Aviateur de l'opération Marathon

Dernière mise à jour 16 décembre 2022.

Myrle James STINNETT / O-753942
310 SO 8th Street, Benld, Macoupin County, Illinois, USA
Né le 30 décembre 1921 à Benld dans l'Illinois / † le 16 mai 2011 à Staunton, Illinois
2nd Lt, USAAF 96 Bomber Group 338 Bomber Squadron, pilote
Atterri aux Pays-Bas, à la frontière allemande (près de Emrik)
Boeing B-17 Flying Fortress, n° série 42-30360, BX-P / "Lady Millicent", abattu le 08 avril 1944, lors d'une mission sur l'aérodrome d'Achmer, au Nord d'Osnabrück
Atterrissage forcé près de Azewijn (Gelderland), à l'Est de Nijmegen, Pays-Bas
Durée : 5 mois
Camps Marathon : Villance et Acremont

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 3649. Rapport d'évasion E&E 1975 disponible en ligne, mais très succinct et manquant de détails. La présente page a été rédigée après consultation de nombreuses archives et nous nous sommes efforcés au mieux de vérifier et recouper les informations, parfois contradictoires.


L'équipage de Myrle Stinnett (accroupi, le 2ème depuis la gauche). Carl Glassman est le troisième.

Touché par la Flak, avec un moteur en feu, l'appareil quitte la formation et est aussitôt attaqué par des chasseurs qui mettent deux autres moteurs hors d'usage. Au-dessus de Vreden en Allemagne, près d'Eibergen en Hollande, au Sud-Ouest d'Enschede, le Lt Stinnett, dont c’est la 7ème mission, donne l'ordre à huit hommes de sauter. Lui et son co-pilote, le 2 Lt Carl Glassman, poursuivent leur vol, tentant de réaliser un atterrissage en catastrophe. Vers 14h19, ils parviennent à poser l'appareil à Azewijn aux Pays-Bas dans une prairie attenant à la maison "De Stille Reef" appartenant à la famille DEURVORST. Les deux aviateurs mettent le feu à l'avion afin qu'il soit détruit le plus complètement possible.

Les huit autres membres de l’équipage seront faits prisonniers, certains après avoir échappé un certain temps à la capture. Il s’agit du F/O James W. Hutchinson, bombardier ; 2nd Lt Edward A. Merrill Jr, navigateur ; S/Sgt David H. Schwantes, opérateur radio ; Sgt Orville C. Smith Jr, mitrailleur ventral ; S/Sgt Strother T. Rankin, mitrailleur droit ; Sgt Harold E. Wilson, mitrailleur gauche ; Sgt Joseph P. Pollio, mécanicien/mitrailleur dorsal ; Sgt John Kozikowski, mitrailleur arrière.

2 jeunes gens d’environ 17 ans, Henk EGBERS et Theo THEUNISSEN, sont les premiers à aider Stinnett et Glassman en les cachant immédiatement dans une cabane toute proche. Dans la soirée ils les mènent à une ferme, vraisemblablement celle du menuisier KOK à Etten, un peu au nord-est d’Azewijn. Peu après Pâques, Bernard GEERING et Hein REIJERS (habitant Azewijn 42) guident les deux aviateurs jusqu’à la ferme de Jan et Johanna GARBEN (Azewijn 49).


Cette photo de Stinnett, à gauche, et Glassman provient de la page https://www.berghapedia.nl/index.php?title=Stinnett,_Myrle_J.
et avait été prise par Ag GARBEN. Les costumes civils pourraient leur avoir été fournis par Mel DEURVORST.

Le 16 avril, Stinnett et Glassman quittent les GARBEN et sont guidés chez le menuisier Martinus Antonius LELIVELT et son épouse Johanna, qui les hébergent au Schievegatsdijk A 361 à Lichtenvoorde. Membre de la Résistance locale, Martinus sera arrêté sur dénonciation et fusillé à Utrecht le 25 juillet 1944, en même temps qu'Anton SLOT, également de Lichtenvoorde.

Stinnett et Glassman sont alors logés 8 jours par la résistance néerlandaise à Bern, puis emmenés en train à Maastricht. Dans le rapport d’Hubert VANASSCHE (4 Rue Mery à Liège), vérifié par les Mi-X et MI-9,  il est indiqué que l’aviateur Beckwith (voir ci-dessous) a rencontré le 5 mai à Maastricht : Glassman, Stinnett et un aviateur RCAF (il s’agit du F/Sgt Potentier, également repris plus bas sur cette page).

Dans son rapport, Stinnett indique seulement que le 4 mai 44 (?), un "VAN LEDT" dont le beau-père vit à Londres guide Stinnett (et Glassman) dans une ancienne carrière de ciment. Il ajoute simplement qu’ils ont emprunté un tunnel de 18 km de long où l'on se perdrait sans guide. On y cachait des trésors artistiques, des réfractaires, des armes et des munitions et de la nourriture. Des peintures ou des graffitis sur les murs sont datés de 1497.

Dans son rapport d’activités, Joseph HANS, 54 Grand-Rue à Lanaye, indique qu’il a aidé 25 aviateurs. On retrouve Stinnett et Glassman dans sa liste, tous deux reçus par lui le "8 avril 1944" (?) de Petrus LANDMAN, passeur hollandais habitant Hilvarenbeek. Stinnett est repris comme hébergé 1 jour chez HANS, Glassman étant parti directement vers le Sud. On indique dans le rapport de Joseph HANS qu’il a été reconnu comme le chef d’Adolphe VAN BELLEGHEM, qui lui-même le confirme comme un acteur efficace dans les passages de Hollande en Belgique, assisté dans l’aide aux aviateurs par son épouse Flore, née BAERT.

Plusieurs rapports d’activités de Helpers belges mentionnent de l’aide apportée à de très nombreux aviateurs lors de leur passage de Hollande en Belgique et à divers endroits avant d’arriver à Liège. Il y est question, pour ce qui nous concerne ici, de :

Adolphe VAN BELLEGHEM de Petit-Lanaye, est fraudeur et cafetier. Son café est sis au 1a Quai du Canal, situé entre deux postes de garde allemands le long du Canal Juliana. Le 16 avril 44, Frank Deason, Robert Garrett, Russell Gecks, Carl Glassman et Myrle Stinnett passent en Belgique par son tunnel "secret" dont une entrée est toute proche de son café et étroitement surveillé par les Allemands, qui n’ont cependant jamais pris le risque de s’aventurer dans les dédales de cet immense tunnel qui passe sous la Sint Pietersberg, au sud de Maastricht, près de la frontière belge, au nord-est de Kanne. VAN BELLEGHEM les passe à JACOBS et HINOUL (voir plus bas).

Un convoi vers la région liégeoise était prévu par Paul ALEN de Ans, mais ils vont le soir chez Pierre JENNEKENS (Bovenstraat à Kanne) qui a perdu la raison (placé à l'asile) suite à la visite de douaniers allemands, et Mathieu JACOBS, Eugène MAQUET et André DUCHATEAU les conduisent dans une carrière (le tunnel). A noter que dans son rapport de "Helper", Pierre MAQUET d’Eben-Emael, aidé de son fils Eugène, mentionne Stinnett (et pas Glassman) parmi les aviateurs qu’ils ont aidés. Dans son rapport, André DUCHATEAU (263 Rue Haute, Eben-Emael) indique, lui, qu’il a été chercher ces 5 aviateurs (plus Beckwith), à une date indéterminée, dans le tunnel en question, où ils avaient été amenés dans l’après-midi par Eugène MAQUET et Mathieu JACOBS. DUCHATEAU indique que cet après-midi-là, il leur y a apporté de la nourriture. Dans la soirée, DUCHATEAU, accompagné d’Eugène et Julien (sic) MAQUET, ont conduit les 6 évadés chez Jean BERNKENS au 134 Rue du Moulin à Eben-Emael qui va les héberger. Ils iront par la suite chez Nicolas SACRE SOUBRAS à Herstal. Tous vont ensuite dans la Section de Paul ALEN (Armée Secrète) à Ans.

Le rapport d’Arnold HINOUL, gendarme à Kanne et assistant de Mathieu JACOBS, renseigne ce dernier comme ayant reçu "le 6 mai 1944" d’Adolphe VAN BELLEGHEM : Stinnett, Glassman, Gecks, Deason, Hanley, Denny et Beckwith et qu’il les a guidés de Kanne à Eben-Emael, d’abord accompagné de Mathieu JACOBS, ensuite par (Eugène ?) MAQUET. Beckwith indique, lui, qu’il a rencontré Stinnett et Glassman à Maastricht le 5 mai, venant de Heerlen. Le 13 mai, selon Beckwith, Stinnett, Glassman et lui sont guidés vers Liège où ils rencontrent Potentier le 17.

Dans le rapport de Charles BIVORT, garagiste à Tiège / Sart-lez-Spa, figure une lettre du MIS-X adressée le 3 avril 1946 à Carl Glassman lui signalant que ce Service a reçu des informations concernant certains de ses Helpers et lui demandant son avis. Dans sa réponse du 30 avril 1946, Glassman déclare n’avoir pas demandé l’identité de ses Helpers par souci de discrétion. Il mentionne uniquement l’aide précieuse apportée par Mr et Mme Charles BIVORT.

La Lettre du MIS-X reprend les noms de :

Albert LIKOPS (Place de l’Eglise à Hognoul), du groupe Adolphe TILMAN de Liège, reçoit les aviateurs (date = ?) :

Albert LIKOPS, convoyeur, les place une quinzaine de jours à Hognoul. Ils sont ramenés à Liège par Marcel BONTEMPS pour Georges MATTON (du 88 Rue de Herve à Grivegnée). Le 18 mai, selon Potentier, Stinnett, Glassman, Beckwith et lui sont escortés en train par huit hommes armés appartenant à l’Armée Blanche et arrivent à Hognoul au nord-ouest de Liège.

Paul ALEN ayant été arrêté le 22 mai 1944, Jean MATHIEU lui succède. L’arrestation de Paul ALEN a eu lieu alors qu’il était à bord d’un camion transportant des explosifs parachutés la veille ; condamné à mort le 22 juin, il a été libéré à la Prison Léonard à Liège en début septembre 1944 par des troupes américaines. Au début juin 1944, Jean MATHIEU a donné ordre à Georges MATTON d'évacuer sur la rive droite les aviateurs. Marcel BONTEMPS (Section Adolphe TILMAN) en évacue 15 à Xhendremael et Hognoul. BONTEMPS décide de les ramener à Liège et en récupère 9, dont Stinnett : Le 5 juin 44, BONTEMPS ramène à l'Institut Saint-Joseph cinq aviateurs : Leroy Hokinson, Richard F. Noble, Stinnett, Viafore et le Sgt RAF Anthony F. Gunnell (voir sa page), puis les confie à Charles KAISER de Jupille via Jean MOITROUX.

Pierre FOX (“Jean") du 179 Rue Haut-Vinave à Xhendremael/Ans, déclare avoir convoyé 11 aviateurs et les avoir nourris chez lui, son épouse Marie, née BADA et leur fille Catherine faisant la lessive de leurs vêtements, avant de les évacuer. Stinnett et Glassman figurent à sa liste, avec la date du 5 juin, pour leur convoyage par Pierre FOX avec son fils Alphonse et Joseph LARUELLE (Rue Hahe Kaket à Ans). FOX confirme les avoir reçus de Marcel BONTEMPS et les avoir confiés à Albert LIKOPS à Hognoul.

KAISER les conduit ensuite chez Hypolite MATTHY (ancien mineur, 4 Rue du Fossé à Jupille) pour plusieurs jours, qui les remet à des agents de Zéro (Joseph COLLIN, Marie GREGOIRE et Noël ANSELOT), qui les répartissent dans la région d'Embourg. Hypolite MATTHY, arrêté le 22 juin 1944 et déporté en Allemagne, reviendra en Belgique le 24 mai 1945.

Le 11 juin 44, Victor SALLE, d’Angleur, et sa Section d'Embourg recueillent Stinnett, Hokinson, Noble, Viafore et Gunnell et les hébergent chez Henriette BADER-RALET au 53 rue du Gravier à Chenée. Victor SALLE sera arrêté le 24 juin 1944. Interné à la Prison Saint-Léonard à Liège, il sera déporté vers l’Allemagne le 22 août. Rescapé des camps, il rentrera en Belgique le 30 mai 1945.

Le 12 juin, réunis chez Marie GREGOIRE ("Thérèse", au 8 Rue Fernand Huet à Embourg), Noël ANSELOT ("Charles"), François DEBAETS et François COOLEN les emmènent avec la voiture du pharmacien Louis JASPAR vers Stoumont et Bastogne où DEBAETS et COOLEN continuent seuls. Édouard RIES, de Champs (Bastogne) les mène ensuite chez l'abbé Jean VINCENT de Remoiville qui les livre au maquis de Sibret.

Des détails repris notamment dans le rapport d’évasion de Beckwith relatent qu’après leur séjour dans une ferme à Lowaige/Lauw puis dans une maison à "Heusay" (vraisemblablement Beyne-Heusay), les aviateurs ont estimé qu’ils ne parviendraient jamais à s’en sortir de cette façon. Ils sont confortés dans cette idée par la mention par l’un de leurs guides qu’il est prévu de les faire se joindre à "des centaines" d’autres aviateurs évadés et aider les maquisards à combattre les Allemands dans leur tentative de repousser l’avance des Alliés. Pas enthousiasmés à l’idée de devoir affronter des tanks allemands, Stinnett, Beckwith et Potentier décident de partir vers l’Espagne par leurs propres moyens. Les 3 hommes s’échappent de la maison par un trou dans le jardin à l’arrière, aidés en cela par Glassman… qui avait décidé de ne pas les suivre dans leur projet. A l’aide d’une boussole et d’une carte, volés, Stinnett et les 2 autres passent la nuit suivante dans une carrière abandonnée à Esneux, au bord de l’Ourthe.

Les dates reprises dans le rapport de Beckwith que nous reprenons ici sont sujettes à caution. Il indique qu’ils ont bien progressé en direction du sud-ouest pendant quelques jours, atteignant Winenne, tout près de la frontière française, "le 8 juin". Là, ils sont logés chez une dame jusqu’au "13 juin" et qui les met en contact avec un homme qui les guide vers un maquis près de Vireux-Molhain en France. Cachés dans une cabane dans la forêt entre Vireux-Wallerand et Hargnies, ils y rencontrent d’autres aviateurs : le F/S Ross Corby RCAF, le Sgt Walter Farmer RAF, respectivement mitrailleur arrière et mitrailleur dorsal du Halifax HX295 abattu le 29 mars 2944 (SPG 2465 et 1370), "3 Américains et 1 Canadien" ainsi que le F/L George Whitehead, Officier de Liaison avec le Maquis local.

Selon Potentier, aux environs du "23 juin", Stinnett, Augustus et lui ont été menés à Marenne, à l’ouest de Marche-en-Famenne, où ils sont restés au QG de l’Armée Blanche. Le 27 juin, Julien REMY (Rue de Melreux à Hotton) a conduit Glassman, Augustus et Potentier dans sa camionnette transformée pour l’occasion en ambulance chez Émile LAMY, bourgmestre de Grandmenil.

Beckwith, lui, rapporte qu’impatients de bouger, Stinnett, Augustus et Potentier quittent le maquis le "17 juin", toujours dans l’espoir d’atteindre l’Espagne. Après leur rencontre dans une forêt avec des Français, trop peu armés et insuffisamment entraînés, ils changèrent d’avis et revinrent en Belgique. Les 3 hommes se séparent alors, Stinnett atteignant le camp Marathon d’Acremont (nous ignorons comment et avec l’aide de qui). Maurice Petit, historien local, nous apprend qu’Edmond LEROY (électricien, 282 Rue de Coumont à Nassogne, membre de Bayard et du M.N.B.) a procuré à Stinnett des papiers d’identité, de l’argent et des timbres de ravitaillement avant de le confier à Charles LEROY pour hébergement à Nassogne (donc avant de rejoindre le camp secret).

Après la libération des camps Marathon dans les Ardennes, Stinnett est interviewé par l’I.S.9 le 10 septembre 1944 et rentre par avion en Angleterre, où il signe son rapport le lendemain à Londres. Rapatrié aux États-Unis, Myrle Stinnett est démobilisé le 18 novembre 1945.

La photo en médaillon nous a été envoyée par son épouse, Vera.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters