Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 19 juin 2022.

Carl L. SPICER / O-671130
Mendon, Ohio, USA
Né le 28 novembre 1917 à Mendon, Ohio / † le 22 mai 2001 à Spencerville, Ohio
2nd Lt, 100 Bomber Group 350 Bomber Squadron, navigateur
Atterri à Lippenhuizen, Friesland, NL
Boeing B-17 G Flying Fortress, n° série 42-30818, "SALVO SAL", d’abord touché par la Flak juste après le largage des bombes sur l’objectif et est ensuite abattu par des chasseurs le 8 octobre 1943 lors d'un raid sur Bremen.
Écrasé dans un champ près du Zuider Zee, Schurega, NL
Durée : 10 semaines
Passage des Pyrénées : le 16 décembre 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 952. Rapport d'évasion E&E 285.

L'appareil décolle de Thorpe-Abbotts dans cette dixième mission pour l’équipage du 1Lt William H. McDonald et est endommagé par la Flak au-dessus de Bremen, un moteur perdant ses hélices. Les ailes sont percées de trous de la taille d'un ballon de football. L'avion passe en Hollande à 1800 m d’altitude et est pris dans un tir de Flak de 20 mm. Le pilote donne l'ordre de sauter. Le S/Sgt Douglas W. Agee est tué par la Flak sur l'objectif. Le 2 Lt John L. James, copilote, a les jambes brisées et est fait prisonnier avec le T/Sgt Fred Pribish, radio, le T/Sgt Charles S. Ausbauch, mitrailleur dorsal, le S/Sgt Rolf W. Detillon, mitrailleur ventral, le S/Sgt Victor P. Intoccia mitrailleur latéral et le S/Sgt Paul G. Sears, mitrailleur arrière. Le bombardier, 2Lt Frank P. McGlinchey, et le pilote, 1Lt William H. McDonald parvinrent d'abord à s'évader mais furent arrêtés ultérieurement.

Spicer suit les sergents rescapés et saute à 1400 m. Il observe les parachutes des 5 sergents et des 3 autres officiers. Il atterrit dans un champ labouré et cache son équipement dans un fossé. Un paysan lui crie "Nederland" et il part plein Sud, s'éloignant le plus vite possible. Des fermiers récoltent les pommes de terre, mais comme il ne peut les comprendre, ils continuent leur travail. Il se rend compte qu'il est suivi par un Allemand, qui est en fait son bombardier, McGlinchey. Ils poursuivent ensemble vers le Sud et tombe sur quelqu'un parlant anglais, qui confirme qu'ils sont aux Pays-Bas. Un fermier leur fait signe de se baisser, tandis qu'une voiture allemande passe. Ils suivent un canal et sont arrêtés par une femme en vélo. Elle leur explique qu'elle peut les aider et trouver des vêtements civils, mais elle ne revient pas.

Ils traversent un pont sur le canal Nieuwe Vaart et traversent Overtoom. Ils marchent jusqu'à l'aube et se cachent derrière une ferme. Ils se montrent au fermier et peuvent entrer et prendre un déjeuner. Une demi-heure plus tard, un homme parlant anglais arrive. Il leur explique que les Allemands sont partout et qu'il est impossible de s'évader. Ils peuvent néanmoins dormir la journée dans la ferme. Le soir, le fils vient leur dire que leur évasion est arrangée.

Le 9 octobre, le fils du fermier explique que des personnes des services secrets viendraient bientôt les chercher. Chez son voisin le boulanger se trouvent déjà deux hommes dont la présence est inexpliquée. Le 10 au soir, deux hommes viennent les prendre à vélo avec des vêtements civils. McGlinchey et Spicer les enfilent par-dessus leurs uniformes. Ils sont cachés dans un réduit d'une église à 15 Km de là. Ils y passent les nuits du 10 et du 11, nourris par un vieil homme qui leur apporte des plateaux. Une "Tina" vient les questionner et leur remet des EForms.

Dans une interview de 1976, Tiny Mulder relate que le bombardier Frank McGlinchey, atterri près du village de Beetsterzwaag et trouvé par des fermiers puis aidé par eux afin de s'orienter correctement, avait trouvé Spicer errant dans les champs. A deux, ils trouvent une étable et y dorment la nuit. Le lendemain matin, ils abordent le fermier, qui les nourrit et les fait loger chez lui à l'étage de sa ferme.

Il s'agit de Trijntje "Tiny" MULDER, résistante célèbre pour son travail de guide de Groeningen vers le Sud. Dans un récit publié dans le livre de Glenna et Michael Meckstroth "Surviving World War II : Tales of Ordinary People in Extraordinary Circumstances", Spicer appelle Tiny Mulder "the girl in the awful green hat", référence au chapeau vert que Tiny portait habituellement. Passés de maison en maison, Spicer et McGlinchey sont ensuite cachés les 10 et 11 octobre dans le grenier de l'Eglise Réformée à Wolvega, où Tiny Mulder vient les chercher. Elle leur dit que leur pilote, William McDonald, également tombé près de Lippenhuizen, a été hébergé par le percepteur des Postes de l'endroit.

Le rapport de Spicer continue : Le soir du 12 octobre, les deux hommes réapparaissent avec les vélos et les conduisent au Sud de la ville de Wolvega. Hors de la ville, ils voient une voiture. Ils y montent avec les deux hommes, qui leurs annoncent qu'ils vont devoir se séparer. Ils partent ensuite à Drachten avec McGlinchey. Spicer reste et un réfractaire l'escorte dans une ferme au sud de Drachten et le conduit chez lui. Il s'agit de Siebron et Joukje VAN VELDEN du 3 Zuiderheide à Drachten. Il y reste jusqu'au 21 novembre. Il se promène pour tenir un minimum de forme et doit se cacher dans les toilettes lors des visites. Un jour, il doit jouer le rôle d'un sourd-muet. On vient le photographier, mais il ne voit jamais revenir ses photos.

Tiny MULDER emmène donc McGlinchey en taxi vers Drachten, dans la maison où elle habite avec ses parents. Tiny se rend alors à vélo à Lippenhuizen d'où elle guide McDonald, roulant lui sur un vélo d'emprunt et avec difficulté, manquant d'habitude sur ce genre d'engin, vers une autre cachette à Drachten. Spicer ajoute que, logé chez des fermiers voisins des MULDER, Tiny venait souvent le chercher le dimanche soir pour le mener à sa maison où il pouvait manger du maïs, des pommes et même, le vendredi, du poisson.

Une femme vient visiter Spicer tous les soirs et lui donne des livres à lire, des vêtements civils et lui raconte les nouvelles de la BBC. Il s'agirait d'une Petronella BOLLEMAN, du 40 Zuiderbuurt à Drachten. Il reçoit des coupons de pain et des cigarettes d'un "Hank" (en fait, Hendrik "Henk" METZLAR, du Moleneind NZ 182 à Drachten), qui détestait les Allemands et affirmait en avoir tué quelques-uns.

Le départ des aviateurs est organisé et Tiny guide d'abord McGlinchey et McDonald en train vers Ermelo où elle les confie à un abri appelé "Red Riding Hood" (ces deux aviateurs arrivèrent par la suite près des Pyrénées et furent arrêtés par une patrouille allemande ; internés tous les deux au Stalag Luft 1 à Barth.)

Spicer se rend avec le fermier vers la grand route à 09 heures et une voiture apparaît, avec le guide (Tiny) et un aviateur de la RCAF. Tiny accompagne ainsi Spicer et l'aviateur canadien Frederick Boulter à Ermelo d'où ils poursuivent leur route ensemble, passant par Heerenveen vers la Belgique. [Selon Tiny, ils se sont séparés en cours de route, mais nous ignorons à quel moment.]

Spicer rapporte qu'il voit des soldats allemands le long de la route. A Ermelo, ils achètent des tickets de train pour une destination au Sud de Meppel. Il retrouve Tiny et son chapeau vert sur un quai de la gare et voyagent dans des compartiments séparés. Ils descendent et Spicer revoit un docteur (Joop KRUIMMEL, de Garderen – autre adresse Biltstraat 176 à Utrecht) qu'il avait déjà rencontré chez les VAN VELDEN. Tiny et lui le suivent. Ils vont prendre un lunch chez lui et reviennent à la gare où il rencontre un autre guide, grand et mince, qui l'emmène chez lui à Zeist. Il s'agit probablement de Willem Schmidt, 11 Boulevard à Zeist, qui sera fusillé plus tard, un agent de Karst SMIT. Il dort chez lui et ils prennent ensuite le 12 un tram pour Utrecht, puis des tickets pour Tilburg.

Une voiture aurait dû les y attendre, et ils empruntent donc des vélos jusqu'à la frontière. Dans une zone boisée, ils passent encore une nuit dans une ferme. Spicer, lui, y est avec un guide Willem SCHMIDT, un prisonnier de guerre français, Garry, et Boulter.

Ils vont à une petite ville (Weelde ?) et prennent un tram pour Turnhout, et le train pour Anvers et Bruxelles. Le 13 novembre 1943, trois jours après John Justice, Willem SCHMIDT les remet à Mme Élise CHABOT et sa fille, Charlotte "Lotty" AMBACH au 4 Rue Jules Lejeune à Ixelles. Il doit y avoir logé avec le français nommé Garry.

Ernest VAN MOORLEGHEM le confie alors à Alphonse Escrinier qui l'identifie et le photographie chez M. SPILLIAERT tard le soir, avec un photographe dont le visage était affreusement brûlé. Il s'agit de André DUCHESNE, habitant au 5 Avenue des Celtes à Etterbeek.

Alphonse ESCRINIER et Blanche PAGE guident Spicer et Thelma Wigginsen tram ce 13 novembre chez Mr et Mme OLDERS au 17 Rue des Tanneurs à Bruxelles où Spicer revoit John Justice et où ils restent jusqu'au 16. HOSTE et SPILLIAERT les guident alors chez Remacle ROUFFART et Madeleine LOMBA au 51 Avenue Jules Malou à Etterbeek (adresse à la liste des Helpers belges de 1947 : 639 Chaussée de Wavre), où ils restent jusqu'au 18. Du 18 au 24 ils logent chez Cyprien SACOTTE, cafetier et policier, et son épouse au 64 Rue Champ du Roi à Etterbeek, puis les mêmes guides le ramènent chez Mme ROUFFART du 24 au 26. Il va ensuite chez Mr et Mme Jean DEPAYE au 20 Vieux Marché aux Grains à Bruxelles où il reste jusqu'au 3 décembre.

Tout comme Justice, Spicer reçut souvent la visite de Gaston MATTHYS. Ce dernier le remet à un délégué d'Yvon MICHIELS "Jean SERMENT" pour qu'il soit évacué par Comète. Il s'agit de Jules DRICOT "Deltour".

Un guide (Jules DRICOT) les conduit en train à la frontière française, où un autre guide (Albert MATTENS) et deux autres aviateurs les rejoignent (Carl Smith et Archibald Mellor). Ils passent chez Achille DUPONT et sa femme Germaine HENNEBERT au 173 Rue Trieux del Croix à Saumoy-lez-Sivry.

Ils arrivent à Paris le samedi 4 décembre. Là, Spicer est logé par Mme Fernande ONIMUS née PHAL pendant une semaine. Il est logé avec Justice du 4 au 13 décembre chez Raoul TOUQUET et Lucienne PRIOUL au 16 Rue Henri Tariel à Issy-les-Moulineaux.

Le 13 décembre, Fernande ONIMUS ("The Lady in Black") les conduit à une gare et leur présente une jeune femme, Marcelle DOUARD, qui les conduit à Bordeaux de nuit. A propos de faux papiers, Spicer raconte qu’il en a eu à deux ou trois reprises au cours de son évasion et que l’un d’eux en France l’identifiait comme étant "Paul Duprey".

De Bordeaux, Spicer et Justice se rendent aux pieds des Pyrénées à vélo avec Denise HOUGET. Ils omettent de dire dans leurs rapports qu'ils retrouvent Carl Smith et Archibald Mellor entre Dax et Bayonne.

C'est le 80e passage de Comète, par Larressore et Jauriko borda, avec les seuls guides de Pierre ETCHEGOYEN (Spicer mentionne Pierre ELHORGA comme guide…). Spicer et Justice dorment dans un chalet (l'auberge Larre de Jeanne MENDIARA) et le lendemain entament la traversée des Pyrénées, qui durera quatre jours, avec un évadé belge, Georges Marchand.


Mot de remerciement de Spicer dans le carnet de Pierre Elhorga.

Ils arrivent à un hôtel à San Sebastian, où une voiture consulaire britannique vient les prendre le lendemain. Ils restent une semaine à Madrid. Spicer remet un rapport écrit à Gibraltar au capitaine Zundel, en y arrivant le 24 décembre. De Gibraltar, Spicer et Justice sont emmenés en C47 (Dakota) en Angleterre. Ils atterrissent à Bristol le 25 décembre au matin puis se rendent en train à Londres. Spicer y est interrogé pour l’établissement de son rapport et est autorisé à prévenir sa famille qu’il est sain et sauf. Et comme convenu, la Radio Free Orange (radio néerlandaise à Londres) insèrera dans son programme de musique à la demande, le message que Spicer et son groupe avaient choisi pour faire comprendre aux Résistants néerlandais leur bonne arrivée en Angleterre. Ce message était "Yes, we have no bananas", le titre d’une chanson populaire des années 1920.

Carl Spicer est enterré au Wright Cemetery, Venedocia, Ohio. La photo de 1942 en tenue de vol provient de la famille de Carl Spicer dans l'Ohio.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters