Dernière mise à jour le 5 octobre 2021.
Andrew Gowen LINDSAY / O-795784
North Monmouth, Kennebec County, Maine, USA.
Né le 4 novembre 1915 à Monmouth, Maine, USA / † le 3 novembre 1969 à Santa Barbara, Californie.
2nd Lt, USAAF 386 Bomber Group 554 Squadron, copilote.
Lieu d'atterrissage (selon Lindsay) : "probablement au Nord de Bernay" (dans l'Eure, entre Lisieux et Evreux).
Martin B-26 Marauder C-16-MD, 41-34971, RU-Q "Pay Off", abattu par la Flak et des chasseurs Fw 190 le 22 août 1943 lors d'une mission sur l'aérodrome de Beaumont-Le-Roger, Eure, France.
Durée : 4 mois.
Passage des Pyrénées : le 6 janvier 1944.
Rapport de perte d'équipage MACR 3137. Rapport d'évasion E&E 389 disponible en ligne.
Le Marauder décolle de Boxted et à hauteur du Havre échappe à la Flak très nourrie tirant à trop faible altitude sous lui. Vers 19h05, juste après avoir largué ses bombes, il est d'abord touché par la Flak et est atteint ensuite dans la soute à bombes par des obus de 20mm de Fw190.. Andrew Lindsay et le pilote, le Lt Wilma T. Caldwell, constatent que la soute à bombes est en feu et font sonner la cloche d'alarme donnant l'ordre d'évacuer. Seul le bombardier/navigateur, le Lt Frank A. Schultz, accuse réception et prépare son parachute tandis que Lindsay tente sans succès d'ouvrir la trappe d'évacuation avant. Il se dirige vers le compartiment radio et hésite à utiliser l'extincteur par crainte d'émanations de dioxyde de carbone dans l'habitacle.
Voyant l'incendie s'amplifier dans la soute à bombes, Lindsay décide de sauter à travers les flammes et déclenche l'ouverture de son parachute immédiatement après avoir quitté l'avion, constatant avec soulagement que sa toile n'a pas pris feu. Il sent du sang lui couler le long du visage et pense qu'il doit s'être coupé le menton en passant à travers la soute. Lors de sa descente, il aperçoit deux autres parachutes et voit deux ou trois chasseurs allemands voler autour de lui, à quelque distance.
Tandis qu'il descend, l'avion a dû quitter la formation, le moteur droit en feu, et le pilote Caldwell tente de la rejoindre, alors qu'un deuxième membre de l'équipage, le Sgt Edward C. Sharpe, mitrailleur arrière, quitte l'appareil en perdition (son parachute incomplètement déployé, il se blesse en tombant en plein milieu d'une unité de Panzers et est immédiatement arrêté.)
L'opérateur radio/mitrailleur dorsal, le Sgt Clayton H. Burdick, blessé, saute lui aussi en parachute tandis que l'appareil perd de l'altitude (Burdick parviendra à s'évader. Evacué par Shelburne en décembre 1943. Rapport d'évasion E&E 240.)
Reprenant un peu de hauteur, l'avion tourne soudainement sur le dos et part en chute à la verticale, sortant des nuages en trois morceaux brûlant intensément. Bien que l'appareil risque d'exploser à tout moment, le pilote maintient les commandes, permettant ainsi au reste de l'équipage de sauter. Le Lt Vilma Caldwell périra dans l'explosion de son avion. La Distinguished Service Cross lui sera décernée à titre posthume. Il repose au Cimetière américain de Normandie à Colleville-sur-Mer.
Le navigateur Frank Schultz sera tué lui aussi, soit qu'il n'ait pas pu quitter l'avion à temps ou pour une autre raison. Son corps a été rapatrié aux Etats-Unis où il repose au Baltimore National Cemetery dans le Maryland.
Le S/Sgt William Matthew Callahan, mécanicien/mitrailleur, légèrement blessé à la jambe par un éclat de la Flak, restera avec Lindsay pendant trois jours avant de parvenir à contacter la Résistance, qui le mène jusqu'à Paris. Arrivé près de la frontière espagnole... il se fera arrêter lors d'un contrôle dans un train.
Andrew Lindsay est brûlé au visage et aux mains en quittant l'appareil, et il atterrit sur ses talons dans un champ. Il se couche sur le dos et ne bouge pas pendant quelques minutes, tandis que dans le ciel des chasseurs allemands tournoient autour de lui. Les appareils ennemis s'étant éloignés, il enroule sa Mae West et son casque de vol dans son parachute et dissimule le tout à quelque distance de son point de chute. A une centaine de mètres de lui, une bonne dizaine d'hommes, de femmes et d'enfants l'observent. Il remarque un village à moins d'un kilomètre et commence à marcher vers un bois à environ 500 m.
Il a à peine fait 100 mètres qu'il est rattrapé par un jeune homme à vélo, âgé de 19-20 ans, qui lui demande s'il est Anglais ou Américain. La précision donnée, le jeune homme lui dit de le suivre, mais Lindsay, dont la connaissance du français est assez sommaire, ne comprend pas ses autres propos. Un peu plus loin, Lindsay et le jeune homme rencontrent une amie de celui-ci, qui les arrête et entame une conversation avec le jeune Français. La femme, une MARIE-MADELEINE, ancienne institutrice, âgée d'environ 28-32 ans, lui donne alors un papier sur lequel elle a griffonné une adresse où Lindsay pourrait obtenir de l'aide - document que Lindsay brûlera quelques heures plus tard. Il s'agit de Marie-Madeleine HAMIDOU de Malleville-sur-le-Bec, en Eure.
Le jeune homme le mène à 200-300 m de là, dans une ferme appartenant à une famille fortunée où il demande à une dame âgée quelque chose pour soigner ses brûlures. Elle n'a rien mais lui donne une crème douce et épaisse dont Lindsay recouvre son visage et ses mains, ce qui diminue un peu la douleur. Par après, un des jeunes enfants de la ferme le guide vers un bois proche lui disant d'y rester caché jusqu'à la nuit tombée.
En attendant, Lindsay ouvre son kit d'évasion et badigeonne son visage et ses mains du lait condensé qu'il y trouve. Vers 21h30, un homme paraît qui siffle et se manifeste, cherchant visiblement après lui. Par prudence, Lindsay attend un peu avant de se montrer et l'homme le mène à une autre ferme où l'aviateur passe la nuit, signalant aux fermiers que son intention est de rejoindre l'Espagne. Ses interlocuteurs semblent plutôt favoriser une formule dans laquelle il rejoindrait l'Angleterre par avion depuis la France. Il semble qu'il ait été rejoint dans cette ferme par son co-équipier Callahan.
Tôt le lendemain, 23 août, vers 05h00, il endosse des vêtements civils, mais garde ses chaussures militaires. Il passe toute la journée seul dans les bois, agressé par une nuée de mouches tournoyant autour de sa peau brûlée et se demandant s'il pourrait tenir le coup. Durant la journée, des gens lui apportent de la nourriture et, tentant de lui regonfler le moral, lui reparlent à nouveau d'un départ en avion. MARIE-MADELEINE passe le voir dans l'après-midi et lui donne des nouvelles de son avion et de certains membres de l'équipage. Vers 22h00, un BERNARD (non pas Bernard CHOLLET, de Duranville, à 20 km au sud-ouest de Malleville comme annoncé précédemment, mais Bernard DESCHAMPS, chef de la section de Bosrobert, commune limitrophe de Malleville sur le Bec) le mène vers une autre ferme à 3 km de là où on lui donne à manger. Vers minuit, arrive un docteur qui découpe les lambeaux de sa peau brûlée, soigne les brûlures et les panse, au grand soulagement de l'aviateur. Le médecin soigne également la jambe de Callahan. Lindsay propose au médecin un peu de l'argent français de sa bourse d'évasion, mais le praticien refuse.
Dans la partie dactylographiée de son rapport d'évasion, Lindsay conclut en disant que le jour suivant (le 24 août) il est retourné dans les bois et a passé la nuit suivante dans une autre ferme encore, d'où son évasion fut arrangée. Il insiste sur le fait qu'au cours de son périple il a reçu d'excellents soins médicaux.
La partie manuscrite de son rapport, elle, est de la main d'un ou d'une interviewer à l'écriture très difficilement déchiffrable. Certains détails ne figurant pas dans la partie dactylographiée (des prénoms de helpers par exemple) ont déjà été repris ci-dessus. Nous poursuivons donc le récit de Lindsay après le départ du médecin.
Lindsay passe donc la nuit dans la ferme et avant l'aube va se cacher dans un bois. Il déclare se souvenir, sans certitude, d'avoir passé la nuit suivante dans une autre ferme. Le 25 août, il reçoit la visite de plusieurs personnes, deux femmes, deux ou trois hommes, un prêtre. L'un des hommes, un instituteur, petit, la quarantaine, la calvitie naissante, parle très bien l'anglais et parle d'un voyage de 20 km à vélo. Il est fait mention également d'une RENÉE, une infirmière servant dans l'Armée et s'étant trouvée à Dunkerque (vraisemblablement lors de l'évacuation des troupes britanniques en 1940).
Vers 19h00, toujours le 25 août donc, arrive une automobile dont sortent l'instituteur et un autre homme, à la forte moustache noire. Ils conduisent Lindsay, et Callahan, à Evreux puis à Arnières (Arnières-sur-Iton) dans une maison, apparemment celle de RENÉE et de son mari HUBERT, un grossiste en sel et levures à Evreux. Lindsay mentionne la présence chez eux pendant quelques jours de "Paul Pascal" (il s'agit du Lt Paul Pascal, navigateur du B-17 "Janie"- 42-5865 du 100th Bomb Group/351st Bomb Squadron abattu le 3 septembre 1943 - écrasé près de Chavigny-Bailleul, à 25km au Sud d'Evreux - Pascal a été pris en charge par la ligne Bourgogne/Burgundy et évacué vers l'Espagne via les Pyrénées qu'il traverse le 30 novembre 1943 - rapport d'évasion E&E 278).
Le rapport d'évasion du Lt Pascal nous apprend qu'il a été pris en charge par un instituteur ("le Petit Prof") et qu'il s'est retrouvé chez Hubert et Renée RENAUDIN à Arnières-sur-Iton en Eure (Les Tuilleries), Renée étant infirmière. Ce sont donc les hébergeurs que cite Lindsay. Pascal mentionne également une Mme MAURY, une femme-médecin le Dr Suzanne HUET du 17 Rue du Dr Ousel à Évreux, un médecin Dr POULAIN, un Robert PHILIPPE et sa femme Hélène (il s’agit de Robert et Hélène PHILIPPE, café-tabac des Tribunaux, au 29 Rue Joséphine, Evreux) et enfin, la sœur d'Hubert RENAUDIN.
Le rapport de Lindsay confirme que c'est Renée RENAUDIN qui a pansé ses mains et la jambe de Callahan avant de les mettre au lit (c'est vraisemblablement chez les RENAUDIN que la photo ci-dessous a été prise). A noter que la liste des Helpers français mentionne que les époux RENAUDIN, déportés, ont refusé le chèque de 20.000 francs que leur avaient octroyé les autorités militaires Alliées pour services rendus.
Lindsay précise qu'il est resté là du 25 août au 14 septembre, ayant dû garder le lit pendant environ 10 jours. Il mentionne avoir vu l'avion du Lt Pascal exploser "le 3 ? ou 4 septembre" au-dessus d'Evreux. Pascal et lui déclarent qu'Hubert RENAUDIN, membre de la Résistance, avait chez lui une cache d'armes (parachutées par la RAF) comprenant un pistolet, un fusil-mitrailleur Bren, des grenades, etc…
Lindsay cite "quelques sœurs, un frère, une sœur ainsi qu'une infirmière diplômée, de Paris, un gendarme" venant les visiter lui et Callahan. Ce dernier est pris en photo pour ses faux papiers et est emmené le jeudi 26 août à Paris par le petit instituteur aux cheveux cendrés et son épouse.
Lindsay mentionne l'arrivée de Paul Pascal, amené le 4 ou 5 septembre en voiture chez les RENAUDIN par le petit instituteur, accompagné de "l'infirmière" (Renée RENAUDIN) et de Barnes, le navigateur de Pascal (= 2nd Lt Blanton G. Barnes, fait prisonnier par la suite).
Il est prévu d'évacuer Lindsay et Pascal le 14 septembre, mais la blessure au pied de Pascal ne lui permet pas encore de marcher. De faux papiers leur sont remis ce 14 septembre et Lindsay est conduit seul en voiture par l'homme à la moustache jusqu'à la gare d'Evreux d'où il prend un train pour Paris accompagné d'un guide de petite taille, un champion cycliste réputé en France.
A Paris, Lindsay revoit des gens qu'il avait vu à Evreux. On devine qu'il est fait mention d'un homme âgé de 35 ans environ, portant toujours des lunettes colorées, membre d'une organisation de résistance et recherché par la Gestapo. Deux hommes mènent alors Lindsay à l'appartement d'une dame âgée de 65 à 68 ans dont une fille ("Mrs E. Blinton"?) a épousé un professeur d'université (dans le Delaware aux Etats-Unis ?...)
Il loge une nuit chez la dame et le 15 au soir, il part avec le Sgt "Joe", un aviateur américain, vers une cache près des Invalides. Là, ils rencontrent un homme d'environ 1m80, bien habillé, fine moustache, l'air distingué, qui leur demande leurs plaquettes d'identification. Ils donnent chacun leur deux plaquettes et en reçoivent une en retour. Lindsay et "Joe" quittent l'endroit vers 20h00, le rapport mentionnant la présence d'un Vic Matthews là aussi (il s'agit du Sgt Percival Victor Matthews, RAF, pilote et seul survivant du crash du Lancaster W5002 écrasé le 15 août 1943 près de Rugles, dans l'Eure - évacué par Lysander le 12 novembre 1943 dans l'opération ORIEL - rapport d'évasion SPG 3316/1559) . Le père de la maisonnée mène les trois hommes au métro en compagnie d'un autre guide et ils sont présentés à un colonel.
Ils arrivent à un grand bâtiment, montent 5 ou 6 étages jusqu'au dernier, y revoient le colonel, un jeune garçon et 2 ou 3 autres hommes. L'un des hommes est dans l'organisation d'un "MAURICE", mesure 1m70, est assez mince, a le teint foncé et est plutôt nerveux. Un boucher, Pierre LEFEBVRE se trouve là également. Ils partent en deux groupes et, alors que Lindsay pense qu'ils vont à une gare de chemin de fer, ils s'arrêtent au café appartenant à MAURICE. On leur explique que quelque chose cloche qui rend leurs guides méfiants. Il s'agirait de suspicions à propos d'un colonel polonais qui était resté avec les résistants pendant 2 ou 3 jours.
Le lendemain, 16 septembre, dans un groupe de sept en tout, Lindsay et trois autres américains quittent leur cachette. Lindsay et Matthews sont menés chez un forgeron et pris en charge par MAURICE. Lindsay mentionne un "ANDRÉ", grand, gros ventre, et sa femme, vivant non loin du café de MAURICE, dans un appartement au-dessus de gens ne leur inspirant pas confiance. Lindsay passe apparemment une nuit chez eux et prend un repas le lendemain midi au café de MAURICE. Il apprendra plus tard que vers le 26 septembre "Joe" a été emmené à la campagne du côté de Drancy.
Le 17, il rencontre chez MAURICE un vieux couple dans la septentaine dont le fils a été tué (illisible) et il va loger chez eux à Bobigny, Matthews allant ailleurs. Il semble que Lindsay soit resté là jusqu'au 22 septembre environ, jour où la femme de MAURICE l'emmène chez Mme/Melle Theo "Queenot", dont une sœur vit en Angleterre. Le rapport d'évasion de Matthews, cité dans le livre "RAF Evaders" d'Oliver Clutton-Brock, nous apprend qu'il s'agit de Mme Honorine QUENOT, Rue Alcide Vellard à Bobigny / Seine-St Denis. (La liste des Helpers français mentionne Théodrine QUENOT et son fils Raymond à cette adresse). On y précise que "MAURICE" était le chef du district de Drancy dans l'organisation et que Lindsay et Matthews l'ont rencontré dans un café se trouvant dans ce district, un peu au Sud de l'aéroport du Bourget.
Lindsay retrouve donc Matthews et un ou deux autres évadés ce 22 septembre. A cet endroit du manuscrit, on lit les noms de "Terry" et "Armstrong" (avec un doute sur la présence d'Armstrong ce jour-là, peut-être rencontré plus tard ?)
Nous avons pu trouver que le Terry est le S/Sgt Floyd H. Terry, mitrailleur ventral à bord du B-17 "Big Time Operator" 42-29789 du 381st Bomb Group abattu le 3 septembre 1943 - évacué par la ligne Bourgogne/Burgundy vers les Pyrénées, qu'il franchit le 22 décembre 1943 - rapport d'évasion E&E 382.
Quant à Armstrong, il s'agit du 2nd Lt James E. Armstrong, pilote du B-17 "Yankee Raider" 41-24507 du 384th Bomb Group, abattu le 6 septembre 1943. Nous retrouverons Armstrong plus tard.
Pratiquement en face du café habite un homme dirigeant une filière de marché noir en viande (le Pierre LEFEBVRE cité plus haut ?) Lindsay reste apparemment trois semaines à cet endroit, ne sortant que tard dans la soirée pour aller chez le boucher en face. Lindsay mentionne que Terry est passé un soir au café de MAURICE et est rentré "beurré"…
MAURICE apprend par la suite à Lindsay que, vérification faite, le colonel polonais est OK. Le rapport de Lindsay confirme qu'un jour, MAURICE amène Lindsay et Matthews chez "Q" ( = QUENOT) où ils prennent un jeune homme d'environ 22-23 ans, 1m70, le teint pâle, les cheveux noirs. Vers le 21 septembre à 22h00, les deux aviateurs (Terry se trouvant peut-être avec eux aussi), dont il est prévu qu'ils partiront en train vers Quimper, ne voient pas leur guide arriver et après une heure d'attente partent vers une autre cachette, mais il n'y a personne à l'adresse dont dispose leur guide et c'est le retour au café à Drancy.
Il est fait mention d'un Jacques MOURLET, dont Lindsay apprendra plus tard en Espagne de "Paul McC" (= Paul McConnell) que MOURLET aurait été tué par la suite. En fait, selon les souvenirs du 2nd Lt James Edwin Armstrong dans son livre "Escape", paru en 2000, MOURLET était négociant en vins à Quimper et faisait partie du groupe "Dahlia" formé par Yves LE HÉNAFF. Arrêté en juin 1944 sur dénonciation, MOURLET avait été interné à la prison Saint-Charles à Quimper, d'où la Résistance le libéra en août peu avant l'arrivée des troupes américaines dans la ville. Le rapport de Lindsay mentionne d'ailleurs Armstrong comme étant passé chez QUENOT à Bobigny sans préciser si c'est là qu'il l'a vu la première fois ou non. Nous retrouverons le Lt Armstrong plus loin dans son récit.
Le rapport de Matthews nous confirme que MOURLET habitait à Quimper. La liste des Helpers français le renseigne, après la guerre, à Pleuven (au sud de Quimper). Une autre source précise que son épouse s'appelait Magdeleine et que le rez-de-chaussée de l'immeuble où ils vivaient à l'étage était occupé par un officier de la Gestapo, le QG de la Gestapo se trouvant trois maisons plus loin. Lindsay indique qu'il loge seul chez les MOURLET et ajoute qu'un groupe d'américains le rejoint là vers le 28 ou 29 septembre : McConnell, Gary Hinote et Sheets (= S/Sgt Robert M. Sheets, mitrailleur gauche à bord du B-17 42-5797 du 384th Bomb Group abattu le 16 août 1943 - évacué par la ligne Bourgogne/Burgundy vers les Pyrénées, qu'il franchit le 22 décembre 1943 - rapport d'évasion E&E 394)
Le manuscrit dans le rapport de Lindsay mentionne qu'il a rencontré chez Jacques MOURLET la sœur de celui-ci, chez laquelle il pense qu'avait été hébergé Dougherty (= 2nd Lt John Dougherty, navigateur à bord du B-17 42-5797 de Robert Sheets - voir ci-dessus - évacué par la ligne Bourgogne/Burgundy vers les Pyrénées, qu'il franchit en décembre 1943 - rapport d'évasion E&E 358).
Lindsay indique qu'il était prévu d'évacuer les évadés vers la Bretagne mais que ce ne fut pas possible et c'est confirmé dans le rapport de Matthews. On lit "Fan Fan" dans le manuscrit Lindsay. Il s'agit du surnom d'Yves LE HÉNAFF, organisateur des opérations visant à rapatrier les évadés par la mer via la Bretagne. Les causes du report sont détaillées dans le livre "RAF Evaders", mais nous ne les reprendrons pas ici.
Lindsay reste apparemment quelques jours chez LE HÉNAFF et retourne à Paris vers le 6 novembre. Il apprend par la suite que Matthews est rentré par avion en Angleterre. Lindsay mentionne s'être trouvé sur un quai de gare où il rencontre une Mlle BOURGEOIS, professeur de théologie/philosophie à l'Université de Paris, puis 2 ou 3 jeunes filles à l'extérieur de la gare. Des rapports d'autres évadés américains mentionnent également cette rencontre à la gare avec Melle BOURGEOIS, notamment Howell, cité par Lindsay. Howell est le mitrailleur arrière Sgt William C. Howell (du même B-17 42-29928 que McConnell - évacué par la Ligne Bourgogne/Burgundy vers les Pyrénées - janvier 1944 - E&E 328).
Lindsay est mené à un restaurant par Mlle BOURGEOIS, une jeune fille et "JEAN", un cadet de l'Ecole militaire. Par la suite, on le conduit à l'Hôtel Bienvenue, 4 Rue Saint-Sulpice, Paris VIe où il revoit Dougherty, McConnell et Hinote. On leur prend leurs papiers d'identité afin qu'ils ne quittent pas l'endroit et lorsque McConnell, assez furieux, menace de retourner chez MAURICE, on lui dit que ce dernier n'a pas de liaison avec la filière "Quimper"… Lindsay précise que la vieille femme de chambre de l'hôtel haïssait "les Boches"…
Après une semaine passée à l'hôtel, Lindsay et d'autres sont menés par un étudiant au Château de la Fortelle à Rozay-en-Brie en Seine-et-Marne, à 60 km au Sud-Est de Paris, pour s'y préparer, surtout physiquement. Cette propriété, inoccupée, gérée par des femmes membres de l'organisation, était louée par le groupe de Résistance de Madeleine DAVY et servait principalement à y cacher des jeunes gens et des hommes qui auraient dû partir pour le travail obligatoire en Allemagne, mais aussi, à l'occasion, des aviateurs alliés lorsque les filières d'évasion se trouvaient momentanément sans débouchés, ce qui était vraiment le cas à l'époque.
Lindsay parle de 9 autres américains et de 3 aviateurs britanniques dans le groupe. Les autres américains sont ceux déjà cités plus haut : Armstrong, McConnell, Howell, Sheets, Dougherty, Hinote, plus Charles Bailey, Jacob Dalinsky et William Quinn.
Le manuscrit Lindsay reprend la date du 3 décembre comme celle de son départ vers Paris, en compagnie de Bailey et de (illisible) accompagnés d'un petit français. Arrivé à Paris, on les mène près de la Sorbonne où, dans une salle de classe, Lindsay revoit Dalinsky avant d'être guidé, seul, par une jeune fille jusque chez "GILBERT", Rue (Avenue ?) Sainte-Marie (voir ci-dessous) où il revoit Armstrong, en route vers le Sud à ce qu'il dit.
Les quelques phrases suivantes du manuscrit sont indéchiffrables et à un certain moment, Lindsay revient chez GILBERT, mentionne un homme assez corpulent, propriétaire d'un hôtel à ? et apparemment une grosse légume. Il semble que trop d'hommes sont concentrés à cet endroit, où Lindsay rencontre Ian Covington. Le rapport de ce dernier précise que "GILBERT" est Gilbert VIRMOUX, 22 ans, cheveux collés noirs. La liste des Helpers français confirme Gilbert VIRMOUX au 41 Rue Saint-Merri, Paris 4ème. Covington indique que Lindsay arrive chez VIRMOUX en compagnie du Sgt RAF Thomas Reynolds.
Entretemps, Lindsay attrape la gale, mentionne un passage chez la propriétaire d'un magasin de couture, guidé par "HENRI", puis chez une dame âgée occupant un appartement au rez-de-chaussée où un médecin passer soigner son infestation. Après une semaine, il retourne chez Gilbert VIRMOUX et vers le 22 décembre il revoit Covington, rencontre Stanley Alukonis et apprend qu'Armstrong, "Shorty" et "Max" ont traversé les Pyrénées.
Lindsay fête la veillée de Noël chez VIRMOUX et le lendemain, impatient de bouger, il demande via "HENRI" des nouvelles quant à leur départ à lui et Covington. On lui dit de se rendre au Jardin des Plantes le même jour et il y voit McConnell, "ANDRÉ", "Jake". On lui apprend que le groupe de Mlle BOURGEOIS étant devenu trop important, les risques sont trop élevés. Lindsay retourne alors chez VIRMOUX où il retrouve Covington et Alukonis.
Vers le 26-27 décembre, une jeune fille du groupe de Mlle BOURGEOIS vient chercher Covington, tandis qu'une autre guide Lindsay et Alukonis chez la propriétaire du magasin de couture, où ils revoient Covington. La dame, environ 42-43 ans, grande, élégante, assez riche, a une fille de 23 ans, mince, jolie, le nez court.
Lindsay, Covington et Alukonis sont guidés par la jeune fille à la Rue du Bac chez un prêtre (l'Abbé Robert BEAUVAIS, de Comète). Ils s'y plaignent de la lenteur de la ligne Félix. Quelques phrases du manuscrit Lindsay sont indéchiffrables et un peu plus loin, il est fait mention d'un homme blond/grisonnant, environ 1m70, moustachu, des dents en or et surnommé "Cashbox" qui vient visiter le prêtre le 1er janvier. L'homme, dont nous pensons qu'il s'agit de Jacques le GRELLE, leur remet 500 francs à chacun et leur dit qu'ils partiront avec lui le 2 janvier.
Le 2 janvier, une dame assez petite, 1m45 environ, 40-45 ans, habillée en noir, les prend en charge dans le métro. Alukonis et Covington sont emmenés par un homme, tandis que Lindsay suit la petite dame en noir qui le guide près de la Place Gambetta vers l'appartement d'un couple et leur garçon de 16 ans rêvant de devenir pilote, et chez qui il loge deux jours. Il doit s'agir de la famille de Robert ONIMUS et Fernande PHAL au 84 Rue des Rondeaux, Paris XXe, au coin de l'avenue Gambetta et cimetière du Père Lachaise (le nom de Lindsay est repris dans la liste des 9 aviateurs logés chez les ONIMUS-PHAL).
Lindsay retrouve Alukonis et Covington le lendemain et, après le repas du soir, tous trois sont menés par Fernande ONIMUS-PHAL auprès de "Cashbox". Ils sont ainsi à nouveau dans le réseau Comète et on leur présente une guide, environ 35 ans, assez grande, mince, les cheveux foncés, qui emmène Lindsay et Alukonis vers une gare, leur procurant des tickets jusque Dax, puis Bayonne.
Andrew Lindsay et Stanley Alukonis sont guidés vers Bordeaux par Marcelle DOUARD. Ils y rencontrent Robert Gilchrist. Un jeune homme, Jean-François NOTHOMB, les accueille à Bordeaux et les emmène au restaurant, puis au train de 15 heures vers Bayonne (Dax, en fait).
A vélo, ils rejoignent l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA à Sutar (une taverne, dit Alukonis). Ils en partent le lendemain et, toujours à vélo, roulent une heure et demi. Avec deux guides, ils franchissent la frontière jusqu'à une ferme (Jauriko borda), où ils dorment avec des moutons.
C'est le 88e passage de Comète, seuls avec les guides de Pierre ELHORGA par Larressore et Jauriko borda.
En Espagne, un garçon et son père les guident de 09 heures et demi toute la journée dans les montagnes. Un autre guide les prend en charge à une étable et Covington souffre, fort éprouvé par la marche. Ils rencontrent deux gardes civils, prennent la fuite et apprennent plus tard que Robert Gilchrist a été capturé. Ils passent deux nuits dans une grange en attendant une voiture qui les conduit à San Sebastian mais parcourent encore 20 km à vélo avant qu'une Plymouth modèle 1933 ne les emmène à un hôtel où un agent consulaire vient les prendre.
Passé en Espagne le 6 janvier 1944, Lindsay n'arrive à Gibraltar que le 4 février, d'où il passe au Maroc, s'envolant de Marrakech le 5 février à destination de Prestwick en Angleterre et rejoignant ensuite son unité à Boxted.
Andrew Lindsay repose au Santa Barbara Cemetery à Santa Barbara, Californie. Son fils, Dan Lindsay, un major retraité de l'US Air Force de Santa Barbara en Californie, nous a transmis cette photo (ci-dessous) le montrant soigné à Evreux. Cette photo fut exigée par la Résistance avant son admission à être évacué par leurs soins.