Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 8 juillet 2024.

Carl Newton SMITH / O-142904
Box 336 MacFarland, Barstow, Californie, USA
Né à Burlington, Kansas, le 12 octobre 1918 / † le 20 août 1992 à Sun City West, Arizona, USA
2 Lt USAAF, 91st Bomber Group 322 Bomber Squadron, copilote
Atterri à La Hamaide (Hainaut)
Boeing B17-F-BO Flying Fortress, n° série 42-2990, LG-R / "Dame Satan" abattu le 17 août 1943, lors d'une mission sur les usines de roulements à billes VKF à Schweinfurt.
Écrasé à Montrœul-au-Bois (Hainaut)
Durée : 4 mois
Passage des Pyrénées : le 16 décembre 1943

Informations complémentaires :

Le Missing Air Crew Report est le MACR 277, son E&E 284 (disponible en ligne) et récit personnel.

Les membres d'équipage sont : le pilote, Lt Hargis, parachute non ouvert et tué ; le copilote, 2 Lt Carl N. Smith (la présente fiche) ; le bombardier, Lt Ted Winslow, arrêté à Bruxelles le 13 novembre 43 ; le navigateur, Carlyle Darling ; le radio, T/Sgt Victor Ciganek, blessé et arrêté immédiatement ; le mécanicien S/Sgt Jarvis Allen ; le mitrailleur ventral S/Sgt Starr Tucker, parachute non ouvert et tué ; le mitrailleur latéral S/Sgt Albert Diminno ; le mitrailleur latéral S/Sgt Gerald Tucker, arrêté à Bruxelles le 13 novembre 43 ; le mitrailleur de tourelle arrière S/Sgt Leland Judy.


L’équipage original du Lt Hargis
Devant, de gauche à droite : 2nd Lt Jack A. HARGIS, pilote ; 2nd Lt Carl N. SMITH, copilote ; Lt Richard MARTIN, navigateur ; 2nd Lt Edward P. WINSLOW, bombardier.
Derrière, de gauche à droite : S/Sgt Gerald H. TUCKER, mitrailleur ; Sgt Rudy THIGPEN, mitrailleur ; S/Sgt Albert DIMINNO, assistant-ingénieur le 17/8/1943; S/Sgt Leland JUDY, mitrailleur arrière; T/Sgt Jarvis ALLEN, ingénieur/mitrailleur dorsal ; T/Sgt Victor CIGANEK, opérateur radio.
NB : Le 2nd Lt Richard Martin ne participait pas à la mission du 17 août 1943, remplacé par le Lt Carlyle H. DARLING. Ne figure pas sur la photo le Sgt Starr TUCKER qui faisait fonction d’assistant-radio le 17 août 1943 à bord du 42-2990.

Carl Smith est recueilli à La Hamaide après son atterrissage, puis transféré au hameau de la Belle Eau à Frasnes par Madame SWERTS chez Fernand TITART, un brasseur de Frasnes-lez-Buissenal. Il est débarrassé de tous ses effets militaires et soigné par les docteurs Gustave FIEVET et Adrien MORELLE pour sa jambe fracturée. Mme SWERTS était la nièce de Anna DELHAYE, qui avait séjourné aux USA en 14-18 près de chez les cousins de Jack Hargis.


En septembre 43 à Frasnes-lez-Buissenal :
Debout de gauche à droite : Georges Grenez, Benoni Dekens, Dr Gustave Fiévet, Onésime Vandercoilen, Dr Adrien Morelle, Gaston Flamand (garde-champêtre de Buissenal).
Assis devant : Émile Lagneau, Carl Smith, Gilbert Lagneau. (photo Solange Grenez)

Après onze semaines de réhabilitation chez les TITART, il est réceptionné à EVA le 29 novembre par Charles HOSTE chez Paul DE SOMER-BUL au 126 Rue Royale Sainte-Marie à Schaerbeek. HOSTE le met en pension du 29 novembre au 4 décembre chez l'instituteur Hector LEPLAT et Irma WECKSTEEN au 96 Rue Rubens à Schaerbeek. Smith dit que Alphonse ESCRINIER alias "Charles" avait un appareil radio caché dans une caméra. Il est également logé quelques jours chez les PHARAZYN à St-Gilles.


Mot de remerciement de Smith aux Leplat.

Smith fut remis par Gaston MATTHYS à Jules DRICOT "Deltour" le 03 décembre 1943, avec Archibald Mellor, John Justice, et Carl Spicer. Ils passent chez Achille DUPONT et sa femme Germaine HENNEBERT au 173 Rue Trieux del Croix à Saumoy-lez-Sivry.

En France, il est guidé à Paris avec Mellor par Amanda STASSART jusque chez sa mère Louise BASTIN au 8bis Rue Margueritte dans le XVIIe.

Le 13 décembre, "Mme JEROME" vient vers 16 heures et les conduit dans une rue sombre, où ils rencontrent une toute petite femme avec une voix enfantine. Elle a des cheveux foncés assez courts, devait avoir 30 ou 35 ans, ne présentait guère de mine mais d'une personnalité plaisante, elle semblait gaie et avait de très bonnes manières. Elle portait trois ou quatre vestes sur son tailleur noir et une épaisseur sans manches de peau de mouton. Elle porte des bas noirs montant jusqu'aux genoux. Il s'agit de Marcelle DOUARD.

Ils prennent aussi un Belge (Georges Marchand) dont le guide demande de ne pas parler à l'ambassade à Madrid (il s'agit d'un agent du SOE qui ne devait normalement pas emprunter la filière Comète). Il mesure 1 m 80, des cheveux roux-bruns, un front haut et des cheveux assez fins, pèse 75 kilos et porte des lunettes, apparemment comme déguisement. La petite guide les emmène au restaurant, puis à la gare vers 20 heures et demi. Quatre des évadés se partagent un compartiment jusque Bordeaux.

Ils y rencontrent un Belge qui a fait son service militaire. "Il a un tic et donne l'impression qu'il veut être au centre du spectacle". Ce doit être Jean-François NOTHOMB. Ils prennent un train pour Dax et y reçoivent des vélos pour un voyage vraiment dur. La jambe de Smith va vraiment mal. Il a l'impression de rencontrer des millions d'Allemands. Ils atteignent l'auberge de Jeanne Marthe VILLENAVE épouse MENDIARA à Sutar au Sud de Bayonne. Ils y mangent au soir, dorment et repartent le lendemain à 17 heures, avec les vélos. Ils traversent des bois et des champs, puis le long de la Nive, sur le chemin de halage. Ils attendent le soir pour la traverser sur un bac.


Mot de remerciement de Smith dans le carnet de Pierre Elhorga.

C'est le 80e passage de Comète, par Larressore, avec les seuls guides de Pierre ETCHEGOYEN jusque Jauriko borda.

Vers 22 heures et demi, ils reçoivent un morceau à manger et continuent à travers des montées et descentes. Ils se mettent alors à marcher et sa jambe lui cause des soucis. Smith ne peut suivre le rythme des autres. Il doit même marcher sur les genoux et les mains une partie du trajet. Les autres l'attendent et repartent dès qu'il les a rejoint. Il ne peut ainsi jamais se reposer. Ce trajet est - de ses propres mots, la chose la plus misérable qu'il ait jamais effectuée. Il se demande s'il serait capable de revenir en France. Vers 10 heures et demi, ils atteignent une hutte (Jauriko borda) où sont déjà une bande d'Espagnols (la famille MENDIHARA). Les guides mangent alors que les évadés n'ont plus rien mangé depuis midi. Ils leur demandent un peu de nourriture mais on leur répond qu'ils mangeront au matin. Ils passent la nuit avec des poulets et des vaches, mais il fait si froid qu'ils ne peuvent dormir. Le Belge (Marchand) dont ils ne devaient pas parler leur dit qu'il parlera aux Français de ce manque de nourriture, quand il retournera en France.

Ils reçoivent un verre de vin, une tortilla et 5 cm de saucisse au sang pour déjeuner. Vers 10 heures, Marchand, Smith, Justice, Spicer et Mellor reprennent la marche. Ils parviennent à une étable à chèvres vers 16 heures, où ils attendent le prochain guide en mangeant un morceau de fromage et un crouton de pain. Marchand les quitte là. Ils vont dans une grange hors d'un village et dorment dans un peu dans la paille, malgré le froid. Ce doit être à Mortaleneko borda, non loin du col d’Ispéguy à Erratzu. Ils reçoivent une bouteille de vin et un morceau de saucisse pour quatre.

Le matin suivant, ils reçoivent du pain et un gros bol de lait chaud. A midi, ils peuvent manger des haricots à volonté, une autre bouteille de vin et tout le pain qu'ils veulent. Ils commencent à se sentir mieux. A 17 heures, ils reçoivent encore des haricots et prennent la route à 18 heures, en contournant Erratzu.

Vers 22 heures, Smith recommencent à souffrir de sa jambe fracturée. Vers 1 heure, ils changent de guide. Ils contournent une ville (Elizondo ?) et marchent sur une route. Le guide leur répètent inlassablement "encore 10 Km", "encore 7 Km". Ils continuent à marcher. Vers 4 heures, Smith se sent plus prêt à étrangler le guide qu'à s'arrêter de marcher. A 7 heures, ils arrivent à une maison et s'effondrent dans un lit, entourés de vaches et de cochons. Mais il fait chaud et le lit est confortable.

Au matin, ils reçoivent un plat de haricots, du pain et du vin. Smith a du mal à enfiler ses souliers tant ses pieds sont gonflés. Ils reprennent la route. Cette fois, le guide leur dit "20 Km". Pour une raison qu'ils ignorent, il les fait passer le long du plus haut pic de la région. Smith déclare que des envies de meurtre commencent à le tarauder, surtout quand le guide leur annonce "encore cinq minutes de plus". Vers 16 heures et demie, ils parviennent à un hôtel dans les montagnes. Smith découvre qu'ils sont 32 Km au Sud de San Sebastian et doivent revenir sur leurs pas en voiture. Heureusement, le guide a disparu.

Ils ont un bon repas à l'hôtel, dorment confortablement et reprennent goût à la vie. La gérante de l'hôtel prend bien soin d'eux. Au soir, un homme vient les prendre dans une Ford modèle B et les emmène à Tolosa, puis à San Sebastian. Ils sont conduits dans un hôtel où ils ont un merveilleux repas bien arrosé. Le chauffeur leur donne même des cigarettes américaines.

De cet hôtel, ils vont à Madrid et ensuite à Gibraltar. Là, il est interrogé par un capitaine nommé Zundel.

Smith est enterré au Fort Logan National Cemetery à Denver, Colorado. Il a terminé sa carrière militaire comme lieutenant-colonel dans l'US Air Force et a servi également en Corée et au Viet-Nam.

Merci à Jacques Desmont pour ses informations sur Frasnes, à Francis Deleuze pour la dernière identification sur la photo à Frasnes, et à Jacques Leplat pour ses précisions et la photo de Smith conservée par sa famille.


Article paru le 21 août 1973 dans le "Pacific Stars and Stripes" et relatant la rencontre chez le copilote Carl Smith à Littleton dans le Colorado, de Victor Ciganek, Gerald Tucker, Edward Winslow, Albert Diminno, Jarvis Allen (et Rudy Thigpen, qui n’était pas à bord du "Dame Satan" le 17 août 1943.) Tous ces hommes ne s’étaient pas vus depuis 30 ans.

© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters