Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 25 février 2015.

Beverly C. GEYER / 31152049
18 Wardworths Street, Thomaston, Knox County, Maine, USA
Né le 03 juillet 1919 à Thomaston, Maine / † le 15 août 1995 à Spicewood, Texas, USA
S/Sgt, USAAF 94 Bomber Group 331 Bomber Squadro, mitrailleur latéral droit
Atterri en parachute près de Lummen, au Nord-Ouest de Hasselt (Limbourg belge).
Boeing B-17F-BO Flying Fortress - 42-30389 (QE-Z / "Dear Mom"), abattu vers 11h30 par un chasseur du I./JG26 (Hauptmann Karl BORRIS) le 17 août 1943 lors d'une mission sur Regensburg.
Ecrasé près de Lummen (Limbourg belge).
Durée : 5 semaines.
Passage des Pyrénées : le 24 septembre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 323. Rapport d'évasion de Beverly Geyer : E&E 253 disponible en ligne.

L'appareil décolle à 06h00 de Rougham/Bury St Edmunds. En route vers l'objectif et à environ 1h½ de celui-ci, alors qu'il survole la région proche de la frontière allemande, il est attaqué de front par le chasseur allemand. Le "Dear Mom" est coupé en deux par les obus, une aile est arrachée et, l'appareil en perdition, le pilote donne l'ordre de l'abandonner. L'avion explose peu de temps après et seuls l'opérateur radio et les hommes se trouvant dans la partie arrière en réchapperont.

Il y a 6 tués : le pilote, 1er Lt Bernard W. Nayovitz ; le copilote 2nd Lt James F. Smith Jr ; le navigateur 2nd Lt Murlyn F. Burnett ; le bombardier 2nd Lt Robert P. Allison ; le mitrailleur dorsal T/Sgt Albert V. Beyke et le mitrailleur ventral S/Sgt Jack H. Loveless. Ils seront tous initialement inhumés le 20 août 1943 au cimetière de la base militaire de Saint Trond / Sint Truiden. Quatre d’entre eux reposent à présent au Cimetière Américain de Neupré en province de Liège, les corps de Bernard Nayovitz et Albert Beyke ayant été rapatriés aux Etats-Unis. L'opérateur radio T/Sgt Arthur McDonnell, blessé, sera arrêté et conduit à l'hôpital de Leopoldsburg.

Outre Geyer, deux autres hommes parviendront à s'évader, le mitrailleur arrière James Tolbert (qui sera arrêté par la suite) et le mitrailleur gauche Jacob Dalinsky.

Dès qu'il entend l'ordre d'évacuer, Beverly Geyer observe McDonnell et Dalinsky qui se préparent à sauter puis il se tourne vers la tourelle ventrale, s'inquiétant pour Jack Loveless. Celui-ci lui paraît être OK et, juste au moment où Geyer se retourne, une explosion secoue l'avion et la queue se détache près de la soute à bombes. Geyer pense que McDonnell et Dalinsky ont dû être éjectés par le souffle de la déflagration. Se dirigeant vers la trappe d'évacuation, il se blesse à la cheville en s'entortillant dans des cables de contrôle sectionnés. L'appareil vibre de toutes parts et Geyer voit Loveless, à mi-chemin hors de sa tourelle, être soudain projeté à l'extérieur sans parachute. Geyer parvient à s'extirper et est lui aussi éjecté, près de la roue arrière de l'avion en perdition, à une altitude de 5.800 m.

Dans son rapport d'évasion, Geyer indique qu'il a atterri près d'un tout petit village, assez près d'une foule de gens dont il pense qu'ils sont Allemands. Comme ils ne l'inquiètent pas, il replie son parachute et, fendant la foule, se prépare à aller vers son appareil en feu tombé non loin de là. Les gens l'en dissuadent et emportent son parachute et la soie précieuse dont il est fait. Il ajoute que, poursuivi par des curieux, il se met à courir jusqu'à ce qu'un homme parlant anglais vienne à sa rencontre. L'individu lui dit de marcher dans une direction pendant environ 1 km, puis de traverser un pont avant de tourner à gauche et de se cacher dans un bois proche, où l'homme lui dit qu'il viendrait l'y revoir plus tard.

A noter que dans son livre "Lingering Contrails of the Big Square A", l'historien du 94th Bomb Group, Harry Slater, ayant vraisemblablement interviewé Geyer, écrit qu'après avoir touché le sol, Geyer aurait vu des soldats allemands, manifestement à sa recherche. Il se serait alors immédiatement débarrassé de son parachute avant de ramper dans un champ de blé pour s'y cacher. De cet abri, il aurait vu deux de ses co-équipiers descendre en parachute et atterrir à proximité. Des soldats allemands s'en seraient approchés dès leur arrivée au sol et les auraient froidement abattus à la mitraillette sous ses yeux horrifiés. L'extrait se termine en mentionnant que Geyer serait resté caché au même endroit cette nuit-là. Le rapport d'évasion de Geyer ne fait aucune mention de cet incident.

Poursuivons le rapport de Geyer après sa rencontre avec l'homme. Arrivé au dit pont, Geyer y aperçoit quatre policiers et il décide de ne pas se montrer. Par après, il nage jusqu'à l'autre rive puis il longe une haie où il va se cacher. Des patrouilles allemandes rôdent près de son abri mais ne le découvrent pas. Comme son kit d'évasion a été perdu lors de l'arrachage de la poche droite de son pantalon alors qu'il était encore à bord de l'avion, il n'a absolument rien à manger.

Cette nuit-là, un fermier vient rechercher ses vaches dans le pré où Geyer se trouve et celui-ci explique sa situation. L'homme ne parle pas anglais, mais Geyer, qui comprend un peu le français suppose qu'il lui dit qu'il reviendrait sous peu. En effet, le fermier réapparaît peu après avec de l'eau et un peu de pain, lui demandant de l'argent en échange. Comme Geyer n'en a pas non plus, l'homme refuse alors de lui donner des vêtements civils, tout en lui indiquant avant de s'en aller que l'Allemagne était toute proche, vers l'Est.

La nuit, Geyer se rend compte qu'il devra abandonner sa tentative de poursuivre sa marche, sa jambe lui faisant trop mal. Au matin, il se rend compte que bien que les Allemands semblent toujours à sa recherche, ils paraissent s'éloigner du secteur où il se trouve. Vers la fin de l'après-midi, l'homme qui lui avait conseillé de se cacher passé le pont revient le voir, lui apportant des vêtements civils, de l'argent, de la nourriture ainsi que son aide en vue de le faire prendre en charge par une organisation. S'étant assuré que Geyer serait capable de marcher, l'homme le guide alors vers un endroit d'où son évasion pourra être organisée.

Renseigné comme pris en charge par le Groupe EVA le 17 août 1943 (ce pourrait être le 18, lendemain du crash), par les soins du policier Gérard PEETERS, Geyer se retrouve ensuite dans les mains de Charles HOSTE pour être conduit le 21 août chez Jean-Baptiste ROOSENS et son épouse Hélène COSYNS au 1206 Chaussée de Mons à Anderlecht. HOSTE le guide alors pour le loger chez Marguerite JADOT au 25 Rue des Mimosas à Schaerbeek.

Le 28 août, Geyer est convoyé par René PONTY avec George Duffee pour être confié à Aline DUMONT. Il passe quelques jours au centre de rassemblement chez Hélène CAMUSEL au 160 Rue Marie-Christine à Laeken, avant de passer chez René PIRART, au 8 Rue des Tournesols à Anderlecht et être ensuite logé en face, au n° 7, chez Maria BAL épouse d'Auguste MARIE. Dans son rapport d'évasion, qui ne reprend que très peu de dates, Geyer déclare avoir vu à la fin du mois d'août des transports aériens allemands au-dessus de Bruxelles.

Il quitte la maison des MARIE et suit une guide vers un arrêt de tram. En arrivant à une gare, Geyer rencontre William Bailey et son guide. Tous prennent place à bord d'un train vers la frontière. Dans une localité assez grande avant celle-ci (ce doit être Tournai), ils sont rejoints par un grand parachutiste anglais qu'il reverra par la suite à Paris. Geyer et Bailey passent la frontière de nuit avec un ou une guide, atteignent un village (qui doit être Bachy) et se dirigent vers une gare. Geyer signale qu'ils changeront deux fois de train avant d'arriver à Paris, ce qui nous fait penser que la deuxième étape est Lille. Geyer et Bailey figurent tous deux dans le carnet de Henriette Hanotte comme guidés par elle à travers la frontière. D’autres sources indiquent qu’ils passent en France à Erquennes, grâce à François BOURLARD et Georgette DIEU.

Geyer ajoute que le 7 septembre, en route en train vers Paris, il voit quatre convois de troupes allemandes se diriger vers le Sud. Arrivés à Paris, Bailey et lui sont menés vers une cathédrale sur les marches de laquelle deux autres guides les attendent. Un(e) des guides les prend en charge et indique à Bailey la maison où il va loger, menant Geyer dans une autre, au coin de la Rue de Rome et de la Rue de Madrid, près de la Place de l'Europe. Geyer mentionne un "GUYRET", médecin, environ 35 ans, parlant un peu l'anglais et sa femme, plus âgée et aux cheveux teints. Il semble que ce soit là qu'il rencontre James Alisson. Il s'agit de Louis GUYOT, docteur au 50 Rue de Rome à Paris VIIIe.

Geyer passe neuf jours dans cette planque avant d'être emmené "vers le 20 septembre" par son dernier guide qui le conduit vers une gare. Ils doivent s'abriter en chemin suite à une alerte aérienne et il retrouve à la gare son camarade Bailey accompagné d'une guide dont le mari est en camp de concentration. Cette guide, Rosaline THERIER, a une bonne quarantaine d'années et parle bien anglais. Rosaline accompagne Geyer et Bailey en train à Bordeaux où elle les remet à Jean-François NOTHOMB ("Franco") qui les attendait avec des vélos et leur apprend qu'il avait récemment vu Duffee et un mitrailleur arrière canadien (Arthur Bowlby).

Le groupe part en train jusqu'à Dax d'où ils repartent à vélo, pour rouler jusqu'à Bayonne où ils logent à Sutar à l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA. Guidés de Bayonne à Larressore par "une autre fille" (Denise HOUGET ou Jeanine DE GREEF), un Anglais et un Canadien les suivent. A un signal d'avertissement (la guide se met un béret sur la tête), ils font demi-tour et sont arrêtés par un gendarme français qui leur demande leurs papiers. Geyer ne peut répondre, Bailey est appelé et comme leurs papiers les renseignent comme sourds-mets, le gendarme les regarde et se met à rire, leur demandant de le suivre. Il les mène un peu à l'écart et au moment où les évadés allaient tenter de s'en débarrasser, le gendarme leur rend leurs papiers en riant, déclarant qu'il est un bon patriote et ajoutant qu'ils pouvaient s'en aller.

Leurs guides, recrutés par Pierre ELHORGA, se nomment Pierre ETCHEGOYEN, Baptiste et Pierre AGUERRE et Jean ELIZONDO. Ils les font traverser les Pyrénées et après 6 heures de marche dans la nuit du 24 septembre 1943, Geyer et Bailey se retrouvent en Espagne. George Duffee et cinq autres passent en Espagne trois nuits plus tard, et par Saint-Jean-de-Luz.

Après leur marche, la 58e traversée de Comète et la première par l'itinéraire de Larressore, Geyer et Bailey s'arrêtent dans une cabane immédiatement au-delà de la frontière, Jauriko borda. Le lendemain matin, ils vont à une cabane sur la crête suivante et un guide leur dit d'aller au village (Urdax ?) et de s'y déclarer à la police comme officiers. Ils y restent trois jours avec beaucoup de Français autour d'eux avant d'aller en bus à Irun où ils restent trois semaines.

Ils sont rejoints là par Charles Bennett, William Hooker, Joseph Aquino, Joseph Walters et Kenneth Fahncke, qui restent à Irun tandis que Geyer et Bailey poursuivent leur route. Ils passent par Alhama de Aragon, où ils rencontrent beaucoup d'aviateurs de la RAF, et restent là pendant cinq semaines. Ils arrivent finalement à Gibraltar le 28 novembre 1943.

Le rapport d'évasion de Geyer, interviewé par l'I.S.9 le 4 décembre 1943, mentionne qu'il est arrivé "en Espagne" le 28 octobre 1943, à Gibraltar le 28 novembre 1943 et qu'il est rentré par avion en Angleterre le 3 décembre. Bailey, lui, quitte Gibraltar par avion le 5 novembre 1943 et arrive à Whitchurch en Angleterre le lendemain.

Beverly Geyer repose au Rockvale Cemetery à Spicewood, Texas.

Pour des détails complémentaires sur tous les membres de l’équipage, voir à http://aircraft-crashes-belgium.jouwweb.be/94-bg-331-bs-b17-f/bemanning2/james-w-tolbert


Mot de remerciement de Beverly Geyer dans le carnet de Pierre Elhorga.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters