Personne capturée durant son évasion

Dernière mise à jour le 17 juin 2021.

John Clifford MATTEY / 159505 & 1287522
25, Queens Road, Enfield, Middlesex, Angleterre.
Né ? / † en septembre 1990 à Enfield, Royaume-Uni
Sgt, RAF Bomber Command 158 RAF Squadron. Pilote.
Atterri près de Wiedensahl, 16 km au nord-est de Minden, Allemagne.
Handley Page Halifax B II, LW317, NP-P, abattu dans la nuit du 8 au 9 octobre 1943 lors de la mission sur Hannover.
Avion écrasé à Wiedensahl, 16 km au nord-est de Minden, Allemagne.
Durée : 3 mois.
Arrêté le 8 janvier 44 dans le train en France, à Lille.

Informations complémentaires :

Le 158 Squadron avait reçu le nouvel Halifax LW371 ce 8 octobre 1943. Le soir, l'appareil est l'un des quelques 500 bombardiers participant au raid sur Hanovre. Il décolle de Lissett (Yorkshire) à 20 heures 30, dans la seconde vague. Un peu avant la cible, le réservoir et le moteur n°2 à gauche sont atteints et en flammes. Le mitrailleur arrière, Sgt Basil C. Anderson, rapporte avoir vu les flammes lécher sa tourelle. Mattey donne l'ordre à l'équipage d'abandonner l'appareil. Le drill ayant été répété maintes fois, tout l'équipage saute endéans les 30 secondes.

Ses co-équipiers seront également arrêtés et, comme lui, internés au Stalag 4B à Muhlberg : le navigateur Sgt Maurice T. Airey, le bombardier Raymond J. Wootton, l’opérateur radio/mitrailleur Alan W. Steen, le mitrailleur dorsal Ronald A. Duck, le mécanicien George V. W. Harris et le mitrailleur arrière Basil C. Anderson.


De gauche à droite, Basil Anderson, Alan Steen, George Harris, John Mattey,
Maurice Airey, Raymond Wootton et Ronald Duck
(photo provenant de la famille de Basil Anderson, originaire de Trinidad, Jamaïque.)

Le mitrailleur arrière Anderson n'ayant pas répondu, et Mattey ne pouvant plus enclencher le pilote automatique, il fait décrocher son appareil avec les moteurs coupés dans une vrille et s'assure que la tourelle arrière est vide avant de sauter à son tour. Il est 23 heures 30 et l'appareil est encore à 18.000 pieds (6.000 m). Mattey voit l'avion percuter le sol et exploser. Mattey atterrit dans une prairie à environ un kilomètre de l'avion, qui s'est écrasé sur une ferme. Il ne perd pas de temps à enterrer le parachute et s'éloigne vers une haie dans la direction opposée. Il marche ensuite rapidement vers l'ouest.

John Mattey se dirige vers un bosquet où il découpe ses bottes fourrées d'évasion, gardant les bottines. Tout l'équipage avait adopté ce genre de chaussures la semaine précédente. On peut voir ce genre de bottes à la page adhoc. Il enlève aussi tous ses insignes de son battle-dress. Il fouille sa trousse d'évasion, y trouve une carte et décide de poursuivre vers l'ouest en évitant les villages pour atteindre les Pays-Bas. Il marche jusqu'à l'aube et dort jusque midi dans un petit bois. Il mange un peu et repart à la tombée du jour, vers 18 heures. Il peut encore traire un litre de lait et le boire en cours de route. Il passe une seconde journée dans un autre bois. Après avoir franchi le pont de la rivière Ems à Lingen, il doit traverser un autre village. A un "Gute Nacht" sonore, il répond "Nacht" et fait un signe de main sans attirer l'attention. Il en traverse un autre et passe la nuit suivante dans un fossé, juste à côté d'une haie.

Mattey arrive ainsi la troisième nuit à Bad Bentheim et aperçoit un panneau routier indiquant Hengelo, aux Pays-Bas, "à 60 Km" (en réalité un peu moins de 40 km.) Il trouve un vélo appuyé contre un poteau et pédale durant deux heures et demi. Il décide alors de dormir une quatrième fois durant la journée. Après s'être reposé, il continue à vélo jusqu'à un poste frontière qu'il observe. Des ouvriers y passent en montrant leurs papiers. Il revient sur ses pas et traverse un bosquet quasi impénétrable, ce qui lui prend une heure. Il en sort à côté de plusieurs fermes du côté de Denekamp. Mattey frappe à la porte de la troisième et une femme âgée vient lui ouvrir. Il montre ses ailes de la RAF et lui dit "Englander", explique par bruit et gestes qu'il a été abattu. Cette femme lui fait signe de rester là et referme la porte. Après cinq minutes, un homme de 40 ans vient lui ouvrir, regarde à l'extérieur et le fait rentrer. La famille lui est présentée. Mattey peut ainsi se raser et se laver et manger quelques sandwiches au jambon. Il est ensuite dirigé vers une grange de foin où il s'endort.

La Résistance est contactée et lui procure des vêtements civils de même qu’un exemplaire de la revue de propagande allemande "Signal", qu’il emporte lors de son voyage en train vers Arnhem. Il reste caché dans cette ville pendant 2 jours avant d’être guidé vers Oosterbeek où il est hébergé pendant plusieurs jours. Mattey est mené ensuite vers Roermond où il loge chez Johannes HUYSMANS au 84 Kapellerlaan. Le 29 octobre, cinq aviateurs y sont réunis : Mattey, Nicholas Matich, Stanley Munns, et encore deux Américains dont Robert Sheehan.

Mattey reste ensuite 4 semaines chez les BREMMERS au 19 Minderbroederssingel à Roermond : le père (architecte), la mère et le grand-père, ainsi que les deux fils Jan et Willy et la fille, Lise. Quelques livres en anglais l'aident à passer le temps, entrecoupé de courtes promenades vespérales. Il part ensuite à Weert avec des papiers que Willy peut obtenir à la maison communale. Il est renseigné comme hébergé par le fermier Hendrikus SEMLER, du Vogelsberg à Maarheeze. Ses guides sont relayés et il est intégré à une caravane de forains un peu avant la Belgique. Un mitrailleur américain est également dans cette caravane. Deux policiers néerlandais arrivent ensuite et "arrêtent" les deux aviateurs pour contrebande, afin de les remettre aux autorités douanières belges. Mattey et l'Américain (il s’agit de Chester Lisiewski) sont ainsi remis "officiellement" aux douanes belges, où on leur souhaite (en anglais) la bienvenue en Belgique.

Mattey et Lisiewski sont ensuite conduits dans une grande maison à la Bosstraat à Hamont, chez M. et Mme Frans WIJNEN. Une bouteille de Bols est ouverte en leur honneur. Ils reçoivent ensuite un repas et sont conduits au grenier, où ils peuvent dormir dans une chambre aménagée. M. WIJNEN leur explique le lendemain qu'il possède une petite usine qui produit des gaines de paillage pour les bouteilles de vin. Il fournissait d'ailleurs les Allemands et pouvait ainsi aider quelques résistants. Plus tard, ce même matin, un chef local de résistance et ses deux lieutenants viennent leur faire remplir les formulaires d'évasion (Form E) et les photographier. Après deux semaines, le chef résistant vient les prévenir qu'ils partiront dans deux jours.

Pierre MOORS, de Hamont remet à Jules DEMEY, agent de Marc VN/JM-223X au 8 Hepperpoort à Maaseik, des informations sur l'identité de Mattey et de l'Américain. Pour Mattey, il s’agit de : "matricule 1287522 et RAF MDDX" (MDDX indiquant son comté du Middlesex en Angleterre.)

DEMEY transmet ces détails à Marc pour vérification et deux jours plus tard, pris en charge par le Groupe de Charles Willekens, les deux aviateurs reçoivent des papiers d'identité et des permis de travail pour Anvers. Ils y passent une nuit, logés chez Virginie DE BRUYN au 37 Keizerstraat à Anvers, amené par Gustave Damien BUSSCHOTS du 9 Zurenborgstraat à Antwerpen/Anvers. C'est une filière de Élie MIROIR dont Marcel DAELEMANS est le convoyeur de Anvers à Bruxelles. A partir de leur départ vers Bruxelles, Mattey ne reverra plus Lisiewski.

Selon le livre Bombs Away - Dramatic First-hand accounts of British and Commonwealth Bomber Aircrew in WWII de Martin W. Bowman aux éditions "Pen & Sword", Mattey quitte la gare de Bruxelles avec son guide et ils marchent jusqu'à la Bourse. Mattey est alors remis à Henri MACA. Bowman dit que les deux hommes vont à Uccle chez les BLANPAIN (il s’agit de Gabriel BLANPAIN au 83 Avenue de Floréal) et qu'il y reste du 2 décembre 43 au 8 janvier 44. Il ajoute que l'anglais de Henri MACA était bon, mais que Mattey parle français avec lui. Les BLANPAIN (parents de la fiancée d'Henri MACA) le considèrent comme un fils et le prennent pour faire les courses et lui remettent même un ticket de tram valable une semaine. Mattey en profite pour découvrir Bruxelles.

Vient ensuite Noël. Le couvre-feu est levé cette nuit spéciale et Mattey est invité à l'autre bout de la ville. Après la messe de minuit, ils se rendent à l'invitation. Six autres aviateurs alliés sont présents au repas qui dure jusque 5 heures 30. Mattey est ensuite raccompagné à Uccle à 10 heures.

Le matin du 8 janvier 1944, un guide lui achète son ticket et Mattey est rejoint par un autre aviateur, Oliver John Wells. Mattey et Wells voyagent jusqu'à la frontière française en seconde classe et Mattey conclura plus tard que le guide avait dû être suivi, car Wells et lui seront arrêtés.

Henriette HANOTTE venait de leur faire passer la frontière près de Tournai le 8 janvier, quand Mattey et Wells se font arrêter à Lille, quelques jours après l'arrestation de Raymond ITTERBEEK. Mattey joue d'abord le jeu et admet ensuite qu'il est un aviateur de la RAF en fuite. Lui et Wells sont incarcérés à la prison de Loos, Mattey étant enfermé avec cinq civils belges et français arrêtés pour d'autres délits (résistance, contrebande, etc.), et y sont souvent et longuement interrogés par la GFP, qu’ils tentent de persuader qu’il sont bien des officiers de la RAF. Après trois semaines, Mattey est reconnu comme aviateur en fuite et peut loger dans une cellule du quartier militaire. Après environ 1 mois, on l'envoie en camion avec une trentaine d'autres aviateurs au centre d’interrogation de la Luftwaffe Dulag Luft à Oberursel, près de Francfort, où il arrive le 4 mars. Après trois jours en tenue de détenu, il reçoit des effets de la RAF et un colis de la Croix-Rouge. Il peut même écrire une carte chez lui.

Mattey est interné au Stalag IVB à Mühlberg-an-der-Elbe, où il retrouve ses mitrailleurs Ronald Duck et Basil Anderson. Il est logé dans le même baraquement que le reste de son équipage, qui a survécu sans une égratignure. Le 26 avril 1945, à l'approche de l'Armée Rouge, il est déplacé à Riga le 10 mai et remis aux Américains le 23 mai 1945.

Par avion, Mattey rejoint Bruxelles où il a le temps de revoir les BLANPAIN et s'assurer qu'ils sont tous en bonne santé. Il est ensuite rapatrié à Dunsfold encore par avion. Le 29 mai, il arrive à Cosford et reçoit un ticket de train pour Ensfield où il peut profiter de trois semaines de congé. Il reste dans la RAF pendant quelques années et aura l’occasion de revenir en Belgique en 1950 avec son épouse. Lors de ce séjour, le couple aura l’occasion de revoir Frans WIJNEN.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters