Personne passée à une autre ligne d'évasion

Dernière mise à jour le 4 octobre 2018.

Allen Norman ROBINSON / 12038047
202 Fix Street, Burlington, Caroline du Nord, USA
Né le 15 juillet 1917 à Spartanburg, Caroline du Nord, USA / † le 21 février 1967 à Mebane, Caroline du Nord, USA
S/Sgt, USAAF 306 Bomber Group 367 Bomber Squadron, mitrailleur dorsal
Atterri près de Saint-Gilles-les-Bois, au Nord-Est de Guingamp, Côtes-du-Nord (actuellement Cotes d'Armor), France.
Boeing B-17F-40-Bo Forteresse Volante N° série : 42-5175 Immatriculation : GY- ?, abattu par la Flak et des chasseurs le 16 février 1943 lors d'une mission sur les installations portuaires de Saint-Nazaire
Ecrasé soit dans la Manche au large des Sept Isles, soit près de Saint-Gilles-les-Bois, Côtes-du-Nord (actuellement Cotes d'Armor), France.
Durée : 7 mois.
Passage des Pyrénées en septembre 1943.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 15471. Rapport d'évasion E&E 103 disponible en ligne.

L'appareil décolle de Thurleigh et immédiatement après le largage des bombes, l'appareil piloté par le 1st Lt Joseph A. Downing est touché par la Flak dans deux moteurs. Des chasseurs allemands attaquent la formation et détruisent un troisième moteur, obligeant le pilote à descendre son avion de 3000 m à seulement 1200 m pour profiter d'une couche de nuages à cette altitude. Il parvient ainsi à échapper aux chasseurs avant de donner l'ordre d'évacuer l'appareil, qu'il oriente, selon une version, cap Sud-Est après avoir fait demi-tour à hauteur des Sept-Îles, selon une autre, en direction de la Manche sur pilote automatique (version reprise dans le rapport du copilote Kelly et qui est vraisemblablement la bonne).

Le mitrailleur gauche Harvey J. Ross est tué. Le pilote Downing, le navigateur Lt Howard H. Pratt, le bombardier Lt George V. Bryan, l'opérateur radio S/Sgt Henry H. Jones, le mitrailleur ventral S/Sgt Royal A. Green, le mitrailleur droit S/Sgt George W. Green et le mitrailleur arrière S/Sgt Loras C. Elliott seront fait prisonniers.

Seuls Allen Robinson (la présente fiche) et le copilote, le Lt Howard W. KELLY (O-726785 - traverse la France, passe les Pyrénées à pied, arrive à Gibraltar le 21 avril 1943 et rentre le 24 en Angleterre - E&E 30 ) parviendront à s'évader.

Allen Robinson atterrit dans un champ labouré et, tandis qu'il se débarrasse de son parachute, il voit un camion qui arrive, lui paraissant transporter des soldats. Il commence alors à courir et, après environ 2 km, il reprend son souffle, caché dans des buissons.

Il poursuit sa marche, mais ne trouve pas de boussole dans son kit d'évasion. Il ôte son pantalon de vol et son casque et les cache dans un bois. A la nuit tombée, il marche vers le Sud-Est pendant toute la nuit, de même que la journée et toute la nuit suivante, se nourrissant des provisions de son kit d'évasion et de pommes de terre et de légumes qu'il trouve dans des champs.

Son rapport d'évasion, assez touffu, indique à un certain endroit qu'il a marché le long de la côte pendant 5 km dans chaque direction, à Etables-sur-Mer, qui se trouve ± 80 km au Nord de Loudéac (Morbihan).

Il indique qu'il vole un pantalon et une paire de sabots dans une ferme à proximité de Loudéac et que là, il est suivi jusqu'à la sortie du village par un soldat allemand. Ne pouvant marcher rapidement à cause d'ampoules aux pieds meurtris par les sabots, il s'éloigne encore du village et quitte la route pour se réfugier dans un bois. Là, le soldat allemand s'approche et s'adresse à lui. Alors, sortant le pistolet caché sous son manteau, Robinson l'abat et dissimule son cadavre dans le bois. Il remarque un fermier qui, bien qu'ayant dû se rendre compte de quelque chose, continue imperturbablement à labourer son champ.

Robinson marche alors sur la route menant à Josselin, toujours dans le Morbihan, où il arrive dans le courant de la 5e nuit (le 20 février). Il se rend à un hôtel où l'employée et deux français se trouvent dans le hall de réception. Il fait signe qu'il souhaite une chambre et l'employée le mène à l'étage. Peu de temps après, la propriétaire de l'hôtel arrive et Robinson lui explique qui il est. Aidée d'une nonne faisant les traductions, l'hôtelière l'hébergera et le nourrira dans son établissement pendant trois jours, lui remettant également des vêtements civils. Geste d'autant plus admirable que son hôtel est plein d'Allemands et qu'il n'y loge aucun civil.

Robinson quitte alors Josselin en direction de l'Ouest, dans le camion d'un meunier qui le conduit chez un horloger. Le lendemain (le 24 février), un médecin le prend en voiture pour le conduire à un café où des hommes viennent le chercher pour le mener à Pontivy. Arrivé là, il attend deux heures avant de voir arriver un autre Français, qui lui remet une (vieille) carte d'identité et l'accompagne en compartiment de 2e classe dans le train pour Paris. Il y a un contrôle en cours de route, Robinson est mal à l'aise car il se sent remarqué, mais tout se passe bien.

A Paris, Robinson loge dans le flat de "Janet" pendant 3 jours avant d'être transféré, en début mars, dans l'appartement de Marie-Thérèse GENTILE au 13 Rue de Citeaux, près du Boulevard Diderot dans le XIIe, où il loge deux nuits. On le mène ensuite au flat de "Peter", où il reste deux nuits et où un M. ISLEY vient le voir. "Peter" ayant été arrêté pour marché noir, ISLEY déménage Robinson vers la mi-mars chez Elisabeth BARBIER au 72 Rue Vaneau dans le VIIe arrondissement, où il loge pendant sept semaines.

Robinson est le troisième aviateur américain, hormis Iva Fegette et William Whitman à avoir été présent à la gare d'Austerlitz lors de l'arrestation de Gilbert Wright, déguisé en prêtre. Jean-François NOTHOMB y avait amené Robinson. "Franco" dit qu'il va aller voir si le trajet est surveillé, et les trois aviateurs vont passer la nuit chez Elisabeth BARBIER à la Rue Vaneau.

"Mr Paul" (Fredéric DE JONGH) vient lui remettre de faux papiers et il reçoit à quatre reprises la visite de "Val" (Val WILLIAMS ou Vladimir BOURYSCHKINE de la ligne Oaktree). Des guides du nouveau réseau d'Elisabeth BARBIER passent également le voir : Mrs MacCARTHY (Elsa Janine alias "Jeanne, Rose" MacCARTHY du 54 Rue Sainte-Anne à Paris XIe), la roumaine Olga PONTREMOLLI (du 95 Rue des Petits Champs), l'américaine Elizabeth CARMICHER/CARMICHAEL. Cette dernière pourrait être Elizabeth CARMALT, qui viendra habiter au 28 Rue Vaneau à Paris VIIe après l'arrestation de Frédéric DE JONGH le 07 juin 43 (Elisabeth BARBIER habite au n° 72). Pour l'annecdote, cet appartement servira encore à Jacques LE GRELLE après la guerre pour la liquidation administrative de Comète-France.

Vu les arrestations dans Comète, Robinson est passé à une autre ligne (Oaktree) pour la suite de son évasion. "Peter" vient donc le chercher chez BARBIER pour le conduire, muni de nouveaux faux papiers, à Etables-sur-Mer, en Bretagne. Là, il loge une semaine chez le maire de la localité, Jérôme CAMARD. Jean CAMARD, le fils du maire, le guide ensuite jusqu'à Paimpol et le mène au Château du Bourblanc chez la Comtesse "Betty de Maudit" (Comte Henri de BAUDUIT et son épouse Roberta "Betty" Laurie, qui est américaine) à Plourivo près de Paimpol. C'est ce qu'on appelle la ligne Bourblanc.

Robinson se trouve là avec 18 autres évadés. Il nomme le Lt Donald Lee Nichols (E&E 75), le Lt Edward J. Spevak (E&E 59), le Sgt Allen Fitzgerald, le S/Sgt Marcus K. Davis (arrêté par après), le Lt Robert Edward Biggs (E&E 41) et "Martin" (il n'en nomme qu'un, mais en fait il y a deux Martin dans le groupe, les S/Sgt Roy A. Martin - E&E 77 et William C. Martin - E&E 78, tous deux du même équipage). Comme Robinson, tous ces hommes sont repris en charge par la ligne Oaktree vers Paris, puis la ligne Bourgogne pour leur évacuation finale.

En début juin (le 05 juin, en fait) "Paul" (Ray LABROSSE) passe prendre Robinson, Spevak, Fitzgerald, Nichols, Marcus Davis et le S/Sgt Donald Parks (qui sera arrêté par la suite) pour les ramener à Paris en train. Mme de BAUDUIT sera arrêtée le 12 juin. Arrivés à Paris, Elisabeth BARBIER leur apprend que "Val" a été arrêté (le 04 juin à Pau - fin de la ligne Oaktree) et tous se rendent alors à l'habitation d'Elisabeth au 72 Rue Vaneau, d'où on les répartit séparément dans d'autres planques.

Robinson, lui, va chez la comtesse "Soussanet" (Hélène de SUZANNET), qui le conduit en ambulance de la Croix-Rouge vers son domicile au 210 Rue Greuze à Paris VIIe, où il reste trois heures avant d'être mené à un hôtel où un homme vient l'inviter à dormir une nuit chez lui. Robinson passe la nuit suivante dans la cave d'un garage à côté de l'hôtel avant d'être hébergé et nourri pendant une semaine par Mme DEMONGODIN au 17 de l'Avenue Victor Hugo. Robinson mentionne avoir appris qu'Elisabeth BARBIER a été arrêtée pendant qu'il se trouvait là. Elle a effectivement été appréhendée par la Gestapo dans son appartement le 18 juin, en même temps que Marcus Davis et Ronald Parks cités plus haut, ainsi que sa mère Camille FOUCHET d'ESTMAUR et Natacha PROTASSIEFF épouse du Danois Niels BOEG du 83 Rue de Saussure à Paris XVIIe. D'origine russe, Natacha PROTASSIEFF avait été auparavant recrutée à Comète pour loger et interroger des évadés russes comme Piotr Pinchouko et Aleksei Stadnik.

Robinson est alors mené chez l'avocat GOUTTENOIR au 2 Carrefour de l'Odéon dans le Quartier Latin, où il reste quelques jours, y apprenant qu'il n'est plus dans les mains d'aucune organisation (le terme "réseau" n'est employé qu'à la fin de la guerre). GOUTTENOIR le guide alors chez Maurice JANET, directeur d'école, vivant avec sa sœur, une institutrice. De chez JANET, Robinson mentionne une guide, Madame SALONGE, sans autres précisions.

En juillet, il est mené chez Marie BETBEDER-MATIBET, au 7 Square de Port Royal dans le IVe arrondissement. Il reste là jusqu'à son départ de Paris. Durant son séjour, il reçoit la visite du mari de Mme BRUGMANN, d'East Hampton et de Marie-Rose ZERLING (alias "Claudette"), qui lui amène "Paul" (pseudo de Ray LABROSSE), qui lui remet de nouveaux faux documents d'identité.

Robinson voit ensuite arriver une femme blonde, "Marie", qui va le placer ailleurs pour deux nuits avant qu'il soit placé chez ZERLING. Arrive ensuite une "Mme Christine", accompagnée d'un Anglais qui le questionne. Il devrait s'agir de Lucienne Christine BODIN (alias "Marie-Christine") du 08 Rue des Petits-Champs à Paris (même rue que Olga PONTREMOLI) ainsi que le confirme un autre aviateur en la décrivant comme une coiffeuse.

En août, lorsque vient le moment de partir, "Christine" emmène Robinson et cinq autres (dont probablement Ray LABROSSE, qui retourne à Londres informer de la situation de Oaktree) en train vers Tarbes. Là, ils changent de train pour aller à Lourdes, d'où ils repartent à nouveau vers Tarbes. De là, ils vont à "Bagnars" (Bagnères-de-Bigorre) avant de retourner encore une fois à Tarbes.

Le lendemain, nouveau départ pour Bagnères-de-Bigorre d'où le groupe, accompagné de guides marche 4 jours et 5 nuits avant que leurs guides ne les abandonnent à leur sort. Robinson était le seul Américain parmi un nombre assez important de Français. Ces derniers veulent se diriger vers l'Ouest, Robinson vers le Sud. Robinson part donc seul et passe finalement en Espagne où il est arrêté un jour après et emmené à Barbastro où il passe sept jours.

Un officier de l'Aviation espagnole le mène à Alhama de Aragón où il reste une semaine. Un Mr VINCENT le guide alors vers Madrid, où il reste une semaine dans un hôtel (l'ambassade britannique est surchargée d'évadés en 1943).

Robinson est alors interrogé à Madrid le 16 septembre par le Major Clark. Il voyage en train et bus vers Gibraltar qu'il atteint le 20 septembre 1943. Il y est interrogé le même jour par le Major Lewis et Donald Darling et rejoint l'Angleterre par avion le 21 septembre, y atterrissant à Prestwick.

Allen Robinson est rapatrié aux Etats-Unis et s’engage à nouveau dans l’Air Force le 11 février 1946. Décédé en 1967, il repose au Pine Hill Cemetery à Burlington, Alamance County, Caroline du Nord.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters