Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 30 avril 2019.

Raymond Earl WALLS / 15071583
202 Lambert Street, Monongah, Marion County, West Virginia, USA
Né le 14 décembre 1918 à Monongah, West Virginia / † le 12 septembre 2011 à Essex, West Virginia, USA.
S/Sgt, 306 Bomber Group 368 Bomber Squadron, mitrailleur flanc droit
atterri près de Zundert, Province de Zuid-Brabant, Pays-Bas.
Boeing B-17 F Flying Fortress, n° série 41-24465, "Montana Power", abattu le 5 avril 1943, touché par la Flak puis abattu par l’Oblt Otto Stamberger ou l’Olt Adolf Glunz du IV./JG26 durant une mission sur les usines ERLA à Anvers.
Écrasé près du "Klein Schietveld", côté Sud de la Heikantstraat, hameau du Heikant, à 4 km au sud-ouest de Kalmthout, Province d’Anvers, Belgique..
Durée : 7 semaines
Passage des Pyrénées : le 31 mai 1943

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 15534. Rapport d'évasion E&E n° 39 disponible en ligne.

L'avion décolle de Thurleigh vers 12h30 heure anglaise. Après le largage de ses bombes, il est touché par la Flak dans le moteur n° 1 qui commence à fumer. L’appareil doit quitter la formation et devient ainsi une proie facile pour les chasseurs.

Le copilote Kramarinko signale par radio à l’équipage qu’une dizaine de Focke-Wulfs approchent de front. L’attaque commence et à un certain moment, la mitrailleuse de Walls s’enraye. Kramarinko donne l’ordre d’ouvrir la soute à bombes pour se préparer à sauter, mais la porte reste bloquée. On parvient finalement à l’ouvrir et à une altitude de 6000m, Roland Magee saute en premier, William Keskey ensuite, Walls sautant derrière lui, suivi de William Baker. On mentionne à la fois l’Oberleutnant Adolf “Addie” Glunz et l’Oberleutnant Otto Stamberger, tous deux pilotes dans le IV./JG26 comme l’ayant abattu.

Un article du pilote le Lt Robert W. Seelos paru dans l’édition de janvier 1987 du «306th Echoes» (www.306bg.org/PDFs/87jan121.pdf.be) confirme Stamberger, que Seelos a d’ailleurs eu l’occasion de revoir lors de son voyage en Belgique, Hollande et Allemagne en novembre 1984.

Le B-17 est aperçu pour la dernière fois, deux moteurs en feu, virant pour retourner en direction de l’intérieur des Pays-Bas à hauteur de Westkapelle, à l’extrémité ouest de la presqu’île de Walcheren, Pays-Bas. Aucun parachute n’est vu et aucune recherche en vue de localiser l’appareil n’a pu être tentée.

Le pilote Seelos, blessé, d’abord évadé et aidé par Elsa MOORS de Wuustwezel, fut rapidement fait prisonnier. Deux autres prisonniers : le navigateur Lt William W. Saunders et le mitrailleur arrière Sgt Roland Magee [qui avait été blessé à l’œil par un fragment d’obus de la Flak et se trouvait caché chez le fermier METHEEUSSEN (MATTHEUWSEN ?) près de Loenhout, où les Allemands menèrent rapidement Seelos pour l’identifier].

Trois hommes perdirent la vie : le bombardier Lt James E. Murray et l'opérateur radio T/Sgt Fred Ray Hampton dont les corps furent découverts dans les débris du B-17, ainsi que le mitrailleur dorsal T/Sgt Stanley P. Stemkoski, retrouvé le 8 avril au sud de Kalmthout par un ouvrier forestier. Tous trois furent inhumés le 12 avril 1943 au cimetière du Schoonselhof à Hoboken, près d’Anvers. Après la guerre, leurs dépouilles furent transférées au Cimetière Américain de Neupré (Neuville-en-Condroz).

Outre William Keskey, trois autres hommes parviendront à s'évader : Raymond Walls (la présente fiche), Alexander Kramarinko et William Baker.

Certains furent arrêtés avec Frédéric DE JONGH à Paris le 7 juin 1943, et d'autres par le traître belge Prosper Dezitter et l'Abwehr à Bruxelles en juillet 43.

Raymond Walls actionne son parachute et suite au choc perd une de ses bottes. Il atterrit dans un champ près d’une ferme. Tandis qu’il se débarrasse de son parachute et de son harnais il est approché par un fermier qui pointe du doigt d’abord sur le parachute puis sur lui-même. Walls acquiesce et l’homme emporte le parachute. Plusieurs personnes s’approchent alors et lui demandent s’il est Anglais ou Américain. S’étant identifié, il demande qu’on l’aide, car un obus de la Flak l’avait blessé à la jambe et il saignait. Se déplaçant péniblement en boitillant, il voit arriver une jeune fille sortant d’une ferme. Fébrilement, elle soigne et panse sa blessure mais a peur de l’emmener chez elle.

Une vingtaine de personnes se sont attroupés près d’eux entretemps et on lui conseille d’aller se cacher dans un bois proche. Près du bois, deux garçons à vélo arrivent et l’un d’eux prend Walls sur son vélo et le groupe roule quelques centaines de mètres le long d’un sentier qui mène à un bois. Après quelques pas dans le bois, Walls y retrouve son opérateur radio William Keskey en discussion avec d’autres hommes. Ceux-ci leur disent d’aller se cacher ailleurs, dans un fossé et qu’ils reviendront le soir vers 21h00 avec de la nourriture et des vêtements civils. Après un quart d’heure cependant, les deux garçons à vélo reviennent pour leur dire que les Allemands arrivaient de leur côté.

Les garçons les guident vers un gros massif d’arbres plus à l’intérieur du bois. Ils leur demandent l’argent de leur kit d’évasion de manière à pouvoir leur acheter de quoi manger de même que des vêtements. Les aviateurs hésitent, tentent de ne leur donner qu’une partie de leur argent, mais finalement ils s’exécutent, les garçons emportant également leurs vestes de vol. Selon Walls, ils apprirent par la suite que les deux garçons furent arrêtés par après et emprisonnés et il déclare ne rien savoir quant à leur sort. Après le départ des garçons, les deux aviateurs se cachent dans un fossé, proche d’un sentier sur lequel ils voient bientôt un officier allemand marchant lentement, manifestement à leur recherche. Heureusement, l’officier poursuit son chemin sans les apercevoir.

Walls et Keskey restent cachés là le 5 avril jusqu’à 23h00. Apercevant alors la lumière de torches et entendant l’aboiement de chiens, ils décident de bouger, Walls étant obligé de ramper, vu sa blessure. Ayant pris pour une maison ce qui n’était qu’un massif d’arbres, ils décident d’attendre qu’il fasse plus clair. Sous la pluie, ils aperçoivent une ferme et hésitent à s’y adresser à cette heure de la nuit. Ils se reposent jusqu’à 09h00 au matin du 6 avril dans une étable de la ferme. Voyant le couple de fermiers dans la cour, ils décident de les approcher. Ils leur déclarent être Américains et après une longue discussion entre eux, le fermier et son épouse les laissent entrer. La fermière leur donne à manger et Keskey peut laver la jambe de Walls tandis que le fermier quitte la ferme en charrette.

Ils consultent les cartes de leur kit d’évasion de manière à choisir leur itinéraire. La fermière leur indique où ils se trouvent et les deux hommes décident de tenter d’atteindre la Suisse. Après environ deux heurs, on les déplace dans une autre pièce et deux hommes arrivent. Ce sont des douaniers hollandais parlant un peu l’anglais et qui leur disent qu’ils peuvent les aider à s’évader et rejoindre la Suisse. Les douaniers leur disent de se cacher dans l’étable et qu’ils repasseraient dans la soirée. Finalement on fait cacher Walls et Keskey sous des broussailles à l’extérieur de l’étable et les deux douaniers y passent trois fois dans la journée pour leur apporter de quoi manger. Vers minuit, les douaniers réapparaissent, cette fois avec des vélos et en compagnie d’un officier belge. L’évasion des deux aviateurs est dès lors organisée.

Le groupe part à vélo, la première partie du voyage à travers des bois et par des sentiers voyant les aviateurs perchés sur la barre des guidons. Ils arrivent à la maison de l’un des douaniers à "Chelsea" (sic dans le manuscrit de l’intervieweur pour l’E&E – impossible de déterminer de quelle localité il s’agit…), toujours en Hollande. Walls ne l’indique pas, mais il semble qu’ils soient restés chez Louis van HASSELT de Zundert pour un ou deux jours "vers le 5 avril" (le jour même du crash? La date semble erronée). Dans son rapport, Walls indique qu’on leur prépare de faux papiers belges et que les deux évadés restent "là" du mardi soir (ce devrait donc être le 6 avril) au samedi matin (le 10 avril…), cachés dans une petite pièce au 1er étage. Durant leur séjour, un médecin passe et rassure Walls quant à l’état de sa jambe. Walls rapporte que le samedi, sa jambe va mieux et qu’au matin (donc le 10 avril, mais il ne précise pas de date) un officier belge (un douanier) vient les chercher avec des vélos.

Raymond Walls ne le précise pas davantage dans son rapport, mais il passe la frontière belge avec son co-équipier Bill Keskey, aidés par un douanier belge et deux douaniers néerlandais, CLAEYS (vraisemblablement August CLAEYS de Biervliet) et "DALHUIZEN" (Franzen Reinier DALHUISEN de Bennekom ?)

Selon le rapport de Walls "le" douanier guide Walls et Keskey à vélo jusqu’à Anvers où ils prennent un tram et de là vont à Bruxelles (vraisemblablement en train). Arrivés à Bruxelles, le douanier va à la rencontre d’un homme et les aviateurs suivent les deux hommes dans la rue jusqu’à ce que le douanier prenne congé d’eux. L’autre homme les guide alors vers une sorte de pension de famille ("ressemblant à un salon de massage"). Une femme médecin passe durant la soirée, soigne et panse la jambe de Walls et repasse deux fois le voir, les deux évadés restant jusqu’au lundi soir (12 ou 19 avril ?...) dans cette maison.

Selon des archives de Comète, Walls et Keskey auraient été convoyés à Bruxelles par Eugène MAYNE, qui serait allé les chercher près de Ninove avec Armand CHATEL du 52 de la Rue Malibran dans la même commune.

Le rapport de Walls mentionne que le lundi soir (12 ou 19 avril ?…), Keskey et lui sont menés vers une école de filles, conduits par deux hommes dont l’un est appelé GEORGES. Cachés dans le sous-sol, ils restent là durant 3 semaines, ajoutant qu’ils ont été à un moment transférés pour 2 ou 3 jours chez une dame âgée avant de revenir à l’école. Ceci confirme donc que c’est bien le concierge de l’école (en fait le Lycée de Saint-Gilles), Eugène TRUFFIN du 8 rue du Lycée à Saint-Gilles, qui les héberge pour 18 jours ou trois semaines. Après ce séjour, TRUFFIN est renseigné comme les remettant à Maurice ANDRIES et son épouse Edmonde, née LASSON, au 40 Rue Van Volsem à Ixelles (voisins de Eugène MAYNE, qui habite au 43). Dans le rapport de Walls, il est indiqué qu’ensuite, le dimanche de Pâques (mais ce serait alors le 19 avril…), GEORGES les a conduit auprès d’un homme appelé "Meurice", d’une autre organisation, qui les cache dans une pièce à l’étage… Il y est mentionné que "3 boys" se trouvent là également, se cachant des Allemands, qu’il y a aussi un Français attendant son départ vers l’Angleterre, qu’il y des revolvers et des grenades à main. Ceci confirme qu’il s’agit bien de la maison de Maurice ANDRIES.

Effectivement, ANDRIES leur avait procuré des pistolets 9 mm et les avait fait rencontrer un certain Jean CAIVEAU de Bordeaux (fils de Marguerite Caiveau) et Arthur DALMOTE du 295 Avenue Louise qui les loge un jour et les aide souvent. Ils restent au moins trois semaines chez ANDRIES à Ixelles, et y seront séparés. Selon Bob Seelos, ils tirèrent à la courte paille pour qui de Keskey ou de Walls partirait le premier avec une promesse d'être évacué par bateau. Keskey gagne... et, partant quatre jours avant Walls… il rejoint la fausse filière du traître belge Prospère Dezitter, dans laquelle tombe aussi Eugène MAYNÉ et, comme lui, se fait arrêter.

On signale par ailleurs Raymond Walls et Bill Keskey comme ayant été à un certain moment remis à Oscar GERARD et aboutissant chez Mme PAULI (Isabelle ANSPACH, au 30 Rue de Naples à Ixelles) où Walls est signalé comme hébergé du 22 au 24 avril 43. Le rapport de Walls parle d’un séjour de 4 semaines là, mais il n’est pas clair s’il parle de lui ou d’un autre aviateur passé chez les ANDRIES en 1942 ("Eddie Carrol"). Il dit qu’il a été placé dans une autre maison, chez une veuve et signale qu’à son arrivée chez elle s’y trouvait un aviateur anglais, le Sgt Murphy (il doit vraisemblablement s’agir de Wilfred Murphy).

Maurice et Edmonde ANDRIES, Eugène MAYNÉ, Jean CAIVEAU ainsi que Marcel DEMONCEAU, Joseph BAUWIN, Albert MEURICE et Marcel DEROME seront parmi ceux qui perdront la vie suite à une dénonciation, suivie d’une descente de plus de 300 policiers et soldats allemands au 43 Rue Jean Van Volsem à Ixelles à l’aube du 29 juin 1943. Armand CHATEL et Rita, l’épouse de Marcel DEMONCEAU seront arrêtés, envoyés en camps en Allemagne, d’où ils seront libérés au printemps 1945.

Walls ajoute que "le lundi matin"(ce devrait donc être le 24 mai), il est rejoint par l’Américain Elmer MacTaggart et que le guide qui l’avait amené à cette maison (Fernando RADELET, non nommé dans le rapport de Walls) leur apporte leurs faux papiers. Dans l’après-midi, RADELET guide Walls, MacTaggart et un agent se disant être membre de l’Intelligence Service jusqu’à la Gare du Midi pour les remettre à un homme. L’homme de l’I.S. avait 19 ans, plutôt mince, cheveux bruns, 1m70 environ et parlait anglais avec un accent, se vantait et posait trop de questions, ce qui mit McTaggart mal à l'aise. Il doit s'agir de Raymond Holvoet alias "Badger". RADELET conduit McTaggart, l'agent et Walls à la gare et les remet à un homme. Deux aviateurs de la RAF (Wilfred Canter et Gordon Murray) y sont déjà. Tous prennent ensemble un train pour une gare proche de la frontière (probablement Tournai).

Un peu avant la frontière, leur guide leur fait prendre un Trolleybus et ils passent la frontière à pied. Leur guide présente au douanier belge un papier les déclarant tous travailleurs pour la Luftwaffe. Des Allemands vérifient encore leurs papiers et les douaniers français s'apprêtent à faire de même quand les Allemands leur disent qu'ils sont en ordre. En fait, ce guide est Jacques Désoubrie, agent français de la Gestapo parisienne, occupé à gagner la confiance des dirigeants de Comète en les infiltrant. Ses premiers aviateurs pourront passer les contrôles sans être inquiétés et ainsi permettre à Désoubrie de gagner la confiance de Frédéric DE JONGH qui attend leur arrivée à Paris. Le groupe prend alors un tram jusque Lille où ils vont dans un café. Là, Désoubrie cherche un homme qui doit avoir leurs faux papiers français, mais il ne le trouve pas.

Ce 25 mai, ils prennent un train en 3e classe jusque Paris et y arrivent, vers 16 heures selon MacTaggart, à 18h30 selon Walls. Ils ne sont pas contrôlés et à l’arrivée, Walls et MacTaggart sont pris en charge par un homme au teint bronzé et ils se rendent en métro vers un appartement dans un immeuble de 3 étages. Ils y reçoivent du thé et après une heure, un homme (cheveux blancs, 55-60 ans selon Walls) et une femme âgée apparaissent et discutent un moment en français. Walls et MacTaggart sont alors guidés par la femme vers un bâtiment allemand abandonné pour y loger. Wilfred Canter se trouve là et Walls et MacTaggart en partent le lendemain 26 mai, guidés par l’homme aux cheveux blancs. Il les conduit en métro chez une dame, dans un autre appartement non loin des Champs Elysées, à un pâté de l'Arc de Triomphe. Selon MacTaggart, ils y auraient été guidés par une jeune dame, âgée de 28 à 30 ans, petite et parlant très peu d'anglais. Ils sont très bien traités dans cet appartement, qui appartenait à une vieille dame riche qui avait un domestique chinois, et dont le mari et le fils étaient dans l'armée française à Londres. Ils restent loger là du mardi (selon Walls et ce serait donc le mardi 25… ?) jusqu’au samedi 29 mai. Durant leur séjour, ils vont faire des photos dans un magasin. Leur guide est très nerveuse et leur semble inadaptée à ce boulot. Sa crainte attirait l'attention de tout le monde et MacTaggart rapporte qu’il aurait préféré être seul lors de cette sortie.

Le 29 ou 30 mai, Walls, muni comme les autres de nouvelles pièces d’identité et d’un permis de travail, quitte Paris pour Bordeaux avec deux guides (probablement Jean-François NOTHOMB, et la petite femme très nerveuse). Sont également du voyage, Wilfred Canter, Elmer MacTaggart et Joseph Wemheuer. A Bordeaux, ils sont pris en charge par "Françoise" (une nouvelle guide selon Walls) et prennent un train pour Dax où ils arrivent vers 16h30. De Dax, ils voyagent à bicyclette jusqu’à Saint-Jean-de-Luz avant d’entamer le passage des Pyrénées à pied.

C'est le 45e passage de Comète par la route de Saint-Jean-de-Luz. Ce groupe est passé seul, traversant la Bidassoa avec des guides basques, (probablement) suite à l'arrestation de Jacques TINEL.

Le rapport E&E de Raymond Walls indique qu’il est arrivé en Espagne le 2 juin 1943, qu’il est arrivé à Gibraltar le 13 juin (cela semble erroné, car le Major Grady Lewis, signale que Walls est arrivé dans les bureaux de l’U.S. Army Casual Department à Gibraltar le 11 juin, date à laquelle le major signe l’ordre de départ de Walls vers l’Angleterre.) Walls quitte Gibraltar par avion le 16 juin, arrivant le lendemain à Portreath en Angleterre.

Kevin Walls, fils cadet de Raymond Walls, a confirmé que notre photo est bien celle de son père.


(c) Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters