en 2012 par Myriam, fille des Hubbard.)

Né le 10 octobre 1918, Harm Pieter SMEENK est décédé le 8 novembre 2000 à Bismarck, North Dakota, USA. Médecin diplômé de l’Université d’Amsterdam en 1946. Émigré aux Etats-Unis en 1952, il devint spécialiste en pédiatrie dans des hôpitaux du North Dakota. Marié à Birgit Rasmussen, d’origine danoise, en 1955. Birgit, kinésithérapeute pour enfants, est décédée le 18 octobre 2014 à l’âge de 85 ans.

Thomas Hubbard, décédé en 1983, repose au Greenwood Memorial Park and Mausoleum à Fort Worth, Tarrant County, Texas. Son épouse Nelly, née en 1921 et décédée en 1987, y repose à ses côtés.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters