Personne passée à une autre ligne d'évasion

Dernière mise à jour le 4 mars 2019.

Stanley James MOORE /1387099
237 Leytonstone Road, London.
Né le 3 septembre 1921 à Stratford, West Ham District, Essex, Angleterre / † le 1er mars 2002 à Winnipeg, Manitoba, Canada
Sgt RCAF, RAF Bomber Command 7 Squadron, navigateur
Lieu d'atterrissage : Près de Venlo, Pays-Bas.
Short Stirling Mk. I, BK760, MG-X, abattu la nuit du 10 au 11 avril 1943 par Hptm Walter Ehle du II./NJG1 lors d'une mission sur Francfort.
Ecrasé à 03h45 dans le canal Bocholt-Herentals à Tongerlo, 5 km ESE de Bree, Limbourg belge.
Durée : 5 semaines.
Passé en Espagne le 20 mai 1943.

Informations complémentaires :

Rapport d'évasion SPG 3313/1253 - TNA file WO 208/5582 (Appendice C).


Stanley Moore est debout à gauche dans cette photo de 5 membres du Stirling BK760,
prise une semaine avant sa chute.

L'appareil a décollé à 23h31 de Oakington le 10 avril. Il arrive avec un quart d’heure d’avance sur l’objectif et est touché à trois reprises par la Flak. Atteint à nouveau sur le vol du retour, le Stirling se trouve à faible altitude à hauteur de Bree en Belgique lorsque des tirs de mitrailleuses légères l’atteignent dans le milieu et l’avant du fuselage. C’est alors que le Hptm Ehle passe à l’attaque. Les tirs du chasseur allemand atteignent au moins quatre des réservoirs d’aile et les deux mitrailleurs sont probablement tués lors d’une deuxième attaque. L’appareil en feu amorce une remontée avant de plonger vers le sol et d’aller s’écraser dans le canal Bocholt-Herentals sur le territoire de Tongerlo, commune de Bree.

Cinq hommes sont tués et seront enterrés au Heverlee War Cemetery après la guerre : le pilote Sqn/Ldr Humphrey William Albert Chesterman AFC, le Sgt Ernest Tolson (observateur), le Sgt Leslie Ellis (opérateur radio / mécanicien), le Sgt Bernard Stanley George Bugg (mitrailleur) et le Sgt Walter "Wally" Moore (observateur). Un monument aux aviateurs se trouve près du Keyartsmolen, Keyartstraat, Tongerlo.

Donald Ferguson et le navigateur Stanley Moore peuvent s'échapper et rejoindront l'Angleterre.

Une fois atterri, Moore est amené par Jacques BREULS alias "Willem" de Neeroeteren, le beau-frère de Gertrude MOORS. Le 11 avril, Moore est conduit à une seconde maison au 22 Groenstraat, Kloesheuvel à Tongerloo. Il y est aidé par Titta BEMELMANS, l'épouse du docteur Michel GROENEN.

Ferguson l'y rejoint le lendemain. Titta BEMELMANS porte le pseudo de "Bluebird" et est née à Ceylan (en août 1906) de parents planteurs britanniques. Elle cache Moore d'abord dans le jardin et lui donne de la nourriture et des vêtements civils. Dans l'après-midi, elle le guide avec un homme (Albert GIELEN ou Jacques BREULS) à Maaseik à la Villa Aurore, Maastrichtsesteenweg, chez Mme Catharina (Catherine) SALLE née COOLEN, où il passe la nuit du 11 au 12. Le 12 après-midi, il est conduit dans une autre cachette, une ferme à la périphérie de Maaseik.

A 19 heures, une femme de Hasselt prend Moore en taxi jusqu'à la gare et le conduit en train à Hasselt, où ils arrivent vers 22 heures. Cette femme le conduit chez un droguiste au 11 Diesterstraat Hasselt où il est photographié : Henri COLLARIS. Elle le conduit alors chez elle (il s'agit de Clémentine LUCAS, épouse de Lucien COLLIN, au 41 Rue du Démer / Demerstraat à Hasselt) et un homme d'environ 55 ans vient le voir (Lambert SPANOGHE). Cet homme parle assez bien anglais et lui explique qu'il est le chef local de l'organisation "Fernando". Il lui demande ses plaquettes d'identité et son kit d'évasion (qu'il a perdu). Il lui prend aussi son enveloppe de secours et lui pose un tas de questions inscrites sur une espèce de formulaire. C'est le Form E, que Moore remplit et signe. SPANOGHE lui montre aussi la photo du Fl/Lt RCAF Murphy abattu le 3 avril, mais dont il ne sait rien. [Il s’agit du Lt canadien Wilfred L. Murphy, du Halifax DT808, lui aussi passé chez Gertrude MOORS et Lucien COLLIN. Il se fera arrêter près des Pyrénées en juin 1943, passera par la Prison de Fresnes à Paris puis sera envoyé au Stalag Luft 3 en Pologne occupée].

La nuit du 12 au 13 avril, Moore loge chez les COLLIN au 41 Rue du Démer / Demerstraat à Hasselt. Le 13 au matin, il reçoit un costume "sport" gris complet. Lucien COLLIN vient le prendre vers midi. Il parle un peu l'anglais. Ils vont en train à Louvain, puis à Bruxelles. Simone LAMQUIN de Hasselt fait ce voyage avec eux pour connaître l'itinéraire. Moore est remis à "Fernando" dans un café de la capitale. Fernando RADELET lui donne l'impression d'être le patron de la ligne à Bruxelles, mais ne peut parler anglais.

RADELET l'emmène chez Mme Isabelle ANSPACH veuve PAULI au 30 Rue de Naples à Ixelles. Elle a environ 55 ans (née en 1886) et parle très bien l'anglais, tout comme sa fille Dominique qui travaille à la Banque Nationale avec José Cracco.

Son co-équipier Donald Ferguson le rejoint chez Isabelle PAULI le 14 avril vers 17 heures. Ils sont ses deux premiers aviateurs hébergés. Chez Isabelle PAULI, ils reçoivent des vêtements supplémentaires. Fernando RADELET leur rend visite et leur explique qu'il a environ soixante évadés dans sa ligne.

Le 29 à 23h20, Fernando et une femme (Hortense WEETS, épouse de Charles DELLOYE) prennent Moore et Ferguson en charge jusqu'à la gare du Nord avec le Fl/Lt Wilfred Murphy de la RCAF, le Sgt Archie Cowe et deux Polonais. Il s'agit des Polonais Marian Majewski (Offlag IIB) et Jan Zallas (Offlag VIIB), deux officiers d’artillerie, évadés d'Allemagne et aidés eux aussi, entre autres, par Lucien COLLIN.

Les 6 évadés et leurs guides montent à bord du train pour Paris et arrivent à la frontière à Quiévrain, entre Mons et Valenciennes. Tout le monde doit descendre et se faire interroger par un Allemand et des gendarmes (douaniers ?) belges et français. L'officier allemand pose parfois des questions et ne semble pas satisfait, mettant des personnes à l'écart. RADELET explique que ces personnes seront renvoyées en Belgique. Les deux Polonais sont mis à l'écart avec eux. Une fois le tri effectué, et pendant que l'Allemand s'adresse au groupe de mécontents, RADELET s'éclipse avec les quatre aviateurs, passe devant quelques gardes SS et remonte dans le train avec eux. Le train part à 02 heures. Hortense WEETS ramènera les deux Polonais à Bruxelles. Ils seront évacués plus tard et viendront témoigner à la libération en 1944.

Le train s'arrête à Valenciennes et la locomotive doit être réparée. Ils arrivent à Paris à 8 heures. Une femme et deux hommes les y attendent. Ils sortent séparément de la gare du Nord et se retrouvent à un café. Fernando les remet à "Monsieur Paul" (Frédéric DE JONGH).

Ils sont conduits chez Mlle Leslie de BIZIENS, alias "Marquise" au 16 Avenue du Colonel Bonnet à Paris XVIe. Son père est un amiral français. Elle leur dit plus tard qu'elle n'est pas du réseau de Frédéric DE JONGH. Elle fait effectivement partie de la ligne Chauny. Ils y restent jusqu'au 7 mai, mais prennent la majeure partie de leurs repas chez Henriette Benech au 7 Rue Alfred Bruneau, au coin de la rue. Murphy et le "Sgt inconnu de lui" (Archie Cowe) sont emmenés dans une autre maison.

Le 7 mai, on conduit Ferguson et Moore chez Mme MEHUDIN née Marguerite MALPART au 41 Avenue Paul Doumer à Paris XVIe. Maurice MEHUDIN a environ 40 ans et possède une imprimerie. Son épouse fait "environ 26 ans" (née le 5 août 1907). Originaire de Calais, sa belle-sœur est une infirmière anglaise de la Croix-Rouge et habite à "Duniston" (ce doit être Derringstone), Barham, Canterbury : Mrs GOODACHE. Ils sont les premiers aviateurs qu'ils hébergent. [Maurice Georges MEHUDIN, né le 19 septembre 1904, sera arrêté par la suite et partira de Compiègne le 4 juin 1944 à bord du convoi à destination de Neuengamme en Allemagne. Il mourra le 9 juin 1944 à Oranienburg].

Le 15 mai, DE JONGH leur remet leurs cartes d'identité, et 1.000 FF et 250 Pesetas à chacun des deux. Ce même jour, il les prend dans un parc près de l'université et leur présente un lieutenant de l'Armée de l'Air française appellé LABRETTE. En fait, son vrai nom est GEUGEN, son matricule est "537" et il se trouve à Gibraltar le 22 juin. Ils rencontrent aussi un autre Français "LEFORT" dont ils pensent que le vrai nom est DEGOUTTE.

Ce 15 mai, à 19h20, ils prennent un train pour Toulouse. Ils arrivent à Vierzon à 23 heures. Deux officiers allemands montent dans le train et des soldats procèdent à des fouilles. Leur ayant demandé leurs papiers et les ayant étudiés attentivement, un Allemand fait remarquer que leur adresse n'y est pas indiquée et qu'ils doivent aller en queue du train. Il conserve leurs cartes. Ferguson et Moore descendent du côté opposé au quai et remontent au bout du train, loin de la zone des fouilles. Environ une demi-heure plus tard, les haut-parleurs de la gare annoncent que "Robert Garray" (Ferguson) et "Jacques Maure" (Moore) doivent se présenter immédiatement au bureau allemand de contrôle. Ils ne bougent pas. L'appel est répété au bout de 15 minutes. Le guide leur dit qu'ils devraient quitter le train et n'y remonter que quand il redémarrera. Ils vont se cacher dans une cabane à outils le long de la voie. Le train ne part pas. Ils apprennent plus tard que les Allemands ont refouillé le train deux fois, jusqu'en dessous des banquettes. Au départ de la locomotive, ils se ruent (le cheminot les voit et ralentit sa machine) et remontent, puis vont s’asseoir dans leur compartiment sans aucun commentaire.

Le 16 mai à 8 heures, ils arrivent à Toulouse. Il n'y a pas de contrôle à la gare. Ils prennent un petit déjeuner au buffet pendant que leur guide achète des tickets pour Pau. A 10h20, ils grimpent dans ce train vers Pau. Le guide leur explique qu'il y aura un contrôle français qu'il faudra éviter, puisqu'ils n'ont plus de papiers. Vers 14 heures, des officiels descendent sur le quai à Tarbes. Ils arrivent à Pau vers 15 heures, où ils rencontrent un autre guide du réseau. Il avait arrangé d'aller avec eux jusque Oloron, mais il fallait changer d'idée suite à l'absence de papiers. Moore et Ferguson restent alors dans une auberge de Pau jusqu'au 18 mai.

A 15 heures, les deux guides français et nos deux évadés sont pris par un camion allemand de ravitaillement. Le chauffeur est un Espagnol et est accompagné par deux Allemands, dont un est à l'avant et l'autre à l'arrière avec eux. Le chauffeur leur explique qu'ils sont des connaissances qui ont demandé un lift jusque Oloron-Sainte-Marie. A l'approche du contrôle par la police française, ils sont inquiets mais passent sans s'arrêter. Ils arrivent à Oloron vers 16 heures et demi, vont boire un peu de vin avec le chauffeur et les deux soldats allemands, puis se rendent au rendez-vous dans un restaurant.

Un guide Espagnol (Basque ?) amputé d'un bras vient les prendre et les conduit chez lui. L'homme de Pau revient avec un autre guide et ils doivent acheter une paire d'espadrilles à semelle de cordes pour 130 FF. A 23 heures, ils se mettent en marche vers le Sud et traversent Sainte-Engrace, qui est à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest d'Oloron. Vers 09 heures, le guide les abandonne à 200 mètres de la frontière espagnole.

Un guide Espagnol (Basque ?) amputé d'un bras [probablement René DORLANNE alias "Pip, le manchot" de Rion-des-Landes] vient les prendre et les conduit chez lui. L'homme de Pau revient avec un autre guide et ils doivent acheter une paire d'espadrilles à semelle de cordes pour 130 FF. A 23 heures, ils se mettent en marche vers le Sud et traversent Sainte-Engrâce, qui est à une cinquantaine de kilomètres d'Oloron. Vers 9 heures, le guide les abandonne à 200 mètres de la frontière espagnole.

Loin d'être sûrs d'en être si proche, ils demandent à leurs compagnons français de s'adresser à la prochaine maison, mais ils répondent que c'est trop risqué. Moore va alors demander à une ferme et on lui répond qu'ils sont effectivement à 8 Km de l'Espagne. Ils reçoivent de la nourriture à une autre ferme. Les Français prennent peur et veulent retourner à Oloron, mais Moore et Ferguson disent qu'ils vont essayer la traversée de leur côté. Un autre fermier les nourrit et les autorise à dormir dans sa ferme.

Ce 19 mai à 23 heures, ce fermier leur dit qu'il connaît un passeur qui demande 25.000 FF. Comme ils n'ont que 3.000 FF et 1.000 Pesetas ... le guide accepte cette somme et la montre-bracelet de Moore. Il vient avec un camarade et Moore, Ferguson et leur guide partent à minuit. Moore avait cogné sa cheville et avait du mal à marcher. Le 20 vers 06 heures, ils passent en Espagne près du Pic de Lakhoura, passant vraisemblablement par les gorges d'Ujarre. Moore va dans une hutte et confirme qu'ils sont en Espagne. Pendant qu'ils se lavent, des Guardia Civile les arrêtent. Les Français traduisent et ils avouent être des aviateurs. A 16 heures, ils sont conduits à Isaba et enfermés dans une geôle bien sale. Le lendemain à 15 heures, on les conduit en bus à Pampelune, où ils refusent de répondre aux questions et exigent de voir le consul britannique de Madrid. Ils vont à la prison de Pampelune et apprennent plus tard que la Croix-Rouge américaine reçoit leur lettre adressée à l'ambassade de Madrid mais ne fait pas poursuivre.


Document établi par la Police de Pampelune le 21 mai 1943

Le 30 mai, l'attaché militaire américain, le colonel Stephens, apprend leur présence à Pampelune. Le consul britannique est prévenu via le consulat Uruguayen. Le Capitaine Coburn vient les voir le 2 juin. Le 5, ils sont relâchés et vont dans un hôtel à Betelu, où ils rencontrent Michael CRESWELL. Le 10, ils vont en voiture à Madrid et y arrivent le 11. Le 17, ils prennent le train pour Gibraltar. Certains compagnons de détention à Pampelune, et qui avaient traversé avant la mi-mai 43, leur avaient transmis les informations suivantes : Il n'y a pas de contrôle sur l'express Paris-Bordeaux. Il y a moyen de passer sans difficultés en train de Dax à Bérenx, sur la ligne de Orthez. De là, il faut aller à Aïnhoa et prendre la route vers le poste frontière de Dancharia (Dantxaria). Juste avant Dancharia, une carrière de pierres se situe à l'Est de la route. En longeant un pic surmonté de trois croix et passant par des bois, on peut se diriger vers la rivière frontalière (le Lapitxuri). Des pierres permettent sa traversée. Sur l'autre rive, en Espagne, une ferme accepte d'aider les évadés. C'est la description de l'itinéraire vers Jauriko borda. A Aïnhoa, le seul mécanicien du village est Belge, et accepte de passer des fuyards en Espagne pour 3.000 FF par voyage. Le village de Urdax, en Espagne doit être évité, car fréquenté par des soldats allemands en congé.

Stanley Moore et Donald Ferguson arrivent finalement à Gibraltar, qu’ils quittent par avion DC3 - Dakota le 21 juin 1943 en compagnie de Wallace LashbrookAlfred MartinDouglas Hoehn, ainsi que du Sgt F.W. Pinkerton (Lancaster W4858 - SPG 1266) et du P/Off D.G. Ross (SPG 1255 - de l'équipage de John Fitzgerald) évacués vers l'Espagne par les lignes Dromas et Chauny/Bourgogne.

L'avion atterrit le 22 juin 1943 à Whitchurch en Angleterre et Moore et Ferguson sont tous deux interviewés le même jour par le MI-9. Émigré au Canada après le conflit, Stanley Moore s’engage à la fin de l’automne 1947 dans la Royal Canadian Air Force à Oshawa, Ontario. Il restera dans la RCAF jusqu’à son retrait du service militaire à Winnipeg, Manitoba au début des années ’60. Merci à sa petite-fille Holly Adams pour les photos et détails qu’elle nous a communiqués en mars 2019.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters