Personne cachée jusqu'à la libération

Dernière mise à jour le 29 juillet 2020.

Frederick Albert TUTTLE / 39684902
Santa Maria, Californie.
Né le 18 août 1917 à Fresno, Californie / † le 10 décembre 2001 à Atascadero, Californie.
S/Sgt, USAAF 801 Bomber Group 788 Bomber Squadron, mitrailleur.

B-24-D-70-CO Liberator, 42-40550 du 406 Bomber Squadron, abattu la nuit du 28-29 mai 1944 en mission "OSRIC 60" - largage d'armes et de matériel pour la résistance sur la Belgique, Abattu par un ME-110 au-dessus de Eichem.
Ecrasé à 02h12 dans le hameau de Ashage, à Aaigem, près de Ninove.
Durée : 3 mois
Camps : Beffe, Bellevaux et Acremont

Informations complémentaires :

Rapport de perte d'équipage MACR 5239. Rapport d'évasion E&E 1917.

N'ayant pu apercevoir les signaux de reconnaissance des récepteurs au sol, le pilote fait demi-tour pour rentrer à la base, la mission n'ayant pu être accomplie.

Soudain, un chasseur de nuit allemand les attaque et tire trois salves dans leur direction, endommageant sérieusement l'appareil. Le pilote, le Lt Henry W. Wolcott III, opère une manœuvre pour échapper à l'ennemi, mais une quatrième rafale de celui-ci déchire les réservoirs de carburant sous l'aile droite et traverse le compartiment du navigateur, le Lt William G. Ryckman. De violents incendies se déclarent et Wolcott, ne pouvant contrôler l'avion, donne l'ordre de l'évacuer. Le Hauptman. Josef Krahforst du 2./NJG4 a revendiqué un bombardier quadrimoteur le 29 mai à 02h10 à 1 km au Sud-Ouest d'Aaigem. On peut donc conclure que c'est bien ce pilote qui a abattu le B-24.

Le mitrailleur arrière, le S/Sgt Richard G. Hawkins sera le seul tué. Initialement inhumé au cimetière d’Aaigem, ses restes seront transférés après la guerre au Cimetière Américain des Ardennes à Neupré/Neuville-en-Condroz, près de Liége. Wolcott s'évade quelques jours, est caché à Bruxelles et tombe dans la trappe du traître Dezitter, qui le livre comme tant d'autres, à la Gestapo. Il fera partie du "Train Fantôme" et sera libéré à Bruxelles le 3 septembre 1944. (Son rapport d'évasion = E&E 1877). Avec Wolcott se trouveront également dans ce cas quatre autres membres de son équipage : son navigateur Ryckman, son copilote le Lt Robert F. Auda (E&E 1915), son bombardier le 2nd Lt Wallace Cozzens (E&E 1916) et son radio T/Sgt Dale S. Loucks.

Après leur atterrissage, Ryckman et Cozzens avaient été pris en charge et menés ensemble au Château du Park (Park Kasteel) à Herzele, à quelques km de l'endroit du crash de leur avion. Amenés à Bruxelles le 17 juin, ils sont piégés par la bande de Dezitter, qui opère depuis le "Chenil", et sont arrêtés le 18 juillet par la Gestapo et, comme Wolcott, passent de terribles moments à la prison de Saint-Gilles avant de se retrouver dans le convoi qui ne partira finalement pas vers l'Allemagne ("Train Fantôme").

Trois autres hommes parviendront à s'évader sans être inquiétés : Tuttle, la présente fiche, ainsi que Carmen Vozzella et Dirvin D. Deihl.

Après leur atterrissage, ces trois hommes ainsi que Loucks, sont trouvés dans un bois près de Herzele et amenés à Sint Lievens-Esse dans la maison de Roger SCHOLLAERT, qui parle anglais. Tous les quatre arriveront à Bruxelles (nous ignorons comment) et seront interrogés par Gaston MATTHYS.

Dans son rapport d'évasion, Tuttle raconte qu'après avoir été trouvés dans un bois près de Herzele, lui et ses co-équipiers furent cachés dans la région d'Aaigem. Après une semaine de recherches infructueuses pour les trouver, la Gestapo planta un imposteur, se disant un aviateur australien. Ce nommé MARTENS parcourut les rues d'Aaigem, Ressegem et Burst demandant de l'aide. Elle lui fut d'abord accordée mais on se rendit rapidement compte de sa supercherie et il fut arrêté par la Résistance. Emprisonné dans un puits asséché de la maison d'un des patriotes, Martens parvint cependant à s'enfuir, échappant ainsi à son exécution qui était programmée. Il informa la Gestapo de ce qu'il avait vu à Aaigem notamment et leur indiqua les différentes maisons où il avait reçu de l'aide. La Gestapo arriva dans les trois localités le 21 juillet 1944. Ils y arrêtèrent 19 patriotes, qu'ils interrogèrent en présence de Martens. Des fouilles dans chacune des maisons ne donnèrent rien et les 19 furent conduits à Oudenaarde puis à la prison "Nieuwe Wandeling" à Gand pour être interrogés. Torturés, certains furent relâchés, les autres étant envoyés au camp de Neuengamme en Allemagne dont la plupart ne revinrent pas.

Tuttle est renseigné comme ayant été caché pendant un mois dans un "marché aux poissons" (vraisemblablement Prosper SPILLIAERT). Dale Loucks, quant à lui, était caché dans une chambre à l'étage chez M. et Mme Gaston WAROQUIER à Bruxelles quand dans la nuit du lendemain de son arrivée, un raid de la Gestapo le vit arrêté et envoyé à la Prison de Saint-Gilles (se trouvera également dans le "Train Fantôme".)

Jacques DELHAYE, agent d'hébergement de René PIRART au 14 Rue de Scheutveld à Anderlecht remet Deihl, Tuttle et Vozzella à Yvonne BIENFAIT le 30 juin 44. Claire DE VEUSTER les héberge du 30 juin au 04 juillet, date à laquelle ils partent en voiture pour Namur avec Henri POUPIER.

Tuttle et Vozzella ainsi que Arthur Barton, Frank Robertson, Walter Western et Ray Davis se retrouvent au camp d'Acremont où ils voient bientôt arriver Charles Earnhart, Woodrow Tarleton, Kenneth Sweatman et Richard Irwin.

La première cabane du camp, construite pour une dizaine d'aviateurs ne suffit pas et les jours suivants, les hommes construisent d'autres abris, un coin "cuisine" (avec les cuistots Sweatman et Vozzella), aménagent un garde-manger et un endroit près du ruisseau pour faire la vaisselle et leur toilette. Un jour arrive Gaston, échappé de Bruxelles vu les risques d'arrestation. Après trois ou quatre jours, l'ordre arrive pour la vingtaine d'aviateurs de quitter ce camp pour faire de la place pour de nouveaux arrivants. Parmi ceux-ci, Earnhart se rappelle seulement un pilote de P-38 [ vraisemblablement Leroy Hokinson] et un pilote de P-51.

Leur étape suivante est un camp près de Neufchâteu (La Cornette) au sommet d'une colline juste au Nord de la Semois, tout près de Bellevaux et où Gaston MATTHYS les accompagne. Ils y construisent une cabane suffisamment grande pour les loger tous, de même qu'un réfectoire et un WC. Des villageois leur apportent de la nourriture et des nouvelles du front et les hommes sentent leur libération proche. De violents combats s'engagent à quelque distance du camp entre les forces allemandes et les maquisards. Gaston revient un jour du village avec des échos de la présence de troupes blindées américaines à Sedan.

Un soir, un des villageois qui leur apportait régulièrement de la nourriture arrive avec un soldat du Commonwealth - Earnhart le décrit comme un "Punjab en uniforme britannique" - un homme de corpulence énorme, échappé d'une colonne de prisonniers escortée vers l'Allemagne par des soldats allemands en retraite, dont l'un d'entre eux accepta de fermer les yeux en échange d'un bâton de chocolat proposé par le prisonnier. Dans son récit, retranscrit par sa nièce Joyce, il le nomme "Ahmed Mahemett" d'origine arabe [Il devrait donc s'agir de Mohammed Saleh repris dans une liste des évadés Marathon/Ardennes et au sujet duquel rien n'avait pu être trouvé...] L'homme se révéla être un élément de poids pour aider au parachèvement des installations du camp.

Après quelques jours, le bruit des mitraillades se rapprochant, les hommes s'attendent à être incessamment libérés et le 8 septembre, Gaston, parti au village depuis quelques jours et qu'ils craignaient avoir été abattu, apparaît à l'entrée du camp, les mains en l'air, suivi par un soldat bayonnette au fusil... A cette vue, les évadés s'encourent dans toutes les directions, jusqu'à ce que le soldat leur crie que lui et ses compagnons sont américains... et c'est la délivrance.

Les 22 aviateurs du camp sont transférés en camion vers Paris avec des prisonniers allemands. Le groupe se sépare avant que chacun rejoigne l'Angleterre.


© Philippe Connart, Michel Dricot, Edouard Renière, Victor Schutters