Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 24 mai 2023.

Stanley ALUKONIS / O-679013
Central Street, Hudson, Hillsborough County, New Hampshire, USA
Né à Hudson, New Hampshire, le 6 mars 1918 / † le 15 mai 2006 à Hudson, New Hampshire, USA
Lt, USAAF 305th Bomber Group 366th Bomber Squadron, copilote
Atterri aux environs de Puth (Province de Limburg, Pays-Bas)
Boeing B-17G Flying Fortress, n° série 42-37750, KY-M / "Mary T" abattu le 14 octobre 1943 lors d'une mission sur Schweinfurt.
Écrasé près de Beek, ± 20 km au Nord de Maastricht, Pays-Bas
Durée : 10 semaines.
Passage des Pyrénées : le 6 janvier 1944.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d’équipage n° MACR 915 et d'évasion E&E 321 disponible en ligne.

Nos sources sont le rapport d’évasion d’Alukonis et les dossiers de Helpers Néerlandais, Belges et Français qui lui sont venus en aide. Prenant son rapport comme base, nous y avons ajouté des précisions trouvées dans ces rapports de Helpers, les souvenirs ne correspondant pas dans tous les cas.

Il est de l'équipage de Steve Krawczynski et Howard Keenan. Le pilote est le 2Lt Robert S Lang. Le navigateur John C. Tew Sr, le bombardier James E. Adcox, le radio Warren E. MacConnell, le mécanicien Reuben M. Alquist, le mitrailleur ventral Kenneth A. Maynard, le mitrailleur de flanc Charles S. Groeninger sont faits prisonniers.

Des chasseurs allemands détruisent le moteur n°3 dans des attaques frontales. Lang est à l'interphone pendant que Alukonis reste à l'écoute de la radio. Lang lui montre l'équipage qui attache son parachute et lui fait comprendre de mettre le sien et de sauter. Alukonis se glisse par la trappe avant et entend une explosion. Il ne revoit plus son appareil, mais il compte huit parachutes autour de lui.

Alukonis atterrit assez durement et pense qu'il est en Allemagne. Des gens courent vers lui et lui apprennent qu'il est en Hollande. Il avait atterri au milieu de l’après-midi dans le verger à l’arrière de la maison de Jos VROUENRAETS au 120 Dorpstraat à Puth, qui déclare que l’aviateur était blessé à la main et qu’il lui a donné à manger ainsi qu’une carte. Alukonis indique qu’il abandonne son équipement aux chercheurs de souvenirs qui convergent vers sa position et qu’il s'enfuit. Il indique que vers 17h00, une femme lui apporte du lait et deux tartines. Un garçon vient encore le prévenir que quelque chose se produira à la tombée de la nuit. Il ajoute que deux hommes arrivent avec un vélo. Il s’agit de J. LECLERCQ, boucher à Puth et de Jan AARTS, arrivés chez VROUENRAETS vers 23h00. Alukonis mentionne alors que "l’un d'eux lui donne un manteau et un chapeau", ajoutant qu’il" leur rend son vélo et se cache dans un fossé au sein d'un bois, pensant ne pas avoir été vu" (?).

Alukonis les suit à vélo jusqu’à Schinnen, chez AARTS, percepteur des Postes du village chez qui il loge la nuit. Il mentionne un BEMELMANS, (Josef BEMELMANS, 33 ans, du 127a Dorpstraat à Schinnen), qui habite juste en face dans la rue, et où on le questionne. Dans son rapport d’activités, BEMELMANS mentionne avoir logé, nourri et habillé Alukonis "du 15 au 17" octobre 1943. Selon AARTS, Alukonis n’aurait logé qu’une nuit chez BEMELMANS avant de revenir chez lui le 16 octobre. Selon AARTS, Alukonis est parti le 16 et remis à Jacob Hubert Jozef SANGEN, 30 ans, du 119 Hommerterweg à Hoensbroek. Inspecteur à la Direction du Trafic routier, SANGEN se dit chef du réseau d’évasion dans la région des mines de la Provincie Limburg et déclare être venu chercher Alukonis en voiture (chez AARTS, dit-il) pour le conduire chez Jaak VRIJ du 26 Kapoenstraat à Maastricht, qui le confirme, bien que le nom d’Alukonis ne figure pas dans la liste des aviateurs de son rapport d’activités. Jaak VRIJ n’a jamais hébergé d’aviateurs chez lui, s’occupant de convoyage, son adresse étant un centre de contacts. Une polémique a vu le jour de fin 1944 au début de 1947 au sujet de l’importance du rôle joué pendant le conflit par Jacob SANGEN, certains l’accusant d’avoir inventé des actions de résistance et fortement exagéré le nombre d’aviateurs aidés par lui... En conclusion, l’affaire est close et Sangen est crédité d’une activité prépondérante, avec une intervention personnelle dans le sauvetage d’une vingtaine d’aviateurs confirmés.

Alukonis mentionne que "le lendemain, deux prêtres parlant anglais le visitent et il retourne chez BEMELMANS pour une nuit. Sa fuite est organisée via Maastricht, où il dort deux nuits chez une jeune fille". Il s’avère qu’il s’agit de Justina PINKAS-ova, qui ne reprend que le prénom Stanley et déclare qu’elle l’a reçu de Arie VAN MANSUM le 16 octobre chez elle au 120 Brusselsesteenweg à Maastricht [VAN MANSUM ne reprend qu’un seul aviateur dans son propre rapport, un "Lt. Folkmer, de New York" (?)]. Pas beaucoup de détails dans le dossier d’activités de Justina, car elle déclare qu’à la suite de l’arrestation de certains de ses contacts, elle a dû détruire ses listes de noms d’aviateurs aidés. Selon des éléments de son dossier, elle a convoyé quelques aviateurs à Bruxelles, mais ce ne fut pas le cas avec Alukonis.

Alukonis et Krawszinski doivent rejoindre la Belgique depuis Heerlen en vélo. Mais Alukonis mesure près de 2 m, a des mains comme "des pelles à charbon" (pour reprendre l'expression de ses helpers néerlandais) et chausse du 47, et les vélos sont de petite taille. Il va déclencher l'hilarité des enfants qui sortent justement d'une école dans un village. Krawszinsky devait réapprendre à rouler à bicyclette et chuta à de nombreuses reprises. Ils arrivent finalement à la Meuse et sont remis par NEL et KLAAS à deux résistants belges, Jules HOUBEN et Arnold BOLLEN (charpentier, du 54 Dorpstraat à Uikhoven). La traversée de 130 m se fait de nuit sur un petit canot privé. Frans LYNA et Jozef STEGEN, tous deux de Uikhoven, font le guet sur la rive belge. Karst SMIT déclare aussi l'avoir fait passer de Hollande en Belgique.

Alukonis déclare avoir traversé le canal Albert entre Lanaken et Maastricht sur une passerelle non surveillée à 05h30 du matin. Il loge en Belgique chez son guide belge, un petit homme. Il le suit ensuite jusqu'à la gare de Lanaeken, où ils prennent le train vers Bruxelles vers 6 heures du matin. Ils descendent dans les faubourgs de Bruxelles (en gare de Schaerbeek) et vont dans un café en tram. Vers 13 heures, il rencontre David VERLOOP, blond, qui a environ 21 ans et étudiait le droit avant de rejoindre la Résistance. Alukonis indique qu’il est logé 9 nuits à la "Rue des Bouliers" dans l'appartement d'un Juif nommé "FRISMAN" de Rotterdam. Il s’agit en fait d’Ernest LIFFMANN, 54 ans, homme d’affaires hollandais (N.V. Damesconfectie "MODÉLA"-Wisbrun & Liffmann), habitant 36 C.N.A. Looslaan, Rotterdam, ayant dû fuir les Pays-Bas en y abandonnant sa femme et ses enfants et s’étant réfugié à diverses adresses à Bruxelles, dont le 5 Rue Emile Bouilliot à Ixelles. LIFFMANN, "connu des aviateurs sous le pseudonyme de François Coulon", reprend les dates de ce séjour comme étant du 18 au 28 octobre 1943 et qu’il lui a procuré à Alukonis de la nourriture et des vêtements. Alukonis reçoit des papiers d'identité de David VERLOOP, repris par Ernest LIFFMANN comme habitant au 45 Rue Berkendael à Forest à l’époque de son transfert. David VERLOOP, 23 ans, un jeune étudiant hollandais de Utrecht, impliqué dans l’aide à l’évasion, a été arrêté avec des aviateurs dans la nuit du 28 au 29 février 1944, tout comme un "Chris", appréhendé, lui, en entrant dans la maison en question. Une explication est que David VERLOOP, avant de se suicider le 7 mars 44 dans le bâtiment de la Gestapo en se jetant du 6e étage, s'était fait passer pour le chef bruxellois de la ligne Dutch-Paris. Il est fort possible qu'il soit ce "Joe/Robert" mentionné dans les rapports. "Dan" n'est autre que Daniel VAN DER MOST van SPIJK, également de Utrecht. Il se confirme qu’Alukonis a rencontré lui aussi ce groupe néerlandais. David VERLOOP repose au Nieuw Gemeentelijk Begraafplaats à Zeist, Pays-Bas.

Alukonis déclare avoir été remis vers le 28 octobre 43 à un "Paul" (Paul VEERMAN alias Paul Van Cleef) d'un autre réseau, qui lui dit le faire parvenir en Espagne endéans les 5 jours. Alukonis est photographié ce 28 octobre par André DUCHESNE, 37 ans, poissonnier au 5 Avenue des Celtes à Etterbeek. Il rencontre une femme rousse qui a été en prison en Allemagne (Mathilde "May" VERSPYCK) et qui le conduit à un appartement pour une paire d'heures. Il reste 10 jours chez un homme âgé, un policier. Durant ce séjour, une banque se voit voler 15 millions de FB en chèques. Il dort encore trois jours chez un autre couple sans enfants. Un homme de 33 ans lui annonce que la ligne qu'il suivra s'appelle Félix. Il rencontre alors Ian Covington dans une gare.

Accueilli à Bruxelles par Élise CHABOT au 4 Rue Jules Lejeune à Ixelles, il est guidé par Ernest VAN MOORLEGHEM à son arrivée de Hollande, est réceptionné à EVA le 28 octobre et logé par Yvonne BIENFAIT, infirmière, au 35 Rue Guillaume Kennis à Schaerbeek. Alukonis mentionne également son amie "Mickey" (Yvonne DE MEULENAERE) qui le visite avec deux RAF : Wilfred Gorman et Arthur Holden durant son séjour d'une semaine chez elle. Il y rencontre "M. Gaston".

Alukonis fut effectivement remis, avec Ian Covington, le 4 ou le 6 novembre 1943 par Gaston MATTHYS à "Prosper" HELLEMANS de la ligne Félix (un ancien d'EVA), suite à l'affaire Sarnow-Minnich. Paul HELLEMANS, du 13 Rue Stévin à Bruxelles, déclare avoir reçu Alukonis du Groupe EVA le 5 novembre et l’avoir remis au groupe Felix le 18 du même mois… MATTHYS avait également remis à cette ligne les Anglais Maxwell Royce Fidler et Leslie C. Woolard le 22 octobre, ensuite les Américains Edward Sobolewski et Harry H. Horton Jr le 24 octobre, enfin les Anglais Arthur Holden et Wilfred Gorman le 30 octobre. Mais Félix avait alors épuisé ses fonds.

Maurice PIENS les cherche à l'église de la Trinité à Ixelles. Leur train part peu après la tombée de la nuit et ils changent peu avant la frontière (probablement à Tournai) et vont dormir chez un homme. Ils ont bien logé quatre jours chez Mme Marthe OTTEVAERE (la liste des Helpers belges la reprend comme habitant au 56 "Rue de la Tole" à Gand – nous n’avons pu trouver d’artère correspondante à Gent…) puis sont transférés par Maurice PIENS chez Eugène DESROUSSEAUX, propriétaire du Café de la Gare, 11 Place de la Gare à Mouscron, avec qui ils franchissent la frontière française le 15 octobre 1943. Alukonis dit qu'ils la franchissent à pied vers 5 heures du matin.

Ils vont chez Fernand VAN AERDE, à Tourcoing au 27 Rue Gambetta. C'est un ancien capitaine de l'armée devenu agent d'assurance. Un aviateur américain Kiniklis et un RAF John Carleton sont déjà là depuis trois semaines. Il s’agit du S/Sgt William P. Kiniklis, USAAF, mitrailleur arrière à bord du B-17 42-3225 - 381 Bomb Group / 535 Bomb Squadron, abattu le 17 août 1943, qui réussira son évasion (E&E 508) et du Sgt John D. H. Carleton, mitrailleur dorsal à bord du Stirling EE905 du RAF 620 Squadron, abattu le 30 juillet 1943 (évadé – SPG 3318/1720). Un homme de 20 ou 21 ans nommé Henri les conduit tous quatre à Paris, où trois femmes les attendent. Alukonis et Covington en suivent une, qui les emmène par le métro à la Rue du Bac à Paris VIIe. Après un jour, ils rencontrent un "Gilbert" dans une église (Gilbert VIRMOUX), et ils le suivent dans son appartement à la Rue Sainte-Marie. Kiniklis y est déjà. Andrew Lindsay les y rejoint. Il avait voyagé avec Félix depuis Brest.

Lindsay, Covington et Alukonis sont guidés par une femme près de la Rue du Bac chez un prêtre (l’Abbé René BEAUVAIS, au 1 Rue Montalembert, Paris VIIe). Ils s'y plaignent de la lenteur de la ligne Félix. Un homme blond avec des dents en or et surnommé "Cashbox" vient visiter le prêtre. Lindsay est emmené et Alukonis et Covington sont pris en charge par une petite dame habillée en noir, qui les remet à une autre femme habillée en noir (Fernande ONIMUS-PHAL). Ils logent deux jours près de la Place Gambetta. Il doit s'agir de la famille d'Albert VERHULST et Odile VANDEPUTTE au 7 Rue du Cher à Paris XXe. Ils sont de retour dans la sphère de Comète.

Alukonis et Andrew Lindsay sont guidés à Bordeaux par Marcelle DOUARD. Ils rencontrent Robert Gilchrist. Un jeune homme, Jean-François NOTHOMB, les accueille à Bordeaux et les emmène au restaurant, puis au train de 15 heures vers Bayonne (Dax, en fait).

A vélo, ils rejoignent l'auberge de Larre à Sutar (une taverne dit Alukonis). Ils en partent le lendemain et roulent une heure et demie. Avec deux guides, ils franchissent la frontière jusqu'à une ferme (Jauriko borda) où ils dorment avec des moutons.


Mot de remerciement d'Alukonis dans le carnet de Pierre Elhorga.

C'est le 88e passage de Comète, seuls avec les guides de Pierre ELHORGA par Larressore et Jauriko borda.

En Espagne, un garçon et son père les guident toute la journée depuis 9h30 du matin dans les montagnes. Un autre guide les prend en charge à une étable et Covington souffre. Ils rencontrent deux Guardia Civile et s'enfuient, mais ils apprennent que Robert Gilchrist a été capturé. Ils passent deux nuits dans une grange en attendant une voiture qui les conduit à San Sebastian mais parcourent encore 20 km à vélo avant qu'une Plymouth modèle 1933 ne les emmène à un hôtel où un agent consulaire vient les prendre.

De San Sebastian, Alukonis va en voiture consulaire à Madrid, puis en train à Gibraltar, où il arrive le 14 janvier.

A Gibraltar, il est interrogé par le MI-9. Un avion l'emporte à Portreath en Angleterre le 17 janvier. Stanley Alukonis prendra sa retraite de l’US Air Force le 1er novembre 1962 avec le grade de Lt Colonel. Décédé en 2006, il repose au Hills Farm Cemetery à Hudson, New Hampshire.

Merci à Michael Leblanc pour ses informations.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters