Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 23 avril 2021.

Leonard Arthur WARBURTON / 992847 et 153856
41 Hillington Road, Sale (Manchester), Cheshire, Angleterre
Né le 30 mai 1915 / † le 3 juillet 1989
Sgt, RAF Bomber Command 101 Squadron, aide opérateur radio/mitrailleur dorsal
Atterri près de Diepenbeek, entre Hasselt et Genk (Limbourg belge).
Vickers Wellington Mk II, n° série R1703, SR-J, abattu la nuit du 31 août au 1er septembre 1941 lors d'une mission sur Cologne, par la Flak et un chasseur de nuit du 1./NJG 1 piloté par l’Oblt Wilhelm Dimter.
Ecrasé à Boxbergheide, Limbourg belge.
Durée : 17 semaines
Passage des Pyrénées : le 25 décembre 1941, cinquième passage.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3308/687.

Le Wellington décolle le 31 août à 20h14 heure anglaise de Oakington. Au retour de la mission, il est attaqué au nord-est de Maastricht par un chasseur de nuit et abattu, touché également par la Flak légère d’une batterie locale. Des témoins voient l’appareil en feu tomber en piqué vers le sol et on pense qu’il a dû exploser avant de s’écraser, une aile ayant été trouvée à la Congostraat à environ 1 km au sud de Boxbergheide et un moteur également assez loin du lieu du crash. Les corps de trois hommes seront retrouvés dans les débris : le pilote P/O John Frederick Ashton, le navigateur Sgt Ernest Raymond Verdun Lane et l’opérateur radio/mitrailleur Sgt John Bernard Redden. D’abord inhumés près de l’endroit du crash, leurs restes furent transférés après la Libération vers le Cimetière Communal de Schaffen, près de Diest. Le copilote Sgt Robert Thomas Wood (un américain de Dallas, Texas engagé dans la Royal Canadian Air Force-RCAF en juillet 1940), blessé aux jambes, sera rapidement arrêté. Envoyé en camps en Allemagne, il passera notamment par le Stalag IVB à Muhlberg.

Seuls Leonard Warburton et le mitrailleur arrière John Hutton parviendront à s’évader. Dans son propre rapport d’évasion (commun avec celui de Warburton), John Hutton indique qu’il est immédiatement assisté à l'atterrissage par des fermiers qui bravent le couvre-feu lors des accidents. Leonard Warburton et lui reçoivent nourriture, gilets et casquettes. Ils traversent Hasselt, où un gendarme les illumine de sa torche. Ils lui répondent "Gute Nacht" et il les laisse passer. Ils traversent le canal Albert (Albert Kanaal) sans être contrôlés et dorment dans les champs le reste de la nuit. Le matin du 1er septembre, ils s’adressent à une ferme dont les murs sont marqués à la craie des lettres R.A.F. et du V (Victoire/Vrijheid/Victory). Le fermier les nourrit et, après quelques heures, deux jeunes femmes arrivent avec des vélos et des vêtements, les emmenant ensuite chez des amis à Hasselt. Hutton et Warburton y restent jusqu'au 6 septembre. On leur apprend qu’en "mai" 1941, un Sgt RAF Harry Fraser de Inverness avait été arrêté à "Hasselt" et emmené comme prisonnier de guerre, tandis que ses logeurs avaient été abattus (Fraser était mitrailleur arrière à bord du Whitley Z6578 abattu le 17 mai 1941 et arrêté à Liège le 4 juillet et non en mai - Prisonnier n° 39230 au Stalag IXC à Bad Sulza).

Dans sa partie du rapport SPG, Warburton indique que le 6 septembre, "ces amis" les amènent à Bruxelles où ils rencontrent le Sergent John Ives, qu’ils quittent après peu de temps pour être guidés vers une autre maison où ils logent jusqu’au 8. Hutton et Warburton sont séparés pendant environ dix jours, logeant à deux différents endroits à Bruxelles. Ils se revoient le 23 septembre et restent ensemble jusqu’au 9 novembre, jour où l’organisation les prend en charge en vue de les mener en Angleterre via l’Espagne et Gibraltar.

Warburton donne un peu plus de détails depuis leur arrivée à Hasselt. Il mentionne qu’il y avait là une association appelée "Légion Nationale Belge" dont un des chefs était un chirurgien-dentiste, "Mr Lefevre". Ce dernier, bien que travaillant pour les Allemands à la Feldkommandantur de Hasselt, apporte son aide aux Britanniques en dehors de son travail. Il lui dit avoir une liste de 10.000 membres sur une population de 28.000 (on comprend, pour la ville de Hasselt). Il demande à Warburton de remplir un formulaire et lui donner le n° et l’adresse de son Squadron, le nom de son Commandant, l’objectif de la mission le jour où il a été abattu ainsi que son nom et matricule. Warburton s’exécute er reçoit le n° 241, numéro que "Lefevre" lui dit de faire diffuser sur les ondes des services radio belges, en français et en flamand, en mentionnant que ce n° est bien arrivé en Angleterre. Warburton poursuit : l’organisation les envoie, Hutton et lui, vers Bruxelles où ils sont mis en contact avec "Monsieur Henri", chef d’un mouvement scout, organisation digne de confiance sur tout le territoire belge. Arrivés à Bruxelles, cet Henri leur promet à maintes reprises de s’arranger pour les faire partir et les place dans différentes maisons, pour des périodes elles aussi différentes. Impatient, Warburton dit avoir alors pris contact avec une autre organisation dont les chefs étaient Monsieur "VAN LEIDA" et Monsieur DELCROIX. Le premier nommé leur donne des faux documents d’identité qui sont très bien faits et tous deux leur promettent un retour rapide en Angleterre.

Warburton ajoute qu’il a alors été présenté à un homme qui se faisait appeler "le Duc de Nevers", mais dont Warburton pense qu’il se nommait "Favian". Cet homme lui déclare que lui aussi l’accompagnera en Angleterre, de même qu’une Madame des Moulins, dont le mari était prisonnier en Allemagne. Apparemment sans Hutton, Warburton est alors mené à Châtelineau (que Warburton qualifie de faubourg de Bruxelles, au lieu de Charleroi) où dans l’annexe d’un bâtiment officiel, il rencontre un sergent navigateur de la RAF qui déclare se trouver là depuis avril 1941 et dont on lui dit qu’il allait les accompagner vers l’Angleterre. De là, on le mène chez Mme des Moulins à Charleroi où il reste loger 3 jours. Le troisième jour, y font irruption une femme et cinq hommes, l’un de ceux-ci pointant un couteau, un autre un revolver, le "duc" paraissant vraiment mal à l’aise. Il s’avère que ce dernier est bidon, qu’il travaillait avec les Allemands et avait vraisemblablement l’intention de dénoncer Warburton et la dame de Charleroi en France, où il aurait obtenu un meilleur prix (de la Gestapo) qu’en Belgique. Les hommes, dont un "Mr LAMESSE (?)" donnent 24 heures au traître pour quitter le pays et ramènent Warburton à Bruxelles où il revoit DELCROIX. Le 22 décembre, Warburton, Hutton, Gilbert Cox et Albert Day reçoivent de nouveaux faux papiers de "VAN LEIDA" et c’est DELCROIX qui les guide jusqu’à Valenciennes où il les confie à Andrée de JONGH, qui les accompagne dans la traversée des Pyrénées en direction de l’Espagne. Là se termine le rapport de Warburton.

Les archives de Comète, notamment, nous en apprennent davantage sur des personnes, des lieux et certaines dates et nous avons tenté de faire le tri. Le groupe qui a pris Hutton et Warburton en charge faisait vraisemblablement partie du MNB (Mouvement National Belge) fondé par Henri COLARIS et Robert LEFEBVRE de Hasselt. Alphonse POLLARIS les recueille à Hasselt et les remet à Lucien COLLIN et Robert LEFEBVRE. Ils passeront chez le droguiste Henri COLARIS au 11 Diesterstraat à Hasselt, qui les prend en photo. Les archives du Groupe Hoornaert-Dirix de Hasselt confirment l’aide apportée à John Hutton en septembre 1941 par la famille de Lucien COLLIN, 41 Rue du Démer/Demerstraat à Hasselt.

Il y a des versions un peu différentes quant à leur parcours de Hasselt à Bruxelles, qui se déroule le 6 septembre 1941. On cite CALMES et COPPENS comme logeurs à Hasselt et qui les amènent à Bruxelles chez René LAMMERS (le "Mr Lamesse" cité par Warburton) et Henri KISTEMAN au 54 Rue de Montserrat à Bruxelles. Nous ignorons si Henri KISTEMAN est le "Monsieur Henri, chef d’un mouvement scout" que cite Warburton ou s’il s’agit de Henri BLINDENBERG, habitant au 5 Rue du Général Leman à Etterbeek, où Hutton et Warburton rencontrent apparemment le Sgt John Ives. Quoiqu’il en soit, c’est Henri KISTEMAN qui confie ensuite les 2 hommes à Henriette SCIEUR-VAN HEERSWYNGHELS. Celle-ci les place immédiatement chez Félix VAN HOEGAERDEN qui tient une épicerie au 16 Rue du Parnasse à Ixelles. Par ailleurs, on cite un convoyage des 2 hommes le 7 septembre par Henri KISTEMAN qui les mène chez Guillaume VAN LIERDE au 2 Rue du Ham à Uccle, chez qui Warburton aurait logé pendant 15 jours (rapport d’Octave DELCROIX). Il s’agit ici plus que probablement du "Van Leida" cité dans le rapport d’évasion de Warburton et dont il n’y a trace dans aucune liste sous cette orthographe.

Quant à l’épisode "Charleroi", un rapport d’Octave DELCROIX mentionne : "Ils (lire Hutton et Warburton) s'en vont par une ligne dénommée Henri Journaux. Je les poursuis jusque Charleroi et ne trouve rien. 6 semaines plus tard, BERNE (de la Sûreté) m'indique une adresse et me conduit à Anderlecht où je retrouve Warburton. Il avait déménagé 20 fois. Hutton est retrouvé 4 jours après. Il avait déménagé 15 fois."

On mentionne que Henri BLINDENBERG les convoie dans différentes maisons où ils logent. Nous ignorons dans quel ordre et à quelles dates ils passent chez BRULEZ (la liste des Helpers belges n’en reprend qu’un seul, "l’Abbé BRULEZ, Hôpital Saint-Pierre, Bruxelles" sans autres détails) ; puis chez DUMONT ; ensuite chez Léo Giersé dont on peut penser que c’est lui qui les convoie par après chez Anne BRUSSELMANS au 127 Chaussée d’Ixelles à Ixelles, où ils ne restent pas longtemps. Ce ne serait que par après que Giersé les aurait confiés (ou serait-ce à nouveau ?) à Henriette SCIEUR et Henri KISTEMAN. Hutton et Warburton seraient revenus chez Giersé en fin novembre. On mentionne également un hébergement de Hutton en novembre par Anne DEPOURQUE (née Monnier) au 51 Rue Dupont à Schaerbeek. John Hutton est également hébergé par Roger VANDERHOEFT au 116 Avenue des Nations (devenue Av. Franklin Roosevelt après la guerre).

Nous ignorons quand John Ives est placé chez Jules VILAIN, pendant que Hutton et Warburton vont chez René LAMMERS et sa femme au 16 Avenue du Roi Albert à Anderlecht. Par après, Warburton reste chez les LAMMERS, tandis que Hutton va loger pour 10 jours à divers endroits, dont la maison de Sœur Marie-Antoinette BECQUET, infirmière célibataire, au 24 Rue Saint-Georges à Ixelles, qui le déclare comme hébergé du 1er au 10 décembre 41. Hutton se retrouve ensuite chez Auguste LEBLICQ du 86 Rue de Parme à Saint-Gilles et, pour un jour et une nuit en décembre, chez Suzanne JOTTRAND, épouse DESTREE au 58 Chaussée de Charleroi à Saint-Gilles. Sœur Marie-Antoinette BECQUET fut arrêtée par la suite et envoyée au camp de concentration de Dachau. Elle reviendra des camps et décèdera le 12 mars 1967 dans sa 75ème année.

Il semble que Hutton retourne ensuite chez les LAMMERS avant que Warburton et lui soient transférés chez Fernand HOFMANS et sa mère Anne VERBIST au 41 Rue Henri Vieuxtemps à Anderlecht (arrêtés le 17 janvier 1942 pour aide à l'évasion dans le groupe MNB-Comète). Fernand HOFMANS confirme que Hutton lui a été confié par René LAMMERS. Gérard Waucquez quant à lui déclare les avoir reçus de Maurice LEBBE (date ?) à Rhode-Saint-Genèse et les avoir remis à Frédéric DE JONGH.

Des faux papiers leur sont procurés par Guillaume VAN LIERDE. En fin 1941, Warburton est invité à manger chez le baron Robert GOFFINET en compagnie de Gérard WAUCQUEZ et aurait reçu à cette occasion de son hôte cinq guinées d'or, tout comme James Cromar.

Octave DELCROIX, de l’Avenue Albert Giraud à Schaerbeek, déclare que c’est chez les VERBIST/ HOFMANS qu’il vient chercher Hutton et Warburton. Nous pensons que c’est le 9 décembre que DELCROIX prend donc en charge ces deux hommes ainsi que Gilbert Cox, Albert Day, Leo Giersé et l’aviateur belge Marcel Van Dael (dont la présence n’est mentionnée ni par Hutton ni par Warburton) pour les mener en train depuis Bruxelles vers Valenciennes (France) via Tournai. A Valenciennes, DELCROIX les remet à Andrée DE JONGH. Celle-ci accompagne le groupe dans la traversée de la Somme, près de Corbie où les évadés reçoivent de nouveaux papiers nécessaires aux voyages en France. Andrée DE JONGH les guide dans la traversée des Pyrénées lors de ce 5e passage de Comète le 25 décembre 1941.

Leonard Warburton arrive à Gibraltar le 4 mars 1942, et à Gourock le 10 mars, avec John Hutton. Ils sont débriefés ensemble le 13 mars. Son co-équipier et ami John Hutton sera un des rares aviateurs à effectuer d’autres missions. Avant la libération des territoires occupés par l’ennemi, ceci était interdit, vu le risque, en cas de nouveau crash, que l’identité de Helpers puisse être révélée, par exemple sous la torture. John Hutton trouvera la mort lors d’une opération au-dessus du territoire français le 31 juillet 1944 (voir sa page).

Après son retour au Royaume-Uni, Leonard Warburton, qui avait eu les pieds fort abîmés lors de leur longue marche à travers les Pyrénées, a été envoyé en convalescence dans le Saskatchewan au Canada. Son neveu Martin nous a appris via notre ami John Clinch que son oncle Leonard a terriblement souffert des pieds toute sa vie et devait se rendre au moins deux fois par an chez un podologue. Durant son séjour au Canada, Leonard a correspondu avec la famille du copilote Wood qui habitait au Texas. Après une période d’entraînement au Canada, Leonard a été promu Pilot Officer le 15 octobre 1943, puis Flight Officer le 15 avril 1944. Il a volé en opérations dans le Moyen-Orient où on le retrouve en été 1944 à la base RAF d’Ein Shemer en Palestine. Leonard Warburton devient Flight Lieutenant le 15 octobre 1945 et en 1946 il passe par la Belgique où il a visité l’endroit du crash de son Wellington et a pu rencontrer Mia Colaris (1924-2014), la fille du droguiste Henri COLARIS de Hasselt avec laquelle il a longtemps correspondu après la guerre.

Un monument a été inauguré le 27 septembre 1970 à Boxbergheide, non seulement à la mémoire des 3 tués du Wellington R1703, mais aussi à celle des 190 autres aviateurs Alliés morts dans le Limbourg belge. (http://www.207squadron.rafinfo.org.uk/belgium0505/Boxbergheide_070505.htm)

Notons que parmi les Helpers de Hutton et Warburton, certains ont été arrêtés par la suite et trois ne reviendront pas des camps en Allemagne : Lucien COLLIN, fusillé le 30 juin 1944 à Poppenweiler (Ludwigsburg) ; René LAMMERS, décédé à Bochum le 24 avril 1943 (erronément 1945 selon certaines sources) ; Roger VANDERHOEFT, décédé à Ellrich le 15 janvier 1945.

La photo de droite en tête de page nous a été communiquée par John Clinch qui l’avait obtenue de Martin Warburton, neveu de l’aviateur.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters