Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 15 septembre 2020.

Alexander George DUMBRELL / 159001 & 1336686
127 The Green, Welling, Kent
Né le 4 mai 1921 à Kensington, Londres / †  juillet 1988
P/Off, RCAF Bomber Command 408 Squadron, radio/navigateur
Atterri près de Tessenderlo.
Armstrong Whitworth Lancaster B.II, n° série DS704, EQ-W "Willie", abattu la nuit du 20 au 21 décembre 1943 lors d'un raid sur Francfort.
Avion en feu. Débris épars autour d'Heverlee (Brabant). Ecrasé près de Deurne (Brabant), entre Diest (Brabant) et Tessenderlo (Limbourg), Belgique.
Durée : 8 mois.
Libéré à Bruxelles début septembre 1944

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3350/1233 (indisponible).

Le Lancaster décolle de Linton-on-House (York) vers 17h30 le 20 décembre. Au vol de retour, vers 5.500 m, ils sont attaqués par un quadrimoteur qu'ils pensent être un autre Lancaster. Le moteur gauche intérieur prend feu et le moteur droit extérieur s'arrête. Incapable de maîtriser l'incendie, le pilote, Leslie Morrison, ordonne de sauter. Alexander Dumbrell (la présente fiche) ne pourra traverser vers l'Espagne comme Morrison, et restera en Belgique, ainsi que son bombardier Clayton MacLachlan, Thomas Reynolds, et Edward Salmon.

Les corps d'Allan French Wright (navigateur) et Roy William "Billy " Heaton (mitrailleur dorsal) furent retrouvés autour des débris. Ils reposent tous deux au Heverlee War Cemetery près de Louvain/Leuven, Belgique.




L'équipage de Leslie Morrison.

Le soir même de sa chute, Dumbrell est trouvé par Bernardus, le fils de Gustaaf VANDEWEYER, qui l'amène chez lui au 19 Molenberg à Deurne-Brabant avant de retourner sur les lieux de l'atterrissage pour y récupérer le parachute et le harnais. Dumbrell ne peut s'appuyer sur la jambe droite. Il présente une large blessure à la joue, plusieurs brûlures, coupures et ecchymoses ainsi qu'une énorme bosse au-dessus de l'oreille. Mme VANDEWEYER le soigne de son mieux et lui donne à manger. Il est ensuite caché dans une grange à côté d'un pigeonnier et y passe la nuit. Sa cachette ne se trouve qu'à 200 m de l'épave de son avion qu'il peut voir brûler de là. Il y reste pendant deux jours en attendant que les Allemands quittent les environs.

Dumbrell enlève tous les insignes militaires de son uniforme qui, vu les circonstances, a changé de couleur et peut passer pour un habit de travail et le 21 décembre à l'aube, il part en direction de Tessenderlo se guidant grâce à un croquis des environs (le village de Deurne) réalisé par le frère de Bernardus. Il passe devant la maison de ce frère, non loin de la ferme des VANDEWEYER.

Arrivé à Tessenderlo, complètement épuisé, il entre dans une église alors qu'il est sur le point de perdre connaissance. Il doit s'agir de la Sint-Martinuskerk, sur le Markt au centre de la ville. Le Frère MARTINIANUS l'y aborde et lui demande s'il appartient à la RAF et s'il veut rejoindre l'Angleterre. Selon la liste des Helpers belges établie après la guerre, le Frère Martinian est repris comme étant Joseph VERHEYDEN, habitant 21 Stationsstraat à Tessenderlo. Il le conduit ensuite au Café "Bij de koster" qui est situé de l'autre côté de la rue et est exploité par le "koster" (sacristain) Jozef RUTTEN. Ils y sont rejoints par Clement NIETVELT, ex-sergent de l'Armée Belge, qui vit lui-même dans la clandestinité et qui dirige un groupe de la résistance locale. NIETVELT amène Dumbrell chez lui au 29 Neerstraat à Tessenderlo. Son épouse lui donne à boire et à manger et il peut s'aliter à l'étage.

Lors de son réveil, les NIETVELT sont à son chevet avec un médecin, lui aussi dans la clandestinité, qui l'ausculte et lui demande s'il a déjà été aidé par d'autres personnes. Dumbrell répond par la négative mais le médecin ne le croit pas car il se rend compte que l'on a lavé ses plaies et que seul, cela n'est pas possible sans miroir. Dumbrell lui explique qu'il était chargé dans son équipage des premiers soins et qu'il se débrouille pas mal dans le domaine, ayant été félicité par le médecin de son unité pour la manière dont il avait soigné son mitrailleur Roy Heaton, accidenté quelques mois auparavant. Il montre alors un petit miroir et le médecin finit par le croire.

Descendu au rez-de-chaussée, Dumbrell est surpris d'y voir un homme en uniforme, d'allure assez autoritaire malgré sa petite taille et qui le rassure immédiatement en lui disant qu'il va l'aider. Ce n'est qu'après la guerre que Dumbrell apprendra que l'homme (HERMANS) était le chef de la Gendarmerie locale. Le gendarme le questionne puis lui montre alors une photo, sur laquelle Dumbrell reconnaît son coéquipier Tommy Reynolds, avant de lui annoncer qu'il va bientôt le retrouver avec MacLachlan, ajoutant que les corps de deux de leurs camarades ont été retrouvés.

Le soir du 21, MacLachlan part en tandem avec un jeune homme, qui le laisse dans une autre ferme, chez Wannes/Joannes VEREYCKEN, Kasteel 67 à Veerle, où il retrouve Tom Reynolds, son mécanicien de bord.

Le 22 décembre, Dumbrell et un dénommé "Marcel", partent en tandem en direction de Veerle et en cours de route sont arrêtés par un gendarme. Dumbrell est soulagé quand il reconnaît HERMANS, celui qui l'avait interrogé chez les NIETVELT. Ils arrivent alors également à la ferme des VEREYCKEN, que Dumbrell situe tout près de Veerle et non loin de Vorst, à l'Ouest de Tessenderlo et où il retrouve Reynolds et MacLachlan.

Le 23 décembre, trois jeunes résistants, dont un prêtre (qui pourrait bien être Andreas Xavier BROES offiçiant à Averbode), arrivent en vue de s'occuper de leurs faux papiers. L'un d'eux, René HERMANS du Dorp 30 à Veerle, parle très bien l'anglais ; il s'avère être le fils du gendarme de Tessenderlo, et il servira plus tard d'interprète aux Alliés après la libération. Comme les photos de leurs kits d'évasion, toutes du même modèle, ne conviennent pas, on prend les trois aviateurs en photo. Ils reçoivent leurs faux documents le lendemain et sur les siens, Dumbrell est renseigné comme électricien, de Diest, âgé de 34 ans.

Le matin du 24 décembre (le 25 décembre à 6 heures du matin selon Dumbrell), les trois aviateurs quittent la ferme des VEREYCKEN. Selon les souvenirs de Dumbrell, cette ferme se situait non loin d'une voie de tramway désaffectée. A notre avis, la ferme pourrait se trouver près d'Eindhout, car Dumbrell mentionne dans ses souvenirs avoir dû longer un affluent de la Nete (il doit s'agir de la Grote Laak) pour arriver à l'arrêt du tram sur la route de Zichem. "Pop" VEREYCKEN, le fermier, accompagné de deux jeunes gens, conduit les trois évadés à travers bois vers l'arrêt du tram. Après un voyage d'environ 20 minutes, le groupe arrive à la gare de Zichem.

De Zichem, les aviateurs prennent le train pour Bruxelles avec deux guides : Marcel COENEN (du 109 Dorp à Vorst-Kempen) et Marcel HESELMANS, qui leur ordonnent de faire comme s'ils ne les connaissaient pas. L'un des deux Marcel est celui qui avait accompagné Dumbrell en tandem. Ils reçoivent des tickets et s'asseyent 4 ou 5 sièges plus loin que leurs guides. Arrivés à Bruxelles, les évadés débarquent à la Gare du Nord, suivent leurs guides à distance de sécurité et les rejoignent à la Place Rogier. Ils les voient s'arrêter et discuter avec une jeune fille. Celle-ci, Aline DUMONT ("Michou", "Lili"), leur indique de les suivre et les aviateurs vont dormir une nuit là où elle loge, probablement chez Hélène CAMUSEL au 160 Rue Marie-Christine à Laeken.

Remarque : Selon le récit de Dumbrell à Paul Strauven, auteur du livre "Tessenderlo in Oorlog", ils étaient partis de la Place Rogier en suivant un homme avec un chapeau mou, 1m75, environ 35 ans, qui, via la Rue Neuve, les a menés vers une maison proche de la Rue d'Argent. Ils ne restent là que quelques heures, avec l'homme et deux jeunes résistants qui leur montrent leur émetteur-récepteur. Par la suite tous partagent un bon repas de Noël. Dans son récit à Paul Strauven, Dumbrell, quarante ans après les faits, avoue ne pas se souvenir des gens et des endroits par où il est passé par la suite, sachant seulement qu'il a changé maintes fois de cachette.

Selon ce que les archives de Comète nous apprennent, le lendemain (le 26 décembre donc), ils sont amenés chez les BUCHET au 82 Rue Saint Henri à Woluwé-Saint-Lambert, qui les logent dans un appartement à l'étage. Les BUCHET ont une imprimerie au rez-de-chaussée, que la veuve Maria et ses trois fils Jean, Paul et Roger occupent. Deux américains arrivent le 06 janvier 44 : Bill Grosvenor et Robert Wernersbach, qui partent quelques jours plus tard.

Le 22 janvier, Paul et Roger ne sont pas revenus pour le souper. A 20 heures, la Gestapo sonne et les trois aviateurs se cachent au 3e étage, qui est libre. Les gestapistes trouvent des anciens numéros du "Evening Post" et la radio réglée sur la fréquence de la BBC. Après leur départ, deux soldats restent de garde dans la rue.

Le 23 à 5 heures, Dumbrell, MacLachlan et Reynolds décident de prendre congé de Mme BUCHET et s'enfuient par des jardins via une autre rue, ayant l'idée de poursuivre vers la France. Ils quittent Bruxelles vers Waterloo et passent devant un camp allemand. Ils dorment jusqu'au 24 dans une grange. Comme on leur refuse de l'aide, ils se remettent en route le lendemain et passent la nuit suivante dans des ballots de paille. Alex Dumbrell souffre alors d'une crise d'asthme.

Avec un seul quignon de pain pour trois, ils décident le 26 de recontacter la résistance. Un fermier nommé THEYS (repris dans la liste des Helpers belges comme "Gustave THEYS, Ferme Petite Bilande, Wavre" – il s’agit de l’ancienne ferme de la Petite Bilande, sise Tienne de la Petite Bilande à Wavre) les met en contact avec un groupe qui ne reçoit pas confirmation de Londres quant à leurs identités. Après trois semaines chez ce fermier, Londres confirme enfin leur identité. Dumbrell, qui commence une pneumonie, est soigné chez le bourgmestre de Wavre, Alphonse BOSCH, dans sa ferme du Ry, Chemin du Ry à Wavre. Reynolds et MacLachlan sont conduits dans une autre famille, où ils restent quelques jours. Dumbrell, quant à lui, reste caché, vraisemblablement chez le docteur BOSCH, mais nous n'en avons pas confirmation. A noter qu’Alphonse BOSCH et trois de ses compagnons ont été assassinés à Wavre le 6 août 1944 par un commando rexiste accompagné d’un officier allemand, Oskar Schmidt.

Suite à l'appel lancé à la radio dès le 4 septembre 1944 à l'attention de tous les aviateurs évadés afin qu'ils se rendent à l'hôtel Metropole au centre de Bruxelles, Dumbrell y arrive et est alors confié aux autorités alliées.

Alex Dumbrell est interviewé le 13 septembre 1944 par l'IS9. Selon ce qu'a noté Paul Strauven des souvenirs de Dumbrell, celui-ci, vu son état de santé, serait resté en Belgique plus longtemps que ses camarades. Il rapporte y avoir été transporté à divers endroits, dont Namur, avant de revenir à Bruxelles où il serait resté encore 5 mois avant d'être rapatrié en Angleterre.

Revenu en Belgique peu après la guerre, Dumbrell, accompagné de son épouse Anne, a eu l'occasion de revoir certaines personnes qui l'avaient aidé dans son évasion. C'est notamment le cas de la famille VEREYCKEN, de Clement NIETVELT et du Frère MARTINIANUS. Dumbrell apprit également que deux de ses guides - dont l'un (lequel des deux Marcel, il l'ignore) l'avait pris en tandem depuis Tessenderlo - Marcel COENEN (*) et Marcel HESELMANS furent arrêtés par la suite. Selon Paul Strauven, ils ne sont pas revenus des camps allemands. (*) Marcel Louis Eugeen Hubert COENEN, de Vorst, né le 10 février 1908 à Balen/Mol, époux de Maria Vosters ; mécanicien, membre de Nationale Actie/Action Nationale, groupement ayant rejoint le Groupe G ; fondateur du Secteur 94 Vorst-Kempen; agent MIS ; arrêté le 15 juillet 1944 ; envoyé vers le camp de Buchenwald (convoi du 10 août 1944 - Prisonnier n° 76083) ; décédé à Berga-an-der-Elster (Thuringe) le 18 mars 1945.

Pour ce qui concerne Marcel HESELMANS, nous n'avons pas trouvé trace d'un décès en camp en Allemagne. Un Jozef HESELMANS, de Vorst, a été tué à Bruxelles [dans son livre, Strauven mentionne que selon des témoins, "Marcel" Heselmans n'aurait pas été tué "dans une rue à Bruxelles", mais bien à Hasselt… Confusion dans les prénoms ? Jozef = autre prénom de Marcel ??? ]. Un Leon HESELMANS, agriculteur, de Groot Vorst, (né le 7 octobre 1927) a fait partie du même convoi que Marcel COENEN à destination de Buchenwald, dont il semble être revenu (Prisonnier n° 76084, le suivant dans l'ordre numérique par rapport à Marcel COENEN…)


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters