Dernière mise à jour le 25 juin 2024.
William McClure DAVIS, O-789887
1207 High Street, Leesburg, Floride, USA.
Né le 11 septembre 1920 à Bluefield, West Virginia / † le 10 février 2004 à Ormond Beach, Floride, USA
Capitaine, USAAF 370 Fighter Group 485 Fighter Squadron, pilote.
lieu d'atterrissage : dans un champ au lieu-dit "Vallée de Chauvilliers" entre Saint-Léger-des-Aubées et Santeuil, près d’Allonnes, à 20 km au sud-est de Chartres, Eure-et-Loir, France.
Lockheed P-38 J-15-LO Lightning, 43-28464, "Swamp Angel", abattu par la Flak le 7 juillet 1944 lors d'une mission de mitraillage près d'Orléans.
Atterissage forcé dans un champ au lieu-dit "Vallée de Chauvilliers" entre Saint-Léger-des-Aubées et Santeuil, près d’Allonnes, à 20 km au sud-est de Chartres, Eure-et-Loir, France.
Durée : 8 semaines.
Camp Marathon: Fréteval.
Rapport de perte d'équipage MACR 6664. Rapport d'évasion E&E 1039 disponible en ligne.
Les renseignements qui figurent ci-dessous émanent de diverses sources, notamment le rapport E&E 1039 de Davis ; des articles de presse américains et français; le livre "Les années passent, les souvenirs restent" publié en 2009 et dont l’auteur, Gilbert Crombez, a eu la gentillesse de nous remettre un exemplaire le 29 juin 2014.
Le Capitaine Davis, chef d'escadrille, mène une douzaine de P-38 qui décollent d’Andover lors de cette mission sur des objectifs "d'opportunité" (reconnaissance armée). Le groupe attaque un train de troupes allemandes à l'orée d'une forêt près d'Orléans. Alors que Davis fonce sur le train et voit une de ses bombes l'atteindre, des batteries de DCA à bord du train atteignent son avion.
Le moteur droit mort et l'autre en surchauffe, Davis maintient le contrôle de l'appareil pendant près de 100 km et atterrit vers 18h00 dans un champ. Il s'extirpe de son avion en feu et court se réfugier dans un bois voisin. A part quelques blessures légères provoquées par des shrapnels, il est indemne. Il passe la nuit du 7 au 8 à la belle étoile au pied d’un arbre où il cache quelques pièces de monnaie anglaises, un billet d’1 livre sterling ainsi qu’un canif à manche noir.
Le 8 juillet au matin, il se met en route vers l’est et se méfiant, évite tout nouveau contact après qu'un vieux fermier qu'il avait approché ait sorti un couteau et qu'un autre, sollicité, soit aperçu revenant avec des soldats allemands et leurs chiens. Davis déclare avoir alors rencontré un travailleur agricole qui lui dit qu'il pourrait l'aider et de rester caché jusqu'au soir. Selon Gérard Renault, âgé de 7 ans à l’époque et témoin avec son père de l’atterrissage du P-38, qui avait fait des recherches sur Davis et avait réussi à retrouver sa trace aux Etats-Unis en 1988, c’est alors que l’aviateur rencontre Abel ROBINET, de Santeuil (Eure-et-Loir), membre d'un réseau de Résistance, qui lui apporte deux chemises et deux pantalons. Il donne la moitié à Davis, qui endosse une chemise confectionnée avec des morceaux d'un parachute par la femme d'un résistant (voir en bas de page). L'aviateur enterre sa tenue de vol et ses plaques d'identification et quelques heures plus tard se retrouve chez un médecin dont la ferme sert de quartier-général de la résistance locale. A noter que selon Gérard Renault, Abel ROBINET aurait hébergé Davis chez lui avant de le conduire chez un voisin, Mr TARRAGON, travaillant à la laiterie. Un médecin, d'âge mûr, logeait quelques garçons d'environ 14 ou 15 ans et qui faisaient de fréquentes allées et venues à la ferme. Il s'agissait d'enfants déplacés dont les parents étaient morts ou avaient été fait prisonniers. Ils étaient actifs dans les actions de sabotage et de liquidation de soldats allemands et étaient approvisionnés en armes par des parachutages de nuit opérés par l'aviation alliée. On indiqua à Davis les endroits autour de la ferme où des mines ou des booby traps avaient été placés comme défense en cas d'attaque de la ferme par les Allemands. Selon Gilbert CROMBEZ (voir ci-dessous), contacté par téléphone le 14 janvier 2014, ce docteur était peut-être le Dr Jean-Pierre CARLOTTI, d’Auneau. A noter que le Dr CARLOTTI (1905-1990) fut arrêté par les Allemands le 18 août, incarcéré à Les Granges-le-Roi, dans l’Essonne, avant d’être relâché le 21, les Allemands en retraite ayant vraisemblablement voulu se décharger des contraintes de la garde d’un prisonnier civil…
Dans son rapport d'évasion, Davis déclare qu'il est resté à la ferme d'un Belge nommé FONTAINE (il s’agit d’Arthur FONTAINE, de Boisville-la-Saint-Père en Eure-et-Loir), qu'il ne connaît pas les noms des chefs de la Résistance locale et que le lieu de sa cachette s'appelle Boisville. Seul l'un des chefs avait une idée de l'existence d'un camp où l'on rassemblait des aviateurs.
Dans un article de Mike Lafferty, publié dans le "Orlando Sentinel" en Floride le 9 novembre 2003, on cite Davis comme déclarant qu’il jugea préférable de décliner les invitations répétées des jeunes maquisards pour qu'il les accompagne dans leurs opérations, d'autant plus qu'il ne connaissait pas le français. Sur de faux papiers reçus d’Arthur FONTAINE il est identifié comme "Jean Louis DURAND". Il porte un béret pour faire plus vrai ainsi qu’une veste et une paire de pantalons civils, que lui procure Abel ROBINET, marchand de vêtements à Santeuil.
Toujours selon l’interview, après trois jours dans la ferme, Davis est transféré vers l'habitation de Mme "Combre", une Belge ayant un fils de huit ans, et dont le mari avait été "tué lors de l'invasion de la Belgique en mai 1940". A ce sujet, Gilbert Crombez précise dans son livre que sa mère était veuve de Georges Derasse, officier dans l’armée belge, qui avait été gazé sur le front en 1917 et qui décèdera quelques années après son mariage avec Gilberte. Cette dernière épousa par la suite Arthur FONTAINE. On ajoute dans l’interview que Davis reste deux semaines chez Mme "Combre" et a trois cachettes différentes chez elle : la réserve à betteraves dans une cave, un espace réduit dans le grenier vers lequel il devait ramper et un coin dans la soupente d'une étable. Il n'a jamais été inquiété par les Allemands qui venaient chercher des victuailles à la ferme, Mme CROMBEZ jouant les braves fermières vis-à-vis de ces visiteurs haïs... Les blessures de Davis y ont été soignées et la nourriture que pouvait procurer la famille, tant à Davis qu’à l’autre aviateur hébergé, Bester (voir ci-dessous) ne pouvant suffire, on fit du troc – du pain contre de la viande – avec le boulanger LEPINE de Honville. Celui-ci apportait la farine à Boisville que Gilberte CROMBEZ tamisait ensuite et il semble qu’il ne sut jamais que deux aviateurs étaient hébergés chez ses « clients »… Gilbert CROMBEZ précise également que les aviateurs, toujours chaussés de leurs bottes de vol, ne pouvaient poursuivre leur chemin avec ces bottes trop visibles. Dès lors, on fit appel au cordonnier BIDAULT qui leur confectionna deux paires d’espadrilles.
Sur base de documents que nous a transmis Lynda Wilson, la fille du Capitaine Davis, cette "Mme COMBRE" est en fait Gilberte CROMBEZ, épouse d’Arthur FONTAINE et maman de Gilbert, né en 1932 (donc âgé de 12 et non pas huit ans en 1944…) Gilberte CROMBEZ est décédée à Boisville-la-Saint-Père le 29 juillet 1993 dans sa 94ème année. Gilbert CROMBEZ confirme que Davis est arrivé le 9 juillet chez ses parents, qui hébergeaient déjà le F/Off canadien John Bester. Gérard Renault a pu retrouver, et cela nous a été confirmé par Gilbert Crombez, que Davis y avait été mené par Albert COLLIN, de Boisville, membre du Maquis de Chevannes, l’ayant lui-même réceptionné de Monsieur TARRAGON ayant guidé Davis à vélo jusqu’à Boisville. Gilbert CROMBEZ nous précise d’ailleurs que ses parents, d’origine belge du côté de Tournai et arrivés en Beauce en 1926, s’étaient engagés dans la Résistance locale en octobre 1943. Il ajoute qu’ils n’étaient pas du tout fermiers, mais que son père s’occupait de la vente d’engrais et d’orge pour brasseries !... Il indique également qu’avant de quitter la maison de ses parents, William Davis lui a donné sa boussole. Il ajoute que c’est ce même Albert COLLIN qui viendra chercher Davis et Bester chez ses parents pour guider les deux aviateurs à vélo (ces deux derniers utilisant un tandem) vers le camp de Bellande en bordure de la Forêt de Fréteval. Dans son rapport d’évasion, Davis situe ce voyage comme ayant débuté le 15 juillet, mais ne parle cependant pas de vélo, indiquant seulement que le trajet s’est fait le plus souvent à pied…
En cours de route, à un point de contrôle, un allemand parlant très bien le français arrête Bester qui roulait devant Davis. Ayant trouvé les plaques d'identification de l'officier, un soldat allemand le frappe avec la crosse de son fusil. Cela entraîne l'énervement de son supérieur... et dans la confusion personne ne fait attention à Davis qui passe rapidement sans problème. Il rencontre bientôt un autre guide qui le mène au camp de Richeray dans la forêt de Fréteval où il est libéré le 13 août 1944 par les forces américaines et débriefé le même jour par le Capt Theodore M. Purdy.
Dans son rapport d'évasion, Davis dit être d'abord arrivé dans la partie du camp gérée par le Fl/Lt Leslie Berry (le camp de Bellande). La discipline n'y est pas terrible, les aviateurs se saoulent au calvados et au cognac et vont la nuit dans les fermes avoisinantes. Il passe ensuite dans l'autre camp (Richeray) où se trouvent la majorité des Américains et y est nommé "senior officer". Selon lui l'esprit y est meilleur, on a construit un golf miniature et d'autres facilités. Le camp avait d'abord été géré par le Lt Geno DiBetta et un "John" belge (Jean de Blommaert). Davis cite le P/Off belge Jean Croquet comme officier de liaison entre les deux camps. Après le Débarquement, les Allemands présentent une moins grande menace dans leur coin.
Davis raconte qu'un mitrailleur américain nommé Craig aura une crise d'appendicite dans le camp. (Il s’agit du mitrailleur arrière S/Sgt Charles R. Craig du B-24 n° 42-52759 de William Kaplan, placé d’abord par des Français en hôpital à Vendôme, à une 15ne de km au sud-ouest de Richeray, mais qui a été arrêté ensuite). Le Belge nommé Jean (Jean de Blommaert) le mène chez un médecin de la Résistance qui s'arrange pour le faire rentrer en clinique comme Français.
Un agent "Louis" fait aussi son apparition dans le camp plus tard. Il avait reçu comme instructions de les guider à Brest. Il signale aussi le Lt Abraham Wiseman et un certain Solomon (le T/Sgt George Solomon) surnommé "le Grec", qui ont quitté le camp avant sa libération en espérant rejoindre la Suisse. Il cite comme helpers Marcel RIDEAU (en fait, le guide forestier André Paul RIDEAU, alias "Marcel") de Richeray-Busloup (Loir-et-Cher), et un René du même village (René AVRAIN). André RIDEAU et son épouse, aidés de René AVRAIN et de Henri DERUYTTER et son épouse (de La Hersonnière à Busloup), s’occupaient quotidiennement de l’approvisionnement en nourriture du camp de Fréteval.
Un jour, les gardes du camp arrêtent un homme dans la forêt de Fréteval, qui s'avère être un déserteur géorgien ou russe de la Wehrmacht. Il fut détenu de peur qu'il ne parle et s'appelait Killadze, que les occupants du camp surnommèrent bientôt « Cogi ». Killadze est remis plus tard à la CIC et à l'IS9 auxquels il a finalement paru être inoffensif. Par ailleurs, Davis déclare encore ne pas comprendre comment personne de la 5ème Division blindée US ne connaissait l'emplacement du camp, et signale que ce fut vraiment par chance que des aviateurs tombèrent sur une équipe de reconnaissance du 818e bataillon de Tank Destroyer le dimanche 13 août vers 17 heures. Davis est embarqué pour Le Mans et y rencontre le major Airey Neave.
Pilote d'essai après la guerre, William Davis sera un des premiers aviateurs à voler à Mach 2. Il servira également comme pilote de chasse durant la guerre de Corée et quittera l'US Air Force en 1963 avec le grade de Colonel.
Les recherches de Gérard Renault virent leur heureuse conclusion le 21 juillet 1988 lorsque William Davis, accompagné de son épouse Doris, revint sur les lieux du crash de son appareil et eut l’occasion de revoir certains de ses helpers de même que les endroits où il passa pour aboutir en Forêt de Fréteval. C’est ainsi qu’il revit entre autres Arthur ROBINET, Gilbert CROMBEZ et sa maman Gilberte (Arthur FONTAINE est décédé trop tôt, le 17 janvier 1954), de même qu’Omer JUBAULT (nom de code "André", commandant du secteur "Châteaudun" du mouvement "Libération Nord", se cachant de la Gestapo et qui aida à l’organisation et à l’approvisionnement en nourriture des camps, de même qu’au convoyage de nombreux aviateurs).
Un habitant du hameau de Goimpy, près de Saint-Léger-des-Aubées eut l’occasion de remettre à William Davis quelques pièces de son P-38. Et Gérard Renault, qui, avec la complicité de son père, avait retrouvé l’argent anglais et le canif du capitaine, eut le plaisir de les lui offrir en retour lors de cette visite.
William Davis repose au Riverview Memorial Park à Fort Pierce, Floride.
Merci à Lynda Davis Wilson pour les photos et renseignements qu’elle nous a communiqués sur l’évasion de son père.
Lors de la commémoration du 70ème anniversaire des camps de Fréteval qui se tenait à Villebout / Bellande les 28 et 29 juin 2014 à l’orée de la forêt où se trouvait le premier camp, nous avons pu rencontrer Gilbert CROMBEZ et la famille de William DAVIS, venue spécialement des Etats-Unis. Accueillies à cette occasion chez Gilbert et son épouse Huguette, la fille et les petites-filles de William Davis se régalèrent de la cuisine d’Huguette et visitèrent dans la région des endroits où William était passé. C’est avec tristesse que nous avons appris le décès d’Huguette CROMBEZ en février 2017 et de celui de Gilbert, le 4 juin de la même année.
Ajoutons que Gilbert CROMBEZ, bien que très jeune à l’époque (12 ans), a effectué quelques actions de résistance, depuis que son père Arthur FONTAINE lui ait expliqué en début 1944 qu’il faisait partie depuis octobre 1943 du groupement F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) du secteur Auneau et Voves, dirigé par Albert COLLIN. Celui-ci venait souvent rendre des visites mystérieuses à la maison. La camionnette Peugeot de FONTAINE était mise à la disposition du groupe pour les parachutages d’armes et de munitions destinées au maquis. En juin 1944, Gilbert alla souvent à vélo à Chevannes pour couper de l’herbe pour les lapins… ramenant au retour, cachées dans son cageot, des armes et des munitions. Lors de l’un de ces déplacements, grosse frayeur. Arrêté sur la route par une voiture allemande, on lui demande la route. Il donne rapidement les indications et tout aussi rapidement rentre chez lui, rapportant à la maison un récepteur radio et ses piles. La radio servit alors à écouter les informations de la BBC, ces « nouvelles du front » étant recopiées à la machine par son père. La nuit venue, Gilbert allait coller ces informations, plus crédibles que celles de la propagande allemande, sur les poteaux en bois du village.
En août 1949, lors des cérémonies de la célébration du 5ème anniversaire de la libération de Chartres, Gilbert est heureux d’être présent lorsque ses parents se voient décerner la médaille d’Or de l’«Encouragement au Dévouement» par l’Association du même nom, pour les services rendus dans la Résistance. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, seul gamin à la cérémonie, il se vit remettre la médaille d’Argent de cette même Association… Sa réaction : «Pourquoi moi ? Je n’avais pas fait grand-chose…».