Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 6 août 2022.

Charles Lloyd SMITH Jr./ O-748267
4511 North-East 38th Street, Portland, Oregon, USA
Né le 16 mai 1916 à San Diego, Californie / † le 22 août 1983 à Bend, Deschutes County, Oregon, USA.
2nd Lt, USAAF 381 Bomber Group 535 Bomber Squadron, copilote
Atterri à Antheit aux environs d'Amay, près de Huy, Province de Liège, Belgique.
Boeing B-17F-DL Flying Fortress, n° série 42-3540, MS-N / "Bacta-th'-Sac", abattu le 1er décembre 1943, lors d'une mission sur Solingen/Leverkusen.
Ecrasé entre Antheit et Ampsin, près de Huy (25 Km à l'Ouest de Liège).
Durée : 9 mois.
Arrêté le 7 mai 1944 à Schaerbeek / Libéré par des troupes britanniques à Beringen le 7 septembre 1944.

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 1660. Rapport d'évasion E&E 1893 disponible en ligne.

Le B-17 décolle de Ridgewell vers 08h00 et Wernersbach rapporte que le moteur n° 2 est touché juste avant d’atteindre Solingen et que le n° 3 ne fonctionne pas normalement. La Forteresse est observée virant pour s’éloigner de la zone de l’objectif juste après le largage de ses bombes.

La cause de la perte de cet appareil n'est pas apparue clairement. Ce qui est certain, c’est qu’il fut attaqué par des chasseurs allemands Fw190 et Me110 sur le vol du retour et que le mitrailleur arrière S/Sgt Edgar G. Delp, grièvement blessé au flanc gauche, à l’avant-bras gauche et dans une cuisse, dut être aidé à évacuer l’appareil. Il se retrouvera à la Prison de Saint-Gilles à Bruxelles avec le pilote Hess et le navigateur Randle également arrêtés, qui constateront qu’il ne fut pas bien soigné ni nourri les 3 premiers jours. Ils le verront pour la dernière fois le 3 décembre lorsqu’il descendra du camion qui le dépose à un hôpital de la Croix Rouge à Bruxelles. Dans une lettre à sa mère datée du 5 décembre, Delp indique qu’il se trouve dans un hôpital et qu’il pourrait être retapé dans quelques semaines, s’attendant à être expédié en Allemagne dès sa guérison. Il est signalé comme décédé de ses blessures le 12 décembre 1943 (apparemment dans un hôpital à Liège.) Il repose au Cimetière Américain des Ardennes à Neupré (Liège), Belgique.

Sept hommes sont faits prisonniers (le pilote 2nd Lt Warren C. Hess ; le navigateur Lt David Sloane Randle ; le radio T/Sgt John F. Regan ; le mécanicien T/Sgt Albert Gardella, d'abord évadé; le mitrailleur ventral, blessé, S/Sgt William Merle Macklin et les mitrailleurs latéraux S/Sgt Philip F. Burke et S/Sgt Allan G. Ludwig.)

Le bombardier  Robert Wernersbachet le copilote Charles Smith seront les seuls à réussir leur évasion.

Charles Smith saute de 6.500 pieds (2.000 m) et retarde l'ouverture de son parachute.

Charles Smith et Albert Gardella sont immédiatement amenés à la ferme Saint-Lambert à Amay, exploitée a l'époque par la famille MARÉCHAL dont le fils Roger ira recueillir les deux Americains cachés dans un sous-bois à Antheit (actuellement sur la commune de Wanze), puis nourris et habillés en civil. À cause des patrouilles et des recherches allemandes, les deux aviateurs restèrent cachés plusieurs jours à la ferme Maréchal. Henri PIRARD etait un ami de longue date de Roger MARÉCHAL et était le chef regional du service Zéro. Le jeune Roger MARÉCHAL, guide Smith et Gardella à Amay.


Charles Smith (à gauche) et Albert Gardella (à droite) chez les Maréchal.
(Photo de Albert Maréchal)

Henri PIRARD (du 5 Rue Paul Janson à Amay) déménage ainsi Charles Smith chez un vieux couple, les ORBAN, et leur enfants Nellie (Nelly) et Émile au centre d'Amay. [La liste des Helpers belges, établie après la guerre en vue de l’octroi de récompenses, mentionne ORBAN Léonard et ORBAN Marcel, tous deux au 3 Rue Paul Janson à Amay. Mlle Nelly y est reprise avec une adresse à la Rue Jean Jaurés à Amay.] Après environ 24 heures, Albert Gardella l'y rejoint, ayant rencontré une nommée Germaine, parente des ORBAN.


De Gauche à Droite : Charles Smith, Nelly Orban, Marcel Orban, Henri Pirard,
Laure Orban, Monique Pirard, Albert Gardella et Roger Maréchal.
(Photo de Albert Maréchal)

PIRARD dispose d'une radio. A noter que la liste des Helpers belges indique qu’Henri PIRARD a été repris en Grade 5, décerné à titre posthume, son dossier étant classé sans suite, aucune famille n’ayant été retrouvée. Il faisait partie du Groupe Zéro. Arrêté, il a fait partie du convoi parti le 9 juin 1944 à destination de Buchenwald. Décédé en déportation au Kommando de Ellrich. La US Medal of Freedom lui sera octroyée à titre posthume en janvier 1949.


fiche de prisonnier d’Henri PIRARD
https://www.fold3.com/image/1/249740266

Après deux semaines, Smith et Gardella sont déménagés chez un Henri qui a une maison attenante à un garage. Là, deux jeunes hommes leur amènent de fausses cartes d'identité et les emmènent à Liège dans une camionnette le 18 décembre. Ils y restent chez le plus jeune et sa mère, puis sont conduits pour la nuit non loin d'une gare qui n'est pas celle d'où ils partent le lendemain pour Bruxelles. Ils dorment chez un professeur de français qui loue des chambres.

Le 19, le jeune homme guide Gardella et Smith à Bruxelles et les conduit dans un café non loin de la gare. Smith y rencontre un petit homme nommé Jean et un autre, plus grand, qui les conduisent chez un coiffeur nommé Georges MEYER au n° 3 Avenue des Armures à Forest. Charles Smith y loge du 19 au 30 décembre et Gardella est hébergé à proximité chez une "Lilly".

Smith est signalé comme ayant été hébergé chez l'avocat Henri NEURAY au 120 Avenue de la Toison d'Or à Bruxelles, puis du 18 au 19 décembre 43 chez Victor PHARAZYN, que vient de recruter Raymond ITTERBEEK, au 14 Rue de Tamines à côté du cinéma Dixy à Saint-Gilles. Henri NEURAY est repris comme «Grade 5» à la liste des Helpers belges, à titre posthume. Il est mort en détention à la Prison de Saint-Gilles.

"Jean" prend Smith et Gardella en ville et leur fait rencontrer une toute petite femme qui pourrait être Aline DUMONT. Ils vont à Etterbeek et Smith rencontre Robert Gilchrist, qui est alors chez Jacques DE BRUYN, au 135 Rue des Confédérés, où Jacques vit avec sa mère. Charles Smith se sépare là de Gardella, qu'il ne reverra plus par la suite.

Smith y rencontre Raymond ITTERBEEK, qui le conduit ensuite chez des gens qui logent un opérateur radio abattu le 1er décembre (vraisemblablement Irving Tatkin). Charles Smith reste loger une nuit chez un homme dont il pense qu’il doit être officier en Belgique. Il passe ensuite chez les parents de Raymond ITTERBEEK (Félicien et Alice RELS) au 67 Avenue Albertyn à Woluwe-Saint-Lambert, puis loge trois nuits (jusqu’au 4 janvier 1944) dans l'appartement en dessous de celui des ITTERBEEK au même 67 Avenue Albertyn, chez Charles GEORIS et Charlotte SCHANTZ. GEORIS est professeur au Collège Saint-Michel à Etterbeek, résistant à l'AS depuis janvier 41 et avait été recruté comme logeur par Raymond ITTERBEEK.

Le 4 janvier, ITTERBEEK est arrêté dans le train vers Lille et Smith pense bien que Gardella était avec lui. Ce n'est pas le cas puisque Gardella est convoyé à Bruxelles par Henri MALFAIT les 10 et 12 janvier chez le Dr Arthur DOCQUIR (qui sera arrêté par la Gestapo chez lui au 41 Avenue du Diamant à Schaerbeek, en même temps que Gardella le 23 janvier 1944). Smith reverra plus tard Raymond ITTERBEEK en prison, en août.

Un petit professeur de Saint-Michel prend alors Smith au n° 42 de la même Avenue Albertyn. Smith y reste du 4 janvier au 6 février. Des archives belges disent qu'il est alors déménagé chez Georges GATHY au 34 Rue des Moissonneurs à Etterbeek.

Il est alors déplacé chez Marie BORISSOWSKY, veuve Paul WETS, au 12 Avenue du Diamant à Schaerbeek où il a logé du 6 février au 8 mai 44. Il part seulement dormir deux nuits ailleurs, chez le père de son beau-fils (MOULINASSE, au 27 Place / Square Armand Steurs à Saint-Josse-ten-Noode).

En février, un homme grand et se faisant appeler "Joe" ou "Robert" vient pour discuter de son évacuation par une ligne néerlandaise. Son signalement correspond à celui du chef de la ligne Dutch-Paris à Bruxelles (selon le MIS-X). Il est suivi ou accompagné de "HEIN", un jeune grand Hollandais qui a travaillé dans les lignes d'évasion entre Paris, Toulouse et le Portugal. Mme WETZ semble connaître HEIN. Ce dernier et un petit type nommé VAN OSS sont en route pour l'Espagne. Smith rencontre également un grand et mince pasteur néerlandais connu comme "Chris", qu'il revoit plus tard en prison. Il doit s'agir sans aucun doute de C.M. (Chris) TEN CATE, un neveu du prédicateur néerlandais A.G.B.TEN CATE.

Vers la fin de février, un certain "Dan" vient annoncer que "Joe/Robert" s'est fait capturer dans une maison avec sept Américains et Hollandais. Nous savons que David VERLOOP, 23 ans, un jeune étudiant hollandais de Utrecht, impliqué dans l’aide à l’évasion, a été arrêté avec des aviateurs dans la nuit du 28 au 29 février 1944, tout comme "Chris", appréhendé, lui, en entrant dans la maison en question. Une explication est que David VERLOOP, avant de se suicider le 7 mars 44 dans le bâtiment de la Gestapo en se jetant du 6e étage, s'était fait passer pour le chef bruxellois de la ligne Dutch-Paris. Il est fort possible qu'il soit ce "Joe/Robert" mentionné dans les rapports. "Dan" n'est autre que Daniel VAN DER MOST van SPIJK, également de Utrecht. Stanley Alukonis rencontrera lui aussi ce même groupe néerlandais. David VERLOOP repose au Nieuw Gemeentelijk Begraafplaats à Zeist, Pays-Bas.

Smith rencontre aussi une femme rousse avec un très fort accent français, qui tente de le persuader de rejoindre la Suisse. Il pourrait s'agir de la "Monique" (Yvonne BIENFAIT ?) qui essaie de faire partir les aviateurs vers les camps Marathon dans les Ardennes.

En avril, Smith rencontre James Toolan en compagnie d'une "Madeleine" (Madeleine MEUNIER du 110 Rue Albert Meunier à Auderghem).

Smith rencontre encore un Russe blanc nommé Peter KRYLOFF et son frère Boris, qui évacuent des Russes en Espagne. La liste des Helpers belges reprend Pierre KRILOFF au 432 Chaussée de Wavre à Etterbeek. C’est sous cette orthographe que P. KRILOFF est repris dans l’Almanach de Bruxelles pour 1939...

Le 5 mai, Smith et Toolan entendent que les ITTERBEEK ont tous été arrêtés sauf la sœur de Raymond, Éliane. Félicien ITTERBEEK avait en poche les papiers pour Smith. Smith est alors immédiatement déménagé chez la mère de Pierre MOULINASSE, époux de la fille de Mme WETZ. Nadia SPRUYT, épouse du Major Pierre MOULINASSE au 27 Place Armand Steurs à Saint-Josse-ten-Noode, sera arrêtée pour cette activité le 8 mai 44 et détenue à Saint-Gilles jusqu'au 3 Sep 44. Elle sera sauvée de la déportation en Allemagne dans l’épisode du "train fantôme". Charles Smith revient le 7 mai chez Mme WETZ, qui appelle Éliane ITTERBEEK. Cette dernière arrive, suivie de près par deux agents allemands qui la filaient, Barte et Weber. Smith est alors arrêté et emmené à l'Avenue Louise (Bureaux de la Gestapo, vraisemblablement ceux du n° 453) avec un domestique juif et enfermé à la cave.

Ses interrogatoires commencent. Il subit la menace habituelle de devoir tout raconter sous peine d'être fusillé comme espion. Devant sa résistance, ses interrogateurs commencent à sortir leurs cartes : Mme ITTERBEEK aurait reconnu le connaître. Smith nie la connaître, elle et Barte et Weber lui expliquent alors tous les endroits par où il est passé durant son évasion avant d'arriver chez les ITTERBEEK. Tout est exact à l'exception d'une erreur. Smith comprend qu'ils cherchent à savoir qui l'a amené à Liège. Devant son refus de parler, il est incarcéré à la Prison de Saint-Gilles.

Le lendemain, il est mis dans la cellule 92 avec trois Belges : un Edgard qui est déporté, Marius ROUSSEAU et Richard GIANNINI. [La liste des Helpers belges reprend un Richard GIAMINI de Frameries, sans autres détails…] Il rencontre Arthur GARNETT, un Anglais condamné à mort depuis deux ans et qui part en Allemagne en juillet.

Le 6 juin, Smith est à nouveau interrogé par Barte et Weber, qui ont trouvé sa fausse carte d'identité. Ils prétendent avoir la preuve de son appartenance à un réseau d'espionnage. Lorsqu'ils lui demandent dans quel raid il a été descendu, il le leur dit. Le reste de l'interrogatoire est un monologue des inspecteurs qui lui disent et montrent ce qu'ils savent. Smith retourne en cellule jusqu'au 22 août. A cette date, il est transféré au camp de Beverlo avec 50 prisonniers civils. Il y fait la connaissance de José GRIMAR (successeur désigné de Yvon MICHIELS à la tête du secteur belge de Comète), qui a été arrêté le 12 mai.

Le 4 ou le 5 septembre, les Allemands évacuent le camp. Le Dr Vandevelde de la Croix-Rouge est en charge du camp, mais il semble qu'il y a encore des SS non loin de là, à Bourg-Léopold. Malgré l'avis de ce docteur, Smith s'enfuit avec José GRIMAR et un certain Marcel GEMOETE. Ils vont d'abord dormir à une ferme. Le lendemain, 7 septembre, ils marchent à travers champs en évitant les Allemands. Ils arrivent à un canal (Albertkanaal / Canal Albert) et voient un pont d'assaut flottant vers Beringen. Après avoir traversé le canal, ils tombent sur une unité britannique. Un Lt Dunaway aide Smith à se rendre à Bruxelles et à trouver place dans un C-47 à destination de Londres où il arrive le 9 septembre.

Smith retournera par ses propres moyens directement à sa base de Ridgewell, avant de remplir son débriefing d'évasion le 11 septembre 1944.

Charles Smith restera un temps dans l’Air Force et atteindra le grade de Capitaine. Décédé en 1983, il repose au Pilot Butte Cemetery à Bend dans l’Oregon, USA.

Merci à Albert Maréchal (le fils de Roger - almamay@outlook.fr) pour les photos et les précisions sur le passage de Gardella et Smith à Amay.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters