Personne passée par Comète via les Pyrénées

Dernière mise à jour le 29 juillet 2020 .

Paul Emile Victor Adonis HENRY de LA LINDI / O-28149
Boulevard Saint-Michel 151, Etterbeek.
Né à Mons, le 16 février 1906 † Liège, le 31 mai 1943.
Activité en mai 40 : Commandant la 11ème Escadrille de Chasse du 1er Aéronautique de mars à mai 38, pilote.
Tutelle : Sûreté de l'Etat et MI-6.
Mission/Unité : Thomas More.
Genre : Renseignement.
Pseudonymes/Noms de guerre : Pierre Legrand, Captain Land, Private George Young, Captain Batman, Thomas More, Pierre Hosselet.
Parachuté le : 24 septembre 1942.
Localisation : région de Ciney. Durée : 4 jours de Bruxelles à Bilbao.
Passage des Pyrénées : le 8 février 1942.

Informations complémentaires :

Dossier Archives Notariales Défense OO/28149 et "Une mission très secrète" d'Hervé Gérard - editions J. M. Collet, Bruxelles, 1985.

Paul Henry rentre à l'école des Pupilles de l'armée le 17 juin 1922, et est admis à l'Ecole Militaire en novembre 1925. Il en sort sous-lieutenant d'infanterie et demande vite son affectation à l'Aéronautique. Il est lieutenant aviateur en 1930, et capitaine en 1933. Paul Henry est breveté pilote, observateur et radio-télégraphiste de bord.

Il est prisonnier le 29 mai 40, et est libéré le 10 juin (en fait, évadé le lendemain). Il est rayé de Liège pour Etterbeek le 30 août 1940. Il est porté disparu de son domicile le 01 novembre 40. Il cherche à rejoindre l'Angleterre et rencontre le baron Jean GREINDL et Frédéric DE JONGH qui l'aiguillent vers la filière Comète. Les différences entre leurs versions lui font téléphoner à "Peggy" Marguerite Van Lier pour lever un doute qui le saisit. Le trajet est payé d'avance. Le 5 février après-midi, il fait sa valise dans son bureau de la Banque de Belgique.

Il quitte la Belgique en seconde classe le vendredi 6 février 1942 avec le remplaçant de Frédéric DE JONGH : "Cyrano" (un guide au nez caractéristique), qu'il reverra à Londres le 21 juillet 42 : c'est en fait Roger Verhulst et un mystérieux "attaché de mission" de forte stature qu'il reconnait en le Lt de Cavalerie Georges Osselaer.

Le train part de Bruxelles-Midi à 7 hr 25. A Mons, ils rejoignent un "Monsieur Jacques" que guide Frédéric DE JONGH. C'est le caporal Norman Hogan, de Manchester. A Feignies, Frédéric De JONGH les fait descendre pour les présenter à leurs guides définitifs : "il se dirige vers un groupe de trois jeunes femmes dont il embrasse l'une, et comme par hasard, c'est la plus jolie". La troisième rentre à Bruxelles avec lui (Andrée DUMONT).

A Tergnier, le train s'arrête à la ligne de démarcation. Quasi personne n'a de laissez-passer dans le train. Dégoûté, le contrôleur allemand laisse passer tout le monde. Andrée DE JONGH leur explique que, parfois, il faut prendre le train suivant pour passer. Arrivés à Paris, les cinq vont se restaurer près de la gare du Nord, et les hommes y achètent un béret basque. Le 6 février à 21 heures, ils prennent l'express d'Irun.

Ils ont des papiers établis à Saint-Géours-de-Maremne. Paul Henry s'y appelle Pierre Legrand et est né à Lille le 15 avril 1905. Ils ont aussi une annexe nécessaire à partir de Dax (zone interdite). A Bayonne, les cinq se séparent, mais le gendarme préfère discuter avec le facteur. Un tram électrique les conduit en 20 minutes à Anglet, chez les DE GREEF. Ils y restent 24 heures, pour se reposer en prévision de leur "promenade" de 40 Km en montagne endéans 12 heures.

Le dimanche 8 février, ils prennent le tram à 15 hr 30 vers Biarritz. De là, ils prennent un bus à 16 hr 15, vers Saint-Jean-de-Luz pendant 1 heure. Ils y attendent 3 heures dans une pension de famille, que ravitaille en pommes de terre un adjudant de la Luftwaffe. Devant lui, ils chaussent leurs espadrilles et se préparent. A 20 hr 15, on tapote sur le volet. Sourire entendu de l'Allemand. Par une nuit très noire, ils traversent la ville et franchissent un pont. Ils arrivent dans une ferme (Urrugne, chez Françoise IRASTORZA de la ferme Tomasenea) où on leur taille des bâtons de marche avant de repartir. Paul Henry marche derrière le guide de tête et est suivi par Andrée DE JONGH. C'est le 7e voyage de Comète avec Andrée DE JONGH qui apprend le trajet à Elvire MORELLE. Cette dernière se cassera la jambe en rentrant de Bilbao. Les guides sont Manuel ITURRIOZ et Tómas ANABITARTE.

Le lundi 9 février, il aperçoit les lumières de Irun. Ils passent la Bidassoa en crue sur la passerelle branlante près de la centrale électrique de Endarlaza (Endara), suivent le chemin de fer et entrent dans un tunnel du train Txikito. Il fait jour quand ils en sortent. Il reste une rivière à franchir et une falaise à grimper. Hogan se tord le pied et Osselaer est épuisé. Paul Henry est le seul évadé à encore marcher seul. Ils arrivent à un gîte, une étable surmontée d'une habitation, à 1.500 mètres d'altitude (ce doit être un "pieux" mensonge car cette crête - qui doit être Erlaitz - culmine en fait à 500 m). Andrée DE JONGH y lave et sèche les espadrilles et reprend tous leurs papiers, belges et français. Ensuite, c'est la descente vers San Sebastian. Ils arrivent à 06 hr 15 à une gare (après Irun) où ils prennent un train à 7 hr 15, après avoir remis leurs souliers et repris un semblant de propreté. Ils arrivent chez Bernardo ARACAMA au n°7, 5e étage à gauche, Calle Aguirre, Miramon, à San Sebastian, y mangent et y dorment.

Le 10 février, ils prennent un train qui les emmène à Bibao en 4 à 5 heures de route. Paul Henry conservera jusqu'en Angleterre ce ticket de 10,6 pesetas. A Bilbao, un conciliabule s'engage autour de Osselaer, le "chargé de mission", dans un café borgne. On lui explique que le guide va chercher un passage vers le Portugal. Lors du premier voyage, Gabriel Créteur s'y était fait arrêter. Sans plus aucun papier ni argent, Paul Henry se sent désemparé. A 13 heures, ils vont au restaurant. Andrée DE JONGH explique que Hogan ira loger chez un couple anglais et qu'ils vont chez des Belges, les CHAUMONT au 76 Gran Via à Bilbao. A 19 heures, les trois évadés font leurs adieux à leurs deux guides dans un somptueux café.

Le 11 février, Osselaer va chez le consul britannique l'après-midi et en revient à 17 heures. Le jeudi 12, la Buick du consulat vient les prendre à 8 heures. Un colonel de la RAF est au volant, et Hogan est assis à l'arrière, déguisé en chauffeur. Ils s'arrêtent pour observer un cargo qui décharge sa cargaison dans des rochers sur une plage. Ils traversent Santander et arrivent à Madrid à 18 heures, après un magnifique voyage de 400 Km par la Sierra Cantabrique. Ils y resteront 18 jours.

Affublé du pseudo "Captain Land", il voit Osselaer partir pour Lisbonne et revenir le lendemain pour repartir définitivement quelques jours plus tard. Il partagea d'abord avec lui sa chambre sous les combles. Le quinzième jour, un personnage mal rasé au pseudo de "Mr Cox" arrive et raconte l'accident d'Elvire MORELLE à son retour en France : Il s'agit de Nicolas Monami "Fox", un autre Liégeois, qui le fera plus tard rentrer à la Sûreté de l'Etat à Londres.

Le dimanche 1er mars, il est inclus dans un convoi de 24 "Mirandiens" à destination de Gibraltar. Il est devenu le soldat George Young, né à Manchester le 16 février 1896, et y résidant. Ils prennent le train pour Algésiras à la nuit tombée, sous la surveillance de policiers espagnols. Il partage un demi compartiment avec Farman, un Français, fils du célèbre avioneur. Hogan est dans le même convoi. Ils descendent à La Roque, la gare la plus proche de Djebel-al-Tarik (Gibraltar, "la Montagne de Tarik"). Deux camionnettes les emmènent au "Rocher", après un contrôle consulaire où ils récitent tous leurs pseudos.

Il y reprend son identité réelle et passe une visite médicale "éclair". Pris en charge par le bureau belge de liaison, il retrouve un pilote de son escadrille, Haubert et le capitaine Poncelet. Il loge avec un Polonais, Stéphane ?, avec qui il visitera Gibraltar : 30.000 hommes et 800 canons défendent ce rocher. Le troisième jour, il reçoit une tenue anglaise de capitaine et une camionnette vient les prendre pour embarquer sur le "Sobieski", un récent paquebot polonais construit en Italie et transformé en transport de troupes.

Il y retrouve trois autres pilotes de son escadrille : Vandevelde, Siroux et Lelarge, parmi 125 autres Belges (dont Marcel Van Daele). Le 05 mars à 3 heures du matin, le Sobieski prend le large avec un petit torpilleur. Les deux premiers jours, des avions de Gibraltar les escorteront en décrivant des cercles pour détecter des sous-marins. Les exercices de sauvetage rompent la monotonie d'un voyage où Henry fera plus ample connaissance avec Nicolas Monami. Des avions d'Angleterre les escortent les deux derniers jours. Après les chaleurs de Madrid, le froid du fjord enneigé de la Clyde à Greenock, l'avant-port de Glasgow, capitale écossaise, les attend le mercredi 11 mars 42 à 11 heures. La plupart des Belges sur ce bateau ont mis un an pour arriver au Royaume-Uni. Re-visite médicale de quinze secondes, commission d'imigration, commissions militaires. Le vendredi 14 mars, une vedette le conduit enfin à terre.

Ils sont escortés à Londres par des "tommies" en armes. Le 15, leur train arrive à 11 heures dans une petite gare de Londres. Des bus rouges à deux étages les conduisent à l'institution Camberwell. Les Patriotic Schools sont débordées de boulot. Le dimanche 29 mars, un bus les conduit dans cette maison d'éducation pour les filles de marins morts au service du pays. Arrivé depuis une heure, il rencontre d'autres pilotes : Guisgand, Danckers, Potier, de Callataÿ et Dechamps, qui arrivent en hydravion de Lisbonne. Le vendredi 3 avril, il est interrogé vers 10 heures du soir... pendant une heure. Le 4 avril, son nom mal orthographié est affiché aux valves et il rejoint immédiatement le Ministère de la Défense Nationale au 34 Eaton Square, la veille de Pâques.

Il va loger au Cromwell Court Hotel avec le Lt Lodewick... pendant un bon mois. Pour les aviateurs, les Anglais ne veulent que des jeunes, et qui savent très bien parler leur langue. C'est ainsi qu'il reçoit un coup de téléphone de Nicolas Monami, un soir en fin avril 42. Plutôt que de faire du service dans un bureau, il choisit ainsi la voie d'une action clandestine. Il est mis à la disposition de la Sûreté de l'Etat le 22 avril 1942.

Le dimanche 3 mai, il rejoint le bureau de liaison de Charring Cross (Lt Conway), qui l'emmène dans l'express de Manchester. Après 3 ou 4 jours à Wilslow sous le pseudo de Captain Batman, il a son brevet de parachutiste le 08 mai 42. Vers la mi-juin, il rejoint l'école des opérateurs radio pour deux mois. Le vendredi 4 septembre, il a terminé. Le 15, il reçoit une nouvelle radio dont il ne connaît pas la manipulation.

Connaissant le morse depuis son service dans l'Aéronautique, il sera parachuté sans opérateur radio la nuit du 24 au 25 septembre 1942 dans les environs de Ciney. Il lance son réseau et est arrêté en pleine transmission radio à la Rue des Célestines à Liège le 18 février 1943.

Paul Henry sera fusillé le 31 mai 1943 à la citadelle de Liège.


Extrait du "Livre d’Or de la Résistance Belge" (1947)

Il est, sur la route de son évasion, 3 jours (du 6 au 8) en France, 20 jours (du 9 au 1er mars) en Espagne, 3 jours (du 2 au 4 mars) à Gibraltar et 7 jours (du 04 au 11 mars) en mer. 33 jours pour arriver en Angleterre. 3 jours d'attente à bord (11 au 14 mars), 15 jours à Camberwell (15 au 29 mars), 7 jours aux Patriotic Schools (29 mars au 4 avril). 24 jours pour arriver aux FBGB, matricule 5242.


Paul Henry à 16 ans, à l'entrée à l'Ecole des Pupilles de l'armée (ancienne Ecole des Cadets).

Mot de remerciement laissé à Anglet le 7 février 1942.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters